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N° 252

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2017.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la protection juridique des mineurs victimes de viol,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bérengère POLETTI, Jacques CATTIN, Thibault BAZIN, JeanPierre VIGIER, Sébastien LECLERC, Éric STRAUMANN, JeanMarie SERMIER, Bernard PERRUT, Véronique LOUWAGIE, Patrick HETZEL, Michel VIALAY, Dino CINIERI, Philippe GOSSELIN, Damien ABAD, Robin REDA, Fabrice BRUN, Valérie BOYER, David LORION, Nathalie BASSIRE, Nadia RAMASSAMY, Michel HERBILLON, Annie GENEVARD, Bernard DEFLESSELLES, Martial SADDIER, JeanClaude BOUCHET, JeanLuc REITZER, Charles de la VERPILLIÈRE, JeanPierre DOOR, Aurélien PRADIÉ, MarieChristine DALLOZ, Guy TEISSIER, Didier QUENTIN, Éric PAUGET, JeanCharles TAUGOURDEAU, Vincent ROLLAND, JeanCarles GRELIER, Valérie LACROUTE, Daniel FASQUELLE, Virginie DUBYMULLER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 26 septembre 2017, le parquet de Pontoise a choisi de qualifier en « atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans » deux relations sexuelles entre une fillette de 11 ans et un homme de 28 ans.

Selon le journal Médiapart, cette affaire concerne des faits remontant au 24 avril 2017. À la sortie du collège, Sarah, 11 ans, est abordée par l’individu en question. Ce dernier lui propose de lui apprendre « à embrasser ou plus ». La fillette accepte sans violence, et le suit jusqu’à chez lui. Sur le palier puis dans l’appartement, l’homme exige d’elle une relation sexuelle, sans qu’elle ne se débatte, tétanisée. En quittant les lieux, elle téléphone à sa mère, « complètement désespérée ». Une plainte pour viol est alors déposée.

Le parquet de Pontoise a estimé que ces faits ne correspondaient pas à un viol, caractérisé par « la contrainte, la violence, la menace ou la surprise » (article 222‑22 et 222‑23 selon le code pénal), ou à une agression sexuelle (critères idem). Un arrêt de la Cour de Cassation ([1]), en 2005, dispose bien que « létat de contrainte ou surprise » « résulte uniquement du très jeune âge » des victimes, « incapables de réaliser la nature et la gravité des actes » qui leurs sont imposés, mais dans un dossier où les victimes étaient âgées de un à cinq ans.

Les articles 222‑23 à 222‑26 du code pénal définissent le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Le viol est sanctionné par une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans. La durée de l’emprisonnement peut être portée à 20 ans si le viol a eu un « caractère particulièrement dangereux » ou s’il y a des « circonstances particulièrement aggravantes ».

Le parquet de Pontoise, considérant que Sarah, 11 ans, a donné un consentement, a choisi de retenir la qualification d’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans : « le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de 75 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement ». La procédure n’étant pas criminalisée, il n’y a même pas eu de saisine obligatoire du juge d’instruction.

Aujourd’hui, l’âge de la victime ne permet donc pas de requalifier ce viol, puisqu’il n’existe en France aucune atténuation des critères du viol en cas de minorité. Notre état de droit se distingue sur ce point de nos voisins et de nombreux autres pays occidentaux. En Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Suisse et aux États‑Unis, tout acte de pénétration commis sur un mineur constitue une infraction si le mineur n’a pas atteint un certain âge en‑dessous duquel il y a présomption d’absence de consentement. La limite est fixée à 12 ans en Espagne et aux États‑Unis, à 14 ans en Allemagne, en Autriche et en Belgique, à 15 ans au Danemark et à 16 ans en Angleterre et au Pays de Galles et en Suisse.

La France, contrairement à d’autres pays, n’a donc pas de présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur d’acte sexuel. La loi française ne fixe pas non plus d’âge du discernement, et « il appartient aux juridictions dapprécier si le mineur était en état de consentir à la relation sexuelle en cause », a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision de février 2015 ([2]).

L’impact de ce vide juridique se mesure aujourd’hui avec force, au regard du caractère aberrant de la qualification juridique retenue dans l’affaire citée plus haut. L’auteur de ce viol qualifié d’« atteinte sexuelle » risque d’être sanctionné d’une peine de prison d’au plus 5 ans, alors que le viol est sanctionné par une peine de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans, s’il a eu des circonstances particulièrement aggravantes.

Cette situation est choquante. Sa médiatisation peut nous permettre d’agir, car cette affaire juridique est probablement loin d’être la seule.

Aussi, afin de mettre fin à cette situation ubuesque, cette proposition de loi propose de s’inspirer sur le sujet de nos nombreux voisins occidentaux à la matière, et d’instaurer dans notre code pénal une présomption irréfragable de viol en cas de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 14 ans, ou de moins de 16 ans lorsque l’adulte entretient avec lui une relation d’autorité. Cette qualification de viol sur un mineur de moins de 14 ans, ou de moins de 16 ans lorsque l’adulte entretient avec lui une relation d’autorité, est considérée comme une circonstance particulièrement aggravante, passible de 20 ans de prison.


proposition de loi

Article unique

Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° après le deuxième alinéa de l’article 222‑22, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il existe une présomption irréfragable de viol en cas de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de quatorze ans, ou de moins de seize ans lorsque l’adulte entretient avec lui une relation d’autorité. Cette qualification de viol sur un mineur de moins de quatorze ans, ou de moins de seize ans lorsque l’adulte entretient avec lui une relation d’autorité, est considérée comme une circonstance particulièrement aggravante, passible de vingt ans de prison. »

2° Après le premier alinéa de l’article 222‑23, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il existe une présomption irréfragable de viol en cas de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de quatorze ans, ou de moins de seize ans lorsque l’adulte entretient avec lui une relation d’autorité. Cette qualification de viol sur un mineur de moins de quatorze ans, ou de moins de seize ans lorsque l’adulte entretient avec lui une relation d’autorité, est considérée comme une circonstance particulièrement aggravante, passible de vingt ans de prison. »


([1]) Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 7 décembre 2005, 05-81.316

([2]) Décision n° 2014-448 QPC du 6 février 2015