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N° 565

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à la moralisation des activités bancaires,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Gilbert COLLARD, Marine LE PEN, Louis ALIOT, Bruno BILDE, Sébastien CHENU, Ludovic PAJOT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plus de cinq années maintenant, les  établissements français de crédit ainsi que les sociétés de financement continuent à bénéficier de ressources rémunérées à des taux extrêmement réduits.

On pourrait donc s’attendre à ce que les entreprises ainsi que les particuliers bénéficient corrélativement de crédits à des coûts particulièrement bas. Or, sur la place de Paris tout au moins, les emprunteurs sont très loin de disposer de ressources dont le niveau répercuterait le résultat recherché par la stratégie publique de « quantitative easing ». Ainsi, en France tout au moins, les politiques monétaires non conventionnelles sont loin d’avoir eu l’effet d’entraînement attendu pour la relance de l’investissement et de la consommation dans notre économie.

La raison de cette situation atypique est également connue : en effet, le système financier français pratique des marges disproportionnées entre le coût de ses ressources et le rendement de ses emplois. Cette discordance peut être constatée à la lecture du Journal officiel de la République française. En effet, ledit Journal officiel vient de publier le seuil des taux usuraires qui entreront en vigueur au 1er janvier 2018. Il s’agit en quelque sorte des taux maximaux qui pourront être pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement. Au‑delà de ces taux réputés usuraires, le code de la consommation considère que les taux abusifs sont inopposables à l’emprunteur, et que l’établissement fautif est susceptible d’être renvoyé en correctionnelle. Or au 1er janvier 2018, une banque ou un établissement de crédit pourra encore facturer à ses clients un taux dépassant 14 % pour le découvert et 20 % pour le crédit à la consommation.

C’est ce constat qui motive le dispositif contenu dans l’article 1er de la présente proposition de loi : le taux effectif d’un prêt ne pourra plus dépasser 8 %. Cependant, le taux plafond restera égal aux quatre tiers du taux effectif moyen pratiqué pour les opérations de même nature sur la place de Paris. L’innovation résiderait dans la création d’un taux plafond absolu de 8 % annuels. En clair ce n’est pas par ce que les autres établissements financiers surfacturent leurs prêts aux clients que leurs concurrents pourront se permettre d’appliquer les mêmes tarifs via le calcul du taux moyen. Il est à noter que ce taux plafond de 8 % ne devrait pas trop accabler les établissements de crédit et assimilés ; dans la mesure où le coût moyen de leurs ressources est quatre fois moindre.

Les articles suivants de la présente proposition de loi visent à renforcer également la moralisation bancaire.

L’article 2 érige la Caisse des dépôts et consignations en banque de la démocratie ; ce qui viendrait clore des polémiques inutiles : au financement public de la vie politique doit répondre un établissement à statut public dérogatoire.

L’article 3 de la présente proposition vise là encore à répondre à un problème qui se pose aussi bien aux entreprises, aux particuliers ainsi qu’aux structures associatives : la rupture unilatérale des relations contractuelles par un établissement de crédit devra être motivée ; et toute motivation insuffisante pourra être invalidée par l’autorité juridictionnelle.

L’article 4 de la proposition vise à sanctionner sévèrement les dirigeants d’un établissement qui aurait fait montre d’une attitude discriminatoire vis‑à‑vis de telle ou telle catégorie de ses clients. Les critères discriminants sont ceux usuellement reconnus par la législation pénale. Les dirigeants des établissements concernés pourront être en quelque sorte déchus de leurs droits de diriger une banque ou une société financière.

Enfin, afin de surveiller l’effectivité de la moralisation bancaire, trois représentants élus par la clientèle de la banque pourront siéger dans chacun de ses organes décisionnels. Tel est l’objet de l’article 5.


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 314‑6 du code de la consommation est ainsi rédigé :

« Art. L. 3146. – Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, soit le taux annuel de 6 % computé en intérêts simples, soit  le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l’autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier. Les catégories d’opérations pour les prêts aux particuliers n’entrant pas dans le champ d’application du 1° de l’article L. 313‑1 ou ne constituant pas une opération de crédit d’un montant supérieur à 75 000 euros destiné à financer, pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien sont définies à raison du montant des prêts.

« Les crédits accordés à l’occasion de ventes à tempérament sont, pour l’application de la présente section, assimilés à des prêts conventionnels et considérés comme usuraires dans les mêmes conditions que les prêts d’argent ayant le même objet. »

Article 2

La sous‑section relative au droit au compte de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III de la partie législative du code monétaire et financier est complétée par un article L. 312‑1‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 31212. – Les personnes physiques ou morales relevant de la loi n° 95‑65 du 13 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, ainsi que leur mandataire financier ont également le droit d’ouvrir directement un compte  courant à la Caisse des dépôts et consignations. »

Article 3

L’article L. 312‑1 du même code est complété par les alinéas VI et VII ainsi rédigés :

« VI. – En cas de rupture unilatérale ou de modifications substantielles des relations contractuelles, l’établissement de crédit doit indiquer de façon claire et détaillée dans son courrier de préavis de rupture les motivations qui l’ont amené à prendre cette décision. En cas de manquement à cet impératif, l’initiative de l’établissement de crédit est réputée nulle et de nul effet.

« VII. – En cas de rupture non motivée, ou insuffisamment motivée, ou fondée sur un conflit d’intérêt ou enfin sur une manœuvre discriminatoire ; le client, le médiateur bancaire, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou toute personne y ayant intérêt peut saisir le Président du tribunal de grande instance territorialement compétent. Ce denier, statuant par la voie du référé, peut ordonner le rétablissement provisoire des relations contractuelles originelles entre la banque et son client, et ce jusqu’à ce que la juridiction compétente ait statué au fond. »

Article 4

La section 7 du titre 1er du livre VI du code monétaire et financier est complétée par un article 613‑39‑1 ainsi rédigé :

« Art. 613391. – La durée de la suspension temporaire ou de la démission d’office des dirigeants d’un établissement de crédit prononcée par l’Autorité de contrôle prudentiel ou de résolution statuant en matière disciplinaire ne peut être inférieure à un an, lorsque ces derniers ont manifesté vis à vis de certains de leurs clients une attitude discriminatoire à raison de leurs options politiques, associatives ou syndicales ou à raison de leur appartenance ou non appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une race, une religion déterminée ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. »

Article 5

Le premier alinéa de l’article L. 511‑60 du même code est ainsi rédigé :

« Le conseil d’administration, le conseil de surveillance ou tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes approuve et revoit régulièrement les stratégies et politiques régissant la prise, la gestion, le suivi et la réduction des risques auxquels l’établissement de crédit ou la société de financement est ou pourrait être exposé, y compris les risques engendrés par l’environnement économique. Cet organe de surveillance comprend en son sein avec voix délibérative un membre élu par les déposants de l’établissement, un membre élu par les détenteurs de livrets d’épargne et le cas échéant un représentant élu par les créanciers obligataires. Les modalités de ces votations par correspondance sont précisées par décret en Conseil d’État. »