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N° 2319

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2019.

PROPOSITION DE LOI

pour une meilleure représentation des très petites entreprises
et des petites et moyennes entreprises dans le cadre du dialogue social,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie BAZINMALGRAS, Olivier MARLEIX, PierreHenri DUMONT, Marc LE FUR, Arnaud VIALA, Damien ABAD, Marianne DUBOIS, Véronique LOUWAGIE, David LORION, JeanMarie SERMIER, Sébastien LECLERC, MarieChristine DALLOZ, Brigitte KUSTER, Frédéric REISS, Éric PAUGET, Nadia RAMASSAMY, Bérengère POLETTI, JeanJacques FERRARA, Éric CIOTTI, Valérie BEAUVAIS, Daniel FASQUELLE, Didier QUENTIN, Bernard PERRUT, JeanLuc REITZER, Émilie BONNIVARD, Guillaume PELTIER, Robin REDA, Gérard MENUEL,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2008‑789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail et la loi n° 2014‑288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ont eu pour effet de réduire le nombre de branches professionnelles tout en réformant les règles existantes en matière de représentativité afin de simplifier le dialogue social.

Mais elles ont également eu pour effet de marginaliser la représentation des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises (TPE‑PME) dans le cadre de la négociation des accords de branches ou des accords conventionnels. Ce sont donc les grandes entreprises qui décident des règles sociales s’appliquant aux petites entreprises.

Il est pourtant essentiel de prendre en compte le point de vue des TPE et des PME pour la qualité de notre démocratie sociale.

Cette proposition de loi vise ainsi à améliorer la représentation des TPE‑PME dans le cadre du dialogue social.

L’ordonnance n° 2017‑1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective a introduit une disposition consistant à imposer, dans chaque accord de branche, des dispositions spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés ou de devoir en justifier l’absence à défaut. Cela permet de faciliter l’application des dispositions conventionnelles définies par les partenaires sociaux au sein des TPE‑PME.

Néanmoins, les règles de validation des accords ne permettent pas aux représentants des TPE‑PME de disposer d’un droit d’opposition. Dans les faits, ce sont donc les représentants des grandes entreprises qui fixent les règles pour les TPE‑PME.

Par ailleurs, le seuil de 50 salariés ne permet pas la prise en compte des spécificités des TPE. C’est notamment plus particulièrement dans les entreprises de moins de onze salariés qu’il n’existe pas de service dédié à la gestion du personnel. Ces TPE ne disposent pas non plus de comité social et économique mais de commissions paritaires régionales interprofessionnelles.

Dès lors, le seuil en deçà duquel des dispositions spécifiques doivent être prises devrait être fixé à onze salariés.

L’article 1er de cette proposition de loi propose d’instituer une double représentativité au sein des branches professionnelles et de l’interprofession, d’une part pour les entreprises de onze salariés et plus et, d’autre part, pour les entreprises de moins de onze salariés.

S’il y a accord global pour l’ensemble de la branche professionnelle ou de l’interprofession, sa validité resterait soumise aux règles actuelles. Elle serait toutefois conditionnée à l’approbation des organisations représentatives dans le champ des entreprises de moins de onze salariés pour les dispositions qui les concernent.

Le droit d’opposition à un accord est aujourd’hui réservé à une ou plusieurs organisations d’employeurs représentant plus de 50 % de l’ensemble des salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives à ce niveau. Cela avantage considérablement les représentants des grandes entreprises.

Pour améliorer la démocratie sociale, l’article 2 prévoit que le droit d’opposition soit également ouvert à la ou aux organisations professionnelles représentant plus de 50 % des entreprises adhérentes aux organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau considéré. Cela permettrait ainsi d’éviter qu’une minorité d’entreprises impose ses choix à la majorité des entreprises.

Le nombre de salariés est le principal critère déterminant la répartition des sièges et des voix au sein des organismes paritaires entre les organisations professionnelles. Le nombre d’entreprises adhérentes reste secondaire (il ne représente que 30 % des sièges contre 70 % pour le nombre de salariés).

L’article L. 2135‑15 du code du travail a retenu cette règle pour la répartition des sièges au sein de l’Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN).

L’article 35 de la loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels dispose par ailleurs que : « en l’absence de règles spécifiques prévues par un accord conclu entre les organisations d’employeurs représentatives au niveau considéré ou par une disposition législative ou réglementaire, chacune de ces organisations dispose, au sein des institutions ou organismes paritaires dont elle est membre, d’un nombre de voix délibératives proportionnel à son audience calculée selon la règle prévue au I de l’article L. 2135‑15 du code du travail. »

L’adhésion à une organisation professionnelle est pourtant une décision de l’entreprise et de son représentant légal et le coût de l’adhésion est proportionnellement plus important pour une TPE‑PME que pour une grande entreprise.

Les critères de représentation au sein des organismes paritaires favorisent les représentants des grandes entreprises.

L’article 3 propose ainsi d’inverser la pondération des deux critères pour favoriser celui du nombre d’entreprises adhérentes qui déterminerait 70 % des sièges, le reste étant déterminé par le nombre de salariés. Cette disposition permettrait une représentation plus juste des entreprises au sein des organismes paritaires.

Il existe un risque de double ou triple comptage des entreprises adhérentes pour la mesure de la représentativité des organisations professionnelles.

En effet, une entreprise peut adhérer à deux organisations professionnelles membres de la même organisation interprofessionnelle. Elle peut également être comptabilisée à deux reprises lorsqu’elle a adhéré à une fédération professionnelle au niveau national et à une structure territoriale d’une organisation interprofessionnelle. Cette comptabilisation multiple peut également provenir de l’existence de filiales.

L’article 4 propose ainsi de renforcer la fiabilité du mode de calcul pour la mesure de la représentativité des organisations professionnelles.

L’article 5 vise à renforcer l’information sur la mesure de l’audience en rendant les données liées à la représentativité des organisations professionnelles plus transparentes.


proposition de loi

Article 1er

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le 6° de l’article L. 2151‑1, le 3° de l’article L. 2152‑1 et le 4° de l’article L. 2152‑4 sont complétés par les mots : « sur deux champs distincts : celui des entreprises de moins de onze salariés et celui des entreprises de onze salariés et plus. »

2° Le second alinéa de l’article L. 2152‑5 est ainsi rédigé :

« Elles indiquent à cette occasion le nombre d’entreprises adhérentes de moins de onze salariés et le nombre de salariés qu’elles emploient ainsi que le nombre d’entreprises adhérentes de onze salariés et plus et le nombre de salariés qu’elles emploient. »

3° Après l’article L. 2232‑5‑2, il est inséré un article L. 2232‑5‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 223253. – Un accord interprofessionnel doit comporter des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de onze salariés.

« Ces stipulations spécifiques peuvent porter sur l’ensemble des négociations prévues par le présent code. »

4° L’article L. 2261‑19 est ainsi modifié:

a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « pour les entreprises de moins de onze salariés et pour les entreprises de onze salariés et plus. »

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La validité des dispositions de la convention de branche ou de l’accord professionnel ou interprofessionnel est subordonnée à la signature des organisations professionnelles représentatives sur le champ des entreprises de onze salariés et plus et de celle des organisations professionnelles représentatives sur le champ des entreprises de moins de onze salariés, s’agissant des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de onze salariés mentionnées aux articles L. 2232‑10‑1 et L. 2232‑5. »

5° L’article L. 2261‑23‑1 est ainsi modifié :

a) Le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « onze », la seconde occurrence du mot : « les », est remplacée par le mot : « des » et, après le mot : « spécifique », sont insérés les mots : « , notamment celles ».

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

 « La validité de ces stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de onze salariés est subordonnée à la signature des organisations professionnelles représentatives sur le champ des entreprises de moins de onze salariés »

6° Après l’article L. 2261‑23‑1, il est inséré un article L. 2261‑23‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2261232. – Pour pouvoir être étendu, l’accord interprofessionnel doit, sauf justifications, comporter, pour les entreprises de moins de onze salariés, les stipulations spécifiques mentionnées à l’article L. 2232‑5.

« La validité de ces stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de onze salariés est subordonnée à la signature des organisations professionnelles représentatives sur le champ des entreprises de moins de onze salariés. »

Article 2

À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 2261‑19 du code du travail, après le mot : « adhérentes », sont insérés les mots : « représentent plus de 50 % des entreprises adhérentes au niveau considéré ou ».

Article 3

Le livre Ier de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 2135‑15, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 70 %» et le taux : « 70 %» est remplacé par le taux : « 30 %».

2° Après la section 3 du chapitre II du titre V, est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Répartition des sièges ou des voix des organisations professionnelles d’employeurs au sein des organismes créés par accord paritaire au niveau interprofessionnel et professionnel

« Art. L. 215241. – Pour tout organisme ou association paritaire administré par un conseil d’administration composé de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou au niveau d’une branche professionnelle, est appliquée une règle unique pour l’attribution du nombre de sièges ou de voix. Cette règle stipule que chaque organisation professionnelle d’employeurs dispose d’un nombre de sièges ou de voix proportionnel à son audience. Pour l’appréciation de cette audience, qu’elle soit mesurée au niveau national et interprofessionnel ou au niveau d’une branche professionnelle, sont pris en compte à hauteur, respectivement, de 70 % et de 30 %, le nombre des entreprises adhérentes à des organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou au niveau d’une branche professionnelle, et le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises. »

Article 4

Après la deuxième phrase du 3° de l’article L. 2152‑4 du code du travail, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Un processus de contrôle est mis en place par l’administration, ou par un organisme tiers désigné à cet effet, afin de procéder à la vérification qu’une entreprise est déclarée une seule fois, dans des conditions déterminées par décret. »

Article 5

L’article L. 2152‑6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Font l’objet d’un arrêté les données recueillies pour chaque organisation, et dans chaque champ conventionnel, soit le nombre d’entreprises adhérentes, de moins de onze salariés d’une part et de onze salariés et plus d’autre part, le nombre de salariés de ces mêmes entreprises, ainsi que les pourcentages correspondants. »