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N° 1995

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à développer l’esprit philanthropique via la réforme
du don sur succession à un organisme sans but lucratif,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Véronique LOUWAGIE, Jérôme NURY, Fabrice BRUN, Damien ABAD, David LORION, Bernard PERRUT, Patrick HETZEL, Valérie LACROUTE, Éric PAUGET, Gilles LURTON, Arnaud VIALA, JeanLuc REITZER, Laurent FURST, Annie GENEVARD, Guillaume PELTIER, Vincent ROLLAND,

députés.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les legs, les donations et les assurances vies représentent une composante importante des ressources de nombreuses organisations philanthropiques.

Selon le Panorama national des générosités dressé à l’initiative de lObservatoire de la Philanthropie  Fondation de France, le total cumulé de ces gestes altruistes était estimée à un milliard d’euros pour l’année 2015, soit près du quart des 4,5 milliards d’euros dont bénéficient les organismes ayant recours à la générosité des particuliers.

Par ailleurs, une étude conduite par France Générosités et la TNS Sofrès en 2014, estimait à 2,3 millions le nombre de personnes susceptibles de réaliser des legs en faveur d’associations et de fondations ou de les désigner comme bénéficiaires de contrats d’assurance‑vie. Parmi ces 2,3 millions, 15 % étaient déjà passées à l’acte (7 % en faisant un legs et 8 % via une assurance‑vie), et 21 % ne l’avaient pas fait mais pouvaient être considérées comme assez fortement motivées. Le public enclin à opter pour les libéralités philanthropiques répond en grande partie à des caractéristiques précises. On observe ainsi une forte proportion de personnes sans descendants directs (56 %), mais aussi une surreprésentation d’individus jouissant d’un capital social et/ou culturel élevé.

De cette étude comme des travaux menés par les spécialistes œuvrant dans ces organisations ressortent deux freins importants : d’une part la complexité de l’environnement juridique et d’autre part le frein psychologique qui consiste notamment en la volonté de ne pas léser un proche.

Ce sont ces difficultés auxquelles entend répondre la présente proposition de loi en proposant la réforme des dispositifs encadrant le don sur succession fait en faveur d’un organisme sans but lucratif (OSBL).

L’article 1er vise à élargir le spectre des bénéficiaires prévus pour ce type de libéralité.

À l’heure actuelle, selon l’article 788 du code général des impôts, le don sur succession au profit d’une fondation ou d’une association reconnue d’utilité publique répondant aux conditions fixées au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts, de l’État ou de l’un des organismes mentionnés à l’article 794 permet à tout héritier, donataire ou légataire, de bénéficier d’un abattement, sur la part successorale nette lui revenant, égal à la valeur des biens remis à l’organisme bénéficiaire.

Il convient néanmoins de préciser l’existence d’une distinction : alors que pour les dons effectués au profit d’une association reconnue d’utilité publique, de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, seuls sont pris en compte les dons de sommes d’argent, pour les dons effectués au profit d’une fondation reconnue d’utilité publique, l’héritier se voit accorder la possibilité non seulement de verser une somme d’argent mais aussi de réaliser une libéralité en nature (par exemple le don d’une collection d’œuvres d’art, d’un immeuble de rapport, etc…).

Or cette distinction sur la nature des biens pouvant faire l’objet d’un don entre les fondations reconnues d’utilité publique et les autres organisations pouvant bénéficier du don sur succession ne repose sur aucun motif légitime. D’ailleurs, le texte de loi initial n° 109 relatif aux associations et aux fondations du 1er avril 2003 ne prévoyait pas cette distinction. De plus, il apparaît opportun de souligner que la doctrine fiscale prévoit, si l’actif successoral est composé de biens autres que des sommes d’argent, la possibilité pour l’héritier de vendre un bien figurant à l’actif de la succession, pour procéder au don en remploi des sommes([1]).

Pour l’ensemble de ces raisons, l’article 1er de cette proposition de loi a pour objectif d’autoriser l’ensemble des structures visées par l’article 788 III du code général des impôts de bénéficier du don sur succession sans différence de traitement selon la nature du bien remis (don en numéraire ou en nature).

L’article 2 vise à rallonger le délai du don sur succession. L’article 788 III prévoit que le don sur succession doit intervenir dans un délai de six mois après le décès.

Or cette durée de six mois peut constituer un obstacle important pour l’utilisation de l’article 788 III du code général des impôts dans la mesure où elle est insuffisante pour permettre à l’hériter de prendre connaissance dans des conditions satisfaisantes de l’étendue de l’actif successoral et pour décider de gratifier un organisme philanthropique. En effet, en période de deuil, les héritiers ne disposent pas toujours du recul suffisant pour prendre une décision patrimoniale importante qui a toujours pour conséquence un appauvrissement du donateur en dépit de l’avantage fiscal accordé en contrepartie.

De surcroît, les associations et fondations d’utilité publique sont soumises à des contraintes dans la procédure d’acceptation des libéralités qui leur sont octroyées. Ainsi, les libéralités accordées à ces organismes doivent faire l’objet d’une acceptation expresse par l’organe de gouvernance compétent. Or, dans le cas d’une donation, cet examen par l’organe de compétence est conditionné à une évaluation préalable. Malheureusement, les associations et les fondations n’ont pas toutes la même capacité à instruire des projets, ni les mêmes facilités à faire accepter un projet de donation par leur organe délibérant.

Aussi, l’article 2 de cette proposition de loi prévoit qu’il sera nécessaire d’allonger le délai de réalisation du don sur succession en le portant de six mois à un an.

Un troisième article sera introduit afin de compenser la charge nouvellement créée au titre de l’article premier de la présente proposition de loi à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa du III de l’article 788 du code général des impôts est ainsi modifié :

a) Après le mot : « fondation », sont insérés les mots : « ou une association ».

b) Les mots : « ou aux sommes versées par celui‑ci à une association reconnue d’utilité publique répondant aux conditions fixées au b du 1 de l’article 200 » sont supprimés.

Article 2

Le III de l’article 788 du code général des impôts est ainsi modifié :

I. – Au 1°, le mot : « six », est remplacé par le mot « douze ».

II. – Le 2° est ainsi modifié :

1°) Il est complété par les mots : «, si la libéralité est faite dans le délai de six mois suivant le décès. »

2°) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Que soit mentionnée expressément sur la déclaration de succession l’intention de l’héritier concerné de procéder à un don dans le cadre de du dispositif du III de l’article 788, ainsi que la nature de l’actif concerné, sa valeur et l’identité de l’organisme donataire, si la libéralité est faite entre le délai de six mois suivant le décès et le délai de douze mois suivant le décès. »

Article 3

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


([1]) BOFIP : BOI-ENR-DMTG-10-50-20-20130121, n°280 : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3369-PGP.html