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N° 2000

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer un délai de rétractation au bénéfice
des consommateurs dans les foires et salons,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

MarieFrance LORHO, Éric GIRARDIN, Sébastien CHENU, Bruno BILDE, Christophe NAEGELEN, Élisabeth TOUTUTPICARD, Éric STRAUMANN,  Olivier DASSAULT, JeanPierre PONT, Frédéric REISS, Nicolas DUPONTAIGNAN, Richard RAMOS, Frédéric BARBIER, Laurent FURST, Frédérique DUMAS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Qui n’a jamais fait des achats impulsifs sur un stand de salon ? Qui n’a jamais acheté une babiole dans une foire pour la poser ensuite dans un coin de la maison jusqu’à ce qu’on en oublie jusqu’au regret de l’avoir acheté ? Malheureusement, il ne s’agit pas toujours de babioles et les contrats de prestation de services ou de fourniture de biens proposés dans les foires et salons placent parfois les consommateurs dans de graves difficultés financières.

Si le droit commun prévoit un délai de 14 jours permettant au consommateur de se rétracter lorsqu’il a signé un contrat conclu à distance ou hors établissement et ce, sans avoir à motiver sa décision ([1]), ce délai de rétractation ne s’applique pas pour les contrats conclus dans les foires et salons. C’est le sens de la jurisprudence qui prévoit, malgré tout, que l’absence de délai de rétractation doit être affichée sur le contrat et qu’une information adéquate doit être donnée au consommateur ([2]).

En effet l’information de l’absence de droit de rétractation doit figurer de manière claire et lisible : les vendeurs ou prestataires de services doivent afficher, de manière visible pour les consommateurs, sur un panneau de format A3 au minimum, en caractère de corps 90 au moins, la phrase suivante : « le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour tout achat effectué dans [cette foire] ou [ce salon] ou [sur ce stand] » ([3]). Les offres doivent mentionner en caractère de corps 12 au moins, dans un encadré situé en en‑tête du contrat, la phrase suivante : « Le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour un achat effectué dans une foire ou dans un salon » ([4]). Ces dispositions ne prennent pas en compte le caractère « impulsif » de certains achats.

De plus, les professionnels redoublent d’inventivité (couleur de police illisible par exemple), leurs pratiques commerciales sont parfois à la limite de la légalité et l’application de telles mesures laisse à désirer.

Face à la situation particulière que représente la relation entre consommateur et professionnel dans les stands et foires ou l’atmosphère est particulière et où l’influence du professionnel peut être pesante, il me semble nécessaire de clarifier le droit positif et de faire entrer dans le champ d’application des contrats conclus hors établissement, les contrats conclus à l’occasion de foires ou salons afin que ces derniers tombent sous le coup du délai de rétractation de 14 jours. Dès lors, la rétractation du consommateur entraînerait les mêmes effets que ceux aujourd’hui prévus par le droit commun : Celle‑ci mettrait fin à l’obligation des parties, soit d’exécuter le contrat, soit de le conclure lorsque le consommateur a fait une offre. La rétractation met également fin à tout accessoire au contrat principal sans que cela n’engendre de frais particuliers. L’objet de protection du consommateur poursuivi par le code de la consommation dont les dispositions sont d’ordre public est ainsi sauvegardé.

Aujourd’hui la loi est claire et la jurisprudence constante : les contrats conclus dans les foires et salons font l’objet de dispositions particulières ([5]).

La jurisprudence, à l’instar du législateur, a considéré, et ce de manière constante, que les contrats conclus sur les foires et salons ne devaient pas être assimilés à des contrats hors établissement permettant aux consommateurs de bénéficier d’un droit de rétractation ([6]). Ainsi la Cour de cassation a‑t‑elle décidé dans un arrêt rendu par sa première chambre civile en date du 10 juillet 1995, n° 93‑16958, que l’article 1, alinéa 2, de la loi du 22 décembre 1972 qui dispose qu’est soumis aux dispositions de la loi quiconque pratique le démarchage ou fait pratiquer le démarchage ne s’applique qu’aux démarchages commis dans des lieux non destinés à la commercialisation, ce qui n’est pas le cas des foires et salons.

Mais aujourd’hui, il faut nous rendre à l’évidence : notre dispositif législatif n’est plus suffisant pour protéger les consommateurs, et les professionnels développent des techniques toujours plus ingénieuses pour flirter avec la loi, au détriment du consommateur. La pratique précède le droit, c’est un fait établi qui amène la constatation de la nécessaire et fréquente adaptation des textes. Il fut un temps ou la simple obligation d’informer le consommateur de l’absence de délai de rétractation avec menace de sanction financière en cas de non‑respect de cette obligation pouvait suffire. Aujourd’hui cela ne suffit plus à protéger le consommateur.

Ce dernier se trouve privé de tout droit de revenir sur sa décision dont on sait qu’elle peut être impulsive dans le contexte des foires et salons. Les techniques commerciales y sont parfois pernicieuses et le consommateur cède souvent à la tentation de l’achat « impulsif ».

Il convient par ailleurs de noter que l’état actuel du droit positif, qu’il soit issu de la loi ou de la jurisprudence, est contraire à la directive 2011/83 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ([7]) relative aux droits des consommateurs.

En effet cette directive considère que les contrats conclus dans les foires sont des contrats hors établissement si le stand du commerçant n’est pas le siège permanent ou habituel de son activité.

La création de nouvelles obligations d’information précontractuelle pour les vendeurs dans le cadre des foires et salons n’est pas suffisante.

Tout d’abord elle est d’une portée limitée puisque le droit commun, depuis l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, prévoit déjà une obligation précontractuelle d’information obligeant « la partie qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre […] dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. ([8]) » Non seulement l’obligation précontractuelle d’information est déjà couverte par le droit commun mais, en plus, elle ne permet pas de répondre aux objectifs posés par le droit européen.

Reste la protection contre les abus de faiblesses : le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour obtenir des engagements dans le cadre de foires ou de salons est passible de lourdes sanctions pénales. Le code de la consommation prévoit qu’il est interdit « d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit » ([9]). Toutefois il est difficile en matière d’achat impulsif de ramener la preuve d’un abus de faiblesse. La question de la preuve réduit donc l’efficacité d’une telle mesure.

Cette proposition de loi a donc pour but de permettre au consommateur d’aborder les foires et salons en tout sérénité se sachant couvert par un dispositif simple et dont la connaissance est répandue.

L’article 1 prévoit l’introduction dans le champ de définition des contrats conclus hors établissement, les contrats conclus dans les foires et salons, permettant ainsi par ricochet l’application du délai de rétractation de 14 jours prévus pour la conclusion des contrats hors établissement.

Dès lors, l’obligation précontractuelle d’information prévoyant d’informer le consommateur de l’absence de droit de rétractation et les sanctions afférentes à la violation de cette obligation n’ont plus lieu d’être puisqu’est institué ledit droit de rétractation pour les contrats conclus sur les foires et salons. L’article 2 de la présente proposition a pour objet leur abrogation.

L’article 3 présente, par rapport aux précédents articles une spécificité. En effet il ne concerne pas directement les foires et salons.

Il vise, de manière plus précise, à supprimer la dérogation possible au droit de rétractation pour les travaux d’entretien ou de réparation à réaliser en urgence au domicile du consommateur et expressément sollicités par lui, dans la limite des pièces de rechange et travaux strictement nécessaires pour répondre à l’urgence. La pratique, encore une fois, démontre que bon nombre de professionnels profitent de l’urgence de la situation et de l’absence de droit de rétractation pour surfacturer certains services ([10]). Le consommateur, faisant face à une situation d’urgence, n’ayant pas d’autres choix et sans délai de réflexion, se trouve pratiquement contraint de rémunérer des services à des prix prohibitifs.

On rencontre ce type de pratiques, entre autres, chez les plombiers ou serruriers qui dépannent en urgence. Pour des questions de sécurité juridique et économique du consommateur, il me semble important que les situations d’urgence soient retirées des situations dans lesquelles le droit de rétractation ne peut pas être exercé. Cela n’implique pas pour autant que ce droit de rétractation sera exercé de manière systématique par le consommateur. En effet dès lors que celui‑ci aura reçu un service répondant à sa demande pour un prix de marché, il n’aura alors aucun intérêt à exercer son droit de rétractation.


proposition de loi

Article 1er

Le 2° de l’article L. 221‑1 du code de la consommation est complété par un d) ainsi rédigé :

« d) À l’occasion d’une foire ou d’un salon, lorsque ce contrat est conclu sur un stand qui ne constitue pas le lieu où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité. »

Article 2

I. – Les articles L. 224‑59, L. 224‑60 et L. 224‑61 du code de la consommation sont abrogés.

II. – Le premier alinéa de l’article L. 242‑23 du code de la consommation est ainsi rédigé : 

« Tout manquement aux dispositions de l’article L. 224‑62 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

Article 3

Le 8° de l’article L. 221‑28 du code de la consommation est abrogé.


([1])  Article L. 221‑18, alinéa 1 du code de la consommation.

([2])  CA Paris, 1 mars 2018, n° 16/19570.

([3])  Article 1 de l’arrêté du 2 décembre 2014 relatif aux modalités d’information sur l’absence de délai de rétractation au bénéfice du consommateur dans les foires et salons.

([4])  Article 2 de l’arrêté du 2 décembre 2014.

([5])  Article L. 224‑59 et suivants du code de la consommation.

([6])  CA Paris, 1 mars 2018 n° 16/19570 ; CA Amiens, 6 juillet 2017, n° 15/06080.

([7])  EUR‑Lex ‑ 32011L0083 ‑ EN ‑ EUR‑Lex.

([8])  Article 1112‑1 al 1 du Code civil.

([9])  Article L. 121‑8 du Code de la consommation.

([10])  LObs : « gare au dépannage d’urgence de serruriers : arnaque à la clé ! », Emilie Rosso, 12/02/2013 ; 60 millions de consommateurs : « Évitez les arnaques au dépannage à domicile », Florent Pommier, 05/05/2017 ; Le Figaro : « Paris, l’arnaque des dépanneurs à domicile », Philippe Romain, 11/12/2011.