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N° 1159

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2018.

PROPOSITION DE LOI

tendant à la création dun régime dindemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Olivier SERVA,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de reconnaître l’ensemble des responsabilités qui entourent le scandale du chlordécone et de réparer sanitaires et environnementales de celui‑ci.

Le chlordécone est un insecticide breveté aux États‑Unis en 1952, utilisé pour les cultures de banane, de tabac et d’agrumes.

Il est ensuite interdit dans ce pays dès l’année 1977 suite au constat de défaillances dans le dispositif de production et à l’observation d’une importante pollution à proximité de l’usine et d’effets toxiques sur les personnes employées à sa production. La même année, dès 1977 le rapport Snégaroff, publié à la suite d’une mission de l’INRA, avait établi en Guadeloupe « lexistence dune pollution des sols des bananeraies et des milieux aquatiques environnants par les organochlorés » ([1]).

Pourtant, contre toutes attentes, son utilisation est autorisée dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe à partir de 1981. L’objectif poursuivi par les autorités de l’époque motivé par les planteurs était de lutter contre le charançon du bananier.

Ce n’est que le 1er février 1990 qu’une décision retire finalement l’autorisation de vente du chlordécone sur le territoire hexagonal de la France et à la demande des planteurs de banane, la vente et l’utilisation du chlordécone ont tout de même continué pendant deux ans, conformément à une disposition prévue par la loi. Puis, par une décision du 6 mars 1992, le ministre de l’agriculture, M. Louis Mermaz, autorise à titre dérogatoire un délai supplémentaire d’un an.

De nombreux témoignages évoquent une utilisation du produit au‑delà de 1993, année à laquelle s’est terminée l’autorisation de vente du territoire dans le but d’écouler les stocks qu’il restait à écouler.

En 1999, une première campagne d’analyse des cours d’eau est menée en Guadeloupe et en Martinique par la Direction de la santé et du développement social (DSDS) et fait état d’une importante pollution de ceux‑ci par des pesticides organochlorés interdits, dont le chlordécone.

Entre 2002 et 2004, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), aujourd’hui Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), est saisie du sujet et publie en 2003 deux valeurs toxicologiques de références (VTR) :

– Une limite tolérable d’exposition répétée chronique de 0,5 μg/kg p.c./ j ;

– Une limite d’exposition aigüe de 10 μg/kg p.c./ j.

De nouveau à l’étude en 2007, ces valeurs ne sont pas modifiées.

Depuis, plusieurs études se sont intéressées aux conséquences de la contamination et de l’exposition au chlordécone dans les Antilles. Elles mettent notamment en évidence :

– Une augmentation significative du risque de développer un cancer de la prostate chez les hommes les plus exposés au chlordécone (étude Karuprostate 2004, Multigner et al. 2010, pilotée par l’INSERM) ;

– Une exposition chronique au chlordécone associée à une diminution de la durée de gestation (étude Timoun 2005, Kadhel et al. 2014, pilotée par l’INSERM) ;

– L’association d’une exposition pré et post natale au chlordécone à des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des enfants de 7 mois (étude Timoun 2012, Dallaire et al. 2012, pilotée par l’INSERM) ;

– La forte contamination des produits de la mer et d’eau douce, que l’on peut trouver dans les circuits de commercialisation malgré les interdictions de pêcher applicables dans certaines zones (études RESO Martinique 2005 et RESO Guadeloupe 2006, pilotées par le CIRE).

Dans le cadre du troisième plan national d’action chlordécone (PNAC) établi par le gouvernement pour la période 2014‑2020, l’ANSES a finalisé en 2017 l’étude « Kannari : santé, nutrition et exposition au chlordécone aux Antilles » mise en place en 2011.

De 2011 à 2017, l’ANSES a conduit cette étude conjointement avec l’Institut de veille sanitaire (actuel Santé publique France), la Cellule inter‑régionale d’épidémiologie d’Antilles‑Guyane (CIRE‑AG), les Agences régionales de santé de Guadeloupe et de Martinique (ARS), et les Observatoires régionaux de santé de Guadeloupe et de Martinique (ORSAG et OSM). Cette étude se décline en quatre volets généraux portant sur : l’exposition alimentaire, la santé, l’imprégnation et la nutrition.

Les conclusions du rapport sont les suivantes : « lapprovisionnement alimentaire dans les circuits non contrôlés (autoproduction, dons, bords de route) peut entraîner une exposition au chlordécone supérieure à celle liée aux modes dapprovisionnement en circuits contrôlés (grandes et moyennes surfaces, marchés, épiceries) ([2]) ». Or, ces circuits de commercialisation informels et non contrôlés (ventes en bords de route, dons, étals informels, marchands ambulants, autoconsommation) sont traditionnels et spécifiques aux Antilles, même si le constat peut être nuancé entre les deux territoires. En effet, l’ANSES souligne que, « si les circuits courts dominent largement les approvisionnements en Guadeloupe, les gms ([3]) représentent plus de la moitié des approvisionnements en Martinique([4]) » Ainsi, selon l’ANSES, les individus les plus exposés s’approvisionnent pour moitié (Martinique) et en majorité (Guadeloupe) via les circuits courts et informels, alors que cette tendance d’approvisionnement est moins marquée chez les individus les moins exposés.

L’ANSES rappelle que la consommation de produits issus de circuits contrôlés (grandes et moyennes surfaces, marchés, épiceries) garantit le respect des limites maximales de résidus (LMR) qu’elle reconnaît comme suffisamment protectrices contre les risques résultant de la présence de chlordécone dans les denrées alimentaires d’origine animale. L’Agence assure qu’il est pertinent d’agir en poursuivant la diffusion de recommandations de consommation auprès des populations des Antilles. 

Toutefois, les préconisations et autres recommandations de consommation destinée à réduire l’exposition des populations antillaises à la molécule ne doivent pas aboutir pour autant à brouiller les rôles. En effet, les guadeloupéens et les martiniquais sont les victimes de l’intoxication au chlordécone. De sorte que si l’action des pouvoirs publics, notamment au travers des plans chlordécone, est d’abord et prioritairement orientée vers la sensibilisation et la protection, elle ne peut ignorer l’obligation de réparation des préjudices des victimes de ces produits. C’est à ce titre qu’un régime d’indemnisation à la hauteur du préjudice subi doit être élaboré. Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui s’inscrit d’ailleurs dans la feuille de route du Gouvernement en matière de de produits phytopharmaceutiques et de pesticides.

Elle vise ainsi à créer un dispositif de réparation s’inspirant de ceux élaborés pour la réparation des préjudices tirés de l’exposition à l’amiante, de la contamination par le VIH causé par une transfusion sanguine et des victimes des essais nucléaires. Le dispositif créé s’inspire de la proposition de loi tendant à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique déposé par le Groupe socialiste et portée par l’actuel Sénateur Victorin Lurel à la fin de la dernière législature.

La présente loi a donc pour objectif de répondre au préjudice subi par les victimes de l’épandage du chlordécone et de ses conséquences principalement sanitaires et environnementales bien que celles‑ci soient également économiques.

En conséquence, le dispositif actuel va plus loin que la proposition de loi suscitée en tirant les conséquences environnementales de la pollution des terres guadeloupéennes et martiniquaises au chlordécone.

L’article 1er reconnaît la responsabilité solidaire de l’État et des entreprises ayant exploité les activités d’épandage du chlordécone et crée en conséquence le « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ». L’article définit également les modalités de fonctionnement de ce fonds sur le modèle du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Afin d’en garantir l’indépendance, le fonds est présidé par un président de chambre ou un conseiller de la Cour de cassation à l’instar du dispositif qui a été prévu par la loi n° 91‑1406 du 31 décembre 1991 pour le sang contaminé.

L’article 2 établit le champ d’application ratione persona du dispositif de réparation. Ainsi, les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, les enfants atteints d’une pathologie liée à l’exposition au chlordécone de l’un de leurs parents, les professionnels de la mer qui ont subi un préjudice économique, les personnes qui souffrent d’une pathologie résultant directement d’une utilisation du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique, et les ayants droit de ces victimes pourront voir leur préjudice indemnisé.

Sont créées une Commission médicale autonome chargée d’étudier le fond des demandes et une Commission scientifique autonome qui rend un avis sur l’existence d’un lien direct entre l’utilisation du chlordécone et son incidence sur la pollution des sols et des rivières de Guadeloupe et de Martinique.

Chacune de ces commissions sera présidée par un haut magistrat issu des rangs du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

L’article 3 détaille la procédure ainsi que les conditions que doit respecter le demandeur pour que son dossier puisse prospérer.

L’article 4 instaure un délai de prescription de 30 ans dans la possibilité de recourir au « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ».

L’article 5 définit les modalités d’indemnisation des victimes par le « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ».

L’article 6 prévoit la participation de ce fonds au financement des actions de dépollution et de recherches liées à la dépollution des sites contaminés.

L’article 7 définit les modalités de recours de la part du demandeur contre le « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ».

L’article 8 prévoit que le « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique » puisse se substituer au demandeur dans son action en justice contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation.

Larticle 9 prévoit que le « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique » est financé par l’attribution d’une fraction de la taxe prévue à l’article L. 253‑8‑2 du code rural et de la pêche maritime, une contribution de l’État dans les conditions fixées par la loi de finances, une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité et les produits de dons et de legs.

Larticle 10 ouvre une action de groupe au bénéfice des victimes du chlordécone dans les conditions prévues à l’article 60 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Larticle 11 précise que les modalités d’application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d’État.


proposition de loi

Article 1er

I. – La République française reconnaît le préjudice subi par les populations des collectivités de la Guadeloupe et de la Martinique tiré des dommages sanitaires, environnementaux et économiques de la pollution des terres provoquée par l’usage comme insecticide agricole de la molécule organochlorée persistante qu’est le chlordécone.

II. – Il est créé, sous le nom de « Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique », un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et du ministre en charge des outre‑mer.

Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis à l’article 2 de la présente loi. Le régime de garantie que constitue ce fonds intervient en solidarité avec toute responsabilité qui pourrait être judiciairement établie à l’égard d’une personne, d’une entreprise ou de toute organisation ayant manqué au devoir de vigilance qui lui incombait dans l’usage des pesticides mentionnées au I du présent article, dans sa sphère d’influence et qui pourrait également être reconnue responsable dans les conditions fixées aux article L. 225‑102‑4 et L. 225‑102‑5 du code de commerce.

Les seuils mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 225‑102‑4 ne sont pas applicables au régime de responsabilité prévu à l’alinéa précédent du présent article.

Il est administré par un conseil d’administration composé de représentants de l’État, du conseil régional et du conseil départemental de Guadeloupe, la collectivité territoriale de Martinique, des organisations siégeant à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, des associations locales d’aide aux victimes du chlordécone et de personnalités qualifiées. Il est présidé par un Président de chambre ou un conseiller à la Cour de cassation, en activité ou honoraire, et administré par une commission d’indemnisation.

Il emploie des agents régis par les titres II, III ou IV du statut général des fonctionnaires en position d’activité, de détachement ou de mise à disposition. Il emploie également des agents contractuels de droit public avec lesquels il peut conclure des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il peut également faire appel à des agents contractuels de droit privé pour occuper des fonctions exigeant une qualification particulière dans le domaine de l’indemnisation des préjudices ou des maladies professionnelles. Les agents contractuels employés par le Fonds d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique sont tenus au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l’article 26 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Il est créé, au sein du fonds défini au premier alinéa, une Commission médicale autonome. Elle rend, le cas échéant, un avis sur l’existence d’un lien direct entre l’exposition au chlordécone et la survenue de la pathologie. Sa composition est arrêtée par les ministres chargés de l’agriculture, de la santé et des outre‑mer.

Il est créé, au sein du fonds défini au premier alinéa, une Commission scientifique autonome. Elle rend, le cas échéant, un avis sur l’existence d’un lien direct entre l’utilisation du chlordécone et son incidence sur la pollution des sols et des rivières de Guadeloupe et de Martinique. Sa composition est arrêtée par les ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et des outre‑mer.

Article 2

Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices au titre du fonds mentionné à l’article 1er de la présente loi :

1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’exposition au chlordécone, au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité ;

2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ;

3° Les enfants, atteints d’une pathologie occasionnée par l’exposition au chlordécone de l’un de leurs parents ;

4° Les professionnels de la mer qui ont subi un préjudice résultant directement de l’utilisation du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ;

5° Les personnes qui souffrent d’une pathologie résultant directement d’une utilisation du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique ;

6° Les ayants droit des personnes mentionnées aux 1°, 2°, 4° et 5°.

Article 3

Le demandeur justifie de l’exposition au chlordécone et de l’atteinte à l’état de santé de la victime.

Le demandeur informe le fonds des autres procédures relatives à l’indemnisation des préjudices définis à l’article 1er de la présente loi éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, il informe le juge de la saisine du fonds.

Si la maladie est susceptible d’avoir une origine professionnelle et en l’absence de déclaration préalable par la victime, le fonds transmet sans délai le dossier à l’organisme concerné au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité. Cette transmission vaut déclaration de maladie professionnelle. Elle suspend le délai prévu à l’article 5 de la présente loi jusqu’à ce que l’organisme concerné communique au fonds les décisions prises. En tout état de cause, l’organisme saisi dispose pour prendre sa décision d’un délai de trois mois, renouvelable une fois si une enquête complémentaire est nécessaire. Faute de décision prise par l’organisme concerné dans ce délai, le fonds statue dans un délai de trois mois.

Le fonds examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies : il recherche les circonstances de l’exposition au chlordécone et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel. Vaut justification de l’exposition au chlordécone la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par le chlordécone au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité, ainsi que le fait d’être atteint d’une maladie provoquée par le chlordécone et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale.

Vaut également justification du lien entre l’exposition au chlordécone et le décès la décision de prise en charge de ce décès au titre d’une maladie professionnelle occasionnée par le chlordécone en application de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité.

Dans les cas valant justification de l’exposition au chlordécone visés aux quatrième et cinquième alinéas du présent article, le fonds peut verser une provision si la demande lui en a été faite, il est statué dans le délai d’un mois à compter de la demande de provision.

Le fonds peut requérir de tout service de l’État, collectivité publique, organisme assurant la gestion des prestations sociales, organisme assureur susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande faite au fonds d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds sont tenues au secret professionnel.

Le demandeur peut obtenir la communication de son dossier, sous réserve du respect du secret médical.

Article 4

Les droits à l’indemnisation des préjudices mentionnés à l’article 1er de la présente loi se prescrivent par trente ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition au chlordécone.

Toutefois, le délai de prescription ne court :

1° Pour l’indemnisation des préjudices résultant de l’aggravation d’une maladie dont un certificat médical a déjà établi le lien avec l’exposition au chlordécone, que de la date du premier certificat médical constatant cette aggravation ;

2° Pour l’indemnisation des ayants droit d’une personne décédée, quand son décès est lié à l’exposition au chlordécone, que de la date du premier certificat médical établissant le lien entre le décès et cette exposition.

Article 5

Dans les six mois à compter de la réception d’une demande d’indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d’indemnisation. Il indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. Le fonds présente une offre d’indemnisation nonobstant l’absence de consolidation.

Une offre est présentée dans les mêmes conditions en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime.

L’acceptation de l’offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice prévue par l’article 6 de la présente loi vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l’exposition au chlordécone.

Article 6

Le fonds mentionné à l’article 1er de la présente loi finance également les actions de dépollution et de recherches liées à la dépollution des sols contaminés par le chlordécone.

Article 7

Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds d’indemnisation que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa de l’article 5 ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.

Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur.

Celui‑ci a la possibilité de se faire assister ou représenter par son conjoint, un ascendant ou un descendant en ligne directe, un avocat ou un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives.

Article 8

Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes, entreprises ou organismes tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes.

Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d’appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.

Si le fait générateur du dommage a donné lieu à des poursuites pénales, le juge civil n’est pas tenu de surseoir à statuer jusqu’à décision définitive de la juridiction répressive.

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, à l’occasion de l’action à laquelle le fonds est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale. L’indemnisation à la charge du fonds est alors révisée en conséquence.

Article 9

Le fonds est financé par :

– une contribution de l’État dans les conditions fixées par la loi de finances ;

– une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale ;

– l’affectation d’une fraction du produit de la taxe prévue à l’article L. 253‑8‑2 du code rural et de la pêche ;

– les produits de dons et de legs.

Article 10

Après le 5° de l’article 60 de la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° L’action ouverte sur le fondement du deuxième alinéa du II de l’article 1er de la loi n°     du     tendant à la création d’un régime d’indemnisation des victimes du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique. »

Article 11

Les modalités d’application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d’État.

Le délai fixé à l’article 5 de la présente loi est porté à neuf mois pendant l’année qui suit la publication du décret mentionné à l’alinéa précédent.

Article 12

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) Rapport d’information n°2430 : « Le chlordécone aux Antilles et les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. Quel bilan du passé ? Quelles leçons pour l’avenir ? », Joël Beaugendre, juillet 2005.

([2]) Chlordécone dans les Antilles: certains modes d'approvisionnement alimentaire favorisent une surexposition

([3]) Grandes et moyennes surfaces.

([4]) Exposition des consommateurs des Antilles au chlordécone, résultats de l'étude Kannari, Avis de l'ANSES, Rapport d'expertise collective, Décembre 2017