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N° 2153

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir à chacun un droit daccès
aux médicaments et dispositifs innovants,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanCarles GRELIER, Damien ABAD, Antoine HERTH, Robin REDA, Laure de LA RAUDIÈRE, JeanPierre DOOR, Paul CHRISTOPHE, Brigitte KUSTER, Guillaume PELTIER, Dino CINIERI, Olivier BECHT, Bernard PERRUT, Charles de la VERPILLIÈRE, Arnaud VIALA, Julien DIVE, Patricia LEMOINE, Didier QUENTIN, Agnès FIRMIN LE BODO, Nadia RAMASSAMY, Lise MAGNIER, Alain RAMADIER, JeanLouis MASSON, Bérengère POLETTI, Laurent FURST, Emmanuelle ANTHOINE, Philippe GOSSELIN, Geneviève LEVY, JeanLuc REITZER, Michel VIALAY, Josiane CORNELOUP, Marc LE FUR,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le modèle français d’accès précoce à l’innovation a longtemps été considéré comme une référence. Ainsi, le dispositif des autorisations temporaires d’utilisation (ATU), créé dans les années 1990, a permis d’ouvrir largement aux patients atteints de maladies graves sans alternative thérapeutique l’accès à des traitements innovants avant leur autorisation de mise sur le marché (AMM).

Ce dispositif dérogatoire s’appuyait sur le principe de l’équité et d’universalité dans l’accès aux soins qui fonde en partie le pacte républicain de la France.

Si ce principe ne s’est pas érodé en théorie, son application peut être questionnée, à la lumière d’une équation financière de plus en plus complexe : alors que le budget de la Sécurité sociale est économiquement très contraint, le coût des traitements innovants ne cesse d’augmenter.

À cause notamment des processus administratifs complexes et longs, les délais de négociation entre les entreprises pharmaceutiques et le comité économique des produits de santé (CEPS), fixé à 180 jours par la directive 89/105/CEE dite « transparence », sont régulièrement dépassés.

Dans son rapport d’activité 2017, publié en septembre 2018, le CEPS indique que trois classes de produits affichent un délai moyen de traitement des demandes de première inscription supérieur à 180 jours. La classe L (antinéoplasiques et immunomodulateurs) et la classe A (médicaments relatifs aux voies digestives et au métabolisme) enregistraient même des délais moyens respectivement établis à 301 jours et 670 jours (avec des négociations qui ont échouées).

Ainsi, ces délais particulièrement longs – et non conformes au droit européen – au regard de la pratique constatée dans les autres pays de l’Union européenne (voir figure ci‑dessous), témoigne de l’inefficience du modèle français.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le délai moyen passe de 408 jours (sur la base de 139 médicaments ayant obtenu une AMM sur la période 2011‑2014) à 530 jours (sur la base de 36 médicaments ayant obtenu une AMM sur la période 2014‑2016).

Le délai médian pour l’accès au marché français est même en augmentation puisqu’il était de 363 jours sur la période 2011‑2014 et s’établirait à 460 jours sur la période 2014‑2016.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En dépit de ces inconvénients pour les patients, le rapport d’une mission d’information sur l’accès précoce à l’innovation en matière de produits de santé datant du 13 juin 2018 indique que « ce délai, il faut le regretter, ne fait pas l’objet d’un suivi particulier par le ministère en charge de la santé ».

Par ailleurs, selon ce même rapport, le taux de disponibilité des nouveaux médicaments qui ont reçu une autorisation de mise sur le marché entre les années 2011 et 2014 est de 56,6 % en France, alors qu’il dépasse 80 % en Allemagne, en Suisse ou en Suède.

Les délais mentionnés supra ne prennent certes pas en compte la période pendant laquelle les médicaments ont bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation. Pour autant, les médicaments qui ont fait l’objet d’une ATU ne relèvent pas d’une procédure plus rapide, puisque selon une étude du LEEM (Les Entreprises du Médicament), les délais moyens s’établissent à 389 jours entre l’AMM et la publication du prix au Journal officiel.

La lettre d’orientation ministérielle du 4 février 2019 cosignée par le ministre de l’Économie et des finances, la ministre des Solidarités et de la Santé, et le ministre de l’Action et des comptes publics fixe clairement l’objectif de réduction des délais pour se conformer à la directive « transparence », « sans pour autant conduire à des surcoûts pour l’assurance maladie ». 

À ce stade, aucune amélioration visible n’a pu être rapportée par les industries pharmaceutiques ou par les professionnels de santé spécialisés.

Si l’on comprend l’obligation de soutenabilité financière qui est faite au CEPS, la perte de chance qui en résulte pour les patients en attente d’un traitement n’est pas acceptable.

Nombreux sont d’ailleurs ceux qui doivent se rendre à l’étranger pour obtenir les traitements auxquels ils ne peuvent avoir accès en France.

De nombreux traitements qui ont obtenu une autorisation de mise sur le marché restent en procédure de négociation tarifaire. Le respect de l’ONDAM étant inscrit parmi les engagements du CEPS, l’instance n’hésite pas à différer la conclusion des négociations tarifaires pour reporter le financement, certes couteux, de ces nouveaux traitements.

Si le chantier de dématérialisation des procédures du CEPS devrait aboutir en 2020, on peut rester dubitatif sur la réalité de la réduction des délais pour se conformer aux dispositions de la directive européenne. L’objectif budgétaire étant une priorité constante, comme le relève la Cour des comptes qui indique que les lettres d’orientation « sont inspirées de manière croissante par des objectifs de maîtrise du coût des médicaments » et que les orientations de 2016 « marquent un tournant en assignant au Président du CEPS des objectifs plus volontaristes et des principes plus rigoureux dans la fixation du prix des médicaments. »

Ce double phénomène de maîtrise des coûts et de lenteur administrative entraine pour le modèle français un triple déficit :

– un déficit structurel, par l’incapacité du modèle à accompagner l’innovation et la recherche à cause de procédures longues et complexes et d’une organisation lourde ;

– un déficit dans la réponse aux besoins thérapeutiques urgents de la population et par conséquent à respecter le principe d’équité et d’universalité des soins ;

– un déficit d’attractivité, car les industriels qui œuvrent sur un marché mondial sont de plus en plus réticents à l’idée d’investir en France, qui reste cependant un marché important.

Afin de répondre au mieux à ce triple déficit, l’article unique de cette proposition de loi vise à inscrire dans la loi que chaque citoyen bénéficie d’un droit à accéder aux traitements et protocoles les plus récents et les plus innovants, sans perte de temps ni perte de chance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 1110‑1‑1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110‑1‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 111012. – Toute personne a le droit de pouvoir accéder, chaque fois que son état de santé le justifie, aux traitements et techniques les plus innovants et les plus récents et ce dans les délais les plus courts sans qu’à aucun moment les délais et procédures administratifs ne puissent y faire obstacle. Ce droit est opposable à l’État par toute voie judiciaire habituelle. 

« Les conditions de mise en œuvre de ce droit sont fixées par voie réglementaire. »

Article 2

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.