N° 2854
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 avril 2020.
PROPOSITION DE LOI
visant à freiner l’exposition des enfants aux écrans à l’école,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Marie‑France LORHO,
députée.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais, sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle ». En 2019, le directeur de recherche à l’Inserm Michel Desmurget expliquait dans son ouvrage intitulé la Fabrique du crétin digital l’impact particulièrement nocif de l’exposition aux écrans sur les enfants. Pour le neuroscientifique, cette problématique relève d’un problème de santé publique, raison pour laquelle il est question de freiner l’exposition des enfants aux écrans à l’école.
I. Exposition des enfants aux écrans : quelles conséquences ?
L’exposition des enfants aux écrans engendrerait des retards dans le « développement du langage, sur le sommeil et l’attention. Le cerveau surtout lorsqu’il est en construction n’est pas fait pour subir ce bombardement sensoriel », explique Michel Desmurget. Or, si l’on en croit l’étude ESTEBAN pour Santé publique France, en France, pour la seule année 2015, les enfants de 6 à 17 ans passaient près de 4 h 11 par jour devant les écrans ([1]).
Une étude publiée en septembre 2018 dans Lancet Child and Adolescent Health (revue britannique), indique que les enfants passant plus de deux heures par jour devant les écrans auraient de moins bonnes capacités cognitives que ceux qui y sont moins exposés. Le temps passé sur les écrans engendrerait des troubles sur le sommeil et les performances des enfants. Selon le docteur Jeremy Walsh, de l’Institut CHEO du Canada, « plus de deux heures d’écran chez les enfants appauvrit leur développement cognitif » ([2]).
Une récente étude de Santé publique France révélait que « les enfants ont six fois plus de risques de développer des troubles du langage s’ils sont exposés le matin à la télévision, une tablette, un ordinateur » ([3]). Cette publication ([4]) rappelle par ailleurs que des études, notamment internationales, ont déjà souligné que « les jeunes enfants exposés aux écrans avaient moins d’interaction émotionnelle avec leur entourage qui est pourtant nécessaire à leur développement psychomoteur, en particulier le développement du langage » et que « l’exposition aux écrans avait un impact significatif sur la santé des enfants, y compris sur les troubles du langage ». Elle souligne néanmoins qu’« il n’existe aucun consensus international sur l’exposition aux écrans. »
II. Quelles réponses des instances publiques ?
Le 20 novembre, une proposition de loi adoptée par le Sénat visait à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, favorisant une politique de prévention ([5]). Une politique de prévention est certes nécessaire et doit être encouragée à grande échelle ; pour autant, elle est contredite par le recours des établissements scolaires à des outils numériques dont l’instruction française s’était jusqu’alors largement passée.
De son côté, le Conseil supérieur de l’audiovisuel souligne que les moins de trois ans doivent être préservés des écrans, « l’interaction avec le monde qui l’entoure [étant] essentielle au bon développement du tout‑petit […] l’exposition passive à des images diffusées sur un écran ne favorise pas ce type d’interactions et peut au contraire freiner le développement du tout‑petit enfant », ajoute‑t‑il. Pour les plus âgés, le CSA requiert un usage accompagné de l’écran ([6]).
Conclusion : de l’urgence d’une réponse des pouvoirs publics
S’il n’est pas du ressort des pouvoirs publics de s’immiscer au sein des foyers pour annihiler toute exposition des enfants aux écrans, il est néanmoins dans leurs capacités de ne pas encourager cette pratique au sein des établissements publics. Des études récentes, pointées du doigt par le même Michel Desmurget, révèlent d’inquiétantes conclusions, qui soulignent toute l’urgence d’apporter une réponse à cette problématique. « Jouez à un jeu vidéo d’action une heure après avoir appris une leçon et le lendemain le «déficit de rétention» frisera les 30 %. Donnez une console de jeux à un bon élève qui n’en a pas et ses résultats scolaires décrocheront de 5 % en quatre mois. Exposez un enfant de 18 mois à trente minutes quotidiennes de tablette et vous affecterez suffisamment l’ampleur des relations interpersonnelles pour quasiment tripler le risque de retards langagiers. », explique le professionnel dans les colonnes d’un quotidien ([7]). Soulignant qu’il existe une corrélation entre écrans et affaissement du QI verbal, le neuroscientifique martèle la qualité urgente de cette question.
L’objet de cette proposition de loi vise donc à annihiler toute exposition aux écrans au sein des établissements scolaires.
L’article 1er vise à dispenser les écoles élémentaires et les collèges, publics et privés sous contrat, de la formation aux niveaux de maîtrise des compétences numériques qui encourage l’exposition des mineurs aux écrans alors même que cette compétence n’est pas essentielle.
L’article 2 vise à freiner l’expansion de l’instruction par voie numérique pour favoriser le recours à l’instruction par l’intermédiaire de manuels scolaires et d’ouvrages littéraires.
L’article 3 dispose que la formation à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques ne peut pas être dispensée dans les écoles primaires, eu égard aux effets désastreux que l’exposition des enfants aux écrans pourrait engendrer.
proposition de loi
Article 1er
Au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’éducation (partie réglementaire), le II de l’article D. 121‑1 est supprimé.
Article 2
Les six derniers alinéas de l’article L. 131‑2 du code de l’éducation sont supprimés.
Article 3
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 312‑9 du code de l’éducation, après le mot : « agricoles », sont insérés les mots : « et à l’exception des écoles primaires ».
([1]) Troubles de l’attention, du sommeil, du langage, … « La multiplication des écrans engendre une décérébration à grande échelle ». Le Monde. 21 octobre 2019.
([2]) Article de Futura avec l’AFP‑Relaxnews paru le 28 septembre 2018.
([3]) France Inter, L’exposition aux écrans le matin avant l’école augmente le risque de troubles du langage chez l’enfant, 14 janvier 2020.