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N° 848

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2018.

PROPOSITION DE LOI

en faveur de lengagement associatif,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Sylvain WASERMAN, Sophie METTE, Erwan BALANANT, JeanPierre CUBERTAFON, Sarah EL HAÏRY, Nadia ESSAYAN, Michel FANGET, Michèle de VAUCOULEURS
et les membres du groupe Modem(1) et apparentés(2),

députés.

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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Erwan Balanant, Géraldine Bannier, JeanNoël Barrot, Philippe Berta, Philippe Bolo, JeanLouis Bourlanges, JeanPierre Cubertafon, Marguerite DeprezAudebert, Bruno Duvergé, Sarah El Haïry, Nathalie Elimas, Nadia Essayan, Michel Fanget, Marc Fesneau, Isabelle Florennes, Patricia Gallerneau, Brahim Hammouche, Cyrille IsaacSibille, Élodie JacquierLaforge, Bruno Joncour, JeanLuc Lagleize, Fabien Lainé, Mohamed Laqhila, Florence LasserreDavid, Philippe Latombe, Aude Luquet, JeanPaul Mattei, Sophie Mette, Philippe MichelKleisbauer, Patrick Mignola, Bruno Millienne, Frédéric Petit, Maud Petit, Josy Poueyto, Richard Ramos, Thierry Robert, Marielle de Sarnez, Nicolas Turquois, Michèle de Vaucouleurs, Laurence Vichnievsky, Sylvain Waserman.

(2) Justine Benin, Vincent Bru, Bruno Fuchs, Laurent Garcia, Max Mathiasin, Jimmy Pahun.

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les associations sont au cœur des enjeux de notre pays : présentes au quotidien pour répondre aux besoins sociaux et sociétaux, et maintenir le lien social. Dans toute leur diversité, les associations mobilisent des millions de citoyens.

Le rapport de 2014 fait au nom de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif ([1]) a relevé que le renouvellement des dirigeants associatifs bénévoles est aujourd’hui l’une des difficultés les plus importantes du monde associatif et serait même la première difficulté recensée par les associations. 53 % d’entre elles indiquent qu’elles ont du mal à renouveler leurs instances dirigeantes. Selon ce rapport, cette préoccupation semble aussi prégnante que la crainte de manquer de financements. 

La fonction de dirigeant bénévole, outre qu’elle exige une disponibilité importante, nécessite des compétences variées, qu’il s’agisse de droit, de fiscalité, de management ou de communication. 

En l’état actuel du droit, la responsabilité financière du dirigeant bénévole d’une association est susceptible d’être engagée avec de lourdes conséquences personnelles, même en cas de simple négligence. Les tribunaux disposent d’un pouvoir d’appréciation tant sur le principe même de la condamnation que sur son montant. Il relève donc du seul pouvoir du juge de tenir compte ou non du caractère bénévole pour appliquer moins rigoureusement la responsabilité aux dirigeants bénévoles.

Le dirigeant bénévole d’une association engage ainsi sa responsabilité s’il a commis une ou plusieurs fautes de gestion qui ont conduit à générer une insuffisance d’actifs. Il peut être amené à supporter personnellement tout ou partie des dettes, alors même que son patrimoine est bien distinct de celui de l’association.

La sanction encourue, de nature pécuniaire, est la condamnation au comblement du passif régie par l’article L. 651‑2 du code de commerce. Le président d’une association ne peut se prévaloir du fait que l’association est d’intérêt général pour s’exonérer de sa responsabilité dans le cadre d’une action en comblement de passif (Cass. Com., 27 juin 2006, n° 04‑16.296, inédit).

Par ailleurs, l’article 146 de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 (dite « Loi Sapin 2 ») encadre la faute de gestion en excluant les cas de simple négligence dans « la gestion de la société ». Il apparaît donc que seul le dirigeant de société bénéficie de cette « exception de négligence », et non le dirigeant d’association.

Ainsi, il faut relever certaines jurisprudences contradictoires aux termes desquelles des magistrats retiennent que l’absence d’objet lucratif comme le statut de bénévole de ses dirigeants ne peut exonérer totalement les dirigeants de leur responsabilité pour insuffisance d’actif (Cass.com., 22 janv. 2013, n° 11‑27.420), tandis que d’autres magistrats peuvent prendre en considération ces éléments pour atténuer la responsabilité du dirigeant condamné à supporter le passif de l’association. Par exemple, la Cour d’appel de Grenoble (14 novembre 2007, n° 06/02661) a pu motiver sa décision en prenant en compte le statut de bénévole, le souci louable dont chacun a fait preuve d’œuvrer à une entreprise à finalité sociale, le fait que les dirigeants n’ont tiré aucun profit des activités de l’association, et leur condition de fortune personnelle.

Cette insécurité juridique concourt à une crise du renouvellement associatif dans les fonctions de dirigeant bénévole, les dirigeants ne disposant pas nécessairement des compétences techniques requises ou du personnel en capacité d’assurer la gestion financière de l’association, de plus en plus complexe.

Il y a par ailleurs une absence de parallélisme des formes entre le code de commerce dans son action en comblement du passif et le code civil qui, au titre de l’action en responsabilité contractuelle à l’encontre des responsables d’associations qui auraient mal appliqué le mandat qui leur est confié en commettant une faute de gestion, prévoit en son article 1992 que la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire.

Afin dencourager la prise de responsabilité associative et de tenir compte de la réalité du monde associatif et de ses fortes contraintes :

Le I de l’article 1er de la proposition de loi a pour objet d’étendre l’« exception de négligence » aux dirigeants d’association en faisant désormais référence à toute « personne morale » – ce qui inclut les associations – et non plus seulement les sociétés.

Le II du même article vise à atténuer les condamnations de dirigeants bénévoles d’association au titre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs (dans les cas de liquidation judiciaire de l’association) en obligeant les magistrats à tenir compte du statut de bénévole et à examiner les moyens dont disposait le dirigeant pour prémunir l’association contre des risques financiers.

L’atténuation de la responsabilité pour faute de gestion verrait son champ d’application limité aux associations visées au 1 bis de l’article 206 du code général des impôts.

Audelà de la responsabilité associative, il faut également inciter la jeunesse à entrer dans le mouvement associatif.

L’article L. 312‑5 du code de l’éducation dispose que l’enseignement moral et civique sensibilise les élèves de collège et de lycée au service civique. Cependant les associations sont au cœur des enjeux de notre pays. Cet enseignement devrait donc aussi comprendre une sensibilisation à la vie associative. Ainsi inscrire la sensibilisation à la vie associative, au même titre que le service civique, dans le cadre de l’enseignement moral et civique des élèves de collège et lycée est nécessaire pour valoriser le bénévolat et les associations.

Pour valoriser, il faut connaître. Or actuellement, il y a une trop grande méconnaissance dans la société du fait associatif. L’engagement bénévole augmente depuis 2010 de près de 15 %. La France compte 13 millions de bénévoles, et 70 000 associations sont créées chaque année. Elles font partie de la société civile, et du tissu social. Dans ce contexte la reconnaissance et la valorisation du bénévolat est primordiale.

Les enseignants pour la plupart approuvent l’intérêt d’encourager les jeunes à s’engager dans une association comme citoyen. Il est nécessaire d’encourager « l’envie d’agir des élèves ». En présentant le monde associatif et la vie associative dans son ensemble, cela permettrait une ouverture sur l’environnement extérieur des élèves grâce aux associations. Pour cette raison, il est important que les jeunes puissent partager avec leurs camarades, sur leur engagement ou désir d’engagement, lors de ce moment d’échanges qu’est l’enseignement moral et civique.

De plus, si le service civique est le premier dispositif d’engagement volontaire pour les jeunes, et est associé aux idées de citoyenneté et de solidarité, il n’est pas le seul moyen de s’engager. Sensibiliser les jeunes à la vie associative serait une offre complémentaire au désir d’engagement citoyen qu’éprouvent les jeunes.

En effet, aujourd’hui le bénévolat permet d’exprimer sa citoyenneté en ayant le sentiment de contribuer à autre chose que simplement l’activité réalisée. Il y a donc un réel besoin de faire la promotion du bénévolat à l’école afin que celle‑ci soit le premier pas vers l’engagement citoyen. Si la logique d’engagement est différente selon les individus, l’État en promouvant à l’école le bénévolat et donc en le valorisant, pourra en faire une fierté nationale.

Ainsi un module théorique et un support méthodologique pourrait être mis en place pour aider les enseignants dans cette présentation de la vie associative et aider les jeunes à s’engager. Tel est l’objet de l’article 2.

 


proposition de loi

Article 1er

I. – À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 651‑2 du code de commerce, le mot : « société » est remplacé par les mots : « personne morale ».

II. – Le premier alinéa de l’article L. 651‑2 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, le cas échéant, par le code civil applicable aux départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle et non assujettie à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l’article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l’existence d’une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant et de l’insuffisance des moyens dont il disposait pour prémunir l’association contre des risques financiers. »

Article 2

Au cinquième alinéa de l’article L. 312‑15 du code de l’éducation, après le mot : « lycée » sont insérés les mots : « à la vie associative et ».


([1]) Rapport enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 novembre 2014 N° 2383 au nom de la Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie sociale et citoyenne et conforter le tissu social. Présidence : Alain Bocquet. Rapporteure : Françoise Dumas.