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N° 2460

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2019.

PROPOSITION DE LOI

visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Virginie DUBYMULLER,

députée.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les départements français, à qui il revient de favoriser un développement maîtrisé des sports de nature, ont à cœur de promouvoir ces pratiques, tout en prenant en compte l’ensemble des intérêts en présence, et en concourant à la préservation de l’environnement et des sites naturels.

Cependant, le développement des sports de nature qui représentent un atout touristique important pour de nombreuses collectivités, se heurte à un environnement juridique complexe.

En effet, une grande partie des sites propices à la pratique de ces sports appartiennent à des personnes privées ou à des personnes publiques au titre de leur domaine privé, et ne sont pas spécialement destinés à accueillir du public et aménagés à cet effet. Ces espaces sont soumis à un régime juridique pour l’essentiel de droit privé et leur ouverture au public dépend, en principe, d’une autorisation de leur propriétaire. Cependant, dans la pratique, beaucoup de sites naturels sont fréquentés par le public sans que les propriétaires n’y aient expressément consenti.

Pour autant, l’article 1242 du code civil prévoit de par son régime de responsabilité du fait des choses que le propriétaire d’un site, ou son gestionnaire, est susceptible d’être considéré comme responsable des dommages causés lors de la circulation du public sur sa propriété, qu’il l’ait ou non autorisée, s’il n’a pas explicitement défendu l’accès à son terrain. La jurisprudence prévoit en effet un régime de responsabilité sans faute, qui apparaît en l’espèce inadapté à la dangerosité intrinsèque de la pratique des sports de nature et au caractère naturel et sauvage des espaces qui les accueillent. Ce régime fait peser sur les propriétaires de ces terrains ou sur les gestionnaires à qui ils délèguent cette responsabilité, un risque juridique démesuré.

Ainsi, pour exemple, la fédération française de la montagne et de l’escalade, assurant la garde juridique d’un site confié conventionnellement par la commune de Vingrau, a été condamnée dernièrement, solidairement avec son assureur, à verser à un couple de grimpeurs la somme de 1,2 million d’euros, en indemnisation du préjudice subi suite à un accident grave survenu en 2010, dû à l’effondrement d’un rocher. Cette somme représente, pour l’assureur, cinq années de cotisations de la fédération.

Ce régime de responsabilité ne peut avoir pour effet que de freiner le développement des sports de nature, en incitant les propriétaires à refuser l’accès à leurs terrains, ou à susciter, pour les terrains faisant l’objet de conventions d’exploitation, une dénaturation des espaces naturels par un aménagement excessif visant à sécuriser les pratiques. Il déresponsabilise par ailleurs les usagers qui décident de s’aventurer dans des espaces naturels non aménagés.

Un régime de responsabilité dérogatoire au droit commun existe à l’article L. 365‑1 du code de l’environnement, qui prévoit un aménagement de la responsabilité civile ou administrative des propriétaires ou gestionnaires de certains types d’espaces (parcs nationaux, réserves naturelles etc.). Cette disposition est cependant de portée limitée puisqu’elle ne vise que certains espaces et mentionne une simple atténuation de responsabilité au regard de la spécificité de ces sites.

C’est pourquoi la présente proposition de loi tend à adapter et limiter de façon plus générale la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires d’espaces naturels mis ou non à la disposition du public.

L’article 1er de la proposition de loi vise ainsi à exclure une mise en cause de ces propriétaires et gestionnaires au titre de leur responsabilité sans faute fondée sur le premier alinéa de l’actuel article 1242 du code civil. Pareille disposition existe déjà au bénéfice des propriétaires riverains de cours d’eau non domaniaux. L’article L. 214‑12 du code de l’environnement prévoit en effet que « la responsabilité civile des riverains des cours d’eau non domaniaux ne saurait être engagée au titre des dommages causés ou subis à l’occasion de la circulation des engins nautiques de loisir non motorisés ou de la pratique du tourisme, des loisirs et des sports nautiques qu’en raison de leurs actes fautifs ».

Il est préconisé d’instituer une disposition similaire, dans le code du sport, au profit plus largement des propriétaires et gestionnaires de sites naturels pour les dommages causés ou subis à l’occasion de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisirs ou de sports de nature.

L’article 2 est un article de coordination, qui supprime l’article L. 365‑1 du code de l’environnement, en raison du transfert dans le code du sport des dispositions relatives à la responsabilité des gardiens d’espaces naturels (propriétaires, gestionnaires...) en cas de dommages subis par les pratiquants de sports de nature ou d’activités de loisirs.


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 311‑1 du code du sport, il est inséré un article L. 311‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 31111.  Les dommages causés à l’occasion d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs ne peuvent engager la responsabilité du gardien de l’espace, du site ou de l’itinéraire dans lequel s’exerce cette pratique pour le fait d’une chose qu’il a sous sa garde, au sens du premier alinéa de l’article 1242 du code civil. »

Article 2

Le chapitre V du titre VI du livre III du code de l’environnement est abrogé.