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N° 1805

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à linstauration dun bulletin de vote unique plus écologique
et économique

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

MarieFrance LORHO, Emmanuelle MÉNARD, Éric GIRARDIN, Olivier DAMAISIN, Sébastien CHENU, Maina SAGE, Bruno BILDE, Gilbert COLLARD,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

 En France, la consommation annuelle de papier s’élève à 8,8 millions de tonnes, soit 279 kilos par seconde et représente 3,2 % de la consommation mondiale. La France consomme en moyenne 136 kilos de papier et cartons par habitant par an, ce qui nous classe au 22ème rang mondial([1]).

Aujourd’hui ce sont principalement les entreprises privées qui sont pointées du doigt en raison de leur consommation importante de papier. On estime que la consommation de papier par an et par employé serait de l’ordre de 70 kilos à 80 kilos. La « bulle informatique » n’a pas tenu ses promesses en matière de réduction de l’utilisation du papier face à la numérisation. A l’inverse, il y a eu une recrudescence de la consommation du papier face au déploiement et à la modernisation des imprimantes toujours plus sophistiquées. En outre la surconsommation des produits électroniques a provoqué une forte demande en emballage et donc en carton[2]. Les effets de la « bulle informatique » sont donc plutôt des effets pervers.

On ne fait que le constater et le dénoncer chaque jour, mais rares sont les actes concrets dont l’objet est la défense de la planète. Le sujet est complexe en ce qu’il fait souvent l’objet d’une appropriation idéologique et démagogique. Le problème n’en est pas moins existant et les entreprises privées ne sont pas les seules à avoir une consommation importante de papier. L’administration est également concernée.

Cette proposition de loi ne constitue pas la solution miracle et absolue aux différents problèmes écologiques que nous rencontrons. C’est l’expression d’une ambition car c’est avec les petites pierres que l’on construit les grands édifices.

Cette mesure ne coûte rien. Elle n’engage personne. Elle permet, au contraire, d’enclencher un processus économique.

Réduire la consommation de papier est un moyen d’agir pour protéger l’environnement. L’industrie papetière est polluante. La fabrication de papier exige de grandes quantités d’eau et d’énergie, ainsi que de nombreux produits chimiques([3]). Le gouvernement s’en est rendu compte en renonçant à envoyer à 60 millions de français, la lettre du Président de la République évoquant les orientations du grand débat.([4])

La solution du recyclage a ses limites et n’est qu’une solution a posteriori. Cette proposition de loi dégage une piste de réflexion a priori.

L’impression des bulletins de vote nécessaires pour participer aux élections françaises, pose un problème financier, démocratique et écologique. Pour le moment chaque candidat doit imprimer lui‑même ses bulletins de vote. Les frais afférents, qui font partie des comptes de campagne, sont ensuite partiellement pris en charge par l’État, au terme d’un lourd mécanisme comptable.

Dans certains pays européens, comme la Belgique, les Pays Bas, ou encore l’Allemagne c’est l’État qui imprime un bulletin unique pour l’élection. En Italie, en Angleterre ou aux États‑Unis, les citoyens votent en cochant le candidat de leur choix sur un bulletin unique, sur lequel apparaît l’ensemble des candidats ou des listes. Cela génère des économies écologiques substantielles et un plus grand respect de l’environnement, l’électeur n’ayant plus qu’à cocher la case du candidat correspondant à son choix. Le remplacement de cette impression individuelle par une gestion groupée allégerait donc considérablement l’empreinte écologique des élections françaises en plus d’en améliorer l’empreinte démocratique. La mise en place d’un bulletin unique permet de réduire l’impact environnemental d’une élection en imprimant moins de bulletins et en réduisant le bilan carbone de leur transport. 

Un bulletin de vote unique offrirait à tous un accès plus équitable à l’élection et favoriserait, par la même, le pluralisme politique. Au lieu de réserver le bulletin de vote à ceux qui ont les moyens de se l’offrir, il est possible de réaliser des économies comptables pour l’État, et d’énergies pour la planète, tout en favorisant un accès équitable et démocratique aux élections pour tous.

La charge financière et technique de l’impression des bulletins constitue une barrière financière à l’entrée pour les nouveaux partis qui n’atteindront pas les pourcentages ouvrant droit au remboursement. En tenant compte du remboursement des frais d’impression, le bulletin unique coûterait, par ailleurs, moins cher aux contribuables.

Au‑delà de la prise de conscience qu’il incombe à tout à chacun de réaliser dans les gestes du quotidien, une action à l’échelle législative ne me semble pas dénuée de sens, dès lors qu’elle n’entraîne pour le citoyen aucune contrainte particulière. On ne saurait s’opposer à une proposition de loi qui ne présente que des avantages.

L’impression, à la demande, d’un emblème sur les bulletins de vote, ne sera pas supprimée par cette proposition de loi. C’est le sens de l’article 1 de la présente proposition de loi.

Au premier tour des dernières législatives c’est 1767 tonnes de bulletins qui ont été imprimés. Le montant remboursé par l’Etat aux candidats lors des élections législatives de 2017 est de 2,3 millions d’euros. On estime en revanche à 500 000 euros le coût du premier tour des législatives 2017 si le bulletin de vote avait été unique.

Une solution définitivement alternative au papier s’est présentée mais s’est avérée insuffisante. Il y a aujourd’hui ne nombreux débats sur la fiabilité du vote électronique. En Suisse la votation électronique existe déjà dans plusieurs cantons, pourtant de nombreuses voix s’élèvent exigeant que « la sécurité passe avant la précipitation ». Outre le problème de confiance que cela génère en raison de l’existence de « hackers » de plus en plus aguerris, la mise à niveau du vote électronique demande des investissements conséquents.

À travers le vote électronique c’est également la « privatisation du processus électoral » qui est dénoncée. En Suisse, le socialiste Jean Christophe Schwaab, a dénoncé cette privatisation qu’il juge incompatible avec l’essence même du vote électronique. Il défend l’idée selon laquelle l’impossibilité d’un audit public complet de l’outil empêche toute confiance des citoyens dans ledit outil. Hernani Marques développeur de programmes de votes en ligne est lui aussi catégorique « le vote papier reste, pour linstant, un système plus sécurisé que le vote numérique »([5]).

Le week‑end du 23 février 2019 les experts de l’Icann, un organisme international chargé de gérer les noms de domaine d’internet, c’est‑à‑dire les identifiants qui permettent de naviguer sur des services en ligne, ont publié une alerte. L’organisme a évoqué un risque en cours important de cyberattaque, l’objectif étant d’avertir les entreprises chargées d’assurer la sécurité des sites internet dans le monde et de leur permettre de se prémunir contre d’éventuelles attaques.([6])

Il est important de ne pas perdre de vue qu’à l’avenir de telles attaques pourraient survenir et être éventuellement tournées contre le processus électoral dématérialisé si l’on venait à en adopter le principe. Les enjeux sont trop importants pour qu’un tel risque puisse être pris.

Le bulletin unique me semble être un moyen intermédiaire raisonnable entre une transition trop brutale vers le numérique et la conservation inutile de modalités de scrutin coûteuses et polluantes.

Les présentes dispositions visent ainsi à modifier les modalités matérielles de l’élection des députés, des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.

L’article 2 concerne les dispositions spéciales à l’élection des députés. Il prévoit un allongement des délais de quelques jours afin de permettre la mise en place du bulletin unique. Il met à la charge de la circonscription l’impression des bulletins de vote, la collecte, l’envoi et la distribution des professions de foi. L’article 3 vient modifier les dispositions spéciales à l’élection des conseillers départementaux. Cet article prévoit que l’État rembourse les frais d’impression à tous les candidats, même ceux ne dépassant pas les 5% des suffrages exprimés. Il prévoit également la forme que doivent avoir les bulletins de vote unique. Quant à l’article 4 il s’intéresse à l’élection des conseillers régionaux et des conseillers à l’Assemblée de Corse. Il met à la charge de l’État l’impression des bulletins de vote et précise la forme que doivent prendre les bulletins de vote unique afin qu’aucun candidat ne soit défavorisé.


proposition de loi

Article 1er

Le code électoral est ainsi modifié :

À l’article L. 52‑3, le mot : « ses » est remplacé par le mot : « les ».

Article 2

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 157, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot « sixième ».

2° Au premier alinéa de l’article L. 164, le mot « vingtième » est remplacé par le mot « trentième ».

3° L’article L. 165 est ainsi modifié :

a) au premier alinéa, les mots « et bulletins de vote » sont supprimés,

b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « du candidat et celui du remplaçant. » sont remplacés par les mots : « de l’ensemble des candidats et suppléants. »

4° Au début du premier alinéa de l’article L. 166, le mot : « Vingt » est remplacé par le mot « Trente» et à la fin, les mots : « d’assurer l’envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale » sont remplacés par les mots : « l’impression des bulletins de vote et la collecte des professions de foi, puis d’en assurer l’envoi et la distribution ».

Article 3

L’article L. 216 du code électoral est ainsi modifié :

1° Les mots « des bulletins de vote, » sont supprimés.

2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « L’État réalise l’impression des bulletins de vote » sont ajoutés. Sous réserve des dispositions de l’article L. 210‑1, le bulletin de vote doit comporter, par ordre de tirage au sort, le nom de l’ensemble des candidats et suppléants. ».

Article 4

L’article L. 355 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au début est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour chaque circonscription électorale, le bulletin de vote doit comporter l’ensemble des listes par ordre de tirage au sort, le titre de chaque liste ainsi que les noms et prénoms du candidat tête de liste associé. »

2° À la première phrase du second alinéa, les mots : « bulletins de vote, » sont supprimés et après le mot « affiches » sont insérés les mots « et des ».

3° À la seconde phrase du second alinéa, les mots : « bulletins, affiches et » sont remplacés par les mots : « affiches et des ».

4° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé : « L’État réalise l’impression des bulletins de vote ».

Article 5

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1])  Planetoscope.com, chiffres sur la consommation du papier en 2016

([2])  Actions écologiques : « le gaspillage de papier et carton, les pires entreprises »

([3]) Quechoisir : « papier, mettre fin au gaspillage » Entreprise locale d’initiative au service de l’environnement (Elise)

([4])  L’Obs : « Macron renonce à envoyer sa « lettre aux Français » par courrier » Maria Elena Gottarelli.

([5])  Le Monde : « En Suisse, on encourage les hackers à pirater le système de vote électronique » Simon Auffret, 26/02/2019

([6]) Le Figaro : « La sécurité des sites Internet doit être renforcée après une alerte importante » 26/02/2019