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N° 2816

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2020.

PROPOSITION DE LOI

instaurant un moratoire sur les loyers pendant lépidémie de covid19,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLuc MÉLENCHON, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUDHOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

Député.e.s.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à instaurer un moratoire sur le paiement des loyers pendant la durée de la crise sanitaire traversée par le pays. L’épidémie de coronavirus est un fait biologique mais c’est aussi un fait social. Le confinement forcé pour une grande partie de la population, prononcé depuis le 17 mars 2020, était la seule mesure possible pour limiter les dégâts de la maladie compte tenu des capacités de nos hôpitaux et de la pénurie de matériel médical. Mais cette situation met en précarité sociale un grand nombre de ménages. Au moins un cinquième de la population active est en chômage partiel. Le gouvernement a refusé de porter l’indemnité touchée par ces salariés à 100 % de leur salaire. Tous s’appauvrissent donc du fait du confinement. Par ailleurs, de nombreuses personnes ne sont pas concernées par les mesures de chômage partiel, du fait de leurs statuts précaires. Les intérimaires ou les contrats à durée déterminée en fin de contrat, les stagiaires, les autoentrepreneurs passent entre les mailles du filet de la sécurité sociale.

Lobjectif de mettre chacun en sécurité sociale est un impératif humain et sanitaire. Les solutions pour surmonter l’épidémie sont collectives. La précarité sociale constitue une faille dans notre protection sanitaire. L’inquiétude de ne pouvoir subvenir à ses besoins essentiels entre en contradiction avec la concentration sur le respect des consignes sanitaires. Cette inquiétude met en danger ceux qu’elle touche face au virus. Les locataires, du parc privé et du parc HLM sont souvent parmi les personnes les plus heurtées par la crise sociale. Les statuts précaires y sont  logiquement surreprésentés puisqu’il est impossible d’acheter un logement sans u statut professionnel stable. Le revenu médian des locataires du parc privé est inférieur de 15% à la moyenne nationale. Quant à celui des locataires HLM, il est inférieur de 28 %. Le taux de pauvreté atteint 35 % en HLM tandis qu’il monte à 23 % dans le parc privé. Par comparaison, les revenus des propriétaires bailleurs sont bien plus confortables. Leur revenu annuel médian des propriétaires bailleurs est en effet trois fois plus élevé que la moyenne nationale. Par ailleurs, environ 500 000 logements locatifs appartiennent à des « investisseurs institutionnels », c’est‑à‑dire des banques ou des compagnies d’assurance.

Ce constat a conduit plusieurs pays européens à prononcer la suspension du paiement des loyers. Les villes de Barcelone et de Lisbonne ont suspendu le paiement des loyers dans leur parc de logements publics. En Allemagne, la loi fédérale d’urgence votée le 25 mars 2020 permet à tous les locataires de reporter le paiement de leur loyer pendant la crise sanitaire. En France, plusieurs associations et syndicats ont demandé un moratoire sur les loyers : l’association Droit Au logement (DAL), la Confédération nationale du logement, la Confédération syndicale des familles. Pourtant la loi du 23 mars 2020 sur l’urgence sanitaire n’a pas prévu de mesure pour sécuriser les locataires, en dehors du report de la fin de la trêve hivernale. Les ordonnances publiées le 27 mars par le Gouvernement prévoient pour les entreprises la possibilité, sans pénalités, de suspendre le paiement de leurs locaux. Si c’est possible pour les entreprises, cela doit l’aitre aussi pour les locataires de leur logement.

Cette loi répond à lurgence. Elle instaure donc une mesure dordre général et à effet immédiat : le moratoire sur le versement des loyers. Concrètement, tout locataire en difficulté financière pourra interrompre le loyer à son propriétaire. Il s’agit donc d’une possibilité laissée à 4 millions de ménages dans le secteur HLM et à 6 millions dans le secteur privé. Ce choix neutralise l’angoisse de ne pas pouvoir payer son loyer dans cette période particulièrement difficile. Pour les propriétaires, elle suspend la possibilité pour les banques auprès desquelles ils remboursent leur crédit immobilier d’ajouter de pénalités en cas de suspension du remboursement. Ces mesures sur de salut commun dans le présent.

À l’issu de la période de confinement, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prévoit déjà la possibilité de rembourser des dettes de loyers sur trois ans et sans pénalités de retard. Il faudra parallèlement décider de mesures d’indemnisation dans une loi de finance rectificative pour permettre d’annuler certaines dettes de loyers. L’ensemble des loyers perçus représentent environ 2,5 milliards d’euros par mois pour les logements privés et 1,7 milliards d’euros pour ceux des HLM. Ces chiffres sont à comparer avec l’effort budgétaire de 45 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement, presque entièrement consacrés à  soutenir les entreprises. Prendre en charge par l’État une partie des loyers non perçus pendant le confinement est possible. Pour l’heure, le moment est à empêcher que la crise sociale ne vienne entraver la mobilisation sanitaire du pays.

Larticle 1er créé un moratoire sur les loyers en suspendant l’obligation dans la loi pour le locataire de payer son loyer et les charges locatives aux termes convenus dans le contrat de location.

Larticle 2 tire les conséquences du moratoire sur les loyers pour les propriétaires qui doivent rembourser un crédit immobilier en suspendant la possibilité pour le prêteur de majorer le taux d’intérêt de l’emprunteur qui ne respecte pas ses échéances de remboursement, ainsi que de lui réclamer le remboursement intégral du crédit ou le paiement d’une indemnité.

Larticle 3 fixe la durée de l’application de la loi. Elle concerne tous les loyers, charges locatives et échéance de prêts dus à partir du 12 mars 2020 et jusqu’à 2 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Cette durée est celle prévue pour les mesures économiques des ordonnances prises le 27 mars 2020 en vertu des habilitations adoptées par le parlement le 23 mars2020.


proposition de loi

Article 1er

Pendant toute la durée d’application de la présente loi, est suspendue la première phrase du a de l’article 7 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23  décembre 1986. 

Article 2

Pendant toute la durée d’application de la présente loi, sont suspendus les articles L. 313‑50, L. 313‑51 et L. 313‑52 du code de la consommation.

Article 3

Les dispositions de la présente loi s’appliquent à tous les loyers, charges locatives et échéances dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19.