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N° 1071

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à aménager la « taxe à lessieu », taxe spéciale sur certains véhicules routiers, pour les poids lourds de collection ou détenus par des particuliers pour un usage personnel et occasionnel
non commercial,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanCharles TAUGOURDEAU, Franck MARLIN, Valérie BEAUVAIS, Vincent DESCOEUR, Damien ABAD, Patrick HETZEL, Bernard PERRUT, Marc LE FUR, Thibault BAZIN, Michel VIALAY, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bérengère POLETTI, JeanClaude BOUCHET, Arnaud VIALA, Valérie BAZINMALGRAS, PierreHenri DUMONT, Sébastien LECLERC, Laurent FURST, Virginie DUBYMULLER,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le patrimoine automobile français des véhicules de collection légers ou poids‑lourds, qu’ils soient issus de l’industrie française, européenne ou encore importés par les alliés lors des dernières guerres mondiales ou encore des véhicules deux‑roues motorisés de collection fait partie de notre histoire, de nos racines. La préservation de ce patrimoine est donc très importante. Or, les contraintes imposées par un contrôle technique et, pour certains, un coût prohibitif de l’immatriculation liée à la cylindrée et au nombre de chevaux fiscaux appliqués aux véhicules anciens, considérés comme des véhicules de collection selon les dispositions de l’article R. 311‑1 (6.3) du code de la route, nuisent considérablement à cet objectif.

L’absence de nécessité d’économiser l’énergie avant le premier choc pétrolier de 1973 a conduit nombre de constructeurs automobiles à produire des modèles populaires disposant d’une importante cylindrée et comprenant jusqu’à 40 ou 50 chevaux fiscaux sur des voitures de grandes séries.

De même, certains véhicules spéciaux ou certains camions peuvent couramment relever d’une puissance fiscale allant jusqu’à 100 chevaux fiscaux, voire plus dans certains cas.

Or, avec un prix de 33 à 51,20 euros par cheval fiscal selon les régions pour 2017, et une hausse qui a pu atteindre 30 % entre 2011 et 2017, le montant à payer peut rapidement devenir prohibitif pour les particuliers et constituer un frein à la préservation de certains véhicules dont les caractéristiques techniques mériteraient pourtant quils soient préservés.

Sur les vingt dernières années, moins de 10 000 véhicules (tous types, catégories et cylindrées confondus) sont immatriculés en moyenne chaque année en France dans la catégorie « véhicule de collection », tandis que comparativement, plus de 1 million d’immatriculations ont lieu, tous les ans en France, uniquement en ce qui concerne les automobiles neuves. La mesure aurait donc un impact quasi négligeable sur le budget de l’État.

Par ailleurs, le décret n° 2016‑1576 du 23 novembre 2016 modifiant le décret n° 70‑1285 du 23 décembre 1970 relatif à la taxe spéciale sur certains véhicules routiers pris en application de l’article 73 de la loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 et des articles 87 et 132 de la loi n° 2016‑1918 du 29 décembre 2016 supprime le régime de paiement « journalier » de la taxe à l’essieu (TVSR) et introduit un paiement d’avance non plus trimestriel mais semestriel.

Ce changement avait pour objectif de réduire les formalités administratives qui nécessitent du personnel (paiement semestriel pour les professionnels) et la rentabilité insuffisante du régime journalier (initialement prévu pour les dépanneuses, les forains et les particuliers).

Or, beaucoup de collectionneurs (personnes physiques, associations, …) utilisent le régime « journalier » pour leur véhicule poids lourds de collection ou bien pour leur porte‑engins afin de transporter leur véhicule de collection jusqu’à une manifestation culturelle.

La suppression du tarif journalier (entre 2 € et 7 € suivant le véhicule) est donc très dommageable pour ce patrimoine qui est contraint de rester au garage.

Le nouveau barème semestriel coute de 140 € à 470 € payable d’avance (même pour un seul voyage pendant les 6 mois) ! Même si effectivement, l’alinéa 3 du nouvel article 284 ter du code des douanes prévoit que « si un véhicule assujetti circule seulement pendant une partie du semestre, le redevable peut solliciter une régularisation sur la base du tarif semestriel à proportion du temps de circulation, calculé en mois. Chaque fraction de mois est comptée pour un mois entier » et le tarif forfaitaire est égal à 50 % du tarif semestriel pour les véhicules de collection.

Toutefois, les propriétaires de véhicules doivent les déclarer et payer dans un premier temps pour six mois d’utilisation, et la possibilité de remboursement évoquée est insuffisante et inadaptée aux particuliers.

En effet, pour un citoyen possédant un poids‑lourd pour son usage personnel et occasionnel non commercial ou détenant un véhicule poids‑lourd de collection qu’il utilise une fois par mois pour faire 10 km, il apparaît que celui‑ci est obligé de payer la totalité de la taxe, au même titre qu’un professionnel faisant plusieurs milliers de kilomètres par mois, sans possibilité d’obtenir un quelconque remboursement, ce qui est de nature à constituer une véritable inégalité de traitement devant la loi et devant l’impôt, ainsi qu’une atteinte à la liberté de circulation des citoyens.

En effet, la TSVR a pour objet de compenser les dépenses d’entretien de voirie, occasionnées par la circulation des véhicules de fort tonnage et son fait générateur est la circulation sur la voie publique. Dès lors, exiger d’un particulier qui possède un poids lourd pour son propre usage, comme par exemple un collectionneur détenant un porte‑engins pour transporter son véhicule de collection jusqu’à une manifestation, de payer une taxe forfaitaire n’ayant rien à voir avec la réalité de l’usage qu’il en fait, est contraire au principe même de la taxe à l’essieu. Chaque particulier ne s’adonnant pas au transport de marchandises à des fins commerciales doit pouvoir payer en fonction de l’utilisation réelle qu’il fait de la route.

Or, le retour d’expérience de plusieurs collectionneurs de poids lourds sur le remboursement annoncé pour les particuliers utilisant peu la route démontre qu’il est impossible de l’obtenir, notamment, au regard des pièces justificatives produites par le redevable susceptibles de prouver la non‑circulation ou la circulation partielle pendant les 6 mois et de la volonté manifeste de l’administration de ne pas procéder au remboursement.

En effet, sous le prétexte non avoué, de fraude potentielle, l’administration exerce un contrôle maximal et disproportionné en exigeant, notamment, l’envoi préalable au service du formulaire TVR1. Cette méthode apparaît contraire à un contrôle a posteriori à la fin des 6 mois justifié par l’envoi de la copie du tachygraphe et d’une photo du compteur, puisque, il constitue, pour les particuliers et collectionneurs une entrave a toute possibilité de circuler au rythme de leurs besoins ponctuels.

Aussi, cette simplification administrative est manifestement réalisée au seul avantage de l’administration et non des citoyens.

Il faut également ajouter que selon la dernière étude détaillée, intitulée « enquête économique et sociale FIVA » portant sur les véhicules de plus de 30 ans d’âge, il apparaît que sur un total de 660 000 véhicules de collection (soit 1,37 % du parc automobile français total), 74 % des véhicules font moins de 1 500 km par an, 27 % font moins de 500 km par an et 19 % ne roulent pas du tout. En fait, l’impact sur la circulation (distance parcourue) est de 0,09 %. Les conséquences en matière de pollution et de sécurité routière sont donc totalement insignifiantes.

D’autant plus que s’agissant des quelques véhicules poids‑lourds immatriculés en collection, l’étude constate qu’ils font en moyenne moins de 200 km par an, tandis que les véhicules poids‑lourds utilisés à titre commercial par des sociétés de transport de marchandises parcourent eux entre 100 000 km et 1 000 000 km par an, le paiement semestriel d’avance de la taxe à l’essieu apparaît donc pour eux totalement inadapté.

Cette même enquête a également permis de constater que le « collectionneur moyen » est un homme d’une cinquantaine d’années, expérimenté, et n’est pas le riche propriétaire que l’on décrit trop souvent, puisque 30 % gagnent moins de 30 000 euros par an et 65 % moins de 50 000 euros annuels. Ces chiffres sont encore plus bas pour les collectionneurs de poids lourd. Enfin, 83 % des véhicules valent moins de 15 000 euros.

Pour l’ensemble de ces raisons, et considérant que la préservation de ce patrimoine unique, importante pour la France repose entièrement sur les efforts des collectionneurs qui le maintiennent vivant, il est proposé de plafonner le montant de la taxe sur les certificats d’immatriculation de ces véhicules et d’exonérer de taxe à l’essieu (TVSR) les poids lourds de collection ou détenus par des particuliers pour un usage personnel et occasionnel non commercial.

Tel est l’objet de cette proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

L’article 1599 sexdecies du code général des impôts est complété par un V ainsi rédigé :

« V. – Le paiement de la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules de collection répondant à la condition d’ancienneté requise notamment à l’article R. 311‑1 du code de la route est plafonné à 20 chevaux fiscaux. »

Article 2

Après le 4° de l’article 284 bis B du code des douanes sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 5 bis Véhicules historiques et de collection cités à l’article R. 311‑1 du code de la route.

« 5°ter Véhicules porteurs de deux essieux ou d’un poids total autorisé en charge égal ou supérieur à douze tonnes mis en circulation sur la voie publique par les particuliers pour leur usage personnel et non commercial, lorsqu’ils ne circulent pas plus de vingt‑cinq jours par semestre. »

Article 3

Le neuvième alinéa de l’article 284 ter du code des douanes est supprimé.

Article 4

I. – Les pertes de recettes résultant pour les régions et la collectivité territoriale de Corse de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement, pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les pertes de recettes résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.