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Projet de loi

autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités

de la juridiction unifiée du brevet

 

NOR : EAEJ1714670L/Bleue-1

 

 

 

ETUDE D’IMPACT

 

 

 

I-                   Situation de référence

 

1. La convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens[1], qui a été ratifiée par trente-huit États[2], organise l’examen et la délivrance de brevets européens par une organisation internationale sise à Munich, l’Office européen des brevets (OEB)[3].

Les brevets au sens de cette convention sont dits « européens », mais ils constituent en réalité des bouquets de brevets nationaux. D’une part, la protection conférée par la convention de Munich n’a pas d’effet automatique dans l’ensemble des États parties. L’inventeur doit acquitter des taxes de dépôt et de renouvellement dans chacun des pays dans lesquels il souhaite bénéficier d’une protection. Un brevet ne peut en outre être validé qu’après avoir été traduit intégralement dans les langues des États désignés. D’autre part, dans le cas d’une action principale en nullité ou d’une demande reconventionnelle en nullité à l’occasion d’une action en contrefaçon, la juridiction ne peut prononcer la nullité que de la partie du brevet sur le territoire sur lequel la juridiction est compétente.

 

2. Pour ces raisons, l’idée d’un brevet européen à effet unitaire[4] a été évoquée dès 1975. La convention relative au brevet européen pour le marché commun (convention sur le brevet communautaire), signée le 15 décembre 1975[5], prévoyait en effet la création d’un brevet unitaire, mais cette convention n’a jamais pu entrer en vigueur, n’ayant pas atteint le nombre suffisant de ratifications. 


L’accord de Londres sur l’application de l’article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens, signé le 17 décembre 2000[6], a constitué une première étape vers la réduction des coûts liés à la traduction des brevets européens. En effet, l’article 65 de la convention de Munich prévoyait que lorsqu’un brevet n’était pas rédigé dans une de ses langues officielles[7], un État partie pouvait exiger du titulaire du brevet de lui fournir une traduction du brevet dans une de ces langues A partir de l’entrée en vigueur de l’accord de Londres le 1er mai 2008, l’article 65 de la convention de Munich ne pouvait plus être invoqué par un État ayant une langue officielle en commun avec celles de l’OEB, ou par un autre État partie si le brevet avait été délivré dans la langue officielle de l’OEB prescrite par cet État. Par une décision du 28 septembre 2006, le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité de l’accord de Londres à la Constitution, et notamment son article 2, selon lequel « la langue de la République est le français »[8].

L’Union européenne a par la suite concrétisé l’idée d’un brevet européen à effet unitaire en mars 2011 (décision 2011/167/UE du Conseil du 10 mars 2011 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire[9]) par la mise en place d’une coopération renforcée au titre de l’article 20[10] du traité sur l’Union européenne, à laquelle vingt-six États membres de l’Union européenne participent actuellement[11], et qui a abouti à l’adoption de deux règlements le 17 décembre 2012 : le règlement n° 1257/2012[12] créant une protection unitaire par brevet et le règlement n° 1260/2012[13] sur les modalités applicables en matière de traduction. Ces deux règlements sont entrés en vigueur le 20 janvier 2013 et seront applicables à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.


Ces règlements prévoient que :

        la délivrance des brevets européens à effet unitaire est confiée à l’Office européen des brevets ;

        le brevet européen à effet unitaire est un titre unitaire de propriété intellectuelle valable dans l’ensemble des États parties à la coopération renforcée de l’Union européenne ;

        après le dépôt du brevet européen auprès de l’Office européen des brevets dans l’une des trois langues officielles de ce dernier (allemand, anglais, français), cette langue détermine celle de la demande d’effet unitaire. Dans le cas où le demandeur est ressortissant d’un État dont la langue n’est pas l’une des trois langues officielles de l’Office, il pourra rédiger sa demande dans sa propre langue tout en fournissant une traduction dans une de ces trois langues. La traduction est ensuite remboursée par l’OEB pendant une période transitoire. Un dispositif de traduction automatique dans les 24 langues officielles de l’Union doit être mis en place. Du fait de ce régime linguistique, les coûts de traduction sont significativement réduits (de 32 000 euros à 6 400 euros pour un brevet valable dans l’ensemble des États parties à la coopération renforcée[14]).

3. Parallèlement à l’adoption de ces deux règlements, a été signé, le 11 février 2013, un accord international établissant une juridiction unifiée du brevet[15], commune aux États membres de l’Union européenne contractants, afin d’assurer une protection unitaire dans ces États et de lutter contre la fragmentation du marché des brevets et les variations importantes entre les systèmes juridictionnels nationaux préjudiciables à l'innovation. L’ensemble des États membres participant à la coopération renforcée ont signé cet accord, à l’exception de la Pologne, de l'Espagne[16]  et de la Croatie qui n’a rejoint l’Union européenne qu’en juillet 2013.

 

La juridiction unifiée du brevet jouit d’une compétence exclusive pour les litiges civils liés à la contrefaçon et à la validité des brevets européens et brevets européens à effet unitaire. Pendant une période transitoire de sept ans à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord, une action en contrefaçon ou en nullité d’un brevet européen peut encore être engagée devant les juridictions nationales[17] grâce à l’activation d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet.

La juridiction unifiée du brevet comprend un tribunal de première instance, composé d’une division centrale, de divisions locales (jusqu’à quatre par État) et de divisions régionales, communes à plusieurs États. Le siège de la division centrale est sis à Paris et le premier président du tribunal de première instance doit être un ressortissant français[18]. La division centrale comprend en outre deux sections : l’une à Londres et l’autre à Munich. Les affaires sont réparties selon une classification thématique :

        Paris : techniques industrielles, textiles, papier, constructions fixes ;

        Londres[19] : nécessités courantes de la vie, chimie, métallurgie ;

        Munich : mécanique, éclairage, chauffage, armement, sautage, physique, électricité.

La juridiction comprend également une cour d’appel et un greffe, établis à Luxembourg. Le centre de formation des juges est situé à Budapest (Hongrie) et le centre de médiation et d’arbitrage est partagé entre Ljubljana (Slovénie) et Lisbonne (Portugal).

L’entrée en vigueur de l’accord sur la juridiction unifiée du brevet requiert treize ratifications, dont celles des trois États de l’Union européenne dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens étaient en vigueur en 2012, c’est-à-dire la France (ratification notifiée le 14 mars 2014[20]), l’Allemagne et le Royaume-Uni. Au 15 juin 2017, douze États membres ont ratifié l’accord[21] et la procédure de ratification est en cours en Allemagne et au Royaume-Uni.

4. Un protocole d’application provisoire de la juridiction unifiée du brevet a été signé le 1er octobre 2015[22]. Ce protocole permettra de préparer le lancement opérationnel de la juridiction tant sur le plan administratif, financier, que par la formation des juges et des membres du personnel. Il permet l’application des dispositions instituant divers comités (administratif, budgétaire, consultatif).

Le comité administratif, composé d’un représentant de chaque État membre contractant, nommera les magistrats sur la base d’une liste établie par le comité consultatif, composé de juges de brevets et de praticiens nommés par le comité administratif. Les magistrats siégeant à la cour d’appel et au tribunal désigneront respectivement les présidents de la cour d’appel et du tribunal de première instance.

Le presidium constitué des deux présidents, de deux juges de la cour d’appel et de trois juges permanents du tribunal de première instance, nommera le registrar (greffier) et son adjoint. Les directeurs et les personnels administratifs du centre de formation et du centre de médiation et d’arbitrage en matière de brevets seront recrutés par la juridiction unifiée du brevet.

5. La juridiction unifiée du brevet n’étant pas une juridiction de l’UE, mais une juridiction commune aux États membres créée sur la base d’un accord international, le protocole n°7 relatif aux privilèges et immunités de l’Union européenne n’est pas applicable en tant que tel.

L’article 8§4[23] des statuts de la juridiction unifiée du brevet réglait partiellement cette difficulté puisqu’il prévoit que le protocole n°7 s’applique pour les juges de la juridiction unifiée du brevet. Toutefois, seuls les juges étant concernés, il fallait prévoir le régime applicable au greffier, au greffier adjoint, et aux autres personnels de la juridiction. Par conséquent, les États parties à l’accord sur la juridiction unifiée du brevet ont élaboré un protocole spécifique, objet du présent projet de loi, qui précise le régime des privilèges et immunités applicable à la juridiction unifiée du brevet.

6. La notification par le Royaume-Uni de son intention de se retirer de l’Union européenne aura nécessairement des conséquences juridiques sur la juridiction unifiée du brevet. Malgré la volonté manifestée par le gouvernement britannique de mener à son terme la procédure de ratification de l’accord relatif à la juridiction unifiée du brevet, il n’apparaît pas possible, dans la rédaction actuelle de cet accord, qu’il en reste partie après son retrait. La France plaide donc pour que des dispositions permettant d’assurer la sortie ordonnée du Royaume-Uni de la JUB soient incluses dans l’accord de retrait. De telles dispositions ne préjugeront pas d’une éventuelle participation du Royaume-Uni, après son retrait, à l’accord JUB, qui devra être révisé à cette fin.

 

II-                Objectifs du protocole

 

Le présent protocole prévoit en son article 9 l’application du régime des privilèges et immunités de l’Union européenne[24] aux juges ainsi qu’au greffier et au greffier adjoint de la juridiction unifiée du brevet. L’article 10 créé un régime ad hoc pour les membres du personnel employés par la juridiction en qualité de fonctionnaires et les autres agents de la juridiction.

Comme le rappelle l’article 13 du protocole, ce régime de privilèges et d’immunité est destiné à garantir la liberté d’action de la juridiction unifiée du brevet et l’indépendance totale des personnes concernées : « Les privilèges et immunités prévus par le présent protocole ne sont pas établis en vue d’accorder aux personnes qui en bénéficient des avantages personnels. Ils visent uniquement à servir l’intérêt de la Juridiction et notamment à garantir, en toutes circonstances, la liberté d’action de la Juridiction et l’indépendance totale des personnes concernées ».

 

Bien que la juridiction unifiée du brevet ne soit pas une juridiction de l’Union européenne, l’application du régime de privilèges et immunités de l’Union européenne est justifiée par le lien intrinsèque entre la juridiction et le brevet européen à effet unitaire, adopté dans le cadre de l’Union européenne.

 

 

III-            Conséquences estimées de la mise en œuvre du protocole

 

Aucune conséquence environnementale n’est attendue de la mise en œuvre du présent protocole. Il ne porte pas atteinte aux droits des femmes, ni n’aggrave les inégalités entre les hommes et les femmes. Il n’a pas non plus d’impact particulier sur la jeunesse. En revanche, les conséquences économiques et sociales, juridiques et administratives méritent d’être soulignées.

 

  1. Conséquences économiques et sociales

 

Le protocole sur les privilèges et immunités permet le bon fonctionnement de la juridiction unifiée du brevet et du brevet européen à effet unitaire, qui a pour objectif d’accroître l’innovation en Europe et de renforcer la compétitivité des entreprises européennes. Le brevet européen à effet unitaire constitue, en effet, une avancée considérable pour la compétitivité des entreprises européennes, en diminuant le coût de dépôt de brevets et en leur conférant une protection dans l’ensemble des États parties. 

La juridiction unifiée du brevet, dont la compétence s’étendra à la quasi-totalité de l’Union européenne, et qui rendra des décisions valables sur le territoire de tous les États parties, permettra de diminuer les coûts liés aux contentieux en matière de brevets et les frais qui y sont associés (conseils juridiques, frais d’avocat, frais de procédure, etc.), pour le plus grand bénéfice des entreprises européennes, et notamment des PME. La protection des droits de propriété intellectuelle sera ainsi mieux assurée.

 

Par ailleurs, l’établissement de cette nouvelle juridiction permettra de consacrer la ville de Paris comme lieu majeur en matière de propriété industrielle et ne manquera pas de donner lieu à un accroissement de l’activité dans ce domaine par la présence et le séjour à Paris de professionnels européens du contentieux des brevets. Selon le nombre de contentieux, la division centrale pourrait accueillir à terme l’équivalent d’une vingtaine de juges à temps plein et une dizaine d’agents administratifs.

 

  1. Conséquences financières

 

a) Contribution de la France au financement de la juridiction unifiée du brevet et coûts liés à la mise en place du siège à Paris

 

D’après l’article 37 de l’accord sur la juridiction unifiée du brevet, pendant une première période transitoire de sept ans, chaque État membre contribue selon un montant défini en fonction du nombre de brevets européens produisant leurs effets sur son territoire à la date d’entrée en vigueur de l’accord sur la juridiction unifiée du brevet et du nombre de brevets européens au sujet desquels des actions en contrefaçon ou en nullité ont été engagées devant ses juridictions nationales. Un barème provisoire a été adopté par le comité préparatoire en novembre 2014 pour  la mise en place de la juridiction unifiée du brevet en janvier 2018, et devrait être formellement adopté par le comité administratif de la juridiction lors de sa première réunion, dont la date dépendra de l’entrée en vigueur de l’accord sur la juridiction unifiée du brevet. Ce barème devrait être réactualisé en 2018, et prendre en compte les données des trois années précédant l’entrée en vigueur de l’accord sur la juridiction unifiée du brevet.

Pendant ces sept premières années, où l’équilibre financier de la juridiction unifiée ne sera pas assuré par les frais de procédure, la France équilibrera le budget global à hauteur de 18 % environ. À l'expiration de la période transitoire initiale de sept ans, au terme de laquelle il est prévu que la juridiction s'autofinance, si des contributions des États membres contractants restent nécessaires, celles-ci seront déterminées conformément à une clé de répartition des taxes annuelles des brevets européens à effet unitaire applicable au moment où la contribution devient nécessaire. 

La contribution française à la juridiction est couverte par le ministère de la justice à hauteur de 51 % et par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) à hauteur de 49 % à partir d’un fond de concours dédié au financement de la juridiction unifiée du brevet au sein du programme « justice judiciaire »[25]. Elle devrait s’élever à 17,87 % du financement total, soit environ 1,8 million d’euros[26] au total pour les années 2017 et 2018. 

 

Conformément à l’accord sur la juridiction unifiée du brevet[27], la France assurera en outre les coûts liés à l’installation du site parisien de la juridiction, qui recouvrent les coûts immobiliers pour la location des locaux mis à la disposition de la France[28], ainsi que les coûts de fonctionnement hors immobilier, et notamment les dépenses d’acquisition des équipements nécessaires. L’ensemble de ces coûts est estimé à 290 000 euros[29]. Pendant la période transitoire de sept ans, la France mettra à la disposition de la juridiction unifiée le « personnel d’appui ».

 

 b) Impact financier des exonérations fiscales prévues par le protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet

 

L’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l’article 7 par. 2 a) sur « tout achat substantiel de biens et services nécessaires et fournis pour les activités officielles de la Juridiction » ne devrait pas avoir d’impact financier pour la France. En effet, l'organisation de la JUB étant centralisée à la cour d'appel au Luxembourg, les dépenses opérationnelles, au sens de l’article 37 de l’accord, seront engagées par le greffier au Grand-Duché du Luxembourg. Pour ce qui est des dépenses effectuées par la France en tant que pays hôte, elles seront effectuées par la direction des services judiciaires et ne relèveront pas de l'exemption fiscale prévue au protocole sur les privilèges et immunités.

Les juges, les greffiers et le personnel de la juridiction unifiée du brevet sont exonérés des cotisations obligatoires aux régimes d’assurance-maladie et de sécurité sociale nationaux. Toutefois, ils seront pris en charge par un système de sécurité sociale propre à la juridiction, financé grâce à un impôt interne au profit de cette dernière. L’impact financier de ces exonérations sera donc nul pour le budget national affecté au financement de la juridiction.

Le tableau ci-dessous a pour objet d’évaluer les conséquences financières dues à la perte de recettes dans le budget de l’État du fait des exonérations fiscales octroyées, les juges, le greffier et son adjoint, ainsi que le personnel de la juridiction étant exonérés d’impôts nationaux sur les traitements, salaires et émoluments versés par la juridiction, à l’exception des pensions et rentes (article 9 et 10). Le personnel administratif mis à disposition de la France ne bénéficie des exonérations fiscales qu’après la période transitoire initiale de sept ans.

 

L’impact financier prévisionnel de cette exonération d’impôt sur le revenu, pour le budget de l’État, est le suivant (il est déterminé selon le barème 2017 de l’impôt sur le revenu) :

 

Années

Nombre de juges en ETP (Equivalent Temps Plein)

Nombre d’agents administratifs

Impact financier

Année 1

4,5 ETP

0

261 418 €

Année 2

6,5 ETP

0

377 604 €

Année 3 et suivantes

10,5 ETP

0

609 976 €

Année 8 et suivantes

10,5 ETP

4 gestionnaires de cas

3 assistants secrétaires

653 370 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N.B. : ces calculs ont été faits sur la base d’hypothèses de contribuables célibataires sans enfants ni personnes à charge.

A noter, par ailleurs, que la France n’est pas tenue d’accorder les privilèges prévus pour les membres du personnels à ses propres ressortissants ou à toute personne qui, juste avant son entrée en fonctions auprès de la juridiction, résidait en France, conformément à l’article 10 du protocole sur les privilèges et immunités. 

 

 

  1. Conséquences juridiques 

 

a)     Articulation du protocole avec les accords ou conventions internationales existantes

 

Le présent protocole a pour but de préciser le régime des privilèges et immunités dont bénéficient les juges, les greffiers ainsi que le personnel administratif des différentes instances de la juridiction créée dans le cadre de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet signé le 19 février 2013[30]. Cette juridiction a la qualité d’organisation internationale dotée de la personnalité morale dans chacun des États membres contractant.

 

b)     Articulation du protocole avec le droit de l’Union européenne

 

                 L’article 9 du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet assure l’articulation entre le présent protocole et le protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne annexé au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) :

 

* l’article 9§1 précise que les privilèges et immunités des juges de la juridiction unifiée du brevet sont régis par le protocole 7 de l’Union européenne, par un renvoi vers l’article 8 des statuts de la juridiction unifiée du brevet[31] renvoyant lui-même au protocole n° 7.

 

* L’article 9§2 étend l’application du protocole n° 7 de l’Union européenne au greffier et au greffier adjoint en indiquant que désormais l’article 8 des statuts de la juridiction unifiée du brevet et le protocole n° 7 s’appliquent à eux. 

 

* L’article 9§3 précise que seuls les articles 11, points b à e, à 14 du protocole n° 7 de l’UE doivent être appliqués par analogie aux juges et désormais au greffier et au greffier-adjoint, et reprend les dispositions fiscales contenues dans le protocole n° 7. A ce titre, il assujettit les juges et les greffiers à l’impôt interne au profit de la juridiction sur leurs traitements, salaires et émoluments et les exonère de l’impôt sur le revenu. Cet article règle aussi les dispositions relatives à leur assujettissement aux prélèvements nationaux sur les pensions et au régime d’assurance-maladie propre à la juridiction.

 

En revanche, les privilèges et immunités dont jouissent les autres membres du personnel de la juridiction unifiée du brevet et les représentants des États parties ne sont pas régis par le protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne.

 

                 S’agissant des exonérations d’impôts directs et indirects, ainsi que des droits de douane, dont bénéficie la juridiction unifiée du brevet pour ses avoirs et ses biens :

 

 

* la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la directive TVA[32]) prévoit que des exonérations de taxe peuvent être prévues, par des accords de siège, pour les livraisons de biens et les prestations de services destinées à une organisation internationale.

Il ressort, d'une part, de l'article 143, sous g), de la directive TVA que « [l]es États membres exonèrent les (...) importations de biens effectuées par les organismes internationaux reconnus comme tels par les autorités publiques de l'État membre d'accueil ainsi que par les membres de ces organismes, dans les limites et sous les conditions fixées par les conventions internationales instituant ces organismes ou par les accords de siège ». Il ressort, d'autre part, de l'article 151, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA que « [l]es États membres exonèrent les (...) livraisons de biens et les prestations de services destinées aux organismes internationaux reconnus comme tels par les autorités publiques de l'État membre d'accueil ainsi qu'aux membres de ces organismes, dans les limites et conditions fixées par les conventions internationales instituant ces organismes ou par les accords de siège ».

 

* le règlement (CE) 1186/2009 du conseil du 16 novembre 2009[33] relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières, article 128 (point b), autorise par ailleurs les États membres à octroyer des « franchises relevant de privilèges d’usage accordés en vertu d’accords internationaux ou d’accords de siège auxquels est partie contractante soit un pays tiers, soit une organisation internationale, y compris les franchises accordées à l’occasion de réunions internationales ». 

 

Cet accord est donc pleinement compatible avec les engagements de l’Union et le droit européen.

 

c)      Articulation du protocole avec le droit interne

 

Cet accord n’appelle aucune modification du droit interne français ou l’adoption de dispositions législatives ou réglementaires nouvelles.

 

Les dispositions relatives à la création et au fonctionnement de la juridiction n’auront pas à figurer dans le code de l’organisation judiciaire[34]. Ce code régit en effet l’organisation et le fonctionnement des juridictions judiciaires de l’ordre interne, à l’exclusion des juridictions internationales, européennes ou de l’Union européenne car elles n'émanent pas de l'administration d'État, mais d'autres organisations internationales (Union européenne, Conseil de l’Europe, Nations unies…).

 

Les activités de la juridiction unifiée du brevet seront toutefois soumises aux lois et règlements de la République française, sous réserve des différentes immunités prévues par le protocole, notamment en matières pénale et civile, qui bénéficient :

 

- à la juridiction (articles 2 à 5 et 7 du protocole) : inviolabilité des locaux (article 3), des archives et de tous papiers et documents (article 4) ; immunité de juridiction et immunité d’exécution de ses avoirs, biens et fonds (article 5) exonérations fiscales sur les impôts directs et exonération ou remboursement de la TVA sous conditions (article 7) ;


- à son personnel (article 10) et aux représentants des États parties collaborant aux réunions de ses différents comités (article 6).

 

Par ailleurs l’article 10, paragraphe 2, prévoient pour les membres du personnel un régime d’exonération fiscale sur les traitements, salaires et émoluments versés par la juridiction  et en matière de cotisations obligatoires aux régimes d’assurance-maladie et de sécurité sociale, dès lors que la juridiction aura établi un système d’imposition interne et un régime d’assurance-maladie et de sécurité sociale

Les juges et greffiers bénéficient des privilèges et immunités prévues par le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, par renvoi de l’article 9 du présent protocole.

Les États parties ne sont pas tenus d’appliquer les avantages résultants de l’article 10, paragraphe 2, du protocole aux membres du personnel qui sont leurs propres nationaux ou résidents permanents.

 

IV –  Historique des négociations

 

Les négociations du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet ont commencé en 2014. Le projet de protocole a été rédigé et négocié dans le cadre des réunions du comité préparatoire chargé de la mise en place de la juridiction unifiée du brevet, qui est parvenu à un accord en février 2016.

 

V – État des signatures et ratifications

 

Le protocole a été signé à Bruxelles le 29 juin 2016 par douze États membres de l’Union[35], auxquels se sont ajoutés la Bulgarie le 20 juillet 2016 et le Royaume-Uni le 14 décembre 2016. Il reste ouvert à la signature jusqu’au 29 juin 2017. Passé ce délai, les Etats membres de l’Union non signataires pourront y adhérer.

Le protocole est soumis à ratification des Etats signataires. Il entrera en vigueur 30 jours après le dépôt de leur instrument de ratification par les quatre Etats accueillant sur leur territoire une des instances de la juridiction unifiée du brevet : France (siège de la division centrale du tribunal de première instance), Luxembourg (siège de la cour d’appel), Allemagne et Royaume-Uni (sections de la division centrale du tribunal de première instance) (voir supra I).

Au 20 juin 2017, le protocole n’a été ratifié que par les Pays-Bas.

 

VI -  Déclarations ou réserves

 

Le Gouvernement français n’envisage pas de faire de réserve ou de déclaration.

 

 


[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000303661

[2] Cette convention a été ratifiée par les 28 États membres de l’Union européenne ainsi que dix autres pays, dont la Norvège et la Turquie : https://www.epo.org/about-us/organisation/member-states_fr.html

[3] https://www.epo.org/about-us/office_fr.html

[4] Alors que l’actuel brevet européen délivré par l’Office européen des brevets éclate après sa délivrance en un faisceau de titres nationaux soumis à des régimes divers de lois et procédures nationales, le brevet européen à effet unitaire produira des effets identiques sur l’ensemble des territoires des États de l’Union européenne participant à la coopération renforcée.

[5] 76/76/CEE: https://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/b884b73a-8a0b-4c34-b1de-f4de8c5fa6df/language-fr

[6] L'accord de Londres est entré en vigueur le 1er mai 2008 ; en France, il a été publié par décret no 2008-469 :

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000018823919

[7] L’allemand, l’anglais et le français

[8] Décision du Conseil constitutionnel n° 2006-541 DC du 28 septembre 2006 relative à l’accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens :

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000793260

[9]  http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/fr/eu/eu183fr.pdf

[10]Article 20 TUE (ex-articles 27 A à 27 E, 40 à 40 B et 43 à 45 TUE et ex-articles 11 et 11 A TCE) :

1. Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l'Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues au présent article, ainsi qu'aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l'Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d'intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les États membres, conformément à l'article 328 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

2. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu'il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l'Union dans son ensemble, et à condition qu'au moins neuf États membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l'article 329 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

3. Tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote. Les modalités de vote sont prévues à l'article 330 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

4. Les actes adoptés dans le cadre d'une coopération renforcée ne lient que les États membres participants. Ils ne sont pas considérés comme un acquis devant être accepté par les États candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

[11] En mars 2016, seules la Croatie et l’Espagne ne font pas partie de la coopération renforcée adoptant le brevet unitaire.

[12] Règlement (UE) N°1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet :

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:361:0001:0008:FR:PDF

Extrait : « Le 10 mars 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/167/UE autorisant une coopération renforcée entre la Belgique, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, la Grèce, la France, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni (ci-après dénommés «les États membres participants») dans le domaine de la création d’une protection  unitaire conférée par un brevet » 

[13] Règlement (UE) N°1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction :

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:361:0089:0092:FR:PDF

 

[14] D’après l’analyse d’impact de la Commission du 13 avril 2011, accompagnant les règlements européens mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire.

[15] État des signatures et ratifications :

http://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/agreements-conventions/agreement/?aid=2013001

Texte : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.C_.2013.175.01.0001.01.FRA&toc=OJ:C:2013:175:TOC

[16] http://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/agreements-conventions/agreement/?aid=2013001

[17] Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, article  83, paragraphe 1 - Régime transitoire :

« 1. Pendant une période transitoire de sept ans à partir de la date d'entrée en vigueur du présent accord, une action en contrefaçon ou en nullité d'un brevet européen, ou une action en contrefaçon ou une demande en nullité d'un certificat complémentaire de protection délivré pour un produit protégé par un brevet européen, peut encore être engagée devant les juridictions nationales ou d'autres autorités nationales compétentes. »

[18] art. 14-2 des statuts de la JUB : « le premier président du tribunal de première instance est un ressortissant de l'Etat membre contractant sur le territoire duquel se trouve le siège de la division centrale. »

[19] Le Royaume-Uni fait partie de la coopération renforcée sur le brevet européen à effet unitaire et, lors du Conseil compétitivité du 28 novembre 2016, il a fait part de sa décision de ratifier l’accord sur la juridiction unifiée du brevet, en dépit de son intention de se retirer de l’Union européenne. Cela soulève un certain nombre de difficultés, en particulier sur le devenir de la section de la juridiction à Londres et des juges britanniques, ainsi que sur les contentieux en cours impliquant le Royaume-Uni au moment de son retrait de l’Union européenne. La problématique du statut futur du Royaume-Uni dans le dispositif du brevet européen à effet unitaire devra être traitée dans le cadre des négociations au titre de l’article 50 du traité sur l’Union européenne (cf. infra 6.).

[20] Cf. loi n° 2014-199 du 24 février 2014 autorisant la ratification de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet :

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000028652178

[21] Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Finlande, France, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suède.

https://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/agreements-conventions/agreement/?aid=2013001

[22] Signé par 10 pays dont la France), il n’est pas encore entré en vigueur. Seuls la France et le Luxembourg l’ont ratifié au 15/06/2017 : http://www.consilium.europa.eu/fr/documents-publications/agreements-conventions/agreement/?aid=2015056

Réserve anglaise :

http://www.consilium.europa.eu/fr/documents-publications/agreements-conventions/ratification/?v=decl&aid=2015056&pid=GB

Déclaration des Pays-Bas :

http://www.consilium.europa.eu/fr/documents-publications/agreements-conventions/ratification/?v=decl&aid=2015056&pid=NL

Déclaration de la Finlande :

http://www.consilium.europa.eu/fr/documents-publications/agreements-conventions/ratification/?v=decl&aid=2015056&pid=SF

[23] Le Protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne est applicable aux juges de la Juridiction, sans préjudice des dispositions relatives à l’immunité de juridiction des juges qui figurent dans les présents statuts.

[24] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12012E%2FPRO%2F07

Cf. décret n° 67-606 du 28 juillet 1967 portant publication du traité instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes, du protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes, de l'acte final et de ses annexes, signés le 8 avril 1965 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000701881

et décret no 2009-1466 du 1er décembre 2009 portant publication du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, et de certains actes connexes :

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000021368559

[25] Programme LOFL 106

[26] Ce chiffre étant une estimation et pouvant varier en fonction du nombre d’États membres ratifiant l’accord JUB.

[27] Art. 37-1 de l’accord JUB : « Les États membres contractants sur le territoire desquels est situé la division centrale, ses sections ou la cour d'appel fournissent les infrastructures nécessaires à celles-ci. »

[28] Ils sont situés à proximité de l’ancien site du Palais de justice sur l’île de la Cité.

[29] NB : il s’agit du coût total de l’installation initiale de la JUB. 

[30] http://www.consilium.europa.eu/en/documents-publications/agreements-conventions/agreement/?aid=2013001

[31] Voir annexe I de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet intitulé « statuts de la juridiction unifiée du brevet  », et son article 8 « Immunité des juges » :

1. Les juges jouissent de l'immunité de juridiction. Après la cessation de leurs fonctions, ils continuent à bénéficier de l'immunité en ce qui concerne les actes accomplis par eux en rapport avec leur qualité officielle.

2. Le présidium peut lever l'immunité.

3. Au cas où, l'immunité ayant été levée, une action pénale est engagée contre un juge, celui-ci n'est justiciable, dans chacun des États membres contractants, que de la juridiction compétente pour juger les magistrats appartenant à la plus haute juridiction nationale.

4. Le Protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne est applicable aux juges de la Juridiction, sans préjudice des dispositions relatives à l'immunité de juridiction des juges qui figurent dans les présents statuts.

[32] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32006L0112&from=FR

[33] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:324:0023:0057:fr:PDF

[34] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071164&dateTexte=20080505

[35] Belgique, Allemagne, Danemark, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suède, Finlande

http://www.consilium.europa.eu/fr/documents-publications/agreements-conventions/agreement/?aid=2016047