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N° 2869

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 avril 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à adapter les règles de transport du corps d’une personne décédée au regard de la liberté d’organisation des funérailles,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Pierre MOREL‑À‑L’HUISSIER, Philippe GOSSELIN, Éric STRAUMANN, Carole BUREAU‑BONNARD, Thierry BENOIT, Christophe NAEGELEN, Xavier ROSEREN, Yves DANIEL, Emmanuelle ANTHOINE, Sonia KRIMI, Jean‑Luc LAGLEIZE, Lise MAGNIER, Guy BRICOUT, Annie GENEVARD, Philippe GOMÈS, Emmanuel MAQUET, Stéphane MAZARS,

députés.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La liberté d’organiser ses funérailles est garantie par la loi du 15 novembre 1887 et relève des libertés individuelles comme l’a rappelé la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 19 sept. 2018, n°18‑20.693).

Toutefois, les pratiques liées aux obsèques sont mises à mal concernant le transport du corps des personnes décédées, que le décès ait lieu sur le territoire national ou à l’étranger.

Dans le premier cas, le rapatriement de la dépouille d’une personne décédée dans un État membre autre que le sien constitue une question sensible qui peut être à l’origine de souffrances considérables pour la famille concernée.

En effet, un nombre croissant de citoyens de l’Union vit dans des États membres autres que leur pays d’origine pour diverses raisons telles que des migrations pour des raisons professionnelles amenant certains à travailler dans un autre État membre ou bien le développement du tourisme. Par conséquent, l’augmentation de ces flux migratoires entraîne une augmentation du nombre de décès de personnes dans un pays autre que dans leur pays d’origine.

Le transport transfrontalier des dépouilles mortelles est actuellement basé sur les Accords de Berlin de 1937 et la Convention de Strasbourg de 1973. Ces deux accords imposent pour des raisons d’hygiène et de sécurité que le transport des dépouilles d’un État à un autre soit effectué dans un cercueil en zinc hermétiquement clos.

En France, ces cercueils doivent répondre aux conditions de l’article R. 2213‑27 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ils doivent notamment être en matériau biodégradable et les caractéristiques de composition, de résistance et d’étanchéité doivent respecter les critères établis par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et du Conseil national des opérations funéraires.

Or la composition de ces cercueils pose de sérieuses difficultés, les crématoriums refusant de procéder à la crémation par souci de sécurité. De plus, leur ouverture, dans l’objectif de transférer les dépouilles mortelles dans un cercueil propice à la crémation, se heurte aux règles de droit en vigueur. En effet, au regard de l’article R. 2213‑20 du CGCT, une fois les formalités légales et réglementaires accomplies, il est procédé à la fermeture définitive du cercueil, l’ouverture sans autorisation constituant une violation de sépulture (article 225‑17 du code pénal). Une exception est prévue à l’article article R. 2213‑42 du CGCT qui permet l’ouverture d’un cercueil s’il s’est écoulé un délai de cinq ans depuis le décès du défunt (article R. 2213‑42 du CGCT).

Dans le second cas, Il arrive que des familles soient contraintes de supporter le choc du décès d’une personne proche sans avoir la possibilité de voir une dernière fois le visage de la personne décédée alors que l’état du corps le permettrait. Il peut s’agir du cas du décès d’une personne en France dans une région éloignée de la famille dont la famille ne peut s’y rendre et que le délai légal de transport de corps à visage découvert est dépassé ou bien du cas d’une autopsie sur décision judiciaire ou médicale suite à un décès dont la cause est inconnue créant un dépassement du délai légal de transport de corps à visage découvert.

Actuellement, le transport du corps avant la mise en bière est régi par les articles R. 2213‑7 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Les opérations de transport avant la mise en bière du corps d’une personne décédée doivent être réalisées dans un délai maximum de quarante‑huit heures à compter du décès (article R. 2213‑11 du CGCT). Pour le moment, il n’existe aucune disposition dérogatoire et l’article R. 2213‑11 du CGCT ne permet pas de reporter le point de départ du transport avant mise en bière. De plus, une réponse ministérielle n° 15227 en date du 2 juillet 2013 est venue confirmer « que le transport de corps après une autopsie judiciaire ne peut être effectué qu’après mise en bière ».

Pourtant, dans le cadre d’une autopsie, le Procureur de la République dispose d’une marge de manoeuvre et peut autoriser qu’un corps transporté vers un institut médico‑légal puisse être transporté sans cercueil vers une chambre funéraire à l’issue de l’examen du corps et éventuellement de son autopsie, dépassant le délai fixé par la réglementation.

Enfin, le Procureur de la République a autorisé une dérogation dans le département du Vaucluse. Depuis 2013, les autopsies ont lieu en‑dehors du département, c’est‑à‑dire à l’hôpital de Nîmes. Dans cette situation, la règle a été posée que le délai de 48 heures commence à courir à partir du moment où le corps est rendu aux proches du défunt et non à la date indiquée par le médecin ayant constaté le décès.

Par conséquent, le fait que dans certains cas des familles aient pu bénéficier de dérogations crée une inégalité de traitements entre les personnes.

Au regard de ces éléments, les familles concernées sont confrontées à une situation tragiquement douloureuse, l’impossibilité de faire revenir le corps du défunt sans cercueil à proximité de leur lieu de résidence et la contrainte d’avoir à se rendre à l’institut médico‑légal pour pouvoir assister à la mise en bière de leur proche, ou bien les difficultés liées à la crémation des personnes décédées à l’étranger sont des charges supplémentaires, souvent absurdes à comprendre et à accepter.

Afin de combler la souffrance de nombreuses familles désireuses de respecter la volonté de leur parent décédé ainsi que des rituels de recueil auprès du défunt, la présente proposition de loi a pour objet d’adapter les règles relatives au transport de corps des personnes décédées aux principes liées à la liberté des funérailles.

L’article 1er de cette proposition de loi accorde une dérogation en ouvrant la possibilité de saisir le juge du tribunal judiciaire, issu de la fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance et reprenant d’instance. Désormais le juge du tribunal judiciaire reprend les compétences de ces deux juridictions dont celles en matière de contestation des funérailles attribuées au juge du tribunal d’instance en vertu de l’article R. 221‑7 du Code de l’organisation judiciaire et de l’article 1061‑1 du code de procédure civile. Cette demande doit être effectuée par la personne en charge des funérailles au regard des dispositions de l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887.

Enfin, l’article 2 propose de donner compétence au maire, qui dispose des pouvoirs de police des funérailles et des lieux de sépulture, afin de pouvoir accorder une dérogation à l’article R. 2213‑11 du CGCT et de faire couler le délai de 48 heures à partir du moment où le corps est rendu aux proches du défunt (date du Procès-Verbal de l’Officier de Police Judiciaire).

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 2223‑42 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2223‑42‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223421. – Dans le cas où le corps a été placé dans un cercueil hermétique pour assurer son transport international, l’autorisation de transfert du corps dans un cercueil adapté à la crémation peut être demandé auprès du juge du tribunal judiciaire du ressort du dernier domicile du défunt en France.

« La demande est faite par la personne ayant qualité pour organiser les funérailles.

« Le tribunal judiciaire statue dans les vingt‑quatre heures. Appel peut être interjeté dans les vingt‑quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d’appel. Celui‑ci ou son délégué est saisi sans forme et doit statuer immédiatement.

« Le transfert du corps s’effectue en présence d’un officier de police judiciaire. »

Article 2

Après l’article L. 2223‑30 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2223‑31 ainsi rédigé :

« Art. L. 222331. – À la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, le maire peut faire procéder à la mise en bière du corps d’une personne décédée à compter du jour où le corps est réceptionné vers son domicile, la résidence d’un membre de sa famille ou une chambre funéraire. »