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ÉTUDE d’impact

 

 

Projet de loi

portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés

 

 

 

NOR : ECOE1902865L/Bleue-1

 

 

 

 

 

 

 

5 mars 2019


Table des matières

 

Introduction générale

Article 1er : Mise en place d’une taxation de certains services numériques fournis par les plus grandes entreprises actives dans le domaine numérique

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 2 : Mesure dérogatoire à la trajectoire de baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés

1. État des lieux

2 Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3 Options possibles et dispositif retenu

4 Analyse des impacts des dispositions envisagées

5 modalités d’application


Introduction générale

Avec la mondialisation, puis la numérisation de l’économie, de nouveaux modèles d’affaires se sont développés, qui permettent à des sociétés à grande échelle, d’être actives sur divers marchés nationaux sans y être effectivement implantées. Cette transformation profonde qui touche la plupart des secteurs de l’économie pose la question de l’adéquation des principes de la fiscalité internationale. En effet, les principes internationaux sur lesquels repose la répartition des droits d’imposer entre les États ont été agréés à une époque où l’économie était essentiellement basée sur l’industrie et le commerce nécessitant une présence physique importante sur les divers marchés domestiques.

Il s’ensuit que les systèmes fiscaux nationaux élaborés au cours du XXème siècle n’arrivent plus à appréhender l’ensemble de la valeur créée ou générée sur leur territoire. Les sociétés multinationales qui recourent largement au numérique peuvent optimiser la répartition de leur valeur ajoutée et la localiser là où les règles fiscales sont les plus clémentes.

Pour faire face à de tels comportements, qui ne sont permis qu’à raison des lacunes du système international, seule une action concertée et harmonisée des pays peut être réellement efficace. C’est dans ce contexte que la France, avec plusieurs de ses partenaires, a pris l’initiative de solliciter la Commission européenne afin qu’une taxe sur le chiffre d’affaires de certains services numériques soit mise en place de manière rapide et intérimaire dans l’attente que les principes internationaux de l’imposition des revenus soient adaptés. La proposition de directive actuellement en cours de discussion au sein du Conseil de l’Union européenne vise à taxer les services numériques qui tirent une part importante de leur valeur de la participation active des internautes, à savoir la publicité ciblée, la vente des données et enfin les services d’intermédiation tels que les places de marché.

Le projet du Gouvernement vise précisément, compte tenu de l’urgence et sans attendre la conclusion des discussions au niveau européen, à mettre à contribution les sociétés qui exploitent les données provenant de la participation active des internautes localisés en France, en instaurant une taxe sur le chiffre d’affaires tiré de certains services numériques. Seront mises à contribution les plus grandes entreprises ou groupes d’entreprises qui ont une empreinte numérique de premier plan aux niveaux tant mondial que national. La France sera ainsi l’un des premiers États à mettre ces entreprises à contribution sur un champ aussi large de services et en fonction d’un principe de rattachement territorial original.

Par ailleurs, au regard du contexte budgétaire actuel et compte tenu des mesures mises en place pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, il semble nécessaire d’infléchir la trajectoire de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés pour permettre d’accroître le rendement budgétaire de cet impôt en 2019.


Article 1er : Mise en place d’une taxation de certains services numériques fournis par les plus grandes entreprises actives dans le domaine numérique

1.         État des lieux

1.1.            Cadre général

1.1.1        Contexte international

Les services numériques se caractérisent notamment par la possibilité pour une entreprise d’exercer une activité économique sur un territoire sur lequel elle ne dispose d’aucune présence physique. Leur croissance met en lumière l’inadéquation des règles traditionnelles d’appréhension des capacités contributives des entreprises du secteur numérique qui bénéficient fortement des services publics (réseau internet, réseau routier etc.) sans participer à leur financement.

Par ailleurs, les industries numériques sont caractérisées par une forte participation des utilisateurs ou internautes à la création de valeur. C’est d’autant plus vrai que les entreprises concernées peuvent, du fait de leur taille mondiale, bénéficier d’effets de réseau et optimiser l’exploitation des données personnelles. Or, les règles de fiscalité ont été élaborées à une période au cours de laquelle cette importance dans la chaine de création de valeur n’était pas d’une telle ampleur. 

Ce constat, partagé aux niveaux européen et mondial[1], a tout d’abord conduit à une évolution des règles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui, d’une part, ont écarté progressivement, pour les opérations réalisées auprès des consommateurs finals, une taxation localisée au lieu d’établissement du vendeur au profit d’une taxation au lieu de consommation (lieu de destination du bien vendu ou localisation du preneur de la prestation de service) et, d’autre part, ont associé les plateformes d’intermédiation au paiement de la taxe frappant les opérations de commerce en ligne[2].

De telles évolutions n’ont toutefois pas pu, pour l’heure, être mises en œuvre en matière de fiscalité directe et plus spécifiquement de taxation des revenus nets (impôt sur les sociétés).

La prise en compte de la valeur créée par l’utilisateur en matière de fiscalité directe nécessite de revoir les principes de rattachement et d’attribution de la valeur à un territoire et, par conséquent, d’adapter les règles actuelles en matière d’établissement stable et de prix de transfert. Un consensus à l’échelle internationale pour réviser ces notions est indispensable et n’est pas encore atteint.

La France travaille activement avec l’ensemble de ses partenaires au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour faciliter l’élaboration d’une solution internationale afin d’adapter les règles relatives à l’impôt sur les sociétés aux nouveaux enjeux.

Elle a également activement soutenu la Commission européenne afin d’obtenir la mise en œuvre de solutions à l’échelle européenne. Cette dernière a ainsi soumis au Conseil européen, le 21 mars 2018, deux propositions de directive :

      Un premier projet[3] ayant pour objet de modifier, à terme, la répartition entre États membres des revenus des sociétés ayant une présence numérique significative, tels qu’ils sont appréhendés pour les besoins de l’impôt sur les sociétés. Toutefois, la mise en œuvre d’une telle solution dépend étroitement des travaux conduits au sein de l’OCDE, de façon que les règles adoptées en matière d’impôt sur les sociétés entre États membres soient cohérentes avec celles appliquées par les États tiers, s’agissant d’entreprises multinationales ;

      Un second projet[4] ayant pour objet de mettre en place rapidement, et de façon intérimaire,  une taxe sur le chiffre d’affaires tiré de certains services numériques réalisés par des entreprises appartenant à des groupes de grande envergure. Cette option permet de répondre partiellement à la problématique soulevée et s’appliquerait de manière transitoire, le temps qu’un compromis soit trouvé sur le premier projet.

À ce jour, aucun accord au niveau européen sur un périmètre satisfaisant dont la mise en œuvre interviendrait dès 2019 n’a pu être conclu. En effet, seule une harmonisation européenne des taxes sur le chiffre d’affaires frappant les services de publicité ciblée, à compter de 2022, paraît accessible, l’atteinte d’un consensus restant toutefois très incertaine.

1.1.2        Cadre national

Aujourd’hui, les revenus tirés des services numériques font l’objet d’une taxation spécifique au niveau national uniquement lorsque ces services participent de la diffusion de contenus audiovisuels. Ainsi, l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts institue une taxe « sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels » qui frappe notamment :

      Le prix d’achat par des utilisateurs de services de vidéo à la demande (à l’unité ou par abonnement) ;

      Les revenus publicitaires des plateformes qui mettent gratuitement à la disposition du public des vidéos à la demande.

Le taux de la taxe est de 2%, un abattement de 2/3 étant appliqué sur les revenus publicitaires des plateformes qui permettent le partage de contenus audiovisuels créés par des utilisateurs privés. Son produit, évalué à 25 millions d’euros en 2018, est essentiellement issu de la vente de vidéos à la demande et affecté au Centre national du cinéma et de l’image animée.

1.2.            Éléments de droit comparé

En l’absence d’accord au niveau européen, plusieurs États membres de l’Union européenne ont annoncé la mise en place d’une taxe au niveau national sur les services numériques tels que figurant dans le projet de directive.

Le Royaume-Uni a été le premier pays à le faire. Il a ainsi mis en consultation un projet de réglementation en novembre 2018. Dans son projet national sont taxés les plateformes de médias sociaux, les moteurs de recherches et les places de marché à un taux de 2 % dès qu’ils réalisent plus de 500 millions de livres sterling de chiffre d’affaires mondial et plus de 25 millions livres sterling de chiffre d’affaires au Royaume-Uni.

L’Espagne envisage de légiférer, en s’inspirant fortement du projet de directive européenne susmentionné, tout en abaissant le seuil de présence numérique nationale à 3 millions d’euros, alors que l’Italie a voté une loi en ce sens en décembre 2018 avec un seuil d’activités numériques nationales de 5,5 millions d’euros. Enfin, l’Autriche a annoncé son intention de prendre une initiative similaire.

Israël a décidé en 2016 de taxer les services numériques fournis à des utilisateurs situés sur son territoire par des entreprises non établies. Cet État a décidé la création d’un établissement stable numérique virtuel sur son territoire dès qu’une entreprise a un nombre déterminé de clients ou d’utilisateurs en Israël.

De même, l’Inde a instauré en 2016 une taxe dite d’égalisation relative aux services de publicité fournis par des entreprises non établies à des preneurs assujettis indiens (BtoB). La taxe, au taux de 6 %, s’applique aux revenus bruts tirés de la publicité en ligne.

 

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.            Nécessité de légiférer

La mise en place d’une contribution sur les grandes entreprises du secteur numérique qui tirent une part importante de leurs revenus de leur activité sur le territoire national fait partie des priorités du Gouvernement, réaffirmée à de nombreuses occasions par le ministre de l’Économie et des Finances.

Une approche coordonnée à l’échelle mondiale ou, à défaut, européenne pour appréhender les revenus tirés des services numériques a d’abord été privilégiée.

Toutefois, il est désormais acquis que cette approche n’aboutira pas à une solution rapide du fait de la prolongation des discussions à l’échelle européenne. Le dernier compromis prévoit une entrée en vigueur de la directive à l’horizon 2021. Dans ces conditions, la mise en place d’une taxation au niveau national s’avère nécessaire pour répondre rapidement aux objectifs poursuivis.

Il n’en demeure pas moins que, la France étant pleinement impliquée dans les travaux internationaux de refonte des principes de la fiscalité directe, elle appliquera dès leur adoption les principes en cours de rénovation. La taxe ici introduite n’a donc vocation à s’appliquer que de manière temporaire et sera abrogée lorsque les nouveaux principes internationaux seront adoptés.

Conformément à l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. La création d’une taxe nationale relève donc du domaine de la loi. 

2.2.            Objectifs poursuivis

La mesure proposée a pour objectifs :

      De produire de nouvelles recettes, à hauteur d’environ 400 millions d’euros au titre de 2019, auprès des grandes entreprises du secteur numérique qui tirent des revenus élevés de l’activité des internautes localisés en France ;

      De répondre à un impératif d’équité fiscale dans un contexte où le secteur numérique représente une part croissante de la création de valeur au niveau national.

À cette fin, il est envisagé la mise en place d’une taxe assise sur le chiffre d’affaires tiré de la fourniture de certains services numériques, inspirée du projet de directive proposé par la Commission européenne le 3 mars 2018. La version la plus large de ce projet, qui incluait non seulement certains revenus de la publicité en ligne, mais également de la vente de données et de l’intermédiation en ligne, est privilégiée, en adaptant certains paramètres afin de tenir compte de l’absence d’harmonisation européenne et de mieux répondre aux enjeux nationaux.

La taxe ne vise pas la vente de biens ou de services aux consommateurs par internet, mais uniquement les revenus bruts tirés de certains services numériques.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.            Champ de l’impôt

3.1.1        Services concernés

3.1.1.1 Les services numériques regroupent des prestations de natures très diverses : édition de logiciel, vente de produits dématérialisés, publicité en ligne, intermédiation pour la vente de biens matériels ou immatériels ou pour la fourniture de services, etc.

Une fraction des services numériques se distingue des autres en tant que leur modèle repose de manière prédominante sur l’exploitation de l’activité des internautes souvent via l’utilisation de services gratuits.

L’option retenue, en cohérence avec l’approche retenue par la Commission dans sa seconde proposition de directive (cf. 1.1.1 supra), est de cibler spécifiquement ces services eu égard à cette particularité.

Sont donc retenues deux catégories de services taxables caractérisés par la part importante de la participation des internautes à la création de valeur :

      L’intermédiation entre internautes : cette prestation met en relation deux utilisateurs qui partagent des intérêts complémentaires (par exemple, un acheteur et un vendeur). Les utilisateurs peuvent être indifféremment des professionnels (BtoB) ou des particuliers (CtoC) ou les deux (BtoC). Lorsque l’intermédiation permet la réalisation d’une opération économique (achat d’un bien ou d’un service, physique ou numérique), seule la prestation d’intermédiation est taxée, à l’exclusion de l’opération économique sous-jacente ;

      La fourniture de prestations de ciblage publicitaire : ces prestations permettent à des annonceurs de placer un message publicitaire ou un lien commercial sur une page internet en fonction des données individuelles[5], à l’instar des mots-clefs qu’il a renseignés dans des moteurs de recherche, de l’internaute qui la consulte. Elle leur permet de personnaliser les messages qui lui sont transmis, afin de permettre une adéquation parfaite entre sa préférence et la mise en avant d’un produit ou d’un service.

La vente à des tiers des données des internautes, qui permet d’améliorer l’efficacité des prestations de ciblage publicitaire, fait partie intégrante du modèle économique de ces prestations de ciblage publicitaire.

3.1.1.2 Au contraire, les autres services numériques sont caractérisés par des mécanismes de création de valeur plus classiques et peuvent être appréhendés au moyen des outils fiscaux traditionnels. Ils sont donc hors du champ de la nouvelle taxe. Tel est en particulier le cas :

      De la fourniture directe de contenus numériques (vidéos, audios, applications et logiciels, y compris les jeux) ;

      De la fourniture de services de stockage de données en ligne ;

      De la vente de biens en ligne ;

      Des services de publicité en ligne non ciblés (apparition de la même publicité pour tous les internautes consultant la même page internet).

Par ailleurs, une taxation de ces autres services aurait été susceptible d’avoir un impact direct sur les prix appliqués aux consommateurs finaux.

Les services taxés présentent un mode de création de valeur qui leur est propre, qui repose largement sur l’activité des internautes, et dont les particularités sont prises en compte dans la construction des paramètres de l’impôt.

3.1.2        Territorialité du service

Seuls les services fournis en France seront taxés, étant entendu qu’un service est considéré comme fourni en France s’il repose sur l’activité d’internautes localisés en France, même si ces internautes sont minoritaires parmi le public destinataire du service.

Un utilisateur est réputé localisé en France dès lors qu’il se connecte depuis la France pour effectuer son opération. Les redevables de la taxe pourront localiser la connexion en France soit au moyen de l’adresse IP (Internet Protocol) de l’utilisateur, soit à partir de tout autre indice permettant de localiser un internaute, à l’instar des informations contenues sur un compte client.

Afin de caractériser l’activité d’internautes situés en France, la simple consultation d’un site internet semble constituer un lien trop ténu avec l’existence d’une valorisation de cette activité.

Pour cette raison, des règles de rattachement au territoire national plus directement liées à cette valorisation et adaptées à chacune des catégories de services, sont retenues :

      Un service de publicité sera regardé comme fourni en France au cours d’une année donnée si au moins un message publicitaire est affiché, au cours de cette même année, auprès d’un internaute localisé en France, quelles que soient les nationalités respectives de l’acheteur et du vendeur du service de publicité ;

      Un service de vente de données d’utilisateurs sera regardé comme fourni en France si cette vente porte sur des données générées ou collectées à partir de l’activité d’au moins un internaute localisé en France ;

      Un service d’intermédiation permettant de réaliser, au moyen d’une interface numérique, des transactions entre utilisateurs sera regardé comme fourni en France au cours d’une année donnée si au moins l’une des transactions réalisées au cours de cette année implique un utilisateur localisé en France (acheteur ou vendeur) ;

      Un service d’intermédiation ne permettant pas la réalisation de transaction au moyen d’une interface numérique[6] sera regardé comme fourni en France au cours d’une année donnée si un au moins internaute dispose, lors de cette année, d’un compte actif ouvert depuis la France auprès de ce service. 

Dès lors qu’un service sera, au regard de ces règles, considéré comme étant fourni en France au cours d’une année donnée, il sera soumis à l’impôt, sous réserve du respect des seuils d’assujettissement (3.1.4). La proportion de l’activité des utilisateurs de ce service qui sont localisés en France par rapport à l’activité de l’ensemble des utilisateurs du service sera prise en compte dans le calcul de la base imposable (3.3.2).

3.1.3        Services exemptés

L’objet de la taxe envisagée est d’appréhender la capacité contributive tirée des services pour lesquels la participation des utilisateurs localisés en France à la création de valeur est prédominante.

En cohérence avec cet objet et avec le projet de directive susmentionnée, ne sont pas dans le champ de la taxe, d’une part, les prestations de services intragroupe, car elles feraient courir le risque d’une taxation en chaîne et, d’autre part, les activités financières régulées et la fourniture de contenus numériques, de services de communication ou de services de paiement car la valeur générée par les utilisateurs n’est pas prédominante.

3.1.4        Seuils d’assujettissement

3.1.4.1 Les marchés des services taxés se caractérisent par l’existence de fortes barrières à l’entrée, c’est-à-dire d’avantages compétitifs dont bénéficient les acteurs déjà en place. Ce constat a été fait de longue date et intégré à de nombreuses occasions dans les analyses concurrentielles des autorités compétentes, tant sur les marchés de la publicité en ligne[7] que sur les marchés de l’intermédiation[8].

Ces barrières sont liées aux contraintes techniques propres à la collecte et au stockage de données. Comme le rappellent l’Autorité de la concurrence française et l’Autorité de la concurrence allemande, le Bundeskartellamt[9], les données peuvent dans certains cas renforcer le pouvoir de marché de certains acteurs, en particulier lorsqu’elles sont rares, difficilement accessibles et faiblement substituables. En outre, la collecte de données peut imposer des coûts fixes importants liés à leur stockage.

Les barrières à l’entrée peuvent aussi relever du phénomène dit du « single homing », c’est-à-dire de l’utilisation exclusive d’une plateforme liée aux contraintes d’utilisation de plusieurs plateformes de manière simultanée et de l’existence de coûts élevés de migration entre services. Cet « effet de verrouillage » s’appuie sur des pratiques commerciales des firmes rendant captifs les utilisateurs (programmes de fidélité, absence d’interopérabilité des produits/services proposés) ou sur l’investissement dans des services fortement différenciés augmentant les coûts de sortie pour les utilisateurs (exploitation exclusive d’une technologie).

L’existence de ces barrières à l’entrée implique que les acteurs qui ne sont pas, ou peu, présents sur les marchés des services taxables ne disposent pas de la même capacité que les acteurs davantage présents à dégager des revenus et à capter une part importante, relativement à leur taille, de la valeur générée par les utilisateurs. À l’extrême, ces barrières permettent aux acteurs en place de capter l’essentiel de la croissance naturelle du secteur, même en l’absence d’investissements, et limitent la capacité des acteurs moins présents à assurer le développement de leurs services, même lorsqu’ils sont plus performants.

3.4.1.2 Au-delà des barrières à l’entrée, les secteurs taxés se caractérisent par des rendements croissants[10] qui procèdent notamment des effets de réseaux. En effet, une caractéristique commune des services taxés est qu’ils sont structurés en marchés, qualifiés de « bifaces », voire « multifaces », par exemple entre vendeurs et acheteurs ou entre utilisateurs et annonceurs. Ce type de modèle d’affaires s’appuie sur la mobilisation d’effets de réseau à la fois directs et indirects. Ainsi, la capacité à attirer une masse critique d’utilisateurs est un facteur clé du succès de ces entreprises, leur permettant de créer des effets de réseau qui augmentent l’attractivité des plateformes selon une logique d’effet « boule de neige ».

Les effets de réseau, dits « directs »[11], sont générés lorsque la satisfaction tirée d’un service croît à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente. Par exemple, dans le cas des réseaux sociaux, l’existence d’une masse critique d’utilisateurs augmente considérablement le bénéfice tiré de l’inscription de nouveaux utilisateurs.

Dans le cas des effets de réseau dits « indirects »[12], la satisfaction d’un utilisateur situé sur une face croît lorsque le nombre d’utilisateurs d’une autre face augmente[13]. C’est notamment le cas pour un moteur de recherche, qui voit son attractivité pour les annonceurs publicitaires augmenter avec le nombre d’internautes qui utilisent son service[14]. Les effets de réseau indirects incitent les plateformes à acquérir un maximum d’utilisateurs sur une des faces afin d’attirer les utilisateurs de l’autre face. Pour y parvenir, celles-ci proposent généralement des services très innovants ou gratuits. La propension des utilisateurs à payer pour le service d’intermédiation diffère en effet généralement selon la face à laquelle ils appartiennent[15]. Ainsi, sur les « plateformes d’audience », la tarification des services aux annonceurs finance la gratuité du service pour les utilisateurs.

De même que les barrières à l’entrée, ces effets de réseau et leurs conséquences pour appréhender la capacité des acteurs économiques à intervenir sur les marchés des services taxés ont, de longue date, été pris en compte par les autorités de concurrence dans leurs analyses et pratiques décisionnelles[16].

3.4.1.3 L’accumulation et le traitement des données participent également, au côté des effets de réseau, de l’existence de rendements croissants. Par exemple, une fois développé, un même algorithme est en mesure de traiter un volume croissant de données sans réinvestissement, ce qui occasionne des économies d’échelle substantielles. Ceci favorise les entreprises de grande taille disposant d’un volume plus important de données. À titre d’illustration, la grande masse de données dont dispose Google lui permet de développer un service de sélection de requêtes très perfectionné[17], et ainsi de s’imposer comme le leader du marché de la recherche en ligne[18]. Google disposerait sur ce marché d’une part de marché de près de 95% en France[19].

3.4.1.4 Les éléments décrits ci-dessus tendent à expliquer des situations de fort décalage entre des acteurs en position prééminente et de petits acteurs. La situation des acteurs prééminents apparait d’autant plus favorable que les économies d’échelle sont généralement très importantes dans le secteur numérique et peuvent ainsi permettre de générer, selon la stratégie de l’opérateur, de plus fortes marges, d’accroître leurs investissements ou de pratiquer des tarifs peu élevés pour accroître la diffusion de leurs services.

Dès lors que les acteurs peu présents sont placés dans une situation qui n’est pas objectivement comparable à celle des acteurs de grande taille en place, il est justifié de ne pas leur appliquer l’impôt qui cible les seconds. L’application d’une imposition sur le chiffre d’affaires aux acteurs de petite taille intervenant sur un marché à coûts fixes élevés serait susceptible de les fragiliser, de renforcer les déséquilibres existants et in fine d’avoir un impact négatif sur le fonctionnement concurrentiel du marché.

Seuls sont donc taxés les services fournis par les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial annuel issu des services numériques définis ci-dessus (3.1.1) excède 750 millions d’euros. La prise en compte du seul chiffre d’affaires numérique (c’est-à-dire du chiffre d’affaires généré par les activités situées dans le champ de la taxe) permet de mieux appréhender la capacité contributive des entreprises au regard de l’objet de la taxe.

En outre, parmi ces 750 millions d’euros, au moins 25 millions d’euros devront correspondre à un chiffre d’affaires rattaché à la France au sens des règles de territorialité (3.3.2). Ce seuil national, qui correspond à l’empreinte numérique minimale requise pour être considéré comme redevable, permet de traduire l’existence de barrières spécifiques à l’entrée sur un marché national, même pour les acteurs présents dans d’autres pays, ainsi que d’effets de réseaux structurellement plus forts entre utilisateurs français qu’entre utilisateurs français et utilisateurs étrangers. Elle est également justifiée car la mise en œuvre de la taxe par les redevables nécessite des retraitements de chiffre d’affaires qui ne doivent pas être disproportionnés par rapport au montant de la taxe à acquitter : elle permet ainsi de ne pas taxer les services marginalement utilisés en France, même lorsqu’ils sont très populaires à l’étranger et excèdent ainsi le premier seuil.

Pour des motifs de simplicité, le respect de ces seuils est apprécié au titre de l’année précédant l’année d’imposition.

Afin de traduire de manière cohérente la capacité à intervenir sur les marchés en cause, ces seuils ne sont pas appréciés à l’échelle d’une société unique, mais à l’échelle de l’ensemble du groupe des entreprises mutuellement liées entre elles par une relation de contrôle. Il s’agit en effet de l’échelle pertinente d’appréciation d’une entité économique qui est dégagée par l’analyse concurrentielle[20]. En outre, il permet d’éviter le phénomène de morcellement de l’activité aux seules fins d’éluder la taxe.

3.2.            Redevables

Seront redevables les personnes qui encaissent des sommes en contrepartie de la fourniture des services taxables.

Compte tenu de la complexité du marché de la publicité en ligne et du nombre d’intermédiaires, le projet précise, au-delà de ce que prévoit le projet de directive, quels acteurs seront redevables dans l’optique, d’une part, d’éviter une taxation en cascade et, d’autre part, d’appréhender l’ensemble des revenus directement tirés du ciblage publicitaire. Sont ainsi spécifiquement visés les prestataires qui commercialisent auprès des annonceurs, ou des personnes que ces derniers mandatent, des solutions techniques permettant d’acheter des espaces publicitaires situés sur la page d’un internaute particulier ou d’optimiser ces achats, à savoir notamment :

      Les services d’achat des grandes entreprises du secteur numérique offrant des espaces ciblés positionnés sur les sites qu’ils éditent, en particulier les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, ou sur les sites de leurs clients ;

      Les services des plateformes d’achat[21] via les bourses automatisées d’achat/vente d’espaces publicitaires ciblés ;

      Les services des serveurs publicitaires[22], qui hébergent les créations publicitaires et permettent techniquement leur diffusion de manière ciblée à un internaute identifié ;

      Les services des plateformes de gestion de données et de ventes de données fournis aux acheteurs de ces espaces ;

      Les services de contrôle publicitaire et de mesure de performance des campagnes[23].

Il résulte de ces choix que ne seront pas imposés lorsqu’ils ne commercialisent pas les services susmentionnés :

      Les éditeurs des sites et les personnes qui leur fournissent des services publicitaires[24] ainsi que les intermédiaires techniques qui ne sont pas en relation directe avec les annonceurs ou les éditeurs[25]. En effet, sur le plan économique, les revenus de ces acteurs sont imputés sur les sommes versées par les annonceurs ou leurs mandataires et taxés entre les mains des prestataires auxquels ils recourent ;

      Les annonceurs et les agences médias, qui accompagnent ces derniers dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie de communication et interviennent en tant que mandataire.

3.3.            Calcul de l’impôt

3.3.1        Base imposable

L’assiette taxable envisagée est constituée par l’ensemble du chiffre d’affaires annuel que le prestataire obtient en contrepartie des services taxés. Cette assiette est indépendante des modèles de rémunération de ces services (conditions de tarification et proportion selon laquelle le fournisseur choisit de se rémunérer sur une face de son service plutôt que sur une autre) et des solutions techniques de leur mise en œuvre.

3.3.2        Territorialité des revenus

Dès lors qu’un même service fait intervenir une multitude d’internautes pouvant être potentiellement localisés dans des pays différents, les règles définies au 3.1.2 conduisent à ce qu’un même service puisse être regardé comme fourni dans plusieurs pays. Dans ces situations, il est cohérent de ne taxer qu’une proportion, représentative de l’activité des internautes depuis la France, des revenus tirés de ce service. Par cohérence avec les règles définies au 3.1.2, cette proportion sera déterminée en utilisant les mêmes critères :

      pour les services de publicité : proportion des messages publicitaires[26] réalisés auprès d’internautes localisés en France ;

      pour la vente de données : proportion des internautes ayant, depuis la France, eu une activité sur une interface numérique à partir de laquelle les données vendues ont été collectées ou générées ;

      pour les services d’intermédiation permettant de réaliser des transactions entre utilisateurs : proportion des transactions impliquant un utilisateur localisé en France ;

      pour les autres services d’intermédiation : proportion des comptes actifs ouverts depuis la France. 

 

Cette proportion sera évaluée, pour chaque service, sur une base annuelle, de manière indépendante des revenus tirés du service.

Cette règle présente l’avantage d’être neutre au regard des conditions dans lesquelles les revenus taxables sont obtenus par le redevables : deux services générant les mêmes revenus seront regardés comme situés en France dans les mêmes proportions, même si les revenus respectifs tirés de ces deux services sont obtenus auprès de catégories de personnes différentes[27] ou selon des modalités de tarification différentes[28].

3.3.3        Taux

Le taux retenu est un taux uniforme de 3%, fixé par cohérence avec celui de la proposition de directive. Il permet d’assurer un rendement suffisant sans excéder les capacités contributives des entreprises concernées.

3.4.            Modalité de recouvrement et de contrôle

Comme pour les autres taxes sur le chiffre d’affaires, il est prévu que les modalités de contrôle et de sanction soient identiques à celles en vigueur pour la TVA. Les modalités de recouvrement seront également, dans une optique de limitation des charges de gestion pour l’administration et les entreprises, mutualisées avec celles de la TVA :

      La taxe fera l’objet d’une déclaration annuelle, intervenant, pour les personnes identifiées à la TVA en France, concomitamment à la déclaration de la TVA effectuée au titre du mois de mars[29] de l’année suivant l’année d’imposition, et, pour les personnes non identifiées à la TVA en France, avant le 25 avril de cette même année ;

      Deux acomptes seront versés au cours de l’année d’imposition, chacun égal à la moitié des montants dus au titre de l’année précédente. Le premier acompte interviendra lors de la déclaration de la taxe due au titre de l’année précédente et le second au mois d’octobre de cette même année. Le cas échéant, les montants versés en trop ou restant dus seront régularisés lors de la déclaration l’année suivante, par imputation sur les acomptes ultérieurs et les redevables disposeront de la possibilité de minorer leur acompte si leur activité diminue. Ce système d’acomptes n’est pas applicable aux redevables soumis au régime simplifié d’imposition de la TVA (RSI).

 

Un dispositif dérogatoire de déclaration et d’acquittement est prévu en cas de cessation d’activité en cours d’année afin de préciser les modalités de calcul de l’impôt.

De plus, il est prévu que les personnes non établies dans un État membre de l’Union européenne ou dans tout autre État partie à l'accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement de l'impôt désignent un représentant fiscal accrédité par les services des impôts.

En outre, dès lors que plusieurs des paramètres de l’impôt sont appréciés au niveau du groupe auquel appartient le redevable, il est prévu que l’ensemble des membres de ce groupe puissent collectivement déclarer et acquitter l’impôt en désignant un représentant au sein du groupe.

Enfin, afin de faciliter le contrôle par l’administration des règles de territorialité, il est prévu une obligation spécifique d’information de la part des redevables, sur demande des services de contrôle, dont la méconnaissance sera susceptible de déboucher sur la mise en œuvre d’une taxation d’office.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.            Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

La taxe nouvellement créée reposera sur un régime juridique qui sera inséré aux articles 299 à 299 quinquies, 300, 300 bis, 1693 quater, 1693 quater A et 1693 quater B du code général des impôts ainsi qu’aux articles L 16 C et L 70 A du livre des procédures fiscales.  

S’agissant du code général des impôts :

L’article 299 définit les services numériques taxés, à savoir la publicité ciblée, qui comprennent la vente de données des internautes, et les services d’intermédiation proprement dits, à l’exclusion notamment des ventes de biens et services sur l’internet. Il précise les exemptions et fixe aussi les seuils de chiffre d’affaires à remplir tant au niveau mondial qu’au niveau français pour être dans le champ de l’impôt.

L’article 299 bis fixe les règles de territorialité de la taxe, d’une part, pour les services taxés, et, d’autre part, pour les sommes encaissées en contrepartie de ces services. Ces règles sont fondées sur l’activité des internautes, indépendamment des critères de rattachement géographique afférents à ces sommes, à savoir en principe le lieu de localisation de l’internaute qui visualise la publicité, dont les données sont vendues ou qui utilise le service d’intermédiation.

L’article 299 ter institue le fait générateur et l’exigibilité de la taxe à l’achèvement de chaque année civile au titre des sommes encaissées au cours de cette période en contrepartie des services taxables fournis en France. Il désigne le redevable comme la personne qui encaissera ces sommes.

L’article 299 quater définit l’assiette et fixe le taux de la taxe à 3 %.

L’article 299 quinquies précise les règles de conversion lorsque les sommes taxées sont libellées dans une devise autre que l’euro.

L’article 300 définit les règles de liquidation, de déclaration, de recouvrement et de contrôle de l’impôt, en reprenant celles habituellement utilisées pour les taxes sur le chiffre d’affaires.

Des règles spécifiques sont prévues à l’article 1693 quater, relatif au calcul et au versement des acomptes, à l’article 1693 quater A, relatif aux cas de cessation d’activité, et à l’article 1693 quater B relatif à l’option pour la désignation d’un redevable unique pour les groupes.

Des coordinations sont enfin prévues aux articles 302 decies et 1609 sexdecies B.

S’agissant du livre des procédures fiscales :

L’article L. 16 C du livre des procédures fiscales permet à l’administration de demander au redevable des justifications sur tout élément servant de base à la liquidation de l’impôt, sans que cette demande ne constitue le début d’une procédure de vérification.

L’article L. 70 A du livre des procédures fiscales permet à l’administration, lorsque le redevable n’a pas répondu à la demande prévue au nouvel article L. 16 C du livre des procédures fiscales, ou y a répondu de manière insuffisante, de procéder, après mis en demeure, à une taxation d’office.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La taxe envisagée cible des services en ligne bien définis et est acquittée par la personne qui encaisse les sommes versées en contrepartie de ces ventes, indépendamment de sa situation économique et fiscale. Par ailleurs, aucun dispositif d’imputation sur l’impôt sur les sociétés n’est prévu. Elle s’assimile donc à une taxe sur le chiffre d’affaires qui n’entre pas dans le champ d’application des conventions fiscales relatives à l’imposition des revenus.

Par ailleurs, elle ne fait pas partie du champ des taxes indirectes interdites par le cadre européen harmonisé :

      Elle ne présente aucun caractère discriminatoire, au sens de l’article 110 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et n’induit aucune formalité liée au passage d’une frontière par un produit ;

      Dans la mesure où l’ensemble des éléments de la taxe sont définis de façon à traiter de manière identique des personnes placées dans des situations comparables au regard de l’objectif de l’impôt, la mesure ne présente pas le caractère sélectif d’une aide d’État ou d’une discrimination cachée proscrite par les articles 49 et 56 du traité susmentionné ;

      Dès lors qu’elle n’a pas pour objet d’appréhender l’ensemble des opérations économiques réalisées en France, elle n’a pas le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires assimilable à la taxe sur la valeur ajoutée, au sens de l’article 401 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée[30] ;

      A partir du moment où elle ne frappe pas, même indirectement, des produits soumis à accises (produits énergétiques, tabac, alcools), elle est compatible avec le régime général d’accise européen[31]. En effet, l’intermédiation pour la vente de ces produits fait l’objet d’une exonération expresse[32] et les dépenses de publicité afférentes à ces produits ne présentent pas un lien direct et indissociable avec les quantités ou prix de ces derniers[33].

Enfin, le projet de directive susmentionné (cf. 1.1.1) n’est pas adopté et l’état des négociations permet d’anticiper, au mieux, un compromis sur la base d’un périmètre restreint et d’une entrée en vigueur en 2022. L’obligation de coopération loyale n’oblige pas les États membres à transposer par anticipation les règles européennes, ni ne les empêche de prendre des mesures qui seraient différentes de celles d’un cadre futur harmonisé.

4.2.            Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

La taxe concernera une catégorie ciblée de services numériques, généralement commercialisés en amont du stade de la vente au consommateur final. Sous l’hypothèse que les acteurs concernés disposeraient d’une certaine faculté à ne pas la répercuter en totalité dans leurs prix, elle ne paraît pas de nature à avoir un impact macroéconomique significatif.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Seules les grandes entreprises du secteur numérique ou les entreprises appartenant à de grands groupes ayant une activité numérique significative au niveau français et au niveau mondial sont directement affectées. Une trentaine de groupes d’entreprises susceptibles d’entrer dans le champ a été identifiée. Ces groupes comprennent de nombreuses entreprises redevables, françaises, européennes et non européennes. Compte tenu de la structure oligopolistique des marchés des services taxés, l’essentiel du rendement prévisible est concentré sur un petit nombre de groupes qui captent globalement l’essentiel de la valeur créée.

Les entreprises taxées sont susceptibles de répercuter une partie de la taxe dans les prix des prestations qu’elles appliquent auprès d’autres entreprises. Une telle répercussion peut notamment être limitée par le souhait des redevables de ne pas dégrader leur compétitivité par rapport à leurs concurrents.

4.2.3        Impacts budgétaires

Le chiffrage de cette taxe a été réalisé selon une approche ascendante.

Plusieurs sources ont été mobilisées afin d’établir une liste de contributeurs : une liste établie par les Nations Unies[34], la base de données internationale Orbis, ainsi que des rencontres avec les acteurs du secteur numérique.

Pour chaque entreprise ainsi identifiée a été isolé parmi ses publications financières le chiffre d’affaires correspondant aux revenus situés dans le champ de la taxe, au niveau mondial du groupe consolidé ainsi qu’en France, lorsque ce chiffre était disponible. Des hypothèses ont été faites lorsque les typologies publiées ne coïncidaient pas avec le champ de la taxe.

L’assiette a été déterminée en fixant la quote-part française des revenus mondiaux identifiés, à l’aide de la quotité française du trafic internet mondial de l’entreprise considérée[35]. Ce chiffrage a parfois été collationné par un montant précis récupéré auprès de l’entreprise concernée ou dans des publications financières nationales.

Ainsi obtenus, les chiffres d’affaires sur les revenus considérés, au niveau tant mondial que national, permettent de déterminer les entreprises effectivement éligibles, puis une approximation du montant d’impôt dû.

Les chiffres recueillis l’ont été sur la base des exercices 2017. Ils ont été subséquemment actualisés avec un facteur de vieillissement raisonnable[36].

Le rendement au titre de l’année 2019 ainsi obtenu s’élève à environ 400 millions d’euros. Les principaux aléas identifiés sont, outre le caractère approximatif de l’estimation de l’impact des règles de territorialité, d’une part, l’évolution réelle des chiffres d’affaires des secteurs concernés, qui peut différer de la présente estimation et, d’autre part, le ciblage imparfait des redevables et de l’inclusion ou non des services qu’ils fournissent dans le champ de la taxe.

La chronique de rendement de la taxe due au titre de chaque année s’établit de la manière suivante (en M€) :

2019

2020

2021

2022

400

450

550

650

 

4.3.            Impacts sur les services administratifs

Compte tenu de la taille des redevables, le recouvrement et le contrôle de l’impôt seront gérés essentiellement par les services à compétence nationale de la direction générale des finances publiques.

Le recouvrement étant mutualisé avec celui de la TVA, les coûts de mise en œuvre seront marginaux. Comme pour l’ensemble des taxes sectorielles, l’administration fiscale ne sera pas en mesure de procéder a priori à une identification exhaustive des redevables et s’appuiera donc sur les études de marché dont elle dispose.

4.4.            Impacts sur les particuliers

La taxe ne frappera pas, sauf dans le cas résiduel des abonnements facturés par les plateformes d’intermédiation, des services directement facturés au consommateur.

Ses impacts indirects sur les prix à la consommation devraient être très limités. En tant qu’elle frappe les services de publicité en ligne, la taxe paraît peu susceptible, dans un contexte où les entreprises établissent leur budget publicitaire au sein d’enveloppes préétablies, d’être répercutée dans les prix aux consommateurs. En tant qu’elle frappe les plateformes de vente de biens ou de services, elle sera susceptible, selon le comportement des acteurs et la situation concurrentielle des différents marchés concernés, d’être partiellement répercutée dans le prix de ces biens ou services, mais uniquement à hauteur d’une fraction de la commission d’intermédiation, qui ne représente elle-même qu’une part limitée de ce prix.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.            Consultations

L’administration a conduit une large consultation des acteurs économiques sous la forme d’entretiens et de l’examen des contributions écrites qu’elle a sollicitées. Ont en particulier été reçu les principaux redevables présumés de la taxe envisagée ainsi que différentes entreprises et syndicats professionnels de la chaîne de valeur de la publicité en ligne.

Ces consultations ont permis de recueillir les observations des différentes entreprises concernées sur les orientations envisagées et les modalités de taxation possibles, d’obtenir des données économiques utiles pour paramétrer l’impôt au regard de l’objectif de rendement attendu, et d’informer ces dernières du cadre juridique dans lequel la nouvelle taxe s’insérera.

5.2.            Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

La nouvelle taxe entrera en vigueur le lendemain du jour de la publication de la loi.

Le fait générateur de l’impôt est constitué par l’achèvement de l’année civile au cours de laquelle l’entreprise a encaissé des revenus tirés des services taxables. L’impôt sera déclaré et liquidé sur la base de l’ensemble des revenus encaissés au cours de cette année à l’issue du premier trimestre de l’année suivante. Deux acomptes sont toutefois acquittés au cours de l’année d’imposition, sur la base des montants dus l’année précédente, une régularisation intervenant lors de la liquidation.

Pour la première année d’imposition, le fait générateur interviendra à l’achèvement de l’année 2019. Afin que les redevables soient en mesure d’acquitter l’impôt dans de bonnes conditions, il est nécessaire d’adapter le régime des acomptes qui sera applicable cette année. À cette fin, il est prévu qu’un seul acompte, égal au montant qui aurait été dû sur la base des revenus taxables de 2018, sera dû en fin d’année.

En outre, afin de permettre aux redevables d’acquitter l’impôt au niveau du groupe consolidé dès le premier paiement, il leur est permis de se signaler à l’administration fiscale à cette fin jusqu’au 30 septembre 2019.

5.2.2        Application dans l’espace

Conformément aux textes régissant leur statut, la nouvelle taxe :

      Sera applicable dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) ;

      Ne sera pas applicable dans les autres collectivités ultramarines.


Article 2 : Mesure dérogatoire à la trajectoire de baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés

 

1.         État des lieux

1.1 En vertu du I de l’article 219 du code général des impôts, le taux normal de l'impôt sur les sociétés est fixé à 31 % pour les exercices ouverts entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, le taux normal de l'impôt sur les sociétés sera abaissé progressivement pour atteindre 25 % en 2022, selon la trajectoire suivante :

-          en 2018, un taux de 28 % s'applique à l'ensemble des redevables jusqu'à 500 000 euros de bénéfices ; au-delà, le taux normal de l'impôt est de 33,1/3 % ;

-          en 2019, le taux normal est ramené à 31 % tandis que les 500 000 premiers euros de bénéfices continuent d’être imposés à 28 % ;

-          en 2020, le taux de 28 % sera généralisé ;

-          en 2021 et 2022, le taux normal sera, respectivement, ramené à 26,5 % et 25 %.

Par ailleurs, en application du b du I de l’article 219 du code général des impôts, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7 630 000 € et dont le capital social est entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société qui satisfait elle-même à ces conditions (conditions de chiffre d’affaires, de libération du capital et de détention de ce capital) bénéficient d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 % sur la fraction du bénéfice imposable inférieure à 38 120 €.

En outre, les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires au moins égal à 7 630 000 € sont redevables d’une contribution sociale de 3,3 % prévue à l’article 235 ter ZC du code général des impôts. Cette contribution est assise sur l'impôt sur les sociétés calculé au taux de 33,1/3 % et, le cas échéant, aux taux réduits applicables, diminué d’un abattement annuel qui ne peut excéder 763 000 €.

Le rendement budgétaire de l’impôt sur les sociétés a atteint en 2017 un montant brut d’environ 64,7 Md€ et un montant net des remboursements et dégrèvements d’environ 35,7 Md€.

1.2 L’article 219 du code général des impôts fixe le taux normal de l'impôt sur les sociétés, le taux réduit d’imposition applicable aux petites et moyennes entreprises sous certaines conditions, ainsi que différents taux réduits d’imposition applicables à certains revenus.

Par ailleurs, le 1 de l’article 1668 du code général des impôts prévoit que les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés sont tenues de procéder au versement de quatre acomptes trimestriels provisionnels.

En outre, les dispositions de l'article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 visent à ramener progressivement le taux normal de l'impôt sur les sociétés à 25 % en 2022 pour l'ensemble des entreprises, selon la trajectoire rappelée au paragraphe 1.1.

1        2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1 Nécessité de légiférer

Au regard du contexte budgétaire actuel et compte tenu des mesures mises en place pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages par la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales, il apparaît nécessaire d’infléchir la trajectoire de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour permettre d’accroître le rendement budgétaire de cet impôt en 2019.

2.2 Objectifs poursuivis

Maintenir une trajectoire budgétaire compatible avec la volonté du Gouvernement d’un rétablissement des comptes publics tout en préservant la compétitivité des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire conduit à demander un effort supplémentaire aux entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 250 millions d’euros.

2        3. Options possibles et dispositif retenu

3.1 Liste des options possibles

Une première option consisterait à modifier la trajectoire de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour l’ensemble des entreprises.

Une seconde option consisterait à infléchir la trajectoire de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises redevables réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 250 millions d’euros, en fixant pour 2019 le taux normal de l'impôt sur les sociétés à 33,1/3 % pour la fraction de bénéfice imposable supérieure à 500 000 euros par période de douze mois.

3.2 Description des avantages et inconvénients des différentes options

La première option permettrait d’accroître très sensiblement le rendement budgétaire de l'impôt sur les sociétés en 2019, mais pénaliserait l’ensemble des entreprises au regard de la trajectoire de l'impôt sur les sociétés adoptée à l’article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour l’année 2018.

La seconde option permettrait de conserver le soutien apporté aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 250 millions d’euros, dans la mesure où ces dernières bénéficient de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés à 31 % au-delà des 500 000 premiers euros de bénéfices. Seules les plus grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 250 millions d’euros seraient concernées par la mesure.

3.3 Raisons ayant présidé au choix de l’option proposée

La seconde option est privilégiée, car elle permet de mieux concilier la trajectoire de taux de l'impôt sur les sociétés adoptée à l’article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour l’année 2018 et l’impératif de rendement budgétaire. La distinction qu’elle opère entre les plus grandes entreprises et les autres entreprises repose sur un critère objectif et rationnel au regard de l’objectif poursuivi.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1 Impacts juridiques

La mesure proposée opère une modification de la rédaction de l’article 219 du code général des impôts ainsi que du 2° du F du I de l’article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

4.2 Impacts économiques et financiers

4.2.1 Impacts macroéconomiques

La mesure proposée ne concerne que les plus grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 250 millions d’euros. Compte tenu de ce ciblage, elle ne devrait pas avoir d’impact majeur sur l’emploi et le marché du travail.

4.2.2 Impacts sur les entreprises

D’après les données disponibles pour les exercices clos en 2017, la mesure proposée devrait concerner moins d’un millier d’entreprises.

4.2.3 Impacts budgétaires

Le rendement de la mesure d’infléchissement de la trajectoire de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros est estimé à environ 1,76 Md€. Ce rendement se décompose en 1,67 Md€ en 2019 et 0,09 Md€ en 2020 du fait des dates de clôture décalées des exercices comptables de certaines entreprises.

Cette estimation a été réalisée à partir des données issues des déclarations fiscales et des relevés de solde d'impôt sur les sociétés déposés au titre des exercices clos en 2017, dernière année disponible, par les redevables de l'impôt sur les sociétés dont le chiffre d'affaires était supérieur à 250 millions d'euros. La prévision des bénéfices fiscaux relatifs aux exercices ouverts du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 est estimée en retenant un taux d’évolution de 5,3 % au titre de l’année 2018 et de 12 % au titre de l’année 2019[37].

La simulation a ensuite consisté à calculer le rendement d’IS supplémentaire qui résulterait du passage d’un taux normal d'impôt sur les sociétés de 31 % à 33,1/3 % en maintenant le taux de 28 % qui s’appliquera pour la fraction de bénéfice imposable inférieure ou égale à 500 000 euros pour l’ensemble des redevables de l'impôt sur les sociétés pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Il est précisé qu’il s'agit d'une estimation reposant sur une hypothèse d’évolution globale ne tenant pas compte des variations individuelles potentielles, à la hausse ou à la baisse, des bénéfices fiscaux des entreprises par rapport au dernier exercice connu. En conséquence, le rendement indiqué constitue un ordre de grandeur.

5                    5. modalités d’application

5.1 Application dans le temps

La mesure proposée a vocation à s’appliquer aux exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2019.

5.2 Application dans l’espace

La mesure proposée s’appliquera aux entreprises qui entrent dans le champ territorial de l’impôt sur les sociétés.

 

1

 


[1] OCDE (2015), « Relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique : Action 1 - Rapport final de 2015 », Office des publications de l’OCDE, Paris. 

[2] Voir en particulier les directives n° 2008/8/CE du Conseil du 12 février 2008 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne le lieu des prestations de services et n° (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens.

[3] Proposition de directive du Conseil établissant les règles d’imposition des sociétés ayant une présence numérique significative.

[4] Proposition de directive du Conseil concernant le système commun de taxe sur les services numériques applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques.

[5] Ces données peuvent être ou non des données personnelles. Le principal modèle de collecte de ces données est celui des moteurs de recherche, généralistes ou spécialisés (y compris les comparateurs), pour lesquels les mots-clefs renseignés sont une information directe sur l’intérêt immédiat du consommateur, qui est valorisable. Le modèle qui croît le plus est celui des réseaux sociaux, reposant sur le principe d’un partage par l’utilisateur d’informations le caractérisant. Enfin, de manière plus générale, le fonctionnement d’internet permet à tout éditeur d’un site internet de recueillir (ou de permettre à des tiers de recueillir) des informations sur le comportement d’un internaute qui consulte son site (cookies, pixels invisibles, ). Les données recueillies séparément sur chaque site peuvent être coordonnées pour suivre le comportement de l’internaute et adapter un contenu publicitaire sur la base de ce comportement.

[6] Tel est notamment le cas lorsque le service permet de mettre un acheteur et un vendeur en relation, lesquels concluent ensuite la transaction en dehors de ce service.

[7] Avis de l’Autorité de la concurrence n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l’exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet (par. 224 à 240) -  Avis de l’Autorité de la concurrence n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 portant sur l’exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet (par. 249 à 269).

[8] Décision de l’Autorité de la concurrence n° 15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Booking.com B.V., Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne (par. 112 et 113).

[9] Rapport « Droit de la concurrence et données » du 10 mai 2016 de l’Autorité de la Concurrence relatif, p. 29 et 30.

[10] Au sens où les investissements supplémentaires en capital et en main d’œuvre pour développer le service sont, en moyenne, plus rentables que ceux qui ont d’ores et déjà été réalisés. Dans cette situation, toutes choses égales par ailleurs, deux opérateurs présents sur le marché et proposant un même service n’ont pas la même capacité à capter la valeur générée par l’activité des internautes.

[11] Décision de la Commission européenne du 3 octobre 2014 dans l’affaire Facebook/Whatsapp n° 139/2004, point 127.

[12] Rapport « Droit de la concurrence et données » du 10 mai 2016 de l’Autorité de la Concurrence relatif, p. 31.

[13] Michael L. Katz, Carl Shapiro, Network Externalities Competition, and Compatibiliy, The American Economic Review, vol. 85, No. 3, juin 1985, p. 424-440.

[14] Nicolas Colin, Augustin Landier, Pierre Mohnen, Anne Perrot, Économie numérique, Les notes du Conseil d’Analyse Économique, n°26, octobre 2015, p. 3.

[15] Jean-Charles Rochet, Jean Tirole, Platform Competition in Two-Sided Markets, Journal of the European Economic Association, vol. 1, Issue 4, juin 2003, p. 990-1029.

[16] Voir par exemple l’avis susmentionné du 6 mars 2018 de l’Autorité de la concurrence.

[17] Décision de la Commission européenne du 27 juin 2017 dans l’affaire Google Search (Shopping) n° AT.39740, point 287.

[18] Parmi les vingt premiers outils de suivi et de collecte de données sur des sites tiers, douze sont exploités par Google. Voir Online Tracking : A 1-million-site Measurement and Analysis, S. Englehardt et A. Narayanan, Université de Princeton.

[19] http://gs.statcounter.com/search-engine-market-share/all/france

[20] Voir par exemple CJCE, 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV et autres contre Commission des Communautés européennes, aff.C-97/08 P, par. 55 et suivants.

[21] Demand Side Platform (DSP).

[22] Ad server côté demande.

[23] Ces services permettent d’analyser la visibilité de la publicité, le contexte dans lequel elle s’insère (afin notamment d’éviter que les marques ne soient associées à des contenus concurrents ou inappropriés) et de repérer l’existence de fraudes (qui constituent un problème endémique de la publicité en ligne).

[24] Serveurs publicitaires des éditeurs (Ad serveur côté offre), fournisseurs de données aux éditeurs, régies des éditeurs, plateformes d’achats via les bourses automatisées d’achat/vente d’espaces (SSP).

[25] Notamment les bourses automatisées d’achat/vente d’espaces (Ad exchange).

[26] Un « message publicitaire » correspond à un affichage publicitaire sur l’écran d’un internaute.

[27] Une place de marché sera taxée au même niveau, qu’elle perçoive ses revenus auprès des acheteurs ou auprès des vendeurs (ou toute combinaison des deux).

[28] Une place de marché sera taxée au même niveau selon que ses revenus sont assis sur le nombre de transactions réalisées ou le nombre d’abonnements souscrits (ou toute combinaison des deux).

[29] Pour les assujettis mensualisés relevant du régime général. Des dates spécifiques s’appliquent pour les régimes spéciaux.

[30] Voir CJUE, 27 novembre 2008, aff. C-156/08, Viking motor et al., par. 32.

[31] Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, article premier, par. 3.

[32] Les commissions des plateformes d’intermédiation étant généralement proportionnelles au prix du bien, la taxe serait susceptible d’être contraire au droit européen en tant qu’elle frappe indirectement des produits soumis à accises (voir, par analogie, CJUE, 5 mars 2015, aff. C-553/13, Statoil Fuel & Retail).

[33] Voir CJUE, 4 juin 2015, aff. C-5/14, Kernkraftwerke Lippe-Ems, par. 61 à 65.

[34] The top 100 digital MNEs, World Investment Report 2017 – Chapter IV, CNUCED.

[35] Cette proratisation a été réalisée à l’aide de SimilarWeb, qu’avait également utilisé la Commission dans sa propre étude d’impact de son projet de taxe sur les services numériques.

[36] Les perspectives présentées par plusieurs cabinets spécialisés font état d’une croissance comprise entre 4 % et 13 % pour la publicité en ligne :  Magna prévoit une évolution de +13 % pour la publicité numérique en 2019 ; Dentsu Aegis network évalue à +12% la croissances des dépenses publicitaires digital en 2019 ; GoupM retient une variation de +4,3 % pour les investissement publicitaires digitaux en 2019. La taxe porte toutefois spécifiquement sur la publicité en ligne ciblée, le segment de la publicité en ligne qui concentre la totalité de la croissance du secteur, et dont la croissance, de 19 %, a été évaluée à partir des données de l’observatoire du syndicat des régies internet comme la somme de la publicité « search » et du « display programmatique » (réseau sociaux et hors réseau sociaux).

[37] Source : Tome I des Voies et moyens annexé au PLF 2019.