Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, du général Philippe Lavigne, chef d'état-major de l’armée de l’air et de l’espace, sur le projet de loi de finances pour 2021.

 


Mardi
13 octobre 2020

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 07

session ordinaire de 2020-2021

 

Présidence de
Mme Françoise Dumas, présidente


 


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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, nous vous saluons à distance, le contexte sanitaire nous conduisant en effet à procéder à cette audition en visioconférence. Il en sera de même demain, pour l’audition du chef d’état-major de la marine, et jeudi, pour l’audition du chef d’état-major de l’armée de terre. L’audition du chef d’état-major des armées, est, quant à elle, toujours prévue en présentiel.

 

Désormais, afin de respecter les consignes de la Conférence des présidents, les groupes ne pourront être représentés que par la moitié du nombre de leurs commissaires. Les auditions se dérouleront de manière mixte, sauf pour les activités législatives, où il n’est prévu que du présentiel pour permettre le bon déroulement des votes, par exemple au moment de l’examen des avis budgétaires.

 

J’adresse un salut particulier à deux nouveaux députés qui viennent de rejoindre notre commission : Mme Muriel Roques-Étienne, pour le groupe LaREM, ancienne suppléante de notre cher collègue Philippe Folliot, devenu sénateur, et M. Grégory Labille, pour le groupe UDI et Indépendants.

 

Général, c’est un réel plaisir pour notre commission de vous accueillir pour la première fois avec votre nouveau titre de chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, ce que met en évidence le logo affiché derrière vous.

 

Notre commission s’intéresse de longue date aux questions spatiales. J’ai moi-même conduit à Toulouse une délégation parlementaire, il y a peu, sur cette thématique. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir se concrétiser cette évolution proposée en son temps par nos collègues Stéphane Trompille et Olivier Becht, dans leur rapport sur le secteur spatial de la défense.

 

Si, pour l’armée de l’air, la création du commandement de l’espace (CDE) a constitué un moment fort de l’année 2020, celle-ci a d’abord été marquée par la crise sanitaire et ses conséquences. À travers vous, général, et au nom de mes collègues, je tiens d’abord à saluer toutes les aviatrices et tous les aviateurs pour leur action déterminante au plus fort de la crise. Je pense évidemment aux nombreuses évacuations sanitaires réalisées depuis l’étranger, la métropole ou les outre-mer, mais aussi aux initiatives de vos commandants de base, sur tout le territoire.

 

L’année 2020 a aussi été celle de la remontée en puissance capacitaire de l’armée de l’air, avec de nombreuses commandes et livraisons. La ministre des armées, Florence Parly, a d’ailleurs annoncé ici même, lors de son audition budgétaire de mardi dernier, une commande supplémentaire de douze Rafale, pour compenser le prélèvement identique réalisé sur les appareils de nos armées afin de satisfaire la commande grecque. Cette réelle remontée en puissance se poursuivra en 2021, notamment dans le domaine spatial. Nous attendons que vous nous indiquiez si, en la matière, les besoins vous semblent satisfaits.

 

Pour ma part, je souhaiterais connaître votre sentiment sur deux points. Premièrement, alors que la supériorité aérienne des armées occidentales semble de plus en plus contestée, quels sont les principaux défis de modernisation que rencontre l’aviation de combat ? Deuxièmement, alors que nous avons récemment pu constater – et même entendre – que la police du ciel constituait une mission de tous les instants, qu’en est-il de notre dispositif de lutte anti-drones ? Sans plus tarder, général, je vous cède la parole. Nos nombreux collègues, présents en visioconférence ou dans cette salle, auront tout le loisir de vous poser les questions qu’ils jugeront utiles et nécessaires pour compléter vos propos liminaires.

 

Général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous confirme qu’étant donné l’environnement de cette deuxième vague et les dispositions que nous prenons au sein du ministère des Armées pour minimiser les risques sanitaires, je préférais utiliser les moyens modernes de communication, que nous avons employés tout au long de cette année.

 

Je vous remercie de m’accueillir, une nouvelle fois, au sein de votre commission, pour dresser avec vous le bilan d’une année 2020 très singulière – vous l’avez dit, Madame la présidente – et pour dessiner les perspectives de remontée en puissance qu’offre le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, dans le prolongement de la loi de programmation militaire (LPM).

 

Tout d’abord, 2020 est l’année de naissance de l’armée de l’air et de l’espace, sur laquelle je reviendrai, bien évidemment. Cette année a aussi été marquée par la pandémie de la Covid-19, qui a transformé nos méthodes de travail et a montré toute la résilience des armées, mobilisées aux côtés du personnel de santé au service de la Nation.

 

Elle a également été tragiquement endeuillée par la perte du sergent-chef Pierre Pougin, le 28 avril dernier, dans un accident d’hélitreuillage, et de Florian et Noémie, deux jeunes lycéens scolarisés à l’École des pupilles de l’air, le 12 septembre dernier, dans le crash de leur avion DR400.

 

Les menaces n’ont pas faibli, bien au contraire. Je voudrais tout d’abord vous exposer la vision que j’ai du monde aujourd’hui, décomplexé, imprévisible et fortement évolutif, ainsi que la manière dont l’armée de l’air et de l’espace y répond : au cours de cette année, les aviateurs sont en effet restés très engagés, sur tous les théâtres, extérieurs et national, et dans un spectre encore plus large de missions, du renseignement à la haute intensité en passant par la gestion de crise sanitaire et humanitaire.

 

Grâce à la LPM, l’armée de l’air et de l’espace s’est vue délivrer des capacités supplémentaires déterminantes pour nos succès en opérations. Cependant, face à la dégradation rapide et durable du contexte géopolitique et à l’émergence de formes de conflictualité inédites, de nouveaux défis se dessinent, et certains perdurent ; je les aborderai dans la dernière partie de mon propos.

 

Que vois-je dans le monde d’aujourd’hui, avec des yeux d’aviateur ? Je vois tout d’abord un niveau de désinhibition inédit dans l’usage de la force, notamment de la force aérienne et spatiale, qui vise à limiter notre liberté d’action par le recours à des outils de déni d’accès ou des démonstrations de puissance stratégique. En Libye, le déploiement d’avions MiG-29 russes et de systèmes sol-air, rend le théâtre non permissif et entrave toute liberté d’action. Au Levant, face à un regain de tensions, les États-Unis exigent de leurs alliés de ne disposer que d’avions polyvalents pour combattre le terrorisme, tout en garantissant la supériorité aérienne nécessaire à la manœuvre terrestre. La Méditerranée est aujourd’hui le théâtre d’une escalade de tensions. Elle est devenue pour la France une priorité politique, au même titre que le G5 Sahel, en proie à une instabilité accentuée par la situation politique, où l’emploi de l’arme aérienne est encore plus déterminant. Je n’oublie pas la zone indopacifique, qui fait l’objet de rivalités entre grandes puissances. Comme le rappelait le Président de la République, il s’agit d’un axe stratégique pour garantir à la fois nos intérêts économiques et de sécurité. Alors que la France est le seul pays de l’Union européenne géographiquement présent dans la zone, je vous assure que l’attente est forte de la part de nos partenaires, australien, japonais ou indien. Les sujets sécuritaires, humanitaires ou climatiques exigent présence et puissance. L’Airbus A400M est d’ailleurs actuellement déployé en renfort en Polynésie française, bel outil politique de coopération et d’assistance, grâce à ses capacités d’aérotransport et d’évacuation sanitaire.

 

Dans cette désinhibition, nous assistons aussi – ce point est important – à une démonstration stratégique des grandes puissances : les États-Unis déploient des Bomber Task Force de B-2 et B-52, en Grande-Bretagne ou aux Açores ; des bombardiers russes de type Tu-160 ou Tu-142 s’approchent de l’espace aérien de l’OTAN en mer Baltique et en mer du Nord. Notre espace aérien national est certes moins saturé depuis le début de la crise covid, mais il fait l’objet d’une surveillance accrue : outre ces aéronefs russes, à long rayon d’action, qui approchent nos côtes et sont surveillés, voire interceptés en coopération avec les pays européens, nous intervenons sur des avions de tourisme en infraction ou en détresse ; le drone peut également constituer une menace qu’il faut savoir traiter, comme l’ont démontré les incursions sur des aéroports, au Royaume‑Uni ou à Singapour, ou l’attaque du site pétrolier de Saudi Aramco, le 14 septembre 2019.

 

La menace dans la troisième dimension est désormais élargie à l’espace. Nous couvrions une bulle de quinze kilomètres d’altitude. Désormais, notre plafond s’élève à 36 000 kilomètres.

 

Nous assistons à une démocratisation des pays mettant en œuvre des satellites, dont le nombre est passé de 30 à 70 dans le monde en quelques années. Des objets non prédictifs changent d’orbite et se rapprochent. Le commandement de l’espace (CDE) observe depuis quelques mois la manœuvre de deux satellites militaires russes détectés pendant plusieurs semaines à moins de dix mètres l’un de l’autre, et dont l’un aurait libéré un objet propulsé.

 

Face à ces constats, l’utilisation de la troisième dimension produit des effets à plusieurs niveaux : au niveau politique – opération Hamilton en 2018, envoi de Rafale en Méditerranée en août dernier –, au niveau stratégique – dissuasion nucléaire aéroportée, capacité à projeter de la puissance, capacités spatiales – et au niveau opérationnel, dans tout le spectre des fonctions stratégiques, comme le montre l’exemple du drone Reaper armé dans la bande sahélo-saharienne (BSS).

 

Le CDE, créé le 3 septembre 2019, est une belle illustration de cette LPM de remontée en puissance, adaptée aux nouveaux enjeux : 3,6 milliards d’euros sont prévus pour l’espace ; s’ajoute un programme à effet majeur (PEM) de 700 millions d’euros sur la maîtrise de l’espace ; de plus, l’année 2021 sera marquée par des avancées capacitaires concrètes : lancement de la construction des infrastructures du CDE à Toulouse, livraison du satellite d’observation CSO-2, d’une constellation de trois satellites d’écoute CERES et d’un satellite de communication Syracuse IV. À l’image de la montée en puissance du CDE, je tiens à saluer la trajectoire de la LPM qui, après dix ans de baisse continue, présente pour la troisième année consécutive une augmentation des crédits, de 1,7 milliard d’euros en 2021, pour un budget de 39,2 milliards d’euros, dont 22 milliards d’euros pour les investissements en équipements et en infrastructures.

 

La LPM offre également une trajectoire croissante pour les ressources humaines des armées, et des mesures comme le plan Famille et le plan Hébergement, mesures décidées par la ministre des armées, qui participent à la fidélisation de nos aviateurs, moteurs de nos réussites opérationnelles.

 

Cette LPM consolide les leviers dont dispose l’armée de l’air et de l’espace pour répondre aux objectifs politiques de manière réactive, crédible et réversible, en tout point du globe avec une faible empreinte au sol. Nous détenons ainsi trois capacités clés : premièrement, protéger la France et ses intérêts ; deuxièmement, dissuader et permettre la liberté d’action interarmées ; troisièmement, intervenir vite et loin.

 

Nous protégeons la France et ses intérêts – comme vous l’avez évoqué, Madame la présidente – grâce à la posture permanente de sûreté aérienne. La police du ciel, tenue par l’armée de l’air et de l’espace, veille, décolle sous très court préavis, intercepte, identifie et agit pour la protection de notre territoire et de nos concitoyens. En 2020, 305 décollages sur alerte de nos chasseurs et hélicoptères Fennec ont déjà été réalisés pour des pertes de contact radio, des confirmations d’identité, des pénétrations de zones interdites et des assistances en vol. Quatre Mirage 2000-5 de la base de Luxeuil ont également assuré la police du ciel pendant quatre mois dans le cadre des mesures de réassurance de l’OTAN dans les pays baltes.

 

L’armée de l’air participe également aux missions de recherche et sauvetage – 53 vies ont été sauvées en 2019 – grâce à une flotte d’hélicoptère Puma fortement sollicitée et vieillissante. J’en profite pour saluer la commande dans le cadre du plan de soutien aéronautique de huit hélicoptères H225, qui contribueront au renouvellement des Puma, en attendant les douze appareils supplémentaires espérés. Je salue également la modernisation du Rafale F3-R, avec son missile Meteor, garant de notre supériorité aérienne, qui contribue non seulement à la protection des intérêts français, mais aussi aux missions d’intervention, notamment dans le domaine du haut du spectre.

 

C’est donc désormais jusqu’à une altitude de 36 000 kilomètres que nous est confiée la responsabilité de détecter, identifier et agir. Comme je l’ai évoqué, le CDE monte en puissance pour opérer dans, vers et depuis l’espace. Il contribue d’ores et déjà à l’appui aux opérations – le satellite CSO-2 sera lancé en décembre 2020 –, au soutien aux opérations spatiales – le CDE a participé à la surveillance du lancement, en mai 2020, de la capsule américaine Crew Dragon –, à la surveillance spatiale, notamment grâce aux radars GRAVES et SATAM qui ont, par exemple, permis l’évitement d’une collision entre la sonde Helios 2 et un objet spatial, le 22 septembre dernier. À terme, une défense active de l’espace sera mise en place. Un démonstrateur patrouilleur-guetteur dénommé Yoda est ainsi en cours de développement.

 

Au-delà des annonces, la stratégie de défense spatiale française, qui est parue avant celle des États-Unis, a apporté rapidement une grande crédibilité à notre pays. Au-delà des annonces, nous agissons et investissons. J’ai évoqué les nombreuses livraisons capacitaires attendues en 2021. Pour les ressources humaines, l’objectif est de 450 à 500 personnels supplémentaires en 2025. L’infrastructure du CDE à Toulouse, modulaire en 2021, sera définitive entre 2023 et 2025, pour accueillir notamment un centre opérationnel dédié. Toulouse accueillera, en mars 2021, le premier exercice spatial militaire européen, AstérX.

 

Ensuite, l’armée de l’air et de l’espace a la capacité de dissuader et garantit la liberté d’action interarmées. D’abord, elle met en œuvre la composante nucléaire aéroportée, en permanence, depuis 1964. Il y a une semaine, le 6 octobre dernier, nous retirions du service le premier avion C-135, entré en service le 20 janvier 1964 et totalisant plus de 36 000 heures de vol. Il avait servi dès les premières heures de la dissuasion nucléaire française, pendant la guerre du Golfe, et jusqu’à récemment dans l’opération Barkhane.

 

Comme vous avez pu récemment le constater, Madame la présidente, les forces aériennes stratégiques réalisent tout au long de l’année des manœuvres de montée en puissance et de démonstration de grande envergure de la composante nucléaire aéroportée. L’armée de l’air, plus largement, y entraîne ses moyens aériens, de commandement et de contrôle, de défense sol-air, à des scenarii de très haute intensité, qui paraissent de plus en plus envisageables.

 

Une page se tourne, l’avenir se construit, aujourd’hui avec la triade modernisée « missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) – Rafale – avion Multi Role Tanker Transport (MRTT) ». Le troisième MRTT a été livré en juillet 2020 et je salue l’arrivée, fin 2020, des deux premiers A330 que le plan de soutien aéronautique nous octroie. Un troisième A330 sera livré en 2022, puis ils seront convertis en MRTT. Des choix structurants seront également faits à partir de 2021 sur le futur missile ASN4G et le standard F5 du Rafale, qui prédominera.

 

Ces moyens répondent à une logique d’emploi dual, à l’image du MRTT Phénix, qui projette de la puissance, mais qui sauve aussi des vies, dans sa configuration médicalisée Morphée, et projette des forces, jusqu’à près de 260 passagers. Plus largement, les avions de transport de l’armée de l’air permettent le déploiement de personnels et d’équipements, pour de la gestion de crise, comme lors de l’opération Amitié, qui a mobilisé en août les A400M, C-130J, A310, C-160 et MRTT, mais aussi pour des projections de commandos ou de matériel au cœur d’un dispositif ennemi. Un A400M parti de France a ainsi largué 17 tonnes de fret par air au Mali avant de se poser sur la base aérienne projetée de Niamey.

 

Les aviateurs peuvent enfin apprécier en permanence et de manière autonome la situation dans la troisième dimension élargie. Au-delà des capacités spatiales que j’ai abordées, nos moyens dans le domaine de l’intelligence, de la surveillance et de la reconnaissance (ISR) ont été significativement améliorés en 2020 un système Reaper Block 5 a déjà été livré à Cognac et le deuxième système Block 5 est attendu en bande sahélo-saharienne ce mois-ci. Cette nouvelle version disposera de moyens de renseignement optiques et électromagnétiques, en plus de sa capacité armée.

 

Les deux premiers avions légers de surveillance et de reconnaissance patrimoniaux auront été livrés en 2020 et un troisième sera commandé dans le cadre du plan de soutien pour une livraison en 2023, avancée de trois ans. Ces moyens ISR sont particulièrement utilisés aujourd’hui en Afrique et en Méditerranée.

 

Enfin, pour intervenir vite et loin, le couple MRTT-Rafale est une belle illustration de la capacité d’intervention vite et loin de l’armée de l’air, capable en 2023 de projeter dix MRTT et vingt Rafale en quarante-huit heures à 20 000 kilomètres, de manière autonome et pour conduire dans la durée une campagne aérienne. Plus généralement, l’arme aérienne est particulièrement adaptée aux espaces lacunaires à forte élongation, comme la BSS. En témoigne le recours accru à la capacité combinée ISR-frappe, offerte par le Reaper armé depuis décembre 2019, en complément du Mirage 2000D : à ce stade, en 2020, près de 40 frappes ont été menées par ce drone Reaper.

 

Au Levant, où le terrorisme se réactive, tandis que l’Iran et la Turquie déploient des drones dans le Nord de l’Irak et que les chasseurs russes patrouillent en Syrie, le Rafale F3-R nouvellement déployé offre de nouvelles fonctionnalités indispensables pour agir dans un environnement complexe et peu permissif. Il a d’ailleurs effectué son premier tir dans l’opération Chammal le 12 septembre dernier, détruisant une cache d’armes et neutralisant plusieurs terroristes.

 

J’ouvre une courte parenthèse sur la préparation opérationnelle. Dans la troisième dimension, l’entraînement est nécessaire pour préparer les corps et les cerveaux de nos équipages à gérer des situations de combat éminemment complexes, dans un milieu qui n’a rien de naturel pour l’homme, et dans lequel tout va très vite. Des décisions vitales s’y prennent sous fort facteur de charge, à proximité du sol, en patrouille rapprochée et dans des conditions météorologiques parfois hostiles. L’unité de temps décisionnelle là-haut est inférieure à cinq secondes. Tout cela ne s’improvise pas et exige d’entraîner nos hommes et nos machines. La préparation opérationnelle des aviateurs est de ma responsabilité devant le chef d’état-major des armées. Je suis attentif aux moyens qui y sont consacrés : activité, équipement, petits et gros, environnement. En ce sens, la LPM offre une trajectoire favorable ; c’était une nécessité.

 

Demain, nous nous apprêtons à faire face à des engagements plus durs, avec la résurgence des risques de conflits de haute intensité.

 

Le premier défi qu’il me semble important d’anticiper, pour conserver notre capacité à protéger la Nation et ses intérêts, est de disposer d’une aviation de combat dimensionnée en quantité et qualité pour pouvoir répondre aux contrats opérationnels. Le point de passage en 2025 à 129 Rafale est pour cela très important, et les équipements qui l’accompagnent – radars, lance-missiles, pods de désignation, armements – sont tout aussi dimensionnants. Dans un environnement complexe doté de moyens de déni d’accès, l’attrition est en effet à reconsidérer, ce qui justifie d’une masse globale suffisante.

 

Aujourd’hui la masse nécessaire à toute opération d’ampleur est aussi obtenue par le biais d’opérations conjointes, interarmées et interalliées. L’armée de l’air et de l’espace est d’ailleurs au cœur de ces coopérations. La pose de la première pierre, il y a quelques jours, de l’escadron franco-allemand de C-130J à Évreux, par les deux ministres des armées, est un exemple concret de coopération capacitaire et opérationnelle, qui débutera dès l’été 2021, alors que le quatrième et dernier C-130J français a été livré en février dernier.

 

Le commandement européen du transport aérien (EATC), basé à Eindhoven, constitue un second exemple. Il a fêté ses dix ans d’existence le 24 septembre dernier à l’occasion de la passation de commandement entre la France et l’Allemagne. Ce commandement rassemble plus de 200 avions, de 18 types différents et appartenant à sept nations, qui assurent des missions de transport stratégique et tactique, de ravitaillement en vol et d’évacuation sanitaire. Ce commandement est un succès notable de coopération européenne en matière de défense.

 

En Afrique, dans la dynamique du sommet de Pau, l’armée de l’air travaille à renforcer le partenariat militaire opérationnel avec les pays du G5 Sahel, sur les volets de la formation, du renseignement et de la coordination des moyens aériens. Je participerai, à ce titre, en novembre à l’inauguration de l’escale aérienne militaire à l’aéroport de Dakar.

 

Dans le domaine spatial également, la France est engagée depuis 2020 dans la démarche Combined Space Operations, visant l’interopérabilité entre les « Five Eyes », les États‑Unis, le Royaume‑Uni, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande et le Canada, ainsi que l’Allemagne, dans le domaine des opérations spatiales.

 

Demain, cette masse sera décuplée par le combat collaboratif. La connectivité entre les effecteurs de tous les milieux sera nécessaire pour démultiplier les forces et produire un effet de saturation face aux systèmes de déni d’accès avancés. Les travaux en cours sur le système de combat aérien futur s’inscrivent parfaitement dans cette dynamique de combat collaboratif connecté grâce à son architecture de type « système de systèmes ». Il doit permettre à la fois de contrer le nombre et la puissance adverses, tout en défendant ses propres moyens. Il devra également contribuer à la crédibilité de notre composante nucléaire aéroportée. Enfin, il devra évidemment offrir des capacités de décision pour agir plus vite que l’ennemi.

 

La volonté politique très forte qui soutient ce programme a été, je crois, rappelée par la madame la ministre devant vous, il y a quelques jours. La signature d’un contrat entre les trois nations en 2021 sera primordiale pour respecter l’échéance d’un démonstrateur en 2026. Avec mes homologues allemands et espagnols, nous nous rencontrons régulièrement pour converger vers une architecture répondant aux attentes opérationnelles.

 

Mon deuxième défi porte sur le rôle confié à l’armée de l’air et de l’espace, dans une démarche interministérielle, en matière de coordination dans la troisième dimension. Ce rôle est légitimé en particulier par son expertise dans le domaine de la lutte anti-drones, exercée lors des différents dispositifs particuliers de sûreté aérienne. Le caractère résolument interministériel de la mission de sûreté aérienne et les délais très courts des processus décisionnels positionnent naturellement le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) au cœur de cette coordination interministérielle pour la lutte anti-drones. Le retour d’expérience sur la crise covid a d’ailleurs démontré toute la légitimité de ce commandement pour coordonner en situation de crise la manœuvre initiale interzonale des moyens aériens. Pour la lutte anti-drones, nous disposons d’équipements spécifiques de détection et de brouillage, les moyens mobiles de lutte anti-drones (MILAD), acquis et expérimentés en 2019 et encore aujourd’hui ; nous nous employons à compléter cette expertise grâce à un partenariat avec Aéroport de Paris (ADP) et l’Agence de l’innovation de défense (AID), et nous montons en puissance, dans la perspective de la Coupe du monde de rugby en 2023 et surtout des Jeux olympiques de 2024.

 

Un autre enjeu capacitaire majeur dans la coordination 3D est le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), constitué de radars fixes et mobiles, de radios, de centres de contrôle et de conduite des opérations et du système qui les relie. Le programme Air command and control system (ACCS) de l’Otan, confié à Thales Raytheon Systems, est un enjeu majeur pour la coordination des opérations aériennes à l’échelle de l’OTAN. Des progrès notables et de bon augure ont été enregistrés en 2020, à la suite d’un travail en équipe entre les industriels, les armées et la direction générale de l’armement (DGA). Ils permettent d’envisager une mise en service opérationnelle (MSO) avant 2030, si la notification est prononcée en 2021. D’ici là, le système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne (STRIDA) devra être prolongé et mis à niveau, afin de poursuivre les missions permanentes de sûreté aérienne et la conduite des opérations depuis le centre de Lyon-Mont Verdun.

 

Mon dernier défi, qui ne vous surprendra pas, ce sont les aviatrices et les aviateurs. Je ne les oublie surtout pas, ils sont au cœur de mes priorités. La covid a démontré encore une fois leur engagement, leur réactivité et leur efficacité. Je remercie en particulier les mécaniciens qui ont œuvré pendant toute la crise sanitaire pour que les avions volent et que les opérations continuent.

 

L’année 2020 a été très particulière pour les ressources humaines. La conjoncture, temporaire, a induit un nombre moindre de départs, alors que les recrutements ont été finalement peu impactés par la crise, au bénéfice d’un plan de communication actif et une image dynamisante de l’armée de l’air et de l’espace. Le moral des aviateurs est bon, malgré une fatigue légitime liée à la suractivité. En effet, même si l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) a octroyé quelques droits supplémentaires en mécaniciens et opérateurs spatiaux, il manque encore des ressources dans certains domaines – protection des emprises, contrôleurs, informaticiens –, ce qui pèse encore sur les personnels. Je dois aussi maintenir les efforts sur la fidélisation, pour ne pas laisser partir des personnels très qualifiés. C’est tout l’enjeu de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) : mon attention se porte sur la valorisation des compétences spécifiques des aviateurs et sur l’absence répétées de ces compétences.

 

La modernisation des formations constitue un levier important : modernisation, d’une part, des formations initiales, comme la Smart school, et, d’autre part, des formations professionnelles, comme le recours au simulateur de missions PC-21, à Cognac, formidable vecteur de préparation à l’aviation de combat. Le maintien d’une activité satisfaisante contribue également à la fidélisation, ce qui nous ramène à l’effort réalisé sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques. Je ne développerai pas ce point, faute de temps, mais l’armée de l’air et de l’espace travaille en étroite coopération avec la direction de la maintenant aéronautique (DMAé), la DGA et tous les acteurs du domaine, dont les industriels, pour dynamiser les processus et les effets de la réforme. J’y suis très attaché.

 

Enfin, l’accent mis par Madame la ministre sur les plans Famille et Hébergement porte ses fruits. Près de 2500 places de crèches supplémentaires ont été attribuées, un dispositif de prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile a été mis en place, et l’armée de l’air disposera de près de 8 600 lits supplémentaires sur ses emprises entre 2019 et 2025.

 

En conclusion, l’armée de l’air vient de vivre un moment historique en devenant l’armée de l’air et de l’espace. Forte des capacités que lui offre la LPM, forte de ses aviatrices et aviateurs tournés vers l’avenir et forte de ses succès en opérations, elle s’apprête désormais à relever de nouveaux défis : « voir de plus haut, décider plus vite et être plus fort ».

 

Vous êtes, Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, toujours les bienvenus sur nos bases aériennes pour le constater. Je crois malheureusement que le calendrier des auditions ne vous permettra pas d’assister à la présentation des capacités de l’armée de l’air et de l’espace, ce jeudi 15 octobre, sur la base aérienne d’Évreux, mais je vous invite d’ores et déjà, au colloque sur la puissance aérienne et la maîtrise de l’espace, le 24 novembre prochain, à l’École militaire, au cours duquel j’exposerai plus en détail ma vision stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace.

 

Avant de répondre à vos questions, je tenais à vous signaler, comme le veut la tradition, qu’un court film vient de vous être adressé, reprenant le tour de piste que je viens de vous dresser. Vous le recevrez très prochainement.

 

Je vous remercie.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, je vous remercie pour l’ensemble de ces explications. Vos aviateurs et aviatrices sont certes fatigués, mais ils gardent le moral et sont prêts à continuer à assumer toutes leurs responsabilités, dans les meilleures conditions possibles. Je passe immédiatement la parole à nos collègues Christophe Lejeune et Jean-Jacques Ferrara, respectivement rapporteurs pour avis des crédits de l’équipement des forces et de la dissuasion et des crédits de l’armée de l’air et de l’espace.

 

M. Christophe Lejeune. Mon général, nous vous remercions pour votre exposé et ce tour de piste de l’air et de l’espace. J’ai bien compris que l’armée de l’air ne botterait pas en touche en 2023 : vous serez en première ligne, fidèle à votre poste, pour la Coupe du monde de rugby. Nous en étions convaincus ! Mon général, je souhaiterais vous poser trois questions.

Concernant les programmes menés en coopération avec d’autres pays, quel est l’état d’avancement des programmes sur l’Eurodrone, sur le SCAF, sur le futur missile anti-navire (FMAN) et sur le futur missile de croisière (FMC) ?

 

Concernant l’aviation de chasse, vous connaissez mon attachement à la base aérienne de Luxeuil et aux cigognes. Ce faisant, vous pouvez imaginer mon impatience quant à l’arrivée, à l’horizon des années 2030, d’un escadron de Rafale F5. Les perspectives de modernisation de l’avion de combat vous paraissent-elles correspondre aux besoins, alors que la supériorité aérienne des armées occidentales ne cessera d’être de plus en plus contestée ?

 

J’en viens à l’actualisation de la LMP, qui devrait intervenir en 2021. Qu’en attendez-vous ?

 

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Mon général, permettez-moi de vous dire combien c’est un honneur pour moi d’être à nouveau rapporteur pour avis pour le budget de l’armée de l’air. La forte augmentation des crédits alloués à l’action 4 du programme 178 s’explique par la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintenance aéronautique. Environ 7 milliards d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement (AE), notamment pour engager le contrat Ravel 2 pour l’entretien du moteur M88 du Rafale ou encore le contrat d’entretien du SCCOA. Voilà qui va dans le bon sens. Toutefois, nous savons qu’il nous faudra attendre encore avant de percevoir les premiers effets de cette nouvelle organisation du MCO aéronautique.

 

Ma première question porte sur la disponibilité des équipements de l’armée de l’air. Quelles sont les principales fragilités, voire vos sources d’inquiétude ? Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur le MCO ? Vous avez mentionné le travail remarquable effectué par les mécaniciens durant cette période. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

 

Par ailleurs, comme vous le savez, j’ai décidé de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire à la montée en puissance de l’armée de l’air et de l’espace. Pourriez-vous nous faire part de vos perspectives concernant les coopérations que nous pourrions mettre en place dans le domaine spatial ? Quels pays seront nos principaux partenaires, et, à l’inverse, lesquels se révéleront être nos premiers compétiteurs ?

 

M. Jean-Pierre Cubertafon. Madame la présidente, je vous prie d’excuser ce retard, indépendant de ma volonté. Mon général, je n’ai pas pu suivre l’ensemble de votre exposé, peut-être avez-vous abordé le sujet que je vais traiter. Avec mon collègue Jean-Jacques Ferrara, nous avons présenté au mois de juillet les résultats d’une mission flash relative aux hélicoptères des forces françaises. Véritable couteau suisse des forces armées, les hélicoptères sont au cœur de toutes les opérations, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures.

 

Un élément a particulièrement retenu notre attention, à savoir la constance dans l’indisponibilité d’une partie très importante de notre parc d’appareils. Seul un appareil sur trois est disponible. Pourriez-vous nous apporter des précisions ? L’une des raisons avancées est le manque de mécaniciens pour entretenir ces appareils ; ce manque s’élève à plusieurs dizaines de professionnels. Je souhaiterais avoir votre avis sur les mesures relatives à l’attractivité et la fidélisation de ces personnels dans nos armées. Quelles actions pouvons-nous mettre en place pour recruter plus de mécaniciens, et surtout les conserver au sein de nos forces ?

 

M. Jean-Charles Larsonneur. Général, je vous remercie pour vos propos liminaires. Permettez-moi d’avoir tout d’abord une pensée pour nos pupilles de l’air qui ont récemment perdu la vie en Isère. La permanence opérationnelle de l’armée de l’air est intervenue récemment dans le ciel parisien. À cette occasion, je tiens à rendre hommage à vos aviateurs, même si nous avons constaté, avec regret, que les missions de police aérienne de nos armées sont encore relativement méconnues de nos concitoyens.

 

En observant le conflit au Haut-Karabakh, mon attention s’est portée sur les drones suicides ou munitions rôdeuses capables d’attaques saturantes. Je souhaite vous interroger sur nos capacités dans le domaine de la défense sol-air de courte et moyenne portée et de surveillance de la situation aérienne, sur le territoire national comme en opérations extérieures. Comment appréhendez-vous aujourd’hui cette menace ? Par ailleurs, un axe fort de la LPM 2019-2025 est la modernisation du SCCOA, que vous avez évoquée. Les crédits sont en phase avec la programmation. Une nouvelle génération de capteurs est en cours de déploiement et, cette année, dans le programme 146, j’ai notamment observé la livraison de plusieurs radars, la commande du système ACCS, sur lequel vous avez bien voulu nous faire un point de situation, et du système MILAD. Comme vous avez déjà fait un point d’étape sur le système ACCS ainsi que sur l’évolution du SCCOA, je souhaiterais vous interroger sur les effecteurs visant à protéger nos bâtiments et nos bases, sur l’avenir des programmes de système sol-air futurs et la perception que vous avez de nos réponses à moyen et long terme.

 

M. Alexis Corbière. Mon général, je souhaite m’associer à l’hommage rendu par mon collègue Jean-Charles Larsonneur à ces deux jeunes qui ont perdu la vie, alors qu’ils se formaient comme pupilles de l’air à Grenoble.

 

Ma question porte sur le SCCOA. Mon général, vous nous aviez rendu visite le 15 mai 2020. Vous aviez alors admis que nos radars connaissaient quelques fragilités, notamment quant à nos capacités en détection à basse altitude pour les objets lents et de petite taille, comme les drones. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions ? Quelles sont nos capacités réelles de détection ? Pourriez-vous nous donner des précisions sur la mise en service de la nouvelle génération de radars ?

 

M. André Chassaigne. Général, je souhaiterais revenir sur le MCO aéronautique, à la suite des propos de notre collègue Jean-Jacques Ferrara. La barre de disponibilité est à hauteur de 75 % : elle est fort haute. Sera-t-elle tenable, notamment pour les Rafale, après la vente de douze avions d’occasion à la Grèce ? De plus, la mise en concurrence avec les secteurs marchands contraint la DMAé à imposer au Service industriel de l’aéronautique (SIAé) des engagements difficiles à tenir, sans que lui soient donnés les moyens de mener à bien son indispensable révolution technologique, combinée à la révolution numérique.

 

Je vous livre un exemple que je connais bien – la ministre sera en visite, jeudi prochain, sur le site de l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Clermont‑Ferrand. Le contrat C-130 prévoit une disponibilité de 75 % sur quatorze appareils, ce qui représente moins de quatre appareils immobilisés. Les ateliers ne peuvent travailler que sur deux appareils dans le cadre du niveau de soutien opérationnel. Ainsi, des exigences très élevées peuvent venir mettre en difficulté les AIA. Il en va de même pour l’AIA de Bordeaux, mis en concurrence avec Safran pour les contrats relatifs au M88, le moteur du Rafale, tout comme les antennes de Toul et Phalsbourg, qui sont toujours en attente des contrats pour les hélicoptères NH90. Ne courrons-nous pas le risque d’affaiblir la base industrielle et technologique de défense (BITD) publique dans le domaine du MCO aéronautique ?

 

Ma seconde question porte sur les difficultés à recruter, à la suite de la fermeture des écoles de la DGA, des jeunes formés aux métiers de l’aéronautique. Certes, des lycées des métiers, avec des formations aéronautiques, forment des opérateurs. Mais comment former correctement des opérateurs, quand ces établissements ne peuvent pas disposer des aéronefs retirés du service ? La priorité est en effet donnée à la vente des aéronefs d’occasion à l’exportation. Pour citer un cas concret, au sujet duquel je vous ai écrit hier, il est impossible pour le lycée Roger Claustres de Clermont‑Ferrand de se voir mis à disposition des hélicoptères Puma ou Gazelle réservés à la vente, ou fournis sans moteur ou équipements électriques après déconstruction partielle à Châteaudun.

 

M. Yannick Favennec Becot. Mon général, je souhaitais profiter de cet exercice budgétaire, qui consacre l’extension de vos missions à l’espace, pour vous interroger sur les moyens alloués à la problématique de l’occupation croissante de l’espace exo-atmosphérique. Nous avions mis en avant le risque de la densité croissante de l’occupation de cet espace pendant l’examen de la LPM, en amendant le rapport annexé. En effet, la pollution de l’espace exo-atmosphérique est un danger de tous les instants pour nos matériels, pollution que les nuées de satellites, d’une taille miniature, ne vont pas améliorer. Il nous semble que la stratégie de verdissement du ministère peut s’attacher utilement à cette question. Par ailleurs, l’occupation croissante des orbites exploitées et la préséance du primo-arrivant poseront de plus en plus de problèmes quant à notre accès à des positions stratégiques. Dès lors, pourriez-vous nous faire un point sur les moyens supplémentaires et l’état de votre réflexion pour assurer le suivi des objets dans l’espace exo-atmosphérique et limiter, voire réduire, la pollution de celui-ci ?

 

Mme Anissa Khedher. Général, comme mes collègues, je tiens à vous remercier pour vos propos, et, par votre intermédiaire, je souhaite féliciter l’ensemble de vos militaires, qui chaque jour protègent notre espace aérien et interviennent en opérations extérieures. Je souhaitais signaler ici la participation de l’armée de l’air pour évacuer les malades au plus fort de la crise sanitaire au printemps dernier. Ces évacuations sur le territoire national ont demandé, dans l’urgence, de créer de nouvelles passerelles entre les militaires et les civils, dont le Samu, ou encore des entreprises de transport aérien d’urgence comme Oyonnair. Ces passerelles ont nécessité une grande coordination et l’adaptation de chaque organisation aux équipements et aux protocoles des autres, sans doute non sans difficulté. En retour d’expérience, je souhaiterais savoir si cette crise vous a permis de retravailler vos protocoles et de développer de nouveaux modèles de coordination avec vos partenaires civils pour gagner en efficacité, et, le cas échéant, si ces acquis d’expérience ont eu un impact sur le budget 2021 de l’armée de l’air.

 

Général Philippe Lavigne. Monsieur Lejeune, je vous remercie de votre question sur les programmes européens.

 

Le SCAF fait face à deux enjeux, un enjeu opérationnel et un enjeu industriel de construction du système. Une étude conjointe de concept, Joint Concept Study, a été mise en place en 2019. Elle travaille à la définition des architectures envisageables pour répondre aux menaces au-delà de l’horizon 2040 : quel type d’avions, quel type de drone. L’Espagne est pleinement intégrée aux côtés de la France et de l’Allemagne dans cette étude, de manière effective depuis juillet 2020.

 

Nous menons par ailleurs des travaux de nature opérationnelle sur différents piliers : le pilier moteur, le pilier avions, le pilier furtivité, le pilier capteur, notamment. Ces travaux ont été lancés en février 2020, en coopération avec les principaux industriels impliqués. Je suis en liaison permanente avec mes deux autres homologues. La Combined Project Team est active, elle rassemble les Allemands, les Espagnols et les Français, de l’armée de l’air et de l’aéronavale, en lien avec la DGA et les industriels.

 

Enfin, je souligne la nécessite de disposer de démonstrateurs, pour conforter les choix architecturaux et technologiques. Le développement de ces démonstrateurs s’étalera sur toute la période 2021-2026. Afin de respecter les objectifs calendaires, un accord plus engageant doit être signé entre les trois pays au plus tard au printemps 2021.

 

S’agissant de l’EuroMale, projet qui regroupe Espagne, Italie, France et Allemagne, le besoin unanimement affiché est celui d’une capacité drone de moyenne altitude et longue endurance européenne autonome. Ce drone devra pouvoir emporter un nombre conséquent d’effecteurs, qu’il s’agisse de capteurs ou d’armements, pour avoir la capacité, en toute sécurité, d’évoluer dans un espace aérien non ségrégué. Ce projet évolue très favorablement et devrait aboutir prochainement.

 

Le futur missile de croisière FMC remplacera nos missiles SCALP, qui ont par exemple servi lors de l’opération Hamilton en 2018. L’enjeu est la modernisation de notre capacité de frappe dans la profondeur. Le programme FMAN/FMC, qui porte également sur une capacité de frappe anti-navire mise en œuvre par la marine nationale, est conduit de manière bilatérale avec les Britanniques. Après une étude de concept qui a été notifiée en 2017, nous mènerons en 2021 une évaluation conjointe pour définir si nous choisirons un modèle subsonique et furtif ou un autre modèle. Afin de ne pas faire face à une rupture capacitaire, l’armée de l’air et de l’espace souhaite disposer des premiers FMC en 2030, date à laquelle les SCALP rénovés seront retirés du service.

 

S’agissant de l’aviation de chasse et de sa modernisation – ce qui rejoint aussi votre question, Madame la présidente – je rappelle que l’aviation de combat est constituée des avions porteurs, mais aussi de tous les équipements et munitions. Nous avons commandé, depuis le début du programme, 180 Rafale. L’armée de l’air et la marine en disposent actuellement de 152. Nous prévoyons de disposer de la tranche 4T2, qui compte 28 appareils, avant 2025. Comme je l’ai dit, ainsi que Mme la ministre dans son discours devant votre Commission, 129 Rafale sont attendus au sein de l’armée de l’air en 2025, et ce point de passage n’est pas remis en cause. Il est important car parallèlement, douze Mirage 2000C vont être retirés du service à l’horizon 2022. Et 55 Mirage 2000D sur les 70 dont nous disposons, seront rénovés. Nous sommes ainsi engagés dans un mouvement de réduction progressive du nombre de Mirage 2000 qui doivent être compensés par l’augmentation du nombre du Rafale. Nous avons construit un « biseau », pour accueillir la livraison de la cinquième tranche de 30 Rafale entre 2027 et 2030, et permettre la création d’un escadron Rafale sur la base aérienne de Luxeuil, que vous connaissez bien Monsieur Lejeune. Un grand effort est aussi porté sur les équipements plus petits : radars à antenne active (AESA), jumelles de vision nocturne, gilets de combat et radios dont La LPM prévoit l’augmentation.

 

L’aviation de combat connaît une perpétuelle modernisation. En effet, le Rafale F3-R est cours de livraison. Cet avion nous permet de déployer le missile METEOR, arme de supériorité aérienne, et de disposer d’un nouveau pod de désignation et d’observation, TALIOS, lui aussi en cours de livraison.

 

Monsieur Chassaigne a également posé une question sur les douze avions vendus à la Grèce. Cette perspective d’export vers nos partenaires grecs constitue une formidable opportunité, qui plus est indispensable pour notre base industrielle et technologique de défense, car les seules commandes de la France ne suffiraient pas. Ce sera la première fois que nous vendrons des Rafale en Europe, ce qui est très positif. La commande, annoncée par Mme la ministre, de douze nouveaux avions Rafale en remplacement de ces douze avions d’occasion cédés à la Grèce, vient limiter cet impact opérationnel.

 

L’actualisation de la LPM, qui aura lieu en 2021, portera sur la période 2023-2025. Tout ce qui n’est pas encore engagé fait l’objet de mon attention. Je pense naturellement à la maîtrise de l’espace et au programme à effet majeur (PEM) « Action et résilience dans l’espace » (ARES). Plusieurs millions d’euros sont prévus. Nous suivrons de près ces financements, notamment pour construire le commandement de l’espace.

 

S’agissant des ressources humaines, j’attends la consolidation des 900 postes prévus pour l’armée de l’air entre 2023 et 2025, sur les 1 246 prévus par la LPM. Ces 900 postes sont absolument nécessaires dans différents domaines d’expertise, nous y reviendrons.

Concernant la poursuite de la modernisation de la formation aéronautique, l’armée de l’air et de l’espace dispose de 17 PC‑21. Mon objectif est de voir leur nombre augmenter, afin d’effectuer la transition du PC-21 vers le Rafale, et ainsi retirer du service un certain nombre d’Alphajet qui assurent encore cette mission. Dans le cadre du projet « MENTOR », nous souhaitons poursuivre la moderniser de la formation initiale des jeunes pilotes à Salon-de-Provence en optimisant la durée et le nombre d’aéronefs utilisés. Voilà les points principaux de l’actualisation de la LPM.

 

Monsieur Ferrara, je vous remercie pour vos deux questions, sur le MCO et sur les coopérations dans le domaine spatial. Concernant le MCO, plusieurs leviers existent pour augmenter la disponibilité. La DMAé a mis en place des contrats verticalisés : contrat Ravel, pour le Rafale, ou encore Chelem, signé fin 2019 pour nos hélicoptères Caracal, par exemple.

 

Outre le levier industriel, nous améliorons les performances du niveau de soutien opérationnel (NSO), qui concerne les mécaniciens de l’armée de l’air et de l’espace. À Orléans par exemple, nous avons mis en place un plateau technique réunissant, outre les personnels de l’armée de l’Air et de l’Espace, la DMAé et les industriels. Les équipes techniques sont organisées en frontline et en baseline, avec une équipe que je qualifierais de « chirurgiens d’urgence » et une équipe qui traite dans la durée les problèmes rencontrés par nos avions, selon des horaires adaptés, notamment dans le contexte de la covid, mais surtout afin d’augmenter le temps de travail disponible sur nos appareils. La disponibilité est meilleure. La maintenance de l’A400M connaît une dynamique positive, grâce au NSO et à une meilleure coordination entre l’ensemble des intervenants.

 

Pour le Caracal, le contrat Chelem, signé en novembre 2019, prévoit une amélioration de la disponibilité sur une période de dix‑huit mois.

 

Pour le Rafale, nous commençons à ressentir les premiers effets positifs du contrat Ravel, signé mi-2019, notamment dans la résolution des faits techniques.

 

Enfin, s’agissant des Mirage 2000D, leur rénovation limite forcément leur disponibilité, dans la mesure où une partie de la flotte est immobilisée chez l’industriel. Je tiens toutefois à souligner l’extraordinaire travail de nos mécaniciens sur Mirage 2000D et 2000-5, pour être au rendez-vous des opérations et de la préparation opérationnelle.

 

J’en viens aux impacts de la crise sanitaire. Grâce à un travail d’équipe – je pense aux industriels, aux mécaniciens, à la DMAé, à la DGA –, nous avons réussi à réaliser toutes nos missions en opérations, avec un taux de réalisation de 88 % d’heures de vol réalisées par rapport aux prévisions : 95 % pour la chasse, 95 % pour les hélicoptères. Le transport aérien a moins volé, car les frontières d’un nombre important de pays étaient fermées. Nous allons quand même réaliser 95 % de l’activité prévue pour l’A400M. Nous rencontrons en revanche un problème sur le C-130, dont je parlerai ultérieurement.

 

Concernant l’espace, la coopération est très riche. La France dispose d’une crédibilité, industrielle, scientifique – je pense au Centre national des études spatiales (CNES) et à l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) – et surtout stratégique grâce à la stratégie spatiale de défense française. Nous avons adhéré au programme Combined Space Operations, qui regroupe les « Five Eyes » et l’Allemagne, en février 2020. L’objectif est de partager une vision commune sur la détection, l’identification et les opérations spatiales à l’horizon de 2030.

 

Avec l’Allemagne, nous visons in fine une surveillance de l’espace élargie, grâce à une complémentarité des capacités. Les deux ministres ont signé une lettre d’intention, et nous avons mis en place des groupes de travail sur les questions opérationnelles et capacitaires. Nous travaillons beaucoup sur l’échange d’informations.

 

Notre partenariat avec les États-Unis est opérationnel. Nous échangeons beaucoup avec le nouveau commandement de l’espace américain que dirige le général Raymond. Notre coopération est permanente, sur les normes de comportement et sur la communication stratégique.

 

Nous avons aussi un partenariat d’exception avec le Japon, qui offre un important volet civil et souhaite développer un volet militaire, tant dans le domaine de la surveillance que de l’information. Il en va de même pour l’Inde, avec laquelle nous avons conclu un partenariat stratégique, et qui nous sollicite beaucoup pour coopérer dans les mêmes domaines.

 

Monsieur Cubertafon, j’ai déjà répondu sur le MCO, mais vous avez très justement pointé du doigt l’un des leviers de la disponibilité : pour faire voler les appareils, nous avons besoin de mécaniciens, au sein de notre armée de l’air et des autres armées. La modernisation participe de la fidélisation : le Rafale, l’A400M, la montée en puissance du MRTT ou des autres flottes y contribuent. Les formations elles-mêmes doivent être modernes. Nous travaillons actuellement sur le hangar du futur, sur les formations initiales sur le site de Rochefort, dans le cadre de notre projet Smart school, mais aussi sur l’impression 3D. Monsieur Chassaigne évoquait l’AIA de Bordeaux : à proximité, nous disposons d’un site – l’atelier de réparation de l’armée de l’air (ARAA) de Beauséjour – qui pourrait devenir une sorte de ferme d’impression 3D. La fidélisation intègre également des leviers financiers : les compétences spécifiques de nos mécaniciens doivent être reconnues. Cet axe de réflexion est inclus dans la NPRM. Le recrutement est également un facteur à considérer. Nous devons augmenter notre capacité de recrutement : depuis 2019, nous poursuivons un objectif de plus 3 000 recrutements par an, dont un certain nombre de mécaniciens – de toutes spécialités – contre moins de 2 000 recrutements en 2014. Pour fidéliser il nous faut aussi faire évoluer l’activité : un mécanicien est heureux, tout autant qu’un pilote, lorsque les avions volent.

 

Monsieur Larsonneur, vous m’interrogez sur la posture permanente de sûreté aérienne et sur les enjeux de la défense sol-air. Vous avez cité les drones employés dans le conflit au Haut‑Karabakh. Avant tout, il me paraît nécessaire de rappeler l’état des menaces existantes et d’évoquer celles à venir : les drones constituent des menaces furtives ; des menaces hypervéloces existent aussi. Les contrer constitue un enjeu crucial pour aujourd’hui et pour demain. S’ajoutent des menaces manoeuvrantes. Comment les contrer ? Il nous faut jouer en équipe, à l’image de ce que fera le SCAF, en tant que système de systèmes.

 

La première étape consiste à détecter et identifier. La détection rejoint votre question sur la modernisation des capteurs. Nous pouvons disposer de radars en propre, comme la LPM le prévoit, avec seize rénovations de radars haute et moyenne altitude, des radars en basse et moyenne altitude, des contrôles locaux d’aérodromes, des radios et des systèmes pour relier d’autres systèmes. Entre 2020 et 2025, cette partie de la détection sera donc modernisée. La détection se fait également avec les pays transfrontaliers : le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Nous échangeons nos données, et disposons ainsi d’une couverture et d’une profondeur stratégique supérieure.

 

Il nous faut enfin être capables de traiter toutes ces menaces, de la lutte anti-drones jusqu’à la lutte antimissiles, et ainsi d’intervenir dans toutes les couches d’altitude. L’armée de terre met en œuvre des radars de très courte portée et l’armée de l’air et de l’espace des systèmes sol-air de courte et moyenne portées. Le retrait de service du système Crotale NG est prévu d’être prolongé au plus tard en 2027. Il permet une détection en très basse altitude, inférieure à 150 mètres, pour défendre des zones d’intérêt temporaire, des « bulles », comme au G7, des bases aériennes ou des centrales nucléaires. La prolongation de cette capacité à horizon 2030 n’est aujourd’hui pas pris en compte dans la LPM ; il est important de l’inscrire dans son actualisation. Enfin, nous disposons du système sol-air de moyenne portée (MAMBA). Une augmentation de ses capacités est prévue, avec une signature de contrat espérée pour la fin de l’année 2020, des premières livraisons en 2027 et une livraison de huit SAMP/T NG en 2030. Son radar sera plus puissant, il discriminera de plus loin. Le missile ASTER va disposera d’une portée et d’un plafond en altitude accrus, et l’engagement sera beaucoup plus autonome. Voilà qui répond en grande partie à vos questions. L’échéance des JO 2024 est importante, mais j’ai aussi pris un engagement vis-à-vis de l’Otan et de la force de réaction de l’OTAN (NATO response force) en 2022.

 

Monsieur Corbière, concernant la capacité de détection en basse altitude, j’ai en partie répondu. La LPM inclut les acquisitions de radars en basse altitude, fixes ou mobiles, et nous disposons d’une feuille de route pour la détection basse couche, dans le cadre de la sûreté aérienne, qui nous permettra de prendre en compte ce type de détection. Nous en sommes aujourd’hui à la quatrième version du SCCOA, et le SCCOA 5 prévoit le renforcement de cette capacité de détection en basse altitude. Nous attendons l’évolution du radar Giraffe, que nous avions déployé en Arabie Saoudite. Il est nécessaire de jouer en équipe, entre aviation civile et aviation militaire ; en effet, l’aviation civile et les grands aéroports disposent de capacités de détection. L’enjeu est de coordonner l’ensemble de ces radars. Nous y travaillons, notamment avec le CDAOA.

 

Monsieur Chassaigne, nous avons déjà abordé le MCO aéronautique et la question de la disponibilité, avec la vente des douze avions à la Grèce. Nous limitons l’impact opérationnel avec la commande de douze nouveaux avions annoncée par Mme la ministre. Le SIAé est essentiel. Je me suis rendu à Clermont‑Ferrand il y a peu ; Mme la ministre va également s’y rendre. Un nouveau directeur central du SIAé a été nommé. Nous travaillons tous ensemble, DMAé, DGA, SIAé et armée de l’air et de l’espace pour répondre à l’enjeu de disponibilité des matériels aéronautiques. Le C-130H constitue bien un problème qui est pris en compte. Il s’agit d’un vieil avion, qui, comme tout vieil avion, ne disposait pas de système de navigabilité. Le SIAé a récupéré la charge de la maintenance de cette flotte en juillet 2018. Nous avons établi un diagnostic et mené des opérations de maintenance qualifiées en termes de navigabilité. Cela a pris du temps. Le SIAé a cependant réussi à intervenir sur le C-130, avec des moyens et des organisations très modernes.

 

Le SIAé ne peut pas travailler seul. Outre le site de Clermont‑Ferrand, il va s’adosser au site d’Orléans : une équipe du SIAé viendra travailler avec nos mécaniciens sur les C-130. Nous mettons en place un véritable travail d’équipe. Quant à la mise à disposition des matériels, nous y travaillons et avons notamment pu mettre des matériels à disposition de l’École des pupilles de l’air et du site de Rochefort ; nous allons continuer à le faire pour l’ensemble des écoles de formation, et nous solliciterons les industriels.

 

Monsieur Favennec Bécot, vous m’avez interrogé sur la densité croissante et sur le suivi des objets dans l’espace. Le suivi des objets spatiaux est assuré par notre système radar GRAVES, les retombées à risque par notre système SATAM, dont la rénovation est prévue en 2023, et également par certains télescopes, par le biais de coopérations avec les États‑Unis ou l’Allemagne. Actuellement, nous ne menons pas de travaux, au sein de la Défense, sur la gestion des débris, mais nous suivons la question par le biais du suivi des objets spatiaux.

 

Madame Khedher, je vous remercie pour les félicitations que vous avez adressées à nos militaires. La crise sanitaire nous a permis de travailler encore plus étroitement avec nos partenaires, que nous connaissons déjà bien. Le CDAOA met en œuvre une cellule de coordination et de sauvetage. Elle a permis notamment pendant la crise sanitaire de coordonner la manœuvre aérienne des différents organismes, de garantir la sécurité aérienne en particulier lors de multiples arrivées sur des hôpitaux engorgés. Les retours d’expérience ont permis de fluidifier la manœuvre globale et de développer des protocoles pérennes en interministériel.

 

Mme Sereine Mauborgne. Général, au-delà de vos personnels, je souhaite tout d’abord renforcer les remerciements de Mme Khedher à l’ensemble des militaires ayant contribué à l’opération Résilience. Je me suis déplacée à la 36 F, où j’ai pu observer les modifications opérées, notamment sur les hélicoptères, pour procéder à l’électrification des soutes et permettre une bonne ventilation des malades au cours des transports, puisque les batteries d’autonomie étaient jusqu’alors assez peu fiables à cause des différences d’altitude. J’ai très chaleureusement remercié les personnels ; la coopération a été excellente entre le service de santé des armées (SSA), la base et les civils.

 

Je souhaitais évoquer les enjeux sol-air et la lutte anti-drones. Quelle est votre vision en la matière, en tant que responsable de la sécurité de l’espace et des airs ? Cet espace aérien est aussi celui des soldats à terre, puisque la protection de l’espace aérien à Kourou est assurée par l’armée de terre. Est en jeu la commande de nouveaux radars, qui rentreraient dans la bulle connectée, pour notamment compléter cette artillerie sol-air, et éventuellement dans la lutte anti-drones, en tant qu’elle protège les soldats au sol.

 

Mme Patricia Mirallès. Général, je vous remercie pour vos propos, qui mettent en lumière les enjeux et les attentes de l’armée de l’air et de l’espace. Je salue tous nos aviateurs engagés dans les opérations extérieures. Nous évoquons souvent l’opération Barkhane, à juste titre, mais n’oublions pas nos soldats engagés dans l’opération Chammal, qui effectuent des actions d’une très grande importance pour neutraliser les groupes terroristes au Levant.

 

Concernant le programme 146 sur l’équipement des forces, la ligne 6 consacrée à la dissuasion révèle une augmentation de 7,18 % des crédits de paiement (CP) en 2021, passant de 3,8 milliards d’euros à 4,1 milliards d’euros. Pouvez-vous nous indiquer, général, comment seront répartis cette augmentation et les crédits alloués à la dissuasion, entre les forces navales et aériennes. Dans le même temps, la nette baisse des autorisations d’engagement (AE) sur le long terme n’entre-t-elle pas en contradiction avec l’intention du chef de l’État de renouveler les deux composantes, navale et aérienne, de la force de dissuasion à l’horizon 2035 ? Comme annoncé dans son discours à l’École militaire en février dernier, quel rôle notre armée occupera‑t‑elle à long terme dans le domaine nucléaire ?

 

M. Jean-Louis Thiériot. Mon général, je souhaiterais vous interroger sur la commande de dix-huit Rafale passée par la Grèce à la France. Il s’agit d’une très bonne nouvelle, sur le plan symbolique, car l’excellence de la BITD et de la production française est reconnue en Europe, à la suite de l’annonce de la commande de douze nouveaux appareils, et sur le plan stratégique, car la présence française est ainsi renforcée au cœur de l’arc de crise de la Méditerranée orientale. Sur les dix-huit appareils commandés, douze sont d’occasion, et donc retirés de nos effectifs. À quelle échéance comptez-vous les retirer de la mise en ligne ? Quand la commande des douze appareils est-elle censée être passée ? Quand ces nouveaux appareils seront‑ils en ligne ? J’ai entendu dire que ce serait le cas en 2025. Comment allez‑vous gérer la période intermédiaire ? Des Mirage vont-ils rester plus longtemps en escadrille ?

 

Ma question suivante est plus générale et n’est pas liée à cette vente de Rafale. En 2019, vous aviez dit que l’armée de l’air avait besoin de reprendre de la « masse », si je me rappelle bien votre expression. Au-delà du contrat opérationnel – il revient à l’autorité politique de le fixer –, face à la désinhibition que vous évoquiez dans vos propos liminaires, pensez-vous que notre format d’armée de l’air soit suffisant et que des ajustements pourraient être réalisés ? Ce dans les limites, évidemment, des prérogatives de l’autorité politique qui prend les décisions qui s’imposent.

 

Mme Françoise Ballet-Blu. Général, je vous remercie pour vos propos liminaires fort complets et précis. Ma question rejoint celle de mon précédent collègue. Dans le contexte sanitaire actuel, nous serions en droit de nous inquiéter pour l’avenir de notre industrie en général, et pour l’industrie militaire en particulier. Cependant, il y a lieu de se réjouir de la vente récente de Rafale en Inde, ainsi qu’en Grèce, premier pays européen à acheter cet avion de chasse. La Finlande, la Croatie, ou bien encore la Suisse, à des horizons différents, s’intéressent de très près à ce fleuron de Dassault Aviation. Même si vous avez déjà répondu partiellement à cette question, quelles sont selon vous, général, les conséquences opérationnelles attendues à la suite de l’achat des Rafale par la Grèce, et quelles sont vos attentes en termes d’interopérabilité ?

 

Par ailleurs – voyez-y un tropisme lié à ma double nationalité franco-suisse –, pourriez-vous nous dire comment se sont passées les démonstrations dans les Alpes suisses, lors du meeting aérien de Mollis, l’été dernier : qu’est-ce qu’a démontré l’armée de l’air et de l’espace et que permet le Rafale dans le relief particulier de la Suisse ?

 

Mme la présidente Françoise Dumas. N’oublions pas que nous sommes voisins !

 

Mme Natalia Pouzyreff. Général, permettez-moi de vous interroger sur la manière dont vous considérez la future intégration d’armes hypersoniques ou hypervéloces au titre des équipements des forces aériennes, que ce soit en vecteur de charge nucléaire ou conventionnelle. Quel serait le meilleur compromis entre allonge et vélocité ? À ce stade, que pouvez‑vous nous dévoiler sur les options retenues pour l’ASN4G, dont l’entrée en service est prévue à l’horizon 2030 ? Enfin, auriez-vous des informations à nous communiquer à titre comparatif sur les armes hypersoniques développées par d’autres pays, la Chine, la Russie et les États‑Unis ?

M. Bastien Lachaud. Général, un grand nombre des questions de mes collègues ont porté sur l’espace, sur les Rafale et les drones. Je ne vous réinterrogerai pas sur ces éléments qui sont fondamentaux pour l’armée de l’air. Je me contenterai d’une question technique. Nous constatons une forte hausse des AE, de 800 millions d’euros pour l’activité des forces aériennes stratégiques. En quoi ces 800 millions d’euros consistent-ils exactement ? Simultanément, nous constatons, à l’action « Dissuasion » du programme 146, une très nette baisse de ces AE, mais non des CP. S’agit-il d’un transfert du programme 146 vers votre budget de l’activité des forces aériennes stratégiques ? Pourriez-vous nous expliquer précisément les liens entre ces deux lignes budgétaires et leurs évolutions ?

 

M. Jacques Marilossian. Général, récemment, dans un article de DSI magazine que le général de brigade Péna a consacré à la rénovation de notre CDAOA, ce général appelait à la nécessité de s’intéresser au multi-domaines. D’après lui, nous faisons face au retour de puissances étatiques agressives et jalouses de leur souveraineté, qui sont capables de mettre en place des systèmes de défense intégrés de haute technicité, aussi bien défensifs qu’offensifs. Ces systèmes peuvent menacer nos territoires nationaux, notamment notre zone économique exclusive. Notre engagement dans le SCAF, avec notre partenaire allemand, constitue une occasion, pour l’armée de l’air, de repenser ses structures de commandement et de contrôle. Le général Péna estime qu’il faut dépasser la composante aérienne d’un simple C2 « air » multi-domaines, en intégrant en même temps les autres milieux – terre, air, mer, espace, voire cyberespace. Un C2 « air » multi-domaines renforcerait l’efficacité de la chaîne de commandement face aux menaces précédemment évoquées. Dans le cadre du PLF pour 2021, les premiers éléments d’un C2 « air » multi-domaines sont-ils déjà en préparation ?

 

Mme Séverine Gipson. Général, comme vous l’avez évoqué lors de votre présentation, l’arrivée de l’unité franco-allemande devient chaque jour une réalité plus concrète à la base aérienne d’Évreux-Fauville. Je peux en témoigner par l’activité de construction sur la base et la fierté affichée des militaires qui préparent son accueil. L’installation de l’unité débutera progressivement, à partir de l’été 2021 ; en plus de la mutualisation des C-130, il est prévu pour ce projet unique un simulateur de vol dédié à ce nouvel avion. Quel est l’avancement de ce projet ?

 

Mme Carole Bureau-Bonnard. Général, ma question concerne le recrutement des jeunes. La marine va recruter 3 600 jeunes, l’aviation sensiblement le même nombre, et l’armée de terre environ 17 000. Toutes les armées sont confrontées au même problème, celui de l’attractivité des métiers, dont certains sont en tension. Par exemple, le chef d’état-major de l’armée de terre réfléchit à la création d’une école technique pour les sous-officiers. Cette question du recrutement des jeunes, et plus particulièrement pour les métiers en tension, est prégnante. Nous constatons que certaines spécialités sont déficitaires chaque année. Pour corriger ce manque d’attractivité et la concurrence pour attirer les profils recherchés, quelle stratégie pourrait être mise en place pour mieux orienter nos jeunes ?

 

Général Philippe Lavigne. Madame Bureau-Bonnard, l’armée de l’air dispose d’une école destinée aux sous-officiers, l’École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air de Rochefort, qui forme de nombreux jeunes dans différentes spécialités du domaine aéronautique. L’école de Rochefort forme d’ailleurs également les sous-officiers traitant du milieu aéronautique dans l’armée de terre et l’aéronavale. 3 650 jeunes aviateurs ont été recrutés en 2019. La cible pour 2020, crise covid oblige, est de l’ordre de 3000.

Selon une étude récemment publiée, l’armée de l’Air et de l’Espace est l’entreprise préférée des étudiants et jeunes diplômés, dans la catégorie « institutions et établissements publics ». Au classement final des 14 000 jeunes sondés, nous terminons à la trente-troisième place sur 179 entreprises françaises et internationales. L’armée de l’air et de l’espace jouit d’une très grande attractivité.

 

Pour recruter parmi les jeunes générations, il faut proposer des formations attractives, mais aussi des métiers attractifs. Le fait de disposer d’une armée de l’air et de l’espace qui se modernise et est toujours en action, participe de cette attractivité.

 

Madame Gipson, vous connaissez parfaitement la base aérienne d’Évreux qui accueille l’escadron franco-allemand. La première pierre de cet escadron a été posée le 17 septembre dernier, en présence de mesdames les ministres française et allemande. À terme, dix C130-J, six avions allemands et quatre avions français, ainsi que 260 personnels dont 130 Français et 43 Allemands, composeront ce nouvel escadron en juillet 2021. Le centre de formation devrait être opérationnel en 2023, pour participer à la formation des pilotes et des personnels non navigants. Voilà un superbe exemple de programme européen. Il s’agit de la première unité qui connaîtra une réelle intégration des personnels allemands et français.

 

Monsieur Marilossian, le « multi-domaines » désigne notre capacité à unir les trois grands milieux, mais également le domaine spatial et le domaine cyber. Comme pour le SCAF, il faut agir et penser ensemble, pour gagner en vitesse et en supériorité opérationnelle dans tous les domaines. Des études sont en cours au sein de nos armées. Aux États-Unis, il a été confié à l’US Air Force, le soin de mener les études sur le multi-domaines, notamment en ce qui concerne le commandement et contrôle, que nous appelons le « C2 ». Pour la France, le C2 est assuré par le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), sous la responsabilité du chef d’état-major des armées. Le budget 2021 ne prévoit pas de crédits explicitement dédiés à ces études, mais les crédits alloués aux études pour le CDE ou le Commandement pour les opérations interarmées (CPOIA) participent à cette démarche. L’état-major des armées participe à cette réflexion sur l’intégration du multi-domaines.

 

Madame Mauborgne, vous m’avez interrogé sur la lutte anti-drones et les radars sol-air, que nous partageons avec l’armée de terre. Le sol-air très courte portée, comme le Mistral, est mis en œuvre par l’armée de terre. Le sol-air courte portée et moyenne portée est confié à l’armée de l’air et de l’espace, pour sa capacité à être intégré à la troisième dimension. Lorsqu’un dispositif particulier de sûreté aérienne est mis en œuvre, le CDAOA a la responsabilité de gérer la lutte anti-drones, grâce à un ensemble de capacités de très courte, courte et moyenne portées. Comme déjà abordé, la modernisation de ces radars est un réel enjeu opérationnel. La LPM en cours prévoit douze nouveaux radars de basse et moyenne altitude, trois radars d’approche et quatre radars tactiques, les GM 200. L’année 2021 verra le traitement de l’obsolescence du radar Giraffe, radar basse altitude que nous avons déployé en Arabie-Saoudite. La modernisation est réalisée dans une démarche interarmées, au profit du domaine interarmées.

 

Madame Mirallès et Monsieur Lachaud, concernant les crédits de la dissuasion, le PLF 2021 porte le budget à 4,97 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 5 % par rapport à 2020 et correspond à l’augmentation globale du budget de la défense, qui augmente de 1,7 milliard d’euros. La dissuasion représentera 12,6 % des crédits de la mission « Défense » en 2021, contre 12,7 % en 2020. Il s’agit d’une stabilité voulue, maîtrisée sur l’ensemble de la LPM, car nous ne souhaitions pas créer d’effets d’éviction financière sur les moyens conventionnels des armées, qui eux aussi bénéficient d’une certaine stabilité. Le domaine conventionnel représente environ 78 % de l’agrégat « Équipement » et reste donc stable par rapport au volume global du budget. Pour la composante nucléaire aéroportée, l’enjeu est la poursuite de la rénovation à mi-vie du missile ASMPA, et, bien évidemment, la préparation de son successeur l’ASN4G. Des crédits sont aussi dédiés à la poursuite de l’adaptation des moyens de transmission qui représente un réel enjeu, et au MCO des moyens de dissuasion et des infrastructures, soit environ 650 millions d’euros, incluant les moyens de la composante océanique ou aéroportée.

 

Monsieur Thiériot, j’ai déjà évoqué la question des Rafale vendus à la Grèce en réponse aux questions sur l’aviation du combat et à la question de M. Chassaigne. Vous avez rappelé l’opportunité que représente la vente de ces dix-huit Rafale en Europe. Douze seront d’occasion. L’État français travaille actuellement avec la Grèce, son armée de l’air et Dassault Aviation. J’ai reçu mon homologue il y a une petite dizaine de jours ; nous avons examiné ses besoins, eu égard au contexte actuel et au fait que nous connaissons ce partenaire depuis longtemps, partenaire qui détient des Mirage, qui connaît les avions de Dassault Aviation et les moteurs produits par Safran, et dispose d’un très bon niveau opérationnel. Les négociations sont en cours. Nous pourrions suivre la démarche suivante : une première livraison d’appareils d’occasion en 2021, une deuxième en 2022 et une troisième en 2023, et une commande à réaliser au plus tôt pour que la France dispose des douze nouveaux avions en compensation. Les Mirage 2000 sont, pour certains, en bout de potentiel et ne pourront être maintenus. En revanche, nous travaillons de manière active sur la disponibilité des Rafale, qui nous permettra de minimiser cette réduction temporaire de capacité.

 

Monsieur Thiériot, vous avez aussi parlé de masse et de format. Je souhaite que notre aviation de combat soit effectivement modernisée, grâce aux commandes et aux livraisons de Rafale. Mme la ministre a confirmé le jalon de 2025, avec 129 Rafale pour l’armée de l’air, qui verra la livraison de cette tranche dite 4T2 de 28 appareils. L’ambition 2027-2030 inclut 30 Rafale, mais aussi la modernisation du Rafale avec un standard F4 qui apportera des capacités majeures d’engagement (armement), de survivabilité (protection), de connectivité (communications satellitaires), essentiels au maintien de la supériorité opérationnelle. La masse, à terme, sera décuplée par le combat collaboratif connecté qui fonde le principe du SCAF.

 

Madame Ballet-Blu, la question de l’interopérabilité est tout à fait pertinente. Je distinguerai l’interopérabilité technique et l’interopérabilité opérationnelle. Concernant la première, nous travaillons par exemple sur une feuille de route sur la connectivité entre l’Allemagne, l’Espagne et la France. Nous n’attendons pas le déploiement du SCAF. La France disposera ainsi de versions améliorées de son Rafale, comme l’Allemagne et l’Espagne de leurs Eurofighters. Nous essayons de faire converger les feuilles de route pour la connectivité de ces avions de combat, pour que nos appareils puissent discuter plus facilement ensemble, et pour que nous puissions nous rejoindre à l’horizon 2040.

 

L’interopérabilité est également opérationnelle ; outre les opérations menées en coalition, nous menons régulièrement des entraînements de manière conjointe.

 

S’agissant de la Suisse, le Rafale présente des capacités de protection de l’espace aérien adaptées à un pays montagneux, comme l’est également la France. La Suisse recherche également des capacités de souveraineté aérienne, que le Rafale peut offrir grâce à son radar, qui détecte en basse comme en haute altitude, et à son missile, qui assure une supériorité aérienne. Par ailleurs le pod TALIOS permet d’identifier tout ce qui se passe au sol. Le Rafale peut aussi intervenir très rapidement.

 

Madame Pouzyreff, votre question, très pertinente, porte sur l’hypersonique, ou hypervélocité. Il va falloir faire face à cette nouvelle capacité, et en disposer. Tel est l’enjeu des études et travaux en cours sur le remplaçant de notre ASMPA, l’ASN4G, qui vise un équilibre entre allonge et vélocité. Nos missiles doivent aussi être manœuvrables et furtifs. Nos institutions, comme l’ONERA, et les industriels mènent des études poussées sur le sujet. Des expérimentations sont déjà en cours dans des grands pays comme la Chine, la Russie et les États-Unis.

 

Madame la présidente, je crois avoir répondu à l’ensemble des questions.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, mon général, mais elles ont suscité d’autres questions !

 

M. Jean Lassalle. Mon général, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, cher Philippe Lavigne, je suis réellement désolé de ne pas avoir pu participer à l’ensemble de votre exposé ; cependant, ce que j’en ai entendu m’a beaucoup touché. J’étais en retard car je me suis retrouvé au milieu de la manifestation sur le Haut-Karabakh, que je n’ai pu éviter. J’y ai même dit un mot.

 

Les généraux, jusqu’à votre chef d’état-major, ont toujours répondu à nos questions, notamment pour savoir si vous disposiez des moyens nécessaires pour prolonger notre politique au niveau de l’espace et pour lutter contre la cybercriminalité.

 

À l’issue de cette manifestation, aussi encourageante qu’effrayante, je me suis dit que la France était peut-être l’un des seuls pays au monde capable d’éviter le grand embrasement. C’est la raison pour laquelle notre capacité militaire – voyez comme nos frères européens, hélas, se reposent totalement sur nous – est cruciale pour lutter contre la cybercriminalité et encourager une meilleure conquête de l’espace.

 

Mme Laurence Trastour-Isnart. Général, lors de l’une de vos précédentes auditions, vous aviez évoqué la possibilité de constituer un escadron bilatéral franco-allemand d’hélicoptères de transport lourd. Un tel projet est-il toujours d’actualité ? Le cas échéant, quel pourrait être l’impact des décisions des autorités allemandes de reporter le remplacement de cette flotte d’hélicoptères de transport lourd ? En cas d’abandon de la piste allemande, pourrions-nous envisager un partenariat avec le Royaume-Uni ?

 

Général Philippe Lavigne. Monsieur Lassalle, la France souhaite, à travers sa LPM, maintenir un modèle complet et cohérent. Il est crucial de maintenir un modèle capacitaire, mais aussi son emploi opérationnel. Nous sommes l’une des rares nations à pouvoir le faire, non pas seulement sur le territoire national ou européen, mais à l’échelle mondiale.

 

Comme je l’ai dit pour l’espace avec l’Allemagne, il est important que les Européens partagent leurs capacités. Dans le domaine de la surveillance de l’espace, nous ne pouvons pas disposer de toutes les capacités en propre ; il faut fédérer une équipe européenne. Dans le domaine de l’observation de la terre par des moyens spatiaux, la France s’est concentrée sur l’optique, et l’Allemagne s’attache à développer les systèmes radar. Cette complémentarité nous permet de couvrir l’ensemble du domaine, en partageant les capacités.

 

Madame Trastour-Isnart, nous ne possédons pas en propre de capacités dans le domaine des hélicoptères lourds. Un pays comme le Royaume-Uni a mis en place, à Barkhane, des hélicoptères Chinook d’une capacité importante, au profit de notre engagement, équipements qui seront prolongés jusqu’à l’été 2021. Les Danois ont acheminé des hélicoptères Merlin, qui resteront jusqu’à la fin du mois de décembre 2020. C’est ainsi que nous pourrons répondre à des sollicitations de plus en plus importantes à travers le globe. La création de l’escadron franco-allemand est bien une réponse d’équipe, pour partager les capacités : les Allemands mettent à disposition six C-130J, et nous quatre. Nous partageons ces équipements avec du personnel français et allemands.

 

En effet, les Allemands ont décidé de reporter la modernisation de leur flotte d’hélicoptères lourds, ce qui constitue un frein à notre projet. Nous étudions comment agir avec nos voisins britanniques. La LPM connaît une très belle exécution : d’autres projets sont en cours, et d’autres priorités existent à ce stade.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, je vous remercie pour la précision de votre intervention et de vos réponses, qui nous ont permis de faire le tour de la question. Nous pouvons avoir confiance dans la façon dont l’ensemble de vos personnels et militaires participent à ce modèle français, complet et cohérent, dans tous les domaines.

 

Chers collègues, je vous remercie, nous nous retrouverons demain à neuf heures pour auditionner l’amiral Vandier, le nouveau chef d’état-major de la marine. La journée sera dense, nous enchaînerons quatre auditions, qui vous demanderont un niveau d’attention important. Prenez des forces ce soir, pour reprendre nos réflexions et nos travaux demain matin dans les meilleures conditions qui soient !

 

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La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Stéphane Baudu, M. Christophe Blanchet, M. Bernard Bouley, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Meyer, Mme Patricia Mirallès, Mme Natalia Pouzyreff, M. Bernard Reynès, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Gwendal Rouillard, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, Mme Marie Guévenoux, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Josy Poueyto, M. Aurélien Taché, M. Stéphane Trompille

Assistait également à la réunion. - M. Gilles Le Gendre