Projet de loi

autorisant l’approbation du protocole d’accord entre le Gouvernement

de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché

de Luxembourg relatif au renforcement de la coopération

en matière de transports transfrontaliers

 

NOR : EAEJ1833511L/Bleue-1

 

 

 

ÉTUDE D’IMPACT

 

ISituation de référence

 

Les liaisons de transports terrestres entre la région Grand Est en France et le Luxembourg font l’objet d’une fréquentation importante et en forte croissance. Plus de 95 000 travailleurs frontaliers empruntent chaque jour la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire, et ce nombre pourrait avoisiner 135 000 en 2030[1].

 

En raison de l’importance de ces flux, les axes routiers transfrontaliers supportent de très forts trafics et sont régulièrement congestionnés à l’heure de pointe : c’est ainsi le cas de l’autoroute A3 au Luxembourg et de l’autoroute A31 en France.  Par ailleurs, l’axe ferroviaire Metz-Thionville-Luxembourg souffre de fréquents incidents et irrégularités de service liés à la saturation de la ligne.

 

Ce couloir de transports fait partie du corridor européen « Mer du Nord-Méditerranée », lui-même élément structurant du Réseau TransEuropéen de Transport (RTE-T)[2]. Ce corridor s’étend de l’Irlande et du nord du Royaume-Uni jusqu’au sud de la France en passant par les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Comprenant également des voies navigables dans le Benelux et en France, il vise non seulement à offrir des services multimodaux entre les ports de la mer du Nord, la Meuse, les bassins du Rhin, de l’Escaut, de la Seine, de la Saône et du Rhône, et les ports de Fos-sur-Mer et de Marseille, mais aussi à mieux relier les îles britanniques au continent.

 

Les corridors sont multimodaux, parcourent plusieurs Etats Membres et visent à supprimer des goulets d’étranglement, moderniser les infrastructures et faciliter les flux transfrontaliers de personnes et de marchandises à travers l’Union européenne. Ils contribuent également à l’interconnexion entre les différents modes de transport et à la réalisation des objectifs en matière de changement climatique.

 

 

Si la France et le Luxembourg convergent sur de nombreux sujets tels que la défense des territoires, la culture, la protection de l’environnement ou encore les orientations de l’Union européenne, le secteur des transports demeure un enjeu essentiel entre les deux pays. Ainsi, la bonne mobilité des travailleurs n’est pas le levier unique de coopération franco‑luxembourgeoise sur la question des transports. En effet, les deux pays font maintenant partie de l’ « Alliance de décarbonisation des transports »[3] : cette coalition démontre leur souhait commun de lutter contre les émissions de carbone des véhicules et de promouvoir les mobilités durables.

 

II – Historique des négociations

 

A la suite de la présentation, le 8 janvier 2009, par le Grand-Duché de Luxembourg et la région française de Lorraine, d’un schéma de mobilité transfrontalière (Smot)[4] visant à faire prendre d’ici à 2030 le train et le bus à 25 % des Lorrains employés dans le Grand-Duché contre 10 % en 2009, un groupe de travail franco-luxembourgeois a piloté en 2013 la réalisation d’une étude portant sur les échanges transfrontaliers et les leviers pour les optimiser. Il s’agissait de parvenir à un développement « sans équivalent en Europe » de l’offre de transports collectifs comme alternative à la voiture individuelle.

 

Cette étude a mené à la conclusion du protocole d’accord relatif au renforcement de la coopération transfrontalière en matière de transports, qui a été signé à l’occasion de la visite d’Etat du Grand-Duc de Luxembourg en France du 19 au 21 mars 2018.

 

III - Objectifs du protocole d’accord

 

Le présent protocole d’accord vise à mettre en œuvre une politique de transports multimodale et concertée répondant aux besoins de déplacements identifiés entre la France et le Luxembourg tout en s’inscrivant dans une perspective de développement durable.

 

Son principal objet est de poser les bases du cofinancement et de la réalisation d’aménagements d’infrastructures ferroviaires et routières sur le territoire français (cf. article 1er), en se fixant deux horizons de temporalité dans le domaine ferroviaire (2022-2024 et 2028-2030) de façon à répondre de manière proportionnée à l’accroissement prévisible de la demande de transports entre les deux pays au cours de la prochaine décennie.

 

IV - Conséquences estimées de la mise en œuvre du protocole d’accord

 

  1.                Conséquences juridiques :

 

. Articulation avec les accords existants

 

Le présent protocole s’inscrit dans la lignée d’autres engagements pris par la France avec le Grand-Duché de Luxembourg. Ce protocole d’accord s’inscrit en cohérence avec la convention belgo-franco-luxembourgeoise du 17 avril 1946 relative à l’exploitation des chemins de fer luxembourgeois[5], amendée par le protocole additionnel du 21 juin 1977 réglant l’exploitation du réseau des chemins de fer luxembourgeois[6], et le protocole additionnel signé le 28 janvier 1997 à Luxembourg[7].

 

L’article 4 de la convention de 1946 telle que modifiée énonce ainsi que « [l]es Parties contractantes veillent à des infrastructures ferroviaires insérées au mieux dans les réseaux de transport transeuropéens et assurent la continuité du service par chemin de fer au-delà des frontières communes. » et que « [d]ans l’intérêt de l’intégration des parties belge, française et luxembourgeoise de la région transfrontalière, de la mobilité des personnes qui y résident et travaillent, et des échanges entre les différents pôles d’activités qui y sont établis, les Parties contractantes favorisent les relations transfrontalières par chemin de fer à des conditions appropriées de desserte, de cadence, de temps de parcours et de confort, notamment lorsque ces relations revêtent sur tout ou partie de la liaison un caractère de service public. »

 

. Articulation avec le droit de l’Union européenne

 

Les compétences de l'Union sont définies dans les traités européens (articles 2 à 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – TFUE[8]). Les transports et les réseaux transeuropéens sont une compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres (cf. article 4 TFUE[9]).

 

Dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) 2014-2020, programme finançant les infrastructures de transport, l’Union européenne a adopté une nouvelle politique qui vise à relier le continent d’est en ouest et du nord au sud[10]. Elle cherche à connecter les réseaux de transport nationaux, à supprimer les goulets d’étranglement qui continuent d’entraver le bon fonctionnement du marché unique et à surmonter les obstacles techniques tels que les normes ferroviaires incompatibles.

 

 

Le présent accord s’inscrit dans cette politique. L’article 7 prévoit à cet égard que des subventions européennes seront recherchées, par le biais notamment d’instruments comme le mécanisme pour l’interconnexion en Europe qui contribuent à la réalisation du réseau transeuropéen de transport « RTE-T »[11].

 

. Articulation avec le droit interne

 

L’accord ne nécessite pas d’adaptation du droit français.

Les marchés publics nécessaires à la mise en œuvre de cet accord relèvent des dispositions du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016[12] pris en application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

 

Les entreprises luxembourgeoises auront, dans les mêmes conditions que toute entreprise ressortissante de l’Union européenne, accès à l’ensemble des procédures de marchés publics passés dans le cadre de ces opérations.

 

  1.                Conséquences économiques

 

L’axe Metz-Luxembourg se situe sur l’un des grands corridors de transports définis par la Commission européenne qui relie la Mer du Nord et ses grands ports maritimes à l’Europe méditerranéenne.

 

Les objectifs à l’horizon 2030 des projets d’aménagements multimodaux prévus par le protocole d’accord sont de multiplier par 2,5 le nombre d’usagers quotidiens du train (de 8 000 en 2017 à 20 000 en 2030), de doubler le nombre de co-voitureurs (d’environ 4 500 en 2017 à plus de 10 000 en 2030) et de tripler le nombre d’usagers des cars transfrontaliers (de 2 000 en 2017 à 6 000 en 2030). Ils visent également à permettre la circulation de trains de marchandises même en heure de pointe, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

 

En favorisant la mobilité des personnes et des biens entre la France et le Luxembourg, ce protocole d’accord est donc de nature à dynamiser l’économie locale en permettant une meilleure circulation vers les bassins d’emplois frontaliers, et en favorisant les échanges de marchandises transfrontaliers et européens.

 

Il vise également à consolider la coopération ferroviaire entre la France et le Luxembourg en assurant la continuité des services internationaux et transfrontaliers, garantissant ainsi une offre de qualité de nature à renforcer l’attractivité du train.

 

 

  1.                Conséquences financières

 

Concernant le volet ferroviaire du protocole d’accord, le gouvernement luxembourgeois s’engage à financer à un taux de 50% un programme d’opérations ferroviaires d’un montant maximum de 220 M€ (article 6), soit une participation luxembourgeoise maximale de 110 M€ sur une liste d’opérations découlant des grands principes d’évolution des infrastructures envisagés décrites aux articles 3 et 4. Cette liste est en cours de discussion avec le Luxembourg et les collectivités territoriales françaises.

 

L’engagement financier maximum restant à la charge de la France est donc de 110 M€ pour le volet infrastructures ferroviaires décrit aux articles 3 et 4. L’Etat français sera néanmoins amené à rechercher des cofinancements auprès de collectivités territoriales ou de tout autre acteur intéressé à ces actions, qui pourraient se concrétiser pour partie dans le cadre d’avenants aux contrats de plan État-Région (CPER) actuels (période 2015-2020) puis pour partie dans les CPER suivants.

 

Enfin, dans l’hypothèse où le montant maximal de 110 M€ fixé dans le protocole pour la participation luxembourgeoise ne suffirait pas à financer à hauteur de 50% l’intégralité des aménagements ferroviaires sur le territoire français décrits dans les articles 3 et 4, les deux Gouvernements sont convenus dans la déclaration conjointe du 20 mars 2018 d’établir un avenant à ce protocole précisant les modalités retenues pour la poursuite et la finalisation du programme.

 

Concernant le volet routier, l’article 5 mentionne un programme d’aménagements destiné à favoriser l’usage du covoiturage et des transports en commun. Les aménagements concernés par les trois premiers items (mise en place de plateformes de covoiturage, de parkings de regroupement à destination des co-voitureurs et de parc relais et gares routières à destination des transports en commun) correspondent à un montant de 15 M€.

 

L’Etat participera financièrement aux études et à la mise en œuvre d’une voie réservée aux transports en commun sur la bande d’arrêt d’urgence de l’A31 (aménagement cité au quatrième item) dont le coût est évalué à 25 M€. La répartition de ces 25 M€, qui n’est pas encore définitivement arrêtée à ce stade et est conditionnée par le niveau de la participation luxembourgeoise, pourrait s’opérer de la manière suivante : 6,25 M€ pris en charge par le Luxembourg ; 18,75 M€ pris en charge par la partie française, qui pourraient être répartis en suivant la clé de répartition 60 % Etat et 40 % collectivités, conformément aux règles classiques des contrats de plan État-Région, soit une participation de l’Etat égale à 11,25 M€ et à 7,5 M€ pour les collectivités.

 

  1.                Conséquences sociales

 

Ce protocole d’accord est de nature à faciliter un plus large accès au marché du travail, notamment pour les résidents français, en leur permettant de se rendre plus facilement sur le bassin d’emploi luxembourgeois. Ceci est particulièrement vrai pour les catégories les plus vulnérables puisque l’amélioration des transports transfrontaliers induit une meilleure mobilité indépendamment de la possession d’un véhicule particulier.

 

De plus, ce protocole d’accord est de nature à faciliter l’accès des jeunes à l’emploi avec une meilleure desserte du bassin d’emploi luxembourgeois en transports en commun, offrant une vraie alternative à la possession d'un véhicule individuel, ce qui est d’autant plus opportun pour la jeunesse chez laquelle le taux de titulaires du permis de conduire est en baisse depuis plusieurs années.

 

  1.                Conséquences administratives :

 

La mise en œuvre de ce protocole d’accord sera pilotée par les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) Grand Est, qui bénéficiera de l’appui des services de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer au ministère de la transition écologique et solidaire en tant que de besoin.

 

  1.                 Conséquences environnementales :

 

Ce protocole montre la résolution des parties à mettre en œuvre une politique de transports répondant aux objectifs de développement durable, en promouvant en particulier le transport par rail et plus généralement les transports en commun et le covoiturage.

 

V – État des signatures et ratifications

 

Le protocole d’accord a été signé le 20 mars 2018 par les ministres français et luxembourgeois en charge des transports.

 

Le 26 juillet 2018, la chambre des députés du Luxembourg a adopté, à l'unanimité, la loi portant approbation du protocole d’accord et relative à la participation de l’État luxembourgeois au financement des travaux d’infrastructures réalisés sur le territoire français entre Metz et la frontière franco-luxembourgeoise à Zoufftgen (cf loi spéciale visée à l’article 6 du protocole). Les autorités luxembourgeoises ont notifié l’achèvement de leurs procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de ce protocole d’accord le 10 octobre 2018.

 

VI - Déclarations ou réserves

 

Sans objet.

 


[1]  Chiffres cités dans le texte de l’accord.

[2]  Le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) est un programme de développement des infrastructures de transport de l'Union européenne arrêté par le Parlement et le Conseil européen. Il a pour ambitions de faciliter le développement des échanges, en particulier par l'interopérabilité complète des différents réseaux constitutifs, et permettre ainsi la création d'un véritable marché unique, d'augmenter la part modale des modes de transport les plus respectueux de l'environnement, et d'accélérer l'intégration des nouveaux pays membres.

      http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/12/05/trans-european-transport-network-ten-t-progress-of-implementation/

      http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-15425-2017-INIT/fr/pdf

[3]  Cf. déclaration signée par la France, le Portugal, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Norvège, la Finlande, l’État du Colorado, la Ville de Paris, le C40, Michelin, Alstom, Itaipu Binacional, Renaut-Nissan, SNCF/Géodis, Ernst & Young à l’occasion du sommet de septembre 2017 « one planet summit », en soutien de l’Accord de Paris sur le climat.

     https://www.oneplanetsummit.fr/IMG/pdf/tda_-_declaration_-_alliance_pour_la_decarbonation_des_transports-fr.pdf

[4]  http://www.espaces-transfrontaliers.org/ressources/projets/projects/project/show/schema-de-mobilite-transfrontaliere-luxembourg-lorraine/

     http://www.mt.public.lu/presse/actualite/2009/01/08_SMOT/index.html

 

[5]  Cf. Décret n°49-1240 du 4 septembre 1949 portant publication de la convention du 17 avril 1946, relative aux chemins de fer luxembourgeois https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000872901

[6] Cf. Décret n° 81-702 du 9 juillet 1981 portant publication du protocole additionnel du 21-06-1977 modifiant la convention belgo-franco-luxembourgeoise réglant l'exploitation du réseau des chemins de fer luxembourgeois, signée à Luxembourg le 17-04-1946

      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000878997&fastPos=10&fastReqId=374781479&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

[7] Décret n° 2001-758 du 28 août 2001 portant publication du protocole additionnel modifiant la convention belgo-franco-luxembourgeoise relative à l'exploitation des chemins de fer du Grand-Duché signée à Luxembourg le 17 avril 1946, fait à Luxembourg le 28 janvier 1997 (1) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000772782&fastPos=1&fastReqId=1143154080&categorieLien=id&oldAction=rechTexte

[8]  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/PDF/?uri=OJ:C:2016:202:FULL&from=fr#page=17

[9] Article 4 TFUE : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/?uri=CELEX:12016E004

      https://europa.eu/european-union/topics/transport_fr

[10]  Règlements du 11 décembre 2013 sur les orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport (règlement (UE) n° 1316/2013) et établissant le mécanisme d’interconnexion en Europe (règlement UE n°913/2010)

[11]  https://www.touteleurope.eu/actualite/le-reseau-trans-europeen-de-transport.html

[12]  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032295952&categorieLien=id