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N° 870

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter conjointement contre la fraude fiscale et la fraude sociale et à renforcer les sanctions contre ce « vol » fait à la solidarité nationale,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Valérie BAZINMALGRAS, Pierre CORDIER, JeanPierre DOOR, Emmanuel MAQUET, Marc LE FUR, Véronique LOUWAGIE, Brigitte KUSTER, Arnaud VIALA, David LORION, Philippe GOSSELIN, Bernard PERRUT, Olivier DASSAULT, Thibault BAZIN, Isabelle VALENTIN, Valérie BEAUVAIS, Robin REDA, JeanLuc REITZER, Éric PAUGET, Pierre VATIN, Nicolas FORISSIER, Daniel FASQUELLE, Julien AUBERT,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nous avons la chance de vivre dans un pays dont un grand nombre de droits et de prestations reposent directement sur ce que l’on appelle « la solidarité nationale ».

Celle‑ci exige de chaque contribuable, personne morale ou physique, qu’il s’acquitte des montants déterminés par la loi pour y contribuer et qu’il s’abstienne de solliciter des droits auxquels il ne peut prétendre.

Malheureusement, cette solidarité nationale est aujourd’hui mise à mal par de nombreux fraudeurs qui n’hésitent pas à se soustraire illégalement à leur devoir.

Ce comportement qui ulcère les Français honnêtes et constitue un véritable « vol » fait à la Nation repose sur deux phénomènes : la fraude sociale et la fraude fiscale.

Ce que l’on appelle communément la fraude sociale regroupe en réalité deux notions distinctes :

– La fraude aux cotisations sociales visant à réduire le montant des cotisations payées par l’employeur (travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de séjours, cumul irrégulier d’emploi…) ;

– La fraude aux prestations sociales consistant pour un allocataire à obtenir des avantages injustifiés ou illégaux (prestations maladie, familiales, retraites…).

S’agissant de la fraude fiscale, elle est définie comme la soustraction illégale à la législation fiscale de tout ou partie de la matière imposable d’un contribuable.

Il ne faut pas la confondre avec l’optimisation fiscale qui, même si on peut contester sa légitimité ou son efficacité économique, est légale.

Du fait de leur nature dissimulée, il est difficile de connaître précisément le montant réel de ces fraudes car celui‑ci dépasse largement les faits constatés par les services de l’État.

Néanmoins, de nombreuses études ont été menées et, s’agissant de la fraude sociale, la Cour des comptes estime son montant total, fraudes aux cotisations et fraudes aux prestations confondues, à plus de 20 milliards d’euros par an (Rapport annuel de la Cour des comptes publié le 17 septembre 2014).

Concernant la fraude fiscale, le syndicat national Solidaires Finances Publiques évalue, aujourd’hui, son montant à environ 75 milliards d’euros, soit plus de deux fois le budget annuel de la défense nationale française.

Ces sommes vertigineuses, qui pourraient donc représenter près de 100 milliards d’euros, constituent un terrible manque à gagner pour le budget national et la protection sociale des Français.

Ces agissements ne sont plus tolérables. Il est désormais urgent d’agir concrètement pour lutter plus efficacement contre ces fraudes. Mais il est essentiel d’envoyer un message cohérent de lutte contre la fraude fiscale, comme la fraude sociale. Schématiquement, les Français ont pu avoir l’impression que la gauche combattait la fraude fiscale et la droite, la fraude sociale.

C’est pour lutter contre ces vieux schémas que la présente proposition de loi prévoit d’augmenter les sanctions contre ces deux cas de fraudes.

Ainsi, l’article 1 créé une peine complémentaire, en cas de fraude fiscale : l’interdiction de bénéficier de crédits d’impôts sur l’impôt sur le revenu pendant 5 ans.

L’article 2 prévoit que tout fraudeur récidiviste ne peut bénéficier des allocations sociales pendant 5 ans.

L’article 3 double l’amende prévue en cas de fraude fiscale.

L’article 4 double le montant de l’amende pour les fraudeurs aux prestations ou aux allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale.

L’article 5 triple l’amende prévue contre les particuliers et les entreprises qui effectueraient une fraude liée aux dispositifs de défiscalisation en Outre‑mer.

L’article 6 renforce les sanctions contre les fraudeurs aux crédits d’impôts

L’article 7 propose d’intégrer de droit les comités opérationnels départementaux anti‑fraude (CODAF) à la liste des institutions qui ont accès au répertoire national commun de la protection sociale afin de faciliter leur travail.

L’article 8, afin de parfaire l’échange d’informations entre organismes sociaux et acteurs judiciaires, propose d’intégrer le comité opérationnel départemental anti‑fraude à la liste fixée par l’article L. 128‑2 du code de commerce. Cet article énumère en effet les institutions qui ont accès au fichier des personnes condamnées à une interdiction de gérer. En permettant aux membres du comité opérationnel départemental anti‑fraude d’avoir accès à ce fichier, cela permettra d’enrichir leurs enquêtes et d’identifier rapidement les « entrepreneurs‑fraudeurs ». 

L’article 9 propose d’étendre la flagrance sociale à tout type de fraude sociale. En matière fiscale, cet outil de la flagrance permet aux agents des impôts de dresser un procès‑verbal qui emporte des effets tels que des mesures conservatoires en cas de constatation de faits frauduleux. Rapide et efficace, la flagrance a fait ses preuves dans la lutte contre la fraude fiscale. Cet article crée donc la flagrance sociale, un outil à disposition des inspecteurs de recouvrement afin de percevoir les prestations sociales obtenues frauduleusement ou de manière indue.

L’article 10 vise à remplacer la carte d’assurance maladie par une carte d’assurance maladie biométrique. En effet, celle que nous utilisons actuellement comporte de nombreuses failles. Parmi celles‑ci, le surplus de cartes en circulation en comparaison du nombre de potentiels bénéficiaires et le manque d’informations sur les prestations et aides perçues par le titulaire. La création d’une nouvelle carte d’assurance maladie biométrique possédant les informations énoncées ci‑dessus ainsi que les éléments nécessaires à l’identification de la personne, permettraient ainsi d’y remédier.


proposition de loi

Article 1er

L’article 1750 du code général des impôts est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° L’interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, doublée en cas de récidive, de bénéficier de tout dispositif de crédit d’impôt ou de déduction fiscale sur le paiement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques prévus au chapitre 1er du titre 1er de la première partie du livre premier. »

Article 2

À l’article L. 111‑1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « attribution », sont insérés les mots : « et n’est pas signalée comme fraudeuse récidiviste depuis cinq ans ou moins au répertoire national commun de la protection sociale ».

Article 3

Au premier alinéa de l’article 1741 du code général des impôts, le montant : « 500 000 € » est remplacé par le montant : « 1 000 000 € ».

Article 4

L’article L. 114‑13 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 11413. – Est passible d’une amende de 10 000 euros quiconque se rend coupable de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir, ou faire obtenir ou tenter de faire obtenir des prestations ou des allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale, qui ne sont pas dues, sans préjudice des peines résultant de l’application d’autres lois, le cas échéant. »

Article 5

Au premier alinéa de l’article 1740 du code général des impôts, après les mots : « égale au » sont insérés les mots : « triple du ».

Article 6

Au premier alinéa de l’article 1740 A du code général des impôts, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 100 % » et après les mots : « égale au » sont insérés les mots : « triple du ».

Article 7

Au 2° de l’article L. 114‑12‑1 du code de la sécurité sociale, après le mot : « sociale » sont insérés les mots : « les comités opérationnels départementaux anti‑fraude dans le cadre de leur mission de lutte contre toutes les fraudes ».

Article 8

I. – Après le 4° de l’article L. 128‑2 du code de commerce, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Les membres des comités opérationnels départementaux anti‑fraude. »

Article 9

L’article L. 243‑7‑4 du code de la sécurité sociale est rétabli dans la rédaction suivante :

« Dès lors qu’un procès‑verbal de fraude sociale ou de travail illégal a été établi, ou que des prestations indues ont été perçues, l’inspecteur du recouvrement peut dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l’évaluation du montant des cotisations dissimulées.

« Ce procès‑verbal est signé par l’inspecteur et par le responsable de l’entreprise. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès‑verbal.

« L’original du procès‑verbal est conservé par l’organisme chargé du recouvrement et une copie est notifiée au contrevenant.

« Au vu du procès‑verbal de travail illégal et du procès‑verbal de flagrance sociale, le directeur de l’organisme de recouvrement peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer sur les biens du débiteur l’une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521‑1 à L. 533‑1 du code des procédures civiles d’exécution. »

Article 10

I. – Au premier alinéa du I, à la première phrase du II et à la première phrase du V de l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale, le mot : « électronique » est remplacé par le mot : « biométrique » ;

II. – Tout assuré social doit, à son initiative et sous sa diligence, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi, échanger sa carte d’assuré social antérieurement détenue contre une carte biométrique répondant aux conditions de l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la présente loi. Au‑delà de ce délai, ses droits sont suspendus jusqu’à établissement d’une carte biométrique répondant aux conditions précitées.

III. – Dans les six mois suivants la publication de la présente loi, il ne peut plus être délivré qu’une carte d’assuré social biométrique répondant aux conditions de l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la présente loi.

IV. – Le décret en Conseil d’État mentionné au I de l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale détermine les conditions d’entrée en vigueur du présent article et intervient au plus tard dans le mois suivant la publication de la présente loi.

V. – Les organismes d’assurance maladie procèdent à une communication appropriée auprès des assurés sociaux sur l’application du présent article.

Article 11

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.