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N° 1618

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2019.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à développer une démocratie directe citoyenne, à moraliser la vie politique et rénover la Ve République,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution dune commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Nicolas DUPONTAIGNAN,

député.

 

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors des dernières échéances électorales, les Français ont clairement manifesté leur souhait d’un renouvellement politique et d’une démocratie directe plus proche des citoyens. Hélas la majorité parlementaire aussitôt élue est devenue sourde aux aspirations des Français. Qui plus est, le Gouvernement veut museler l’expression de la démocratie en renforçant considérablement le pouvoir exécutif au détriment du Parlement.

Certes le scrutin majoritaire à deux tours assure la stabilité gouvernementale. Cependant, c’est au prix de la marginalisation du pluralisme politique. En particulier, il est inacceptable que des partis qui prouvent leur représentativité lors des élections n’obtiennent qu’un nombre ridiculement faible de sièges voire pas de siège du tout.

Face à ce constat, il est donc nécessaire de conjuguer l’objectif de stabilité gouvernementale avec celui d’un réel pluralisme. Pour cela, il faut une dose de représentation proportionnelle dont l’effet serait renforcé par un calcul compensatoire réduisant l’avantage des partis politiques déjà surreprésentés par le scrutin majoritaire.

Cependant, la réforme des institutions attendue par nos concitoyens dépasse le seul problème de la représentativité du Parlement. Les Français veulent aussi que leur voix soit réellement entendue dans les décisions prises par leurs élus. Cette exigence de démocratie réelle implique trois grandes séries de réforme institutionnelle.

Le vote des Français ne peut avoir de sens que si la primauté de la Constitution sur toute autre norme juridique et notamment sur celles de l’Union européenne est garantie. De même, la place de la langue française doit être réaffirmée.

La voix des Français ne sera entendue que si la dimension populaire de la Vème République est renforcée. Il faut élargir le recours au référendum et empêcher que son résultat puisse être ensuite rayé d’un trait de plume comme on l’a vu avec le projet de traité constitutionnel européen. Par ailleurs, les conditions du référendum d’initiative partagée doivent être assouplies afin qu’il puisse être réellement mis en œuvre et qu’il devienne ainsi un réel référendum d’initiative populaire. De même, le vote blanc doit être reconnu à sa juste valeur.

Jamais la demande d’éthique et de transparence n’a été aussi forte dans notre pays. Les affaires ont discrédité la politique auprès de nos concitoyens et des mesures dissuasives sur le long terme doivent être prises. Il est aussi indispensable d’instaurer une réelle équité entre les candidats aux élections en mettant par exemple fin aux discriminations opérées par certaines banques entre les partis politiques. Dans ce but, la proposition de François Bayrou de créer une Banque de la Démocratie, idée hélas abandonnée par le Gouvernement, est incontournable.

*

*   *

La présente proposition de loi constitutionnelle a ainsi pour ambition de fonder un nouveau modèle de démocratie directe. La maturité de la démocratie française permet de donner un sens nouveau au principe fondamental de la République : le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.

OBJET DU TEXTE

Le titre IER vise à instaurer une démocratie plus représentative des citoyens et des territoires.

L’article 1er réduit de 30 % le nombre de parlementaires et définit les grands principes de l’élection des députés et des sénateurs. Il prévoit en particulier que 15 % des députés seront élus dans le cadre d’un scrutin proportionnel dit « compensatoire ». Les modalités détaillées des scrutins seraient renvoyées à une loi organique et non comme actuellement, à une loi ordinaire.

L’article 2 concerne le découpage des circonscriptions. En imposant leur régularité, il instaure un contrôle des risques de « charcutage » par le Conseil constitutionnel. Le critère de taille serait le nombre des électeurs inscrits et non celui des habitants, étant entendu qu’il faudrait aussi prendre en compte la représentativité des territoires ruraux.

À titre transitoire, l’article 3 prévoit que les dispositions de l’article 1er ne seront applicables qu’au prochain renouvellement des mandats concernés.

L’article 4 supprime le Conseil économique, social et environnemental.

Le Titre II réaffirme la primauté de la souveraineté nationale et tend à développer la démocratie directe.

L’article 5 complète le préambule de la Constitution afin de réaffirmer la supériorité de la souveraineté du peuple et du bloc de constitutionnalité sur les autres normes juridiques, en particulier sur les textes issus de l’Union européenne.

L’article 6 renforce la protection de la langue française et prévoit qu’une loi organique doit faire respecter sa primauté sur tout le territoire national.

L’article 7 impose la ratification par référendum de tout nouveau texte élargissant l’Union Européenne à de nouveaux pays membres ou modifiant ses institutions ou procédant à un transfert de compétences à son profit.

L’article 8 supprime la possibilité de révision de la Constitution par la voie du Congrès. Seul le peuple peut modifier la Constitution par référendum.

L’article 9 supprime la limitation des domaines pour lesquels un référendum est possible, prévoit que le Parlement ne peut adopter une disposition en contradiction avec le résultat d’un référendum datant de moins de dix ans et instaure un vrai référendum d’initiative populaire en supprimant le verrou des 185 parlementaires autorisant le recueil des signatures citoyennes nécessaires à son organisation. Il abaisse aussi à 500 000 signatures citoyennes le seuil des parrainages susceptibles de déclencher un tel référendum. Il rend enfin possible la mise en cause d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.

Le Titre III tend à renforcer le pluralisme et la transparence de la démocratie.

L’article 10 reconnait le vote blanc comme un suffrage exprimé à part entière et dispose que s’il représente plus de 50% des votants, le scrutin est alors annulé.

L’article 11 prévoit la possibilité de rendre inéligible à vie toute personne condamnée pour certains crimes incompatibles avec la moralité.

L’article 12 supprime la disposition prévoyant que les anciens Présidents de la République sont membres à vie du Conseil constitutionnel.

L’article 13 interdit tout cumul d’une fonction ministérielle avec un mandat exécutif local.

L’article 14 abaisse le nombre de députés ou de sénateurs requis pour la saisine du Conseil constitutionnel sur un projet de loi. Le but est de permettre à des groupes minoritaires de faire vérifier la constitutionnalité d’un texte voté par le Parlement.

L’article 15 crée une Banque de la Démocratie pour garantir la neutralité des institutions bancaires dans le financement du pluralisme politique.

 


PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

TITRE Ier

Pour une démocratie plus représentative des citoyens et des territoires

Article 1er

I. – L’article 24 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« À l’Assemblée nationale, les députés, dont le nombre ne peut excéder quatre cents quatre sont élus au suffrage direct. Pour au plus 85 %, ils sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour au moins 15 %, ils sont élus sur une liste nationale complémentaire, au scrutin proportionnel sur la base des suffrages obtenus au premier tour par les partis politiques auxquels les candidats non élus au scrutin majoritaire s’étaient rattachés. » ;

2° L’avant‑dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Au Sénat, les sénateurs, dont le nombre ne peut excéder deux cents quarante‑quatre, sont élus au suffrage indirect. Le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique. »

II. – Au premier alinéa de l’article 25 de la Constitution, après le mot : « indemnité, » sont insérés les mots : « le mode de scrutin pour leur élection, ».

Article 2

L’avant‑dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’un scrutin se déroule dans le cadre de plusieurs circonscriptions, leur délimitation et la répartition des sièges sont arrêtées en fonction du nombre des électeurs inscrits. La délimitation doit être la plus régulière possible. D’autres impératifs d’intérêt général peuvent également être pris en compte, notamment la représentation des territoires ruraux. »

Article 3

Les dispositions de l’article premier de la présente loi constitutionnelle s’appliquent aux députés à compter du renouvellement prévu en 2022. Elles s’appliquent aux sénateurs à compter du renouvellement prévu en 2023.

Article 4

Le titre XI de la Constitution est abrogé.

TITRE II

Réaffirmer la primauté de la souveraineté nationale et développer la démocratie directe

Article 5

Le Préambule de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La souveraineté du peuple français pour décider de son destin et des principes constitutionnels s’impose à toutes les autres sources du droit, y compris aux normes internationales et à celles de l’Union européenne. »

Article 6

Le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une loi organique garantit le respect de sa primauté sur tout le territoire national. »

Article 7

I. – L’article 88‑1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout texte élargissant le nombre de pays membres de l’Union européenne ou délégant de nouvelles compétences ou de nouveaux pouvoirs à cette dernière doit être approuvé par référendum. »

II. – L’article 88‑5 de la Constitution est abrogé.

Article 8

Le troisième alinéa de l’article 89 de la Constitution est supprimé.

Article 9

L’article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sur proposition du Gouvernement ou de l’une des deux assemblées, le Président de la République peut soumettre tout projet ou proposition de loi à référendum. » ;

2° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « Un référendum peut être organisé à l’initiative de cinq cents mille électeurs inscrits sur les listes électorales. » ;

3° Après le mot : « loi », la fin de la seconde phrase du même alinéa est supprimée.

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Avant l’expiration d’un délai de dix ans suivant la date du scrutin, tout projet de traité et tout projet ou proposition de loi contraire en totalité ou en partie au vote exprimé par le peuple français lors d’un référendum doit être approuvé par référendum. »

Titre III

Pour une démocratie réellement pluraliste et plus transparente

Article 10

Le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Tout bulletin qui n’indique pas clairement une intention de vote est déclaré blanc. Le vote blanc est comptabilisé au même titre que les suffrages exprimés. L’élection est annulée lorsque les votes blancs représentent plus de la moitié du nombre des votants. »

Article 11

L’article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne condamnée pour certains crimes ou pour certains délits graves définis par la loi peut être définitivement inéligible. »

Article 12

Le deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution est supprimé.

Article 13

Après le premier alinéa de l’article 23 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctions de membre du Gouvernement sont également incompatibles, dans les conditions fixées par la loi organique, avec l’exercice d’une fonction exécutive locale et avec la présidence ou la vice‑présidence d’une assemblée délibérante. »

Article 14

À la fin du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, les mots : « soixante députés ou soixante sénateurs » sont remplacés par les mots : « trente députés ou vingt sénateurs ».

Article 15

Le dernier alinéa de l’article 4 de la Constitution est complété par les deux phrases ainsi rédigées : « La loi garantit l’égal accès des partis politiques et des candidats aux moyens matériels et financiers qui conditionnent cette finalité. Dans des conditions déterminées par une loi organique, la Banque de la démocratie a pour mission d’accorder aux partis politiques et aux candidats les prêts nécessaires à leur participation à la vie démocratique. »