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N° 1713

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 février 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre obligatoire lindication
du pays dorigine pour tous les miels,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

André CHASSAIGNE, JeanPaul DUFRÈGNE, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, Pierre DHARRÉVILLE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, JeanPaul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La consommation française de miel s’établit à 45 000 tonnes. Depuis plus de dix ans, cette consommation est en progression. Mais les organisations d’apiculteurs font le constat du fossé grandissant entre la part de la production nationale et la part des importations de miels dans la consommation.

Ainsi, selon les dernières données issues du bilan de campagne 2017 de FranceAgriMer, ces importations ont représenté 35 542 tonnes alors que la production française s’est établie à 19 788 tonnes. Le recul de la production française est particulièrement saisissant lorsqu’on prend pour référence le niveau de la production dans les années 1990, qui était évaluée à quelques 30 000 tonnes.

Si la filière apicole française a connu de graves difficultés, notamment en lien avec les mortalités très importantes d’abeilles ces dernières années, la croissance fulgurante des importations de miel se fait aujourd’hui directement au détriment d’une relance souhaitée des productions nationales, et sans garantie de traçabilité, de qualité et de transparence pour les consommateurs.

Une croissance des importations qui contrevient à la volonté de relance de la filière apicole française

Consciente des difficultés spécifiques et grandissantes de la filière apicole, de la nécessité de son développement tant en terme de satisfaction de la demande de miels et produits de la ruche, que du rôle de la pollinisation dans le maintien des équilibres écologiques, la France s’est engagée en 2013 à mettre en œuvre un « Plan de développement durable de l’apiculture » abordant l’ensemble des problématiques et conclu pour une durée de 3 ans. Il s’agissait à la fois de répondre aux enjeux soulevés par les mortalités importantes d’abeilles, de soutenir la recherche dans le domaine de l’apiculture, de structurer le développement du cheptel, de former et installer des jeunes apiculteurs et de mieux organiser la filière apicole et la production. La prolongation de ce plan jusqu’en 2017 a permis certaines avancées, notamment en matière de recherche. Mais cet engagement se heurte aujourd’hui très directement à la structure du marché du miel et à des difficultés d’organisation et de développement de la filière de production.

En effet, le circuit principal de commercialisation du miel en France est la grande distribution avec environ « 55 % des ventes (hors restauration) » selon le bilan de campagne 2 017 de FranceAgriMer, « les autres circuits étant la vente directe (27 %), les magasins spécialisés (14 %) et internet (3 %). » Le chiffre d’affaires de la vente de miels dans les grandes et moyennes surfaces (hors hard discount) « est estimé à plus de 198 millions d’euros […] en hausse de 12,5 % en valeur entre 2014 et 2016, et de 4,4 % entre 2016 et 2017 ». Le même rapport précise que « depuis 10 ans, on observe une très forte augmentation de la demande de miel et dans le même temps une stagnation de la production (avec des variations importantes d’une année sur l’autre) » conduisant « la France à importer du miel pour compenser son manque de production […] » soit une augmentation « de près de 60 % des volumes importés » en 10 ans !

Le bilan 2017 de FranceAgriMer apporte un éclairage particulièrement intéressant à la fois sur l’origine de ces importations et la croissance de leur valeur : « en 2017, ces importations proviennent essentiellement d’Espagne et d’Ukraine (17 % du volume pour chaque pays), de Chine (12 %), et d’Allemagne et d’Argentine (8 % du volume pour chaque pays). De 32 933 tonnes en 2015, les importations sont passées à 35 583 tonnes en 2016, soit une augmentation de 8 % pour se stabiliser à 35 542 tonnes en 2017. En valeur « les importations ont connu une augmentation très importante depuis les 7 dernières années. Elles sont passées de 72,94 millions d’euros en 2010 à 115,73 millions d’euros en 2017, soit une hausse de 59 %. »

Une croissance des fraudes liée à labsence de traçabilité

Ces importations massives s’accompagnent d’une dégradation sans précédent de la qualité des miels, le plus souvent mélangés à des miels produits dans l’Union Européenne puis vendus avec la mention « mélange de miels originaires et non‑originaires de l’Union européenne ». Les contrôles menés ces dernières années au niveau européen comme au niveau national démontrent systématiquement le caractère frauduleux d’une large partie des échantillons, soit en raison de fausses informations relatives à leur origine, à l’emploi abusif de fausses origines ou de mentions fausses sur leur origine végétale, soit à travers des procédés d’adultération comme l’ajout de sucres et sirops de sucres. La fraude la plus répandue consiste ainsi à ajouter dans les miels des produits sucrants à bas prix (à partir de sirops de maïs ou de riz) parfois enrichis avec des pollens pour mieux contourner les contrôles de base effectués sur les lots.

Ainsi par exemple, en 2014, les tests menés par l’association UFC‑Que Choisir avaient constaté « que sur 20 miels « premier prix » achetés dans diverses enseignes de la grande distribution, six présentaient des ajouts de sucre, soit presque un tiers des produits. » Alors que les miels mélangés représentent près de 75 % des miels consommés en France, en 2015, une étude de la Commission européenne avançait également « qu’un miel sur trois n’était pas conforme. »

La multiplication des cas de fraudes sur la composition et l’origine des miels achetés est intimement liée à la croissance vertigineuse des importations. Certains pays auraient ainsi vu leur production progresser de façon tout à fait surprenante, sans lien avec la progression du nombre de ruches. On estime que les exportations de miel en provenance de Chine ont plus que doublé depuis 2007 (passant de 64 000 tonnes à 144 000 tonnes), alors que le nombre de ruches n’aurait progressé que de 13 % ! Dans le même temps, dans les pays européens producteurs, certains transformateurs se sont spécialisés dans le mélange des miels importés et la mise en pot, sans réel contrôle en matière de garantie d’origine et de composition compte tenu d’une réglementation européenne particulièrement permissive.

Assurer la transparence et la traçabilité sur lorigine des miels : une nécessité pour lavenir de la filière et les consommateurs

Suite au premier bilan du plan de développement durable de l’apiculture lancé en 2013, de nombreuses actions engagées en matière de la structuration de la filière et d’accompagnement de la production restent à accomplir. Dans le cadre de son prolongement, une mesure de soutien immédiat de la filière apparaît aujourd’hui indispensable : celle de la garantie de la transparence et de la traçabilité des miels commercialisés en France.

Les logiques de marges financières de certains transformateurs et de la grande distribution poussent en effet à substituer de plus en plus les miels importés aux productions françaises. Les prix d’achat de ces miels importés sont de 2 à 3 fois inférieurs, de l’ordre du 1,60 €/Kg en provenance de Chine à 2,5 €/Kg en provenance d’Argentine pour un prix moyen de vente du miel dans le circuit de la grande distribution de 11 €/Kg. Cette différence dans les prix d’achat permet d’autant plus de conforter les marges des transformateurs importants comme de la distribution, que l’indication d’origine des miels vendus sont pour l’essentiel des miels mélangés portant la mention « mélange de miels originaires et non originaires de l’Union européenne ». Les consommateurs n’ont donc aucune possibilité de connaître l’origine des miels et leur part respective dans le produit vendu.

Ainsi, le cadre réglementaire européen prévu par la directive 2014/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant la directive 2001/110/CE du Conseil relative au miel sert aujourd’hui d’appui à toutes les pratiques d’importations abusives et de fraudes. Alors que l’article 1er de la directive prévoit que « a le ou les pays d’origine où le miel a été récolté sont indiqués sur l’étiquette », les 4 alinéas suivants introduisent une possibilité de déroger à cette obligation d’indication du pays d’origine, pour le miel « originaire de plus d’un État membre ou de plus d’un pays tiers » sous les étiquetages « mélange de miels originaires de l’Union européenne », « mélange de miels non originaires de l’Union européenne », « mélange de miels originaires et non originaires de l’Union européenne ». Cette disposition dérogatoire sur laquelle s’appuie aujourd’hui l’essentiel de l’offre de miels doit donc être levée.

Une avancée législative censurée par le Conseil Constitutionnel

L’examen du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et alimentation saine, durable et accessible avait permis d’intégrer l’exigence de transparence et de traçabilité sur l’origine des miels. L’adoption de son article 43, complétant l’article L.412‑4 du code de la consommation, stipulait ainsi que « Pour le miel composé d’un mélange de miels en provenance de plus d’un État membre de l’Union européenne ou d’un pays tiers, tous les pays d’origine de la récolte sont indiqués sur l’étiquette. »

Mais suite à sa saisine, le Conseil constitutionnel est venu censurer cet article dans sa décision n° 2018‑771 DC du 25 octobre 2018. La censure de cet article 43 porte uniquement sur le caractère de cavalier législatif du texte, le Conseil motivant ainsi sa décision : « Introduites en première lecture, les dispositions des articles 12, 21, 22, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 49, 56, 58, 59, 60, 78, 86 et 87 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. »

Suite à cette censure, et à l’attente très forte des professionnels comme des consommateurs, la présente proposition de loi vise donc à reprendre l’avancée législative adoptée par la représentation nationale dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et alimentation saine, durable et accessible.

Son article unique prévoit donc de compléter l’article L.412‑4 du code de la consommation afin que, pour le miel composé d’un mélange de miels en provenance de plus d’un État membre de l’Union européenne ou d’un pays tiers, tous les pays d’origine de la récolte soient indiqués sur l’étiquette.


proposition de loi

Article unique

Après le premier alinéa de l’article L. 412‑4 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le miel composé d’un mélange de miels en provenance de plus d’un État membre de l’Union européenne ou d’un pays tiers, tous les pays d’origine de la récolte sont indiqués sur l’étiquette. »