N° 2843
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 avril 2020.
PROPOSITION DE LOI
visant à sanctionner les actes de discrimination et de harcèlement dirigés contre les personnels soignants,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Jean‑Louis THIÉRIOT, Dino CINIERI, Jean‑Pierre DOOR, Philippe GOSSELIN, Éric STRAUMANN, Jean‑Marie SERMIER, Patrick HETZEL, Émilie BONNIVARD, Jacques CATTIN, Fabien DI FILIPPO, Constance LE GRIP, Pierre VATIN, Jean‑Louis MASSON, Laurence TRASTOUR‑ISNART, Julien DIVE, Éric PAUGET, Charles de la VERPILLIÈRE, Marc LE FUR, Virginie DUBY‑MULLER, Valérie BOYER, Éric CIOTTI, Jean‑Claude BOUCHET, Alain RAMADIER, Michel HERBILLON, Nicolas FORISSIER, Gilles LURTON, Arnaud VIALA, Annie GENEVARD, Bernard PERRUT, Jean‑Jacques GAULTIER, Claude de GANAY, Jean‑Pierre VIGIER, Isabelle VALENTIN, Julien AUBERT, Martial SADDIER, Brigitte KUSTER, Michèle TABAROT, Marine BRENIER, Didier QUENTIN, Pierre‑Henri DUMONT, Vincent ROLLAND, Valérie BAZIN‑MALGRAS, Frédéric REISS, Stéphane VIRY,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans la guerre menée contre le virus covid‑19, le rôle de chacun est déterminant pour limiter les effets de l’épidémie. À l’arrière, la mission est simple : rester chez soi. Sur le front, il en va autrement.
Dans un hôpital public saturé, les personnels soignants sont en première ligne pour combattre le virus et tenter de sauver des vies. Ils n’ont pas tout le matériel de protection nécessaire mais ils sont fidèles au poste, conscients du poids de la responsabilité qui leur incombe. Loin des rues désertes, ils doivent gérer le flux des nouveaux patients, soigner jour et nuit les malades et accompagner ceux qui s’en vont.
En ville, les médecins et infirmiers poursuivent leurs consultations pour répondre aux urgences et assurer la continuité de traitement des maladies de longue durée ; dans les EPHAD et à domicile, les auxiliaires de vie poursuivent également leur mission essentielle auprès des personnes les plus vulnérables.
Tous, ils n’hésitent pas à s’exposer au risque d’être contaminés pour venir au secours de la population.
Des initiatives voient le jour pour remercier et encourager ces héros modernes. Mais si on peut se réjouir des applaudissements aux fenêtres chaque soir à 20 heures, tous les Français, hélas, ne manifestent pas aussi chaleureusement leur reconnaissance.
Des témoignages de soignants nous rapportent en effet des comportements tristement égoïstes et parfois même malveillants à leur endroit.
Certains reçoivent de leurs voisins des messages ‑ bien souvent anonymes ‑ dans leur boîte aux lettres ou affichés sur leur porte leur commandant ou leur interdisant certaines actions : ne pas toucher l’interrupteur, descendre les poubelles à des horaires décalés, aller promener son chien plus loin, garer sa voiture dans un autre quartier, déménager (!) etc.… Autant de mots éprouvants pour ceux qui rentrent de l’enfer du front pour se reposer un peu chez eux.
Ces comportements sont inadmissibles car ils blessent nos combattants à l’heure où nous avons plus que jamais besoin d’eux. Pourtant, aucune disposition pénale ne permet actuellement d’appréhender correctement ces agissements. S’ils relèvent à l’évidence d’une discrimination en raison de la profession, ce motif n’est pas mentionné dans la loi pénale.
C’est pourquoi l’article premier de la présente proposition de loi entend faire de la discrimination des personnes « en raison du risque infectieux supposé ou réel lié à l’exercice de leur activité professionnelle » un délit à part entière punissable de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Couvrant un champ plus large que les seuls personnels soignants, les dispositions de l’article 225‑5 du code pénal ainsi créé pourront également protéger les caissiers, livreurs, policiers : tous professionnels contraints de travailler au contact de la population et susceptibles demain d’être discriminés pour ce motif.
Plus grave encore que des exhortations de voisins, certains soignants dont la profession est connue se voient interdire de faire leurs courses et même refuser la location d’un logement ! Il nous semble que le sérieux de ces actes doit exposer leurs auteurs à une peine plus élevée que de simples propos. L’article 225‑5 prévoit donc qu’une telle discrimination soit punissable d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Par ailleurs, l’article 2 de la présente proposition de loi propose de compléter l’article 222‑33‑2‑2 du code pénal relatif au harcèlement afin que la répétition d’actes de discrimination soit également prise en compte dans le quantum de la peine. Il nous semble en effet qu’une multitude de mots laissés par des voisins même sans concertation constitue un harcèlement et doit par conséquent être plus durement sanctionnée qu’un propos isolé.
Il est donc proposé que le harcèlement constitué de plusieurs actes de discrimination envers une personne « en raison du risque infectieux supposé ou réel lié à l’exercice de son activité professionnelle » soit également punissable de cinq années d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
proposition de loi
Article 1er
La section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 225‑4‑1 A ainsi rédigé :
« Art. 225‑4‑1 A. – Constitue une discrimination punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de demander à une personne d’adopter, en raison du risque infectieux supposé ou réel lié à l’exercice de son activité professionnelle, un comportement différent de celui de la population en général.
« Cette peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque la discrimination mentionnée au premier alinéa consiste à refuser à une personne l’achat ou la location d’un bien ou d’un service. »
Article 2
L’article 222‑33‑2‑2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils consistent en une répétition d’actes de discrimination punis par l’article 225‑4‑1 A. »