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N° 2603

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2020.

PROPOSITION DE LOI

relative à la reconnaissance du vote blanc,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Fabrice BRUN, Emmanuelle ANTHOINE, Nathalie BASSIRE, Émilie BONNIVARD, Bernard BROCHAND, Dino CINIERI, Josiane CORNELOUP, Sébastien LECLERC, Véronique LOUWAGIE, Éric PAUGET, Bérengère POLETTI, Jean Luc REITZER, Laurence TRASTOUR ISNART, Jean Pierre VIGIER, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors des élections présidentielles de 2017, l'abstention a atteint un record au second tour depuis 1969, estimée à 25,3 %. Toutes élections confondues, les scrutins des dernières décennies ont révélé une progression de l'abstention massive.

Les élections législatives de 2017 ont en outre constitué un tournant majeur puisque pour la première fois depuis 1958, l’abstention a dépassé le taux de 50 %, 51,3 % au premier tour, 57,36 % au second tour avec 27 128.488 abstentions pour 47 293 103 d’inscrits.

L’abstention en France connait donc une progression constante, de scrutin en scrutin, quel que soit le type d’élection.

C’est un vrai danger pour la démocratie dans un contexte de défiance, où les électeurs portent pourtant des convictions qui ne se retrouvent pas toujours dans l’offre électorale.

L’un des moyens qui pourrait permettre de lutter contre l’abstention serait de reconnaître pleinement le vote blanc en le comptabilisant dans les suffrages exprimés.

Le vote blanc consiste à voter sans choisir un candidat. Il exprime ainsi la volonté de l’électeur de participer à l’élection, tout en refusant les différents choix de vote qui lui sont proposés. Il se distingue de l’abstention et du vote nul.

Toutefois, le vote blanc est aujourd’hui encore assimilé aux votes nuls ce qui décourage les électeurs ne se reconnaissant pas dans l’offre politique d’aller voter car ils ont le sentiment légitime de ne pas être pris en considération.

Depuis la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections l’article 65 du code électoral, modifié par cette loi du 21 février 2014, « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès‑verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. »

Initialement, la loi de 2014 ne concernait pas l’élection présidentielle, la modification des règles de ce scrutin nécessitant une loi organique qui a été publiée deux ans plus tard. Il en résulte que depuis la loi organique du 25 avril 2016, les présidentielles sont donc également concernées par les nouvelles règles de décompte du vote blanc.

Au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, 659 997 votes blancs ont été recensés (et 289 337 votes nuls) et au second tour de cette même élection 3 021 499 votes blancs ont été recensés (1 064 225 votes nuls).

Ce décompte séparé des votes blancs, et plus encore le fait que ces votes ne soient pas pris en compte dans les suffrages exprimés, peut amener les citoyens à choisir l’abstention alors qu’ils pourraient, par ce biais, marquer leur différence en ne faisant le choix d’aucune offre politique, tout en ayant la possibilité de voir leur opinion reconnue.

Par ailleurs la loi n° 2014‑172 du 21 février 2014, n’a pas rendue obligatoire la mise à disposition des électeurs, au sein des bureaux de vote de bulletins blancs, au même titre que ceux portant la mention d’un candidat ; ce alors même que les bulletins en question seraient réutilisables. Cette omission pose la question du sens d’une telle adoption.

Dès lors, il est nécessaire et opportun d’apporter des modifications substantielles aux articles L. 58 et L. 65 du code électoral, qui permettront de faire évoluer la situation relative à la reconnaissance du vote blanc, pour les élections municipales, départementales, régionales législatives, européennes et les scrutins référendaires.

Cette mesure a d’ailleurs été demandée par de nombreux citoyens lors du grand débat organisé en 2019 pour répondre aux aspirations de nos concitoyens en faveur d’un meilleur fonctionnement de notre système représentatif.

Par ailleurs, afin de garantir la représentativité des élus, il convient de prévoir que si le nombre de bulletins blancs décompté représente de plus de 50 % des suffrages exprimés, le Préfet prononce l’invalidation de l’élection ainsi que l’organisation d’un nouveau scrutin vingt jours au moins et trente‑cinq jours au plus, après l’invalidation. 

Toutefois, pour permettre la prise en compte du vote blanc pour l’élection du Président de la République, il convient également de compléter l’article 7 de la Constitution du 4 octobre 1958, d’une part en supprimant l’exigence d’une majorité absolue pour l’élection et d’autre part en inscrivant le principe de la prise en compte du vote blanc dans le texte suprême pour cette élection d’où le dépôt conjoint par l’auteur de la présente proposition de loi d’une proposition de loi constitutionnelle.

Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Les troisièmes et quatrième phrases du troisième alinéa de l’article L. 65 du code électoral sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et il en fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. »

Article 2

Après le premier alinéa de l’article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce dernier dépose également des bulletins blancs en proportion des électeurs régulièrement inscrits sur les listes. »

Article 3

L’article L. 56 du code électoral est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le nombre de bulletins blancs décompté représente de 50 % des suffrages exprimés, le représentant de l’État dans le département prononce l’invalidation de l’élection. Un nouveau scrutin est organisé vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus, après l'invalidation. »

« S’il y a plus de 50 % de bulletins blancs, l’élection est invalidée. Un nouveau scrutin doit être organisé. »

Article 4

Le premier alinéa de l’article L. 558-44 du Code électoral est complété par les mots :

« , le référendum n’étant adopté que si le nombre de bulletins « oui » est supérieur à celui des bulletins « non » et « blancs »

Article 5

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.