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N° 305

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2017.

PROPOSITION DE LOI

relative au devoir civique de voter,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christophe NAEGELEN, Sophie AUCONIE, Barbara BESSOT BALLOT, Bernard BROCHAND, Paul CHRISTOPHE, Lise MAGNIER, Pierre MORELÀLHUISSIER, Vincent LEDOUX, Laurianne ROSSI, Yannick FAVENNEC BECOT,

députés.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que le suffrage universel masculin est adopté sous la IIe République le 5 mars 1848 et ne sera plus remis en cause, l’ordonnance du 21 avril 1944 consacre réellement le suffrage universel en France. En effet depuis cette date tous les citoyens français majeurs, y compris les femmes, et jouissant de leurs droits civils et politiques peuvent être électeurs lors de scrutins locaux ou nationaux.

Le vote n’est pas obligatoire au sens juridique du terme. Il n’est en fait obligatoire qu’aux élections sénatoriales pour les grands électeurs qui se voient, en cas d’abstention, infliger une amende de 100 euros depuis une loi votée en 2004.

Depuis 1958, le droit de vote est de moins en moins utilisé par les Français. Cette évolution à la hausse de l’abstention en France est flagrante s’agissant des élections législatives, comme le montre le tableau ci‑dessous répertoriant l’abstention au second tour des élections législatives depuis 1958.

Date

Abstention

 

Date

Abstention

18 juin 2017

57,36 %

 

21 juin 1981

24,9 %

17 juin 2012

44,59 %

 

19 mars 1978

15,1 %

17 juin 2007

40,0 %

 

11 mars 1973

18,2 %

16 juin 2002

39,7 %

 

30 juin 1968

22,2 %

1er juin 1997

28,9 %

 

12 mars 1967

20,3 %

28 mars 1993

32,4 %

 

25 novembre 1962

27,9 %

12 juin 1988

30,1 %

 

30 novembre 1958

25,2 %

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Néanmoins aucun scrutin n’est épargné par la hausse de l’abstention puisque les élections municipales, départementales, régionales, européennes, et même présidentielles dans une moindre mesure sont concernées. Cela ne fait plus guère de doute : la France traverse un cycle de désaffection civique et électorale.

Le suffrage direct et universel est le fondement de notre démocratie et l’une des conquêtes majeures de la République et des générations de femmes et d’hommes qui, au cours des siècles, se sont battues pour l’obtenir, parfois au péril de leur vie.

Nos représentants politiques doivent être élus par une majorité de citoyens. Dans l’idéal républicain le taux est de plus de 50 % de la population en âge de voter. C’est une nécessité pour la démocratie et pour une incontestable représentativité des élus.

Le vote confère légitimité, autorité et stabilité à nos institutions. La baisse continue de la participation électorale représente un danger pour notre démocratie car elle signifie l’exclusion pure et simple de certaines catégories de population – les plus fragiles ‑ au sein des représentations locales, nationales et européennes.

Pour autant notre démocratie doit permettre aux citoyens d’exprimer dans les urnes leur insatisfaction face à l’offre électorale, sans que cela mette en danger ses fondements. La reconnaissance du vote blanc a été un premier pas vers la prise en compte de cette insatisfaction. Néanmoins la loi n° 2014‑172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections n’a pas permis de prendre réellement en compte les bulletins blancs pour la détermination des suffrages exprimés. Elle permet uniquement de distinguer les bulletins blancs des nuls.

Face à ces défis et enjeux démocratiques majeurs, la présente proposition de loi a pour ambition d’assurer une participation électorale la plus large possible à chaque scrutin, tout en permettant aux citoyens d’exprimer leur insatisfaction vis‑à‑vis de l’offre politique.

Ainsi l’article 1er instaure le vote universel et obligatoire en France. L’article 2 prévoit l’inscription d’office sur les listes électorales, notamment pour les citoyens nés avant 1975. En effet la loi du 10 novembre 1997, permettant à chaque citoyen âgé de dix‑huit ans de recevoir automatiquement sa carte d’électeur afin de voter à toutes les élections sans être pris au dépourvu pour avoir oublié de s’inscrire sur lesdites listes électorales, exclut de son bénéfice tous les citoyens français qui ne sont toujours pas inscrits sur les listes électorales, se privant ainsi de leur droit d’électeur. Il s’agit notamment des citoyens français nés après 1975.

En parallèle, l’article 3 prévoit la reconnaissance du vote blanc parmi les suffrages exprimés, permettant à chaque français de manifester son insatisfaction face à l’offre électorale lors d’un scrutin. L’article 4 donne encore plus de poids au vote blanc puisqu’il précise qu’un vote blanc supérieur à 50 % des suffrages exprimés invalide le scrutin.

Afin de faciliter le vote par procuration, l’article 5 prévoit que le mandataire à qui l’électeur donne procuration pour un scrutin doit être inscrit sur les listes électorales du même département que le mandant, et pas seulement de la même commune. Dans le même objectif, l’article 6 précise de façon extensive les lieux et personnes pouvant enregistrer une demande de procuration, en incluant notamment la mairie et les officiers de l’état civil.

 


proposition de loi

Article 1er

À l’article L. 1 du code électoral, les mots : « et universel » sont remplacés par les mots : « universel et obligatoire ».

Article 2

Tous les citoyens français disposant du droit de vote sont systématiquement inscrits sur les listes électorales de leur commune de résidence.

Article 3

La cinquième phrase du troisième alinéa de l’article L. 65 du code électoral est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

« Ils entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. »

Article 4

L’article L. 56 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« S’il y a plus de 50 % de bulletins blancs, l’élection est invalidée. Un nouveau scrutin doit être organisé. »

Article 5

À l’article L. 72 du même code, les mots : « la même commune » sont remplacés par les mots : « le même département ».

Article 6

Avant le premier alinéa de l’article L. 73 du même code, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les procurations peuvent être établies à la mairie du lieu de résidence, dans un commissariat de police ou dans une brigade de gendarmerie par un acte dressé devant un officier de police judiciaire ou un officier d’état civil.

Le juge d’instance du lieu de résidence de l’électeur désigne des officiers de police judiciaire ou d’état civil, qui peuvent se rendre auprès des personnes dans l’incapacité de se déplacer pour établir une procuration. »

Article 7

Les charges qui pourraient résulter pour les communes de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 8

Les dispositions de la présente loi sont applicables à la Nouvelle‑Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.