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N° 472

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2017.

PROPOSITION DE LOI

relative au financement du médicosocial,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. François RUFFIN,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Tous les parents dont un enfant souffre d’un handicap le savent : « trouver une place » est une bataille.

« Cest déjà assez lourd davoir un enfant handicapé, de ladmettre, de laccepter, on a tous les rendezvous médicaux à côté, lorthophonie, la kiné, le pédopsy, et en plus il faut lutter, toujours, tout le temps, pour lui trouver une place, trouver les interventions éducatives qui lui permettront d’aller mieux…

On ma conseillé de lenvoyer en Belgique, vous vous rendez compte ? À la frontière belge, y a un tas dinstituts, comme ça, cest la France qui paie. Les ambulances font le tour des familles, et les gosses partent pour une ou plusieurs semaines… Comment on peut accepter ça ? Quon exile les personnes handicapées, juste parce que lÉtat se refuse à investir un peu ? En France, au XXIème siècle, dans la cinquième puissance économique mondiale ! »

Le déficit en « foyers d’accueil médicalisés », en « maisons d’accueil spécialisées », en « service d’accueil à la vie sociale », etc., bref, en structures médico‑sociales est criant. Dans certains départements, c’est un désert. Faute de mieux, nombre de handicapés mentaux atterrissent alors à l’hôpital psychiatrique, et ils y séjournent longuement, parfois des années.

Avec à la fois un gâchis humain : le lieu ne leur est pas adapté, ils y régressent.

Surtout, on relève une pénurie d’établissements médico‑sociaux, pour les troubles psychiatriques, pour les autistes, pour les déficients intellectuels. Faute de places ailleurs, nombre de ces personnes demeurent alors à l’hôpital psychiatrique, en deviennent de facto « résidents », des lits sont occupés durant plusieurs années. Ce qui produit, dira‑t‑on, des « embouteillages ».

Et un gâchis financier : une journée à l’hôpital coûte 800 € à la collectivité, contre 300 € en médico‑social.

Alors, pourquoi cette pénurie perdure‑t‑elle ?


Une cause, pas la seule, mais une cause importante apparaît dans les financements :

L’hôpital psychiatrique, le « sanitaire », est payé par la sécurité sociale. Le médico‑social, lui, est pris en charge, largement, par les départements.

Quel intérêt auraient, dès lors, les départements à investir vastement dans ces établissements médico‑sociaux ? Cela reviendrait à opérer un transfert de charges, conséquent, sur leurs épaules. Alors que, à ces collectivités aussi, l’État réduit chaque année les dotations.

D’où le relatif statu quo, malgré le double gâchis mentionné, humain et financier.

Cette scission produit des effets absurdes, que ne déplorent pas seulement les familles, pas seulement les soignants, psychiatres, syndicats, mais également des cadres des agences régionales de santé (ARS) ou des conseils départementaux.

Nous proposons donc de rendre le financement du médico‑social à l’État, avec une responsabilité claire, non‑partagée, afin de permettre une politique rationnelle, dans la durée. Quand ne s’opèrent aujourd’hui que des choix myopes, à courte vue, délaissant l’intérêt général.

Le médico‑social est aujourd’hui largement financé par les conseils départementaux. Tandis que le sanitaire, l’hôpital, l’est par la sécurité sociale. Il s’ensuit un faible investissement : sans le proclamer, les départements sont peu avides de transférer cette charge sur leurs épaules. D’où une « lutte pour les places », parmi les parents d’enfants handicapés. D’où, également, des exils vers la Belgique, ou une résidence de longue durée en hôpital psychiatrique.

Notre article premier prévoit donc de placer le médico‑social sous le giron de l’État. Les articles suivants sont des conséquences techniques de ce premier article.


proposition de loi

Article 1er

I. – L’article L. 3221‑1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de permettre une prise en charge complète et équitable sur tout le territoire, l’État assure le financement des établissements et services médico‑sociaux accueillant des personnes en situation de handicap psychique, des personnes atteintes de troubles du développement ou de pathologies psychiatriques chroniques. »

II. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le 7° de l’article L. 121‑7 est rétabli dans la rédaction suivante :

« 7° Le financement des établissements et services mentionnés au 7° du I de l’article L. 312‑1 accueillant des personnes en situation de handicap psychique ou des personnes atteintes de pathologies psychiatriques chroniques ; »

2° Au quatrième alinéa de l’article L. 313‑3, après la référence : « 4°, », il est inséré la référence : « 7°, » ;

3° L’article L. 314‑1 est ainsi modifié :

a) au IV, après le mot : « publique » sont insérés les mots : « , autres que ceux mentionnés au 7° de l’article L. 121‑7, » ;

b) au premier alinéa du V, après la référence : « L. 312‑1 » sont insérés les mots : « , autres que ceux mentionnés au 7° de l’article L. 121‑7, ».

III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 174‑7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas aux établissements et services mentionnés au 7° du I de l’article L. 312‑1 du code de la sécurité sociale pour leurs activités d’accueil des personnes en situation de handicap psychique ou des personnes atteintes de pathologies psychiatriques chroniques. »

2° L’article L. 174‑13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas aux activités d’accueil des enfants en situation de handicap psychique ou des enfants atteints de pathologies psychiatriques chroniques accueillis par ces centres. »

Article 2

Les dispositions de l’article 1 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2019.

Article 3

Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État et ses établissements publics sont compensées, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.