Description : LOGO

N° 1384

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à introduire une taxation sur le chiffre daffaires
afin de faire payer aux opérateurs de plateformes numériques
leurs impôts en France,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire , à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Daniel FASQUELLE, Claude de GANAY, Nadia RAMASSAMY, David LORION, Patrick HETZEL, Constance LE GRIP, Brigitte KUSTER, Marc LE FUR, Fabrice BRUN, Mansour KAMARDINE, Julien DIVE, PierreHenri DUMONT, Isabelle VALENTIN, JeanPierre DOOR, Véronique LOUWAGIE, Vincent ROLLAND, Patrice VERCHÈRE, Emmanuelle ANTHOINE, Bernard DEFLESSELLES, Damien ABAD, Éric PAUGET, Robin REDA, Antoine SAVIGNAT, Valérie LACROUTE, Arnaud VIALA, JeanClaude BOUCHET, Valérie BAZINMALGRAS, Raphaël SCHELLENBERGER, Vincent DESCOEUR, Guillaume PELTIER, Nathalie BASSIRE, Bernard PERRUT, Valérie BEAUVAIS, JeanLuc REITZER, Laurence TRASTOURISNART, Didier QUENTIN, Marine BRENIER, Martial SADDIER, Laurent FURST,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le développement de l’économie numérique constitue un phénomène incontournable et notre propos n’est pas de livrer des combats d’arrière‑garde. Par contre, il serait vain de nier les dysfonctionnements provoqués par cette croissance : elle génère des pertes de recettes fiscales insupportables, dans la mesure où les bénéfices réalisés échappent aux impôts nationaux sur les sociétés. Cette situation crée aussi une concurrence déloyale à l’égard des entreprises basées en France.

Aussi la solution qui vous est proposée vise‑t‑elle à remédier aux dysfonctionnements constatés, tout en respectant les contraintes du droit européen – et ce, avec l’impératif de protéger nos recettes fiscales.

En effet, la plupart des opérateurs de plateformes numériques, et en particulier les plus importants, ne sont pas domiciliés en France et n’acquittent aucun impôt sur les sociétés.

À titre d’exemple, si nous prenons la seule entreprise Airbnb, celle‑ci a payé un impôt pour l’exercice 2016 de 92 944 d’euros pour un chiffre d’affaires de 5 124 800 000 d’euros.

L’optimisation fiscale de ces entreprises, qui repose sur des procédés légaux, s’avère particulièrement dangereuse lorsqu’elle est pratiquée à grande échelle. La perte de matière fiscale s’élève chaque année à plusieurs milliards d’euros pour l’Union européenne. La Commission européenne a avoué elle‑même que les GAFAM paieraient un taux d’imposition inférieur de moitié aux entreprises traditionnelles.

La présente proposition de loi suggère d’instaurer un régime déclaratif pour opérer en France à partir du moment où l’opérateur de plateforme met en place une plateforme ayant un nombre de visiteurs uniques par mois supérieur à un million, seuil à partir duquel ces entreprises seront redevables d’une taxe équivalente à 5 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France, hors taxe.

La taxation du chiffre d’affaires des opérateurs de plateformes numériques est un impératif au regard de l’égalité de nos entreprises devant les charges publiques. Le développement du numérique rend caduc le modèle traditionnel de l’entreprise physiquement installée sur le territoire.

La présente proposition de loi suggère donc de créer une taxe sur le chiffre d’affaires de ces opérateurs de plateformes, compatible avec le droit de l’Union européenne.

Pour ne pas pénaliser les entreprises ayant un siège en France le montant acquitté par les établissements français serait déductible de l’impôt sur les sociétés. De plus, afin de ne pas entraver la création d’entreprises une exonération serait accordée pour les cinq premières années suivant la création.

Après consultations, il est apparu que le taux de 5 % constituait un seuil raisonnable eu égard aux marges bénéficiaires des plateformes de réservation. Il correspond à un niveau de taxation de 25 % pour une entreprise qui réaliserait une marge bénéficiaire de 20 % de son chiffre d’affaires, ce qui est cohérent avec le taux de l’impôt sur les sociétés.

Afin d’éviter la fiscalisation des opérations accessoires, la taxation du chiffre d’affaires de 5 % des opérateurs de plateformes est effective à partir d’un seuil d’un million de visiteurs uniques, seuil devant s’apprécier au regard d’un nombre de visiteurs uniques mensuel.

Mesdames, Messieurs, la présente proposition de loi est d’autant plus urgente que la Commission européenne elle‑même a reconnu que l’approche idéale consisterait à trouver des solutions multilatérales et internationales pour taxer l’économie numérique étant donné l’envergure mondiale de ce défi. Force est de constater que si la Commission coopère étroitement avec l’OCDE pour faciliter l’élaboration d’une solution internationale, compte tenu de la nature complexe du problème et de la grande diversité des questions à traiter, les progrès sont difficiles au niveau international et parvenir à un consensus international peut prendre du temps. Dans le même temps, le Royaume‑Uni a annoncé qu’une taxe similaire sur le chiffre d’affaires des opérateurs de plateformes réalisé sur son territoire sera mise en place en 2020, devançant les travaux européens.

Face à ce constat, il est dès lors insupportable de laisser l’état du droit permettre à certains acteurs de l’économie numérique de contourner l’imposition française.

Tel est bien l’objet de la présente proposition qui vise à introduire une taxation sur le chiffre d’affaires afin de permettre une fiscalisation effective des opérateurs de plateformes numériques. 


proposition de loi

Chapitre unique

Instaurer une fiscalité sur le chiffre d’affaires pour permettre une fiscalisation effective des opérateurs de plateformes numériques

Article unique

I. – Après le I de l’article 242 bis du code général des impôts, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Les opérateurs de plateformes ayant un nombre de visiteurs uniques supérieur à un million par mois sur le territoire français doivent obtenir un numéro d’enregistrement par voie électronique sur une plateforme dédiée. Le non‑respect des obligations mentionnées au présent alinéa entraîne le paiement d’une amende équivalente à 5 % du chiffre d’affaires mondial consolidé. »

II. – Les opérateurs de plateformes en ligne désignés au I bis de l’article 242 du code général des impôts sont assujettis à une taxe égale à 5 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France hors taxes.

Les entreprises implantées en France depuis moins de cinq ans ne sont pas assujetties à la présente taxe.

La présente taxe est perçue selon le calendrier et les règles applicables à la taxe sur la valeur ajoutée.

Le montant acquitté au titre de la présente taxe est déductible du montant de l’impôt sur les sociétés acquitté au titre de l’article 205 du code général des impôts.