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N° 1714

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 février 2019.

PROPOSITION DE LOI

sur la déontologie de la haute fonction publique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier MARLEIX, Aurélien PRADIÉ, Éric DIARD, JeanCarles GRELIER, JeanYves BONY, Marianne DUBOIS, Éric STRAUMANN, Fabrice BRUN, Didier QUENTIN, Josiane CORNELOUP, Patrice VERCHÈRE, JeanLouis MASSON, Brigitte KUSTER, JeanClaude BOUCHET, Bernard PERRUT, Émilie BONNIVARD, Patrick HETZEL, David LORION, Valérie BOYER, Bernard DEFLESSELLES, Pierre CORDIER, Véronique LOUWAGIE, Nadia RAMASSAMY, MarieChristine DALLOZ, Laurence TRASTOURISNART, Franck MARLIN, JeanCharles TAUGOURDEAU, Bérengère POLETTI, Nicolas FORISSIER, Valérie BAZINMALGRAS, Virginie DUBYMULLER, Raphaël SCHELLENBERGER, Annie GENEVARD, Stéphane VIRY, Vincent DESCOEUR, Gilles LURTON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique pendant l’été 2017, plusieurs articles additionnels avaient été votés par le Sénat afin d’en étendre les dispositions aux fonctionnaires pour prévenir les conflits d’intérêts.

La présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, alors rapporteure du texte, avait rappelé que le cadre applicable aux agents de la fonction publique avait été profondément remanié avec la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Elle a proposé de constituer une mission d’information chargée d’une part, de faire un état des lieux et de dresser un premier bilan de la loi de 2016 et d’autre part, d’examiner plus généralement la façon dont les conflits d’intérêts sont encadrés pour les fonctionnaires et de vérifier si le dispositif déontologique actuel était satisfaisant.

Au terme de leurs travaux et de nombreuses auditions, les deux rapporteurs de la mission d’information ont conclu que si le corpus légal actuel était satisfaisant, il n’était pas suffisamment contrôlé. Plus qu’un big bang législatif, les propositions du rapport visaient donc à rendre effectives les évolutions d’avril 2016 en renforçant les règles de transparence et de contrôle.

Il est par exemple surprenant que le délit de prise illégale d’intérêts qui sanctionne le fait pour un ancien fonctionnaire ou un fonctionnaire en disponibilité de travailler, avant l’expiration d’un délai de trois ans, pour une entreprise dont il aurait eu, dans l’exercice de ces fonctions, le contrôle ou la surveillance, n’ait donné lieu qu’à dix condamnations en 100 ans, comme l’a rappelé le Président de la HATVP. De fait, les rapporteurs ont été particulièrement surpris de constater qu’aucun ministère interrogé n’assurait le suivi des réserves émises par la commission de déontologie, privant de facto ces mesures de toute effectivité, et par là la possibilité de sanctions, faute de constatation.

Les conclusions du rapport ont été approuvées à l’unanimité par les membres de la commission des lois le 31 janvier 2018 ; la présidente de la commission ayant proposé que cette mission d’information puisse déboucher sur « une proposition de loi commune à l’ensemble de la commission des lois ».

Le Sénat a également fourni un important travail en la matière en adoptant le 22 février 2018 une proposition de loi visant à « renforcer la prévention des conflits d’intérêts liés à la mobilité des hauts fonctionnaires », qui s’inscrit dans la même philosophie que les conclusions des deux rapporteurs.

La présente proposition de loi reprend donc les principales propositions du rapport d’information n° 611 « déontologie des agents publics : transparence et contrôle ». Elle ajoute une disposition relative au plafonnement des rémunérations de la haute fonction publique et une information annuelle au Parlement sur la répartition des quelque 70 000 emplois rémunérés « hors échelle lettre » (supérieurs à l’indice majoré 881).

Larticle 1er vise à assurer l’indépendance effective de la commission de déontologie de la fonction publique, aujourd’hui placée auprès du Premier ministre, en l’intégrant à la Haute autorité pour la transparence de la vie (HATVP) qui jouit du statut d’autorité administrative indépendante et qui contrôle déjà le patrimoine des fonctionnaires nommés en conseil des ministres.

La Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean‑Marc Sauvé, préconisait en 2011 la fusion de la commission de déontologie de la fonction publique avec la commission pour la transparence de la vie politique alors existante « dans un souci de rationalisation administrative, de cohérence et d’efficacité ».

Cette intégration de la commission de déontologie au sein de la HATVP répondrait à l’objection formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016‑741 DC du 8 décembre 2016 relative à la loi « Sapin 2 » ; le Conseil estimant que le mécanisme de contrôle exercé concurremment par les deux instances (HATVP et commission de déontologie) portait atteinte à « l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ».

Larticle 2 rend systématique la publicité des avis de la commission de déontologie, dans le respect de la vie privée des personnes concernées. De la sorte, tous les correspondants des agents partis dans le privé pourront savoir si ces derniers sont soumis à des réserves. Cette publicité répondrait par ailleurs aux difficultés existant lorsque l’agent change d’employeur privé avant l’expiration de la réserve. La publicité de ces avis permettrait de s’aligner sur les pratiques existant par exemple à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Larticle 3 prévoit un avis de la HATVP préalable à la nomination à une fonction d’autorité d’un agent revenant dans la fonction publique après une expérience dans le secteur privé. Aujourd’hui, il n’existe en effet aucun contrôle en cas de retour.

Larticle 4 donne à la HATVP les moyens de vérifier dans le temps le respect de ces réserves en créant l’obligation pour les agents bénéficiant d’un avis de compatibilité avec réserve d’attester auprès de la commission de déontologie chaque année qu’ils ont bien respecté ces réserves.

Larticle 5 attribue à la HATVP, dans le cadre de ses missions de contrôle de la déontologie des fonctionnaires, des pouvoirs d’injonction ; l’absence de réponse à ces injonctions pouvant donner lieu à une poursuite pénale sur le fondement de l’article 432‑13 du code pénal et non plus seulement à de simples mesures disciplinaires ou retenues sur pension comme le prévoit la loi actuellement. 

Larticle 6 confie à la HATVP le soin de s’assurer du respect de l’engagement décennal (dans le cas contraire au remboursement de la pantoufle) du fonctionnaire demandant une mobilité.

Larticle 7 rétablit à cinq ans le délai ‑ réduit à trois ans par la loi n° 2007‑148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique ‑ pendant lequel un fonctionnaire ne peut exercer une activité dans une entreprise dont il aurait, dans l’exercice de ses fonctions, eu le contrôle ou la surveillance, sous peine de contrevenir à l’article 432‑13 du Code pénal.

Larticle 8 revient sur la restriction apportée par la notion de fonctions « effectivement exercées » introduite par la loi n° 2007‑148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique parce que l’on peut jouer un rôle effectif de nature à établir un conflit d’intérêts en étant passif ou en se faisant représenter.

Larticle 9 revient sur les notions d’activité « principale ou régulière » retenues comme critères de définition des représentants d’intérêts par l’article 25 de la loi « Sapin II ». L’adoption de cet article avait suscité de vifs débats lors de son examen ; l’opposition craignant que le terme « régulier » exonère certains. Ces craintes se sont avérées justifiées puisque l’article 1er du décret n° 2017‑867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d’intérêts a ouvert la porte à une forme de lobbying occasionnel et à temps partiel qui serait exonéré des obligations de transparence qu’a voulu imposer le législateur. Il convient donc de retenir dans la loi la notion d’activité « principale ou accessoire ».

Larticle 10 fixe un plafond à toute rémunération dans la haute fonction publique égale à celle du Président de la République. Il assure une information du Parlement sur les emplois les mieux rémunérés de l’État et de ses démembrements.

Larticle 11 supprime les dispositions relatives à la disponibilité de fonctionnaires introduites subrepticement par le Gouvernement lors de l’examen de la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ces dispositions réduisent de manière substantielle pendant une durée de cinq ans les différences entre la position du détachement et celle de la disponibilité dans les trois fonctions publiques. Dans son avis, le Conseil d’État avait écarté ces trois articles considérant que « le droit applicable favorise déjà la mobilité entre le secteur public et le secteur privé. » Il convient de respecter cet équilibre.


proposition de loi

Article 1er

I. – La loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :

1° Le second alinéa du V de l’article 11 est supprimé ;

2° Après l’article 19, il est inséré un article 19‑1 ainsi rédigé :

« Art. 191. – I. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique comprend une commission spécialisée à laquelle le collège délègue les attributions fixées par l’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cette commission apprécie le respect des principes déontologique inhérents à l’exercice d’une fonction publique. »

II. – L’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, créée par la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, ».

2° Le troisième alinéa du IV est supprimé.

Le VII est abrogé.

Article 2

Le V de l’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les avis rendus dans les conditions prévues au présent V sont publiés, après anonymisation, sous réserve du respect de l’article L. 311‑6 du code des relations entre le public et l’administration. »

Article 3

L’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. – À l’issue de la mise en disponibilité et de la réintégration d’un fonctionnaire ayant exercé des fonctions dans un organisme à but lucratif, et avant tout changement de fonction intervenant au plus tard trois ans après sa réintégration, la commission examine, à titre préalable, la compatibilité de ses nouvelles fonctions avec celles qu’il a précédemment exercées et apprécie si leur exercice risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique mentionné à l’article 25 de la présente loi ou de placer l’intéressé en situation de commettre l’infraction prévue à l’article 432‑13 du code pénal. Sont soumises au présent III bis les personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elles ont été nommées en conseil des ministres, les membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, les membres des inspections générales, les chefs de service et les sous‑directeurs de l’administration de l’État et les personnes mentionnées au 6° du I de l’article 11 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. » ;

2° Au premier alinéa du V, les références : « II ou III » sont remplacées par les références : « I au III bis ».

Article 4

Après le VI de l’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un VI bis ainsi rédigé :

« VI bis. – Lorsqu’il occupait l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d’État, le fonctionnaire qui a fait l’objet d’un avis rendu au titre du 2° du V adresse annuellement, dans le délai cité au même 2° du V à la commission une attestation, signée de son employeur, démontrant qu’il respecte l’avis de la commission. »

Article 5

Compléter le VI de l’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait pour un fonctionnaire de ne pas déférer aux injonctions de la commission de déontologie de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amendes. »

Article 6

Le V de l’article 25 octies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Préalablement à l’examen de la demande, la commission de déontologie s’assure du respect de la part du fonctionnaire demandeur de son engagement décennal ou le cas échéant des remboursements des couts de sa scolarité, selon des conditions déterminées par décret. »

Article 7

Au premier alinéa de l’article 432‑13 du code pénal, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

Article 8

Au premier alinéa de l’article 432‑13 du code pénal, les mots « des fonctions qu’elle a effectivement exercées » sont remplacés par les mots : « de ses fonctions ».

Article 9

Au premier alinéa de l’article 18‑2 de la loi n°2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, le mot : « régulière » est remplacé par le mot : « accessoire ».

Article 10

Le deuxième alinéa de l’article 20 de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Le montant du traitement et indemnités ne peut excéder celui du Président de la République, tel que défini par la loi n° 2007‑1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008. Le Gouvernement rend public chaque année en annexe à la loi de règlement la répartition, mission par mission, des emplois rémunérés hors échelle au sein de État, des établissements publics sous tutelle de l’État et des autorités administratives indépendantes. »

Article 11

IV. – Le II de l’article 108, le II de l’article 109 et le II de l’article 110 de loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel sont abrogés.

I. – Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 51 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État sont supprimés.

II. – Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 72 de la loi n° 84‑53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont supprimés.

II. – Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 2 de la loi n° 86‑33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière sont supprimés.