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N° 3032

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juin 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la coordination contre les risques épidémiques,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanPierre DOOR, Patrick HETZEL, Mansour KAMARDINE, JeanYves BONY, Gérard CHERPION, JeanLouis MASSON, Émilie BONNIVARD, Fabrice BRUN, Robin REDA, Alain RAMADIER, Geneviève LEVY, Vincent ROLLAND, JeanClaude BOUCHET, Bernard BROCHAND, Brigitte KUSTER, Nadia RAMASSAMY, JeanPierre VIGIER, Pierre VATIN, Bernard PERRUT, Thibault BAZIN, MarieChristine DALLOZ, Arnaud VIALA, Olivier DASSAULT, Éric PAUGET, Didier QUENTIN, Marianne DUBOIS, Véronique LOUWAGIE, Bernard REYNÈS, Michel VIALAY, Virginie DUBYMULLER, JeanCarles GRELIER, Emmanuelle ANTHOINE, Isabelle VALENTIN, Nicolas FORISSIER, Constance LE GRIP, Julien DIVE, Guillaume PELTIER, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, JeanMarie SERMIER, Michèle TABAROT, Valérie BAZINMALGRAS, Stéphane VIRY, Michel HERBILLON,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La pandémie de covid‑19 a provoqué une prise de conscience générale de la nécessité de faire face à la menace constante de maladies infectieuses, nouvelles ou anciennes, de maladies dont l’incidence augmente ou qui deviennent résistantes aux anti‑infectieux. L’éradication officielle de la variole avait pu créer l’illusion d’un déclin des maladies infectieuses transmissibles. Mais la propagation de maladies anciennes réémergentes ou émergentes depuis quarante ans, dont la plupart trouvent leur origine dans le monde animal, sont devenues une préoccupation majeure. Les épidémies sont imprévisibles, souvent meurtrières et quel que soit l’endroit de la planète dont elles sont originaires, nous sommes tous potentiellement concernés. Les épidémies suivent un cycle toujours recommencé et, comme l’avait déjà analysé Charles Nicolle, les infections inapparentes jouent un rôle dans l’apparition et la propagation des maladies. Les agents infectieux se sont toujours développés, ont varié et se sont adaptés. Il s’agit donc de se préparer aux futures épidémies par la recherche et les politiques sanitaires afin d’en garder le contrôle. En 2013, le Livre blanc de défense et de sécurité nationale pointe le risque « d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement ».

Or la crise sanitaire actuelle a montré, outre un défaut d’anticipation, l’inadaptation des structures administratives françaises et le manque de coordination de la politique sanitaire face au risque épidémique, comme en témoigne les carences d’approvisionnement, les multiples injonctions contradictoires du Gouvernement et l’action des agences régionales de santé (ARS) auxquelles on reproche la lourdeur bureaucratique, le manque de réactivité et les défauts de communication. Les établissements publics de santé, les cliniques privées et la médecine de ville ont été mal associés. Des dysfonctionnements entre les échelons administratifs ont été révélés. Ainsi, par exemple, les pouvoirs juridiques appartiennent aux préfets des départements mais l’échelon administratif de programmation et de gestion hospitalière se situe à l’échelon régional. En outre, la réflexion sur les procédures visant à associer les citoyens à la prévention et à la gestion du risque ne peut pas être conduite depuis Paris car les problématiques sont complètement différentes entre le milieu très urbanisé et les territoires ruraux. Le découpage des régions issu de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) s’est avéré inadapté à la gestion de la carte sanitaire tant en période de confinement qu’en celle de déconfinement. La « recomposition territoriale » sera donc « fondamentale » pour le « monde d’après », comme l’a indiqué le Président de l’Association des maires de France.

La Commission européenne elle‑même, qui a observé « des lacunes » dans la préparation de la France à la pandémie de covid‑19, a souligné « des difficultés à garantir la disponibilité immédiate de professionnels de la santé, de produits indispensables et d’équipements de protection individuelle » au début de la pandémie. Les « problèmes structurels latents » dans le système de santé français, qui « résultent d’un manque d’investissements dans les infrastructures physiques et les ressources humaines, d’une adaptation limitée de l’organisation des services et de la nécessité d’une meilleure coordination entre acteurs privés et publics » sont même aggravés « par la persistance de disparités régionales » et un manque de « coordination de l’action entre tous les segments du système de santé ».

Le risque épidémique ou biologique devait être placé, en termes de préparation de crise, sur le même plan que les autres menaces majeures.

Le Haut Conseil de santé publique n’est pas nécessairement qualifié pour appréhender le risque épidémique dans ses aspects autres que médicaux. Or une pandémie humaine grave implique la mobilisation de tous les moyens dans tous les secteurs, du transport en passant par l’éducation. Il est donc proposer de créer un Haut Conseil de la lutte contre le risque épidémique ou biologique dont les compétences fixées à l’article premier l’associeraient à la conception et à la mise en place des plans d’organisation de la réponse du système sanitaire (ORSAN).

L’objectif est également de faciliter la gestion, par les autorités déconcentrées de l’État, d’une crise dont l’importance  majeure ‑ lorsqu’il y a débordement de la capacité d’action ou sidération des moyens de réponse ‑ implique la mise en œuvre de moyens dépassant le niveau régional. Après avoir consacré plusieurs travaux parlementaires à ces questions, je vous propose une nouvelle fois d’appuyer la politique sanitaire de crise sur un échelon d’administration à l’optimum pour gérer le risque épidémique : la zone de défense et de sécurité.

Cadre géographique commun, coordonnant les efforts civils et militaires, la zone de défense et de sécurité est en effet un cadre administratif de préparation et de planification des mesures de défense à caractère non militaire. Elle est adaptée à d’éventuelles coopérations transfrontalières comme on l’a vu notamment dans la zone est. Chaque zone de défense et de sécurité est dirigée par un préfet de zone qui est le préfet de région et de département du siège de la zone de défense et de sécurité. En situation de crise, le préfet de zone exerce une mission de coordination et peut disposer de pouvoirs particuliers.

Dans l’exercice de ses attributions, le préfet de zone est assisté par un état‑major de zone de défense et par un comité de défense de zone. Le risque épidémique ou biologique doit être placé, en termes de préparation de crise, sur le même plan que les autres menaces majeures. Les institutions existantes, et en particulier le Haut Conseil de santé publique, ne sont pas nécessairement qualifiées pour appréhender le risque épidémique dans ses aspects autres que médicaux. Or une pandémie humaine grave implique la mobilisation de tous les moyens dans tous les secteurs, du transport en passant par l’éducation. Mais à l’heure actuelle, on a vu que les acteurs concernés se trouvent dispersés dans de nombreux organismes avec pour conséquence des recommandations et des mesures contradictoires. Enfin, la préparation au risque épidémique ne peut pas être entièrement conçue à l’échelon central.

Dans cette perspective, il vous est proposé de créer dans chaque zone de défense et de sécurité un conseil sanitaire de zone, chargé de l’analyse et de la préparation du risque épidémique ou biologique, fédéré par un Haut Conseil du risque épidémique et biologique. Il serait un acteur de la préparation du plan zonal de mobilisation des ressources sanitaires, volet sanitaire des plans zonaux de défense et de sécurité, qui a actuellement pour objectif de faire face aux situations ayant un impact exceptionnel sur l’offre et l’organisation des soins à l’échelle de la zone de défense et de sécurité et qui constitue ainsi un plan de renfort complémentaire du dispositif ORSAN.

Le secrétariat de ces conseils sanitaires de zone serait assuré par un médecin, qui serait intégré dans l’organigramme de l’administration préfectorale, ce qui permettrait de créer une structure permanente de préparation à la crise sanitaire qui pourrait agir dans la durée, en particulier pour coordonner et harmoniser les actions de sensibilisation à conduire en direction des personnels médicaux et de l’opinion publique. Il serait également mieux habilité que ne l’est l’administration sanitaire pour effectuer le recensement des moyens des autres administrations de l’État, en particulier des armées et des collectivités locales.

Tels sont Mesdames, Messieurs, les motifs de la proposition de loi qui vous est soumise.

proposition de loi

Article 1er

Il est créé un Haut Conseil de la lutte contre le risque épidémique ou biologique chargé :

– d’analyser les dangers liés aux risques épidémiques et biologiques d’origine naturelle ou terroriste, par la promotion de recherches, l’évaluation des conséquences des risques visés, de l’importance et de la nature des moyens à mettre en œuvre ;

– d’analyser la coordination des moyens à mettre en œuvre pour prévenir ces risques ;

– d’analyser la coordination entre les moyens civils et militaires de lutte contre ces risques ;

– d’analyser les actions de coopération internationale conduites par la France ;

– d’analyser l’action des collectivités décentralisées et la coordination avec les moyens de l’État ;

– d’analyser et de promouvoir le rôle des habitants dans la prévention et la lutte contre le risque épidémique et biologique ;

– de proposer au Gouvernement et au Parlement toutes les mesures qu’il juge nécessaires dans le cadre de son rapport annuel, ou par tout moyen qu’il juge utile en cas de nécessité.

Article 2

Le Haut Conseil de la lutte contre le risque épidémique ou biologique est présidé par le Premier ministre.

Sa composition est fixée par décret en Conseil d’État.

Il comporte les personnalités suivantes :

– les ministres compétents, en particulier ceux chargés de la santé, la défense, l’intérieur, l’éducation et l’agriculture ;

– deux députés, désignés par le président de l’Assemblée nationale pour la durée de leur mandat ;

– deux sénateurs désignés par le président du Sénat après chaque renouvellement triennal ;

– le président du Haut Conseil de la santé publique ;

– un médecin qualifié nommé pour cinq ans, par décret, parmi les personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers universitaires ;

– un médecin nommé pour cinq ans, par les unions régionales des professionnels de santé ;

– les présidents des associations représentatives des conseils régionaux, départementaux et des maires ;

– six personnalités qualifiées nommées pour cinq ans, par décret, pour leur compétence en matière de gestion de crise, de sécurité civile, de transport, de d’assurance ;

– le directeur général des agences régionales de santé de zone ;

– le médecin délégué du Haut Conseil de chaque zone de défense et de sécurité prévue à l’article L. 1311‑1 du code de la défense.

Article 3

Un médecin délégué représente le Haut Conseil de lutte contre le risque épidémique ou biologique dans chaque zone de défense et de sécurité prévue à l’article L. 1311‑1 du code de la défense.

Il est nommé par le préfet chargé de la zone de défense et de sécurité après avis du Haut Conseil pour une durée de cinq ans.

Article 4

Les délégués du Haut Conseil de lutte contre le risque épidémique ou biologique, pour chaque zone de défense et de sécurité prévue à l’article L. 1311‑1 du code de la défense, conseillent les préfets des zones sur les actions de prévention à entreprendre.

Ils peuvent en cas de crise sanitaire recevoir une délégation de pouvoir des préfets situés dans le ressort de la zone de défense et de sécurité dont ils ont la charge.

Ils expertisent les plans, programmes et actions conduits par les services de l’État et adressent un rapport annuel au Haut Conseil.

Article 5

Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre du Haut Conseil de lutte contre le risque épidémique ou biologique qu’en cas d’empêchement constaté par celui‑ci. Les membres de la commission désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat.

Article 6

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.