N° 3219
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2020.
PROPOSITION DE LOI
relative au parrainage citoyen pour les réfugiés, les apatrides
et les personnes protégées,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Annie CHAPELIER, Aurélien TACHÉ, Delphine BAGARRY, Delphine BATHO, Émilie CARIOU, Guillaume CHICHE, Yolaine de COURSON, Paula FORTEZA, Albane GAILLOT, Hubert JULIEN‑LAFERRIÈRE, Sébastien NADOT, Matthieu ORPHELIN, Jennifer De TEMMERMAN, Sabine THILLAYE, Frédérique TUFFNELL, Cédric VILLANI, Martine WONNER, Éric COQUEREL, Jeanine DUBIÉ, Frédérique DUMAS, Nadia ESSAYAN, Yannick KERLOGOT, François‑Michel LAMBERT, Jean‑Charles LARSONNEUR, Maud PETIT, Valérie PETIT, Dominique POTIER, Richard RAMOS, Maina SAGE, Nathalie SARLES, Sira SYLLA, Michèle VICTORY, Anne BLANC, Yves DANIEL, M’jid EL GUERRAB, Bruno FUCHS, Jacques MAIRE, Bertrand PANCHER, Cathy RACON‑BOUZON, Stéphanie ATGER, Stella DUPONT, Sandrine MÖRCH,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Si les migrations ont été, comme la plupart des aspects de notre société, ralenties avec la crise sanitaire, elles reprennent aujourd’hui avec force et les contextes géopolitique, socio‑économique et climatique laissent à penser qu’elles ne faibliront pas.
L’intégration réelle des personnes fuyant leur pays d’origine par peur de persécutions est une nécessité et elle ne peut se passer du concours des citoyens et de la société civile. Des initiatives de parrainage existent aujourd’hui, en dehors cependant de tout cadre légal permettant la sécurité, à la fois des personnes protégées, ainsi que des citoyens y prenant part.
En 2019, nos amis canadiens fêtaient la quarantième année de leur « parrainage privé des réfugiés », un partenariat public/privé où l’État fournit, d’une part, un cadre légal d’accès aux réfugiés, et des acteurs privés qui, d’autre part, apportent l’appui financier, social et humain. Ce programme a fait ses preuves et a contribué à l’intégration réussie de plus de 300 000 personnes.
En 2018, une déclaration commune, par les ministres responsables de l’immigration du Canada, du Royaume‑Uni, de l’Irlande, de l’Argentine, de l’Espagne et de la Nouvelle‑Zélande a vu le jour, venant souligner leur adhésion au parrainage communautaire des réfugiés.
Le contexte européen a également vu émerger des pratiques innovantes. La Commission européenne a elle‑même encouragé la possibilité de créer des programmes de parrainage privé, dans le cadre desquels des organisations de société civile prendraient en charge l’aide à l’installation et à l’intégration de ces personnes. Plus que jamais, nous nous devons d’apporter des dispositifs innovants utilisables à l’échelle européenne.
Dans cette dynamique européenne, des protocoles d’accord ont vu le jour en France, comme c’est le cas des « couloirs humanitaires » qui, avec l’appui de groupes autofinancés de citoyens et d’églises, ont mis en place un tel programme.
Ces initiatives, émanant du terrain, voulues aussi bien par des acteurs avertis que par de simples citoyens, sont l’occasion de renforcer le partage des responsabilités, la confiance mutuelle entre les organisations de la société civile et les autorités, et plus généralement d’assurer une intégration plus sereine, pour une société unie et apaisée.
La crise sanitaire a prouvé, s’il en était besoin, la volonté des citoyens français de s’engager pour l’intérêt général, dans les domaines notamment de l’agriculture, la santé ou la solidarité. Depuis des années, de nombreux villages et zones rurales s’avèrent exemplaires en ce qui concerne l’inclusion des personnes réfugiées. Les liens sociaux qui s’y tissent facilitent l’apprentissage du français et renforcent le sentiment d’appartenance à la terre d’accueil. Il est d’ailleurs important de noter que la saisine du sujet par les acteurs locaux, très positive, diffère des débats nationaux, notamment lors des grands rendez‑vous politiques.
Il s’agit donc, par cette présente proposition de loi, d’entériner et d’offrir un cadre à ce qui existe déjà sur le terrain. Le parrainage citoyen a donc vocation à permettre aux citoyens volontaires, désireux de participer à l’accueil des réfugiés, apatrides et personnes protégées, d’avoir un cadre légal d’intervention à cet effet.
Il s’agit, de mettre en place, sur le terrain, un dispositif expérimental permettant aux personnes engagées d’apporter l’appui social et financier pour l’accueil et l’intégration de ces derniers dans la cité, en coopération avec les dispositifs institutionnels et les opérateurs qui y contribuent.
La présente proposition de loi comporte un article unique qui met en place, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un programme de parrainage citoyen.
L’article unique définit les contours du parrain et du parrainé dans le cadre de ce programme.
Le parrainé qui est réfugié, apatride ou une personne protégée, doit expressément donner son accord.
Les parrains, associations ou groupement de citoyens, qui justifient des compétences et ressources financières à l’accueil, s’engagent à titre volontaire pour éviter toute velléité de marchandisation.
Les conditions d’application de la présente proposition de loi, étant définies par décret en Conseil d’État, laisse aux acteurs compétents le temps de la concertation pour la rédaction d’une charte éthique à la base de ce programme.
Enfin, un rapport remis au Parlement permettra d’évaluer le dispositif pour une éventuelle reconduite.
proposition de loi
Article unique
Le titre V du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Parrainage privé
« Art. L. 754‑1. – L’État peut autoriser, à titre expérimental, pour une durée de trois ans et dans un nombre limité de départements, la création d’un dispositif de parrainage citoyen pour les réfugiés, apatrides ou protégés, par des associations agréées ou groupements de particuliers.
« Art. L. 754‑2. – Les personnes parrainées participant à ce programme doivent bénéficier du statut de réfugié prévu aux articles L. 711‑1 à L. 711‑6 du présent code, du statut d’apatride prévu aux articles L. 812‑1 à L. 812‑8 du présent code ou de la protection subsidiaire ou temporaire prévue respectivement aux articles L. 712‑1 à L. 712‑4 et L. 811‑1 à L. 811‑9 du présent code.
« Art. L. 754‑3. – Les personnes parrainées doivent être expressément volontaires au dispositif.
« Art. L. 754‑4. – Le dispositif de parrainage est un acte d’engagement citoyen, réalisé à titre gracieux.
« Art. L. 754‑5. – Une charte éthique détermine les conditions, les compétences et les ressources financières nécessaires des associations et des groupements de particuliers engagées dans le dispositif.
« Art. L. 754‑6. – À l’issue de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation. La reconduite du dispositif est soumise à la pertinence de l’expérimentation, à son adhésion auprès de la société civile et au bénéfice tiré par les parrainés.
« Art. L. 754‑7. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent chapitre. »