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N° 1607

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 janvier 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire lutilisation des lanceurs de balles de défense
ainsi que des grenades lacrymogènes instantanées
de type F4 par les forces de sécurité intérieure,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alexis CORBIÈRE, Ugo BERNALICIS, Clémentine AUTAIN, Éric COQUEREL, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, JeanLuc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUDHOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, l’inégale répartition des richesses, la concentration des pouvoirs entre les mains du Président de la République et la menace climatique ont conduit à l’émergence soudaine d’un vaste mouvement populaire auto organisé et indépendant des étiquettes politiques traditionnelles. Depuis le 17 novembre – l’acte I du mouvement des gilets jaunes – cet élan populaire s’est exprimé par des manifestations sous de multiples formes et à travers tout le pays.

Face à cette mobilisation d’ampleur et en dépit du pacifisme de la majorité des actions, le gouvernement a décidé d’une répression ferme sans retenue de la force. Selon le décompte réalisé par plusieurs observateurs en date du 15 janvier dernier, près de trois milles blessés sont à dénombrer depuis le début du mouvement. Ce chiffre alarmant rassemble des blessures de gravité différente, allant de l’hématome jusqu’aux infirmités à vie. En effet, des dizaines de gilets jaunes ont perdu l’usage d’une main ou d’un œil suite à des tirs par les forces de l’ordre de grenades explosives et de balles de défense.

Ce bilan met gravement en cause la politique et les moyens des opérations de maintien de l’ordre déployés par le Gouvernement pour encadrer les manifestations publiques. En effet, la banalisation de l’usage d’armes intermédiaires ‑ tels que les lanceurs de balles de défense ‑ et d’engins répressifs, à l’instar des grenades lacrymogènes instantanées (GLI), inquiète et dissuade nombre de personnes d’exercer leur droit fondamental de manifester. Originellement conçues comme non létales, ces armes peuvent facilement causer des blessures irréversibles voire, dans certains cas, provoquer le décès des personnes visées. Il n’est pas acceptable qu’un pays démocratique comme le nôtre permette une telle disproportion entre l’objectif de maintien de l’ordre et la dangerosité de ces armes provoquant des séquelles physiques et morales.

Enfin, cet arsenal marque une spécificité française, notre pays reste aujourd’hui le seul au sein de l’Union européenne à autoriser l’utilisation de grenades de type GLI‑F4 contenant une charge explosive de tolite (TNT). Si des formations et des habilitations existent d’ores et déjà pour leur usage, celles‑ci apparaissent largement insuffisantes au regard du nombre de dérives constatées. Par ailleurs, prenant acte des «  disproportionnés » dus à la dangerosité de ces armes, le Défenseur des droits a réitéré sa demande de suspension qu’il avait déjà recommandé dans son rapport rendu en janvier 2018. C’est conformément à ses préconisations que nous proposons l’interdiction de ces armes intermédiaires, qui blessent plus qu’elles ne défendent, pour répondre à l’urgence de mettre fin à ces dérives répressives.

Plus encore, l’usage de ces armes questionne les objectifs de la chaîne de commandement. Dans un contexte de montée des tensions, il appartient à l’État de remettre en cause sa stratégie d’encadrement des mobilisations, caractérisée par le recours massif à un arsenal répressif. Plutôt que de garantir l’ordre public, l’usage de ces armes aggrave les tensions déjà palpables entre manifestants et forces de sécurité. C’est pourquoi nous proposons, en parallèle de cette interdiction, la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire qui sera chargée de déterminer si ces armes sont susceptibles d’être réintroduites dans un cadre stricte prévenant toute atteinte à l’intégrité physique de nos concitoyens.

proposition de loi

Article unique

L’article L. 211‑3 du code de la sécurité intérieure est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’utilisation de lanceurs de balles de défense et de grenades lacrymogènes instantanées de type F4 est interdite à compter du 1er février 2019.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »