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N° 3294

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 août 2020.

PROPOSITION DE LOI

instaurant le vote dès seize ans et linscription automatique
sur les listes électorales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paula FORTEZA, Delphine BAGARRY, Delphine BATHO, Émilie CARIOU, Guillaume CHICHE, Yolaine de COURSON, Albane GAILLOT, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Sébastien NADOT, Matthieu ORPHELIN Aurélien TACHÉ, Frédérique TUFFNELL, Cédric VILLANI, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Barbara BESSOT BALLOT, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Frédérique DUMAS, Caroline FIAT, Sandrine JOSSO, Marietta KARAMANLI, Bastien LACHAUD, JeanCharles LARSONNEUR, Marion LENNE, Sereine MAUBORGNE, JeanLuc MÉLENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Pierre PERSON, Valérie PETIT, Martine WONNER, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Cathy RACONBOUZON, Muriel RESSIGUIER, Bénédicte TAURINE, Cécile UNTERMAIER, Patrick VIGNAL,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Élections après élections, l’abstention s’aggrave, en particulier parmi les plus jeunes de nos concitoyens. Au premier tour des municipales de mars 2020, seuls 28 % des électeurs de 18‑24 ans se sont rendus aux urnes, contre 57 % des plus de 60 %. Aux élections présidentielles de 2017, environ 60 % des 18‑24 ans se sont déplacés aux urnes contre 80% des plus de 60 ans. Si celle‑ci est la résultante d’un ensemble de facteurs individuels, sociaux, démographiques et politiques, la participation électorale peut être encouragée par deux mesures simples et concrètes.

La première disposition de cette proposition vise à abaisser lâge de vote de dixhuit à seize ans. Cette disposition concernerait environ 1 500 000 jeunes âgés de 16 et 17 ans.

La dernière modification de l’âge de la majorité électorale date de 1974. Le Président de la République de l’époque, M. Valéry Giscard d’Estaing, avait à l’époque abaissé l’âge de vote de vingt et un ans à dix‑huit ans. Cette réforme avait été justifiée par la volonté de combler le retard vis‑à‑vis de nos voisins européens. Elle répondait aussi à une demande générationnelle exprimée dans les mouvements étudiants de mai 1968.

Aujourdhui, plusieurs pays en Europe ont abaissé lâge de vote à 16 ans : c’est le cas en Autriche et à Malte. En Allemagne, en Écosse et en Estonie, le droit de vote dès l’âge de 16 ans est ouvert aux élections locales. D’autres pays dans le monde l’autorisent également, tels que le Brésil, l’Argentine, le Nicaragua, Cuba ou encore la Slovénie.

Dans sa résolution du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne ([1]), le Parlement européen recommande aux États membres, pour l’avenir, d’envisager d’harmoniser l’âge minimal des électeurs à 16 ans afin de garantir une plus grande égalité aux citoyens de l’Union lors des élections. Le Parlement européen y souligne que, la montée progressive du taux d’abstention aux élections européennes en particulier chez les plus jeunes constitue une menace pour l’avenir de l’Europe.

Cette position est partagée avez la Résolution n° 1826 du Conseil de l’Europe adoptée par l’Assemblée plénière le 23 juin 2011 ([2]). Dans celle‑ci, le Conseil « appelle les États membres à étudier la possibilité dabaisser lâge de vote à 16 ans dans tous les pays et pour tout type délections ». Il souligne « La montée de labstentionnisme électoral dans toute lEurope, en particulier dans la classe dâge des 1824 ans, est également inquiétante pour lavenir de la démocratie. Les études montrent que plus les jeunes attendent pour participer à la vie politique, moins ils sengagent à lâge adulte ([3]) ».

La question de la participation des jeunes à la vie politique nest pas une question récente. Dès 1985, le Conseil de l’Europe avait dans un rapport constaté la nécessité de non seulement préparer, mais également insérer les jeunes dans la vie civique ([4]).

En outre, les travaux de politologues spécialistes de la participation électorale comme Cécile Braconnier, Jean‑Yves Dormagen ([5]) et Vincent Tiberj ([6]) s’accordent pour démontrer que plus on prend l’habitude de voter tôt, plus on vote au cours de sa vie. L’affaiblissement de la norme participationniste chez les nouvelles générations est une tendance lourde qui se confirme à chaque élection. Les plus sceptiques doutent de l’effet d’une telle mesure sur le vote des jeunes. L’exemple autrichien semble prouver le contraire : 90% des jeunes entre seize et dix‑huit ans ont exercé leur droit de vote après que celui‑ci leur ait été accordé.

Ces chiffres entrent en écho avec les conclusions du rapport de Youth Forum d’avril 2006 ([7]) dans lequel l’organisation internationale soulignait que « de nos jours, les 1617 ans sont plus réticents que dautres groupes dâge à participer à des discussions ou à des partis politiques » et que « Réduire lâge électoral motiverait les 1617 ans à participer davantage à la démocratie. En même temps, réduire lâge de vote forcerait les politiciens à formuler des politiques de la jeunesse solides et substantielles. »

Par ailleurs, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant des Nations unies de 1989, dans son article 12, portant sur le droit de participation déclare que chaque enfant (sentend de tout être humain âgé de moins de dixhuit ans) est capable de se faire une opinion et a le droit de s’exprimer librement sur tous les sujets le concernant. Ceci plaide en faveur de l’abaissement de l’âge de voter.

Enfin, cette proposition de loi invite également à la cohérence juridique. Dès l’âge de seize ans, un jeune a la possibilité d’avoir des relations sexuelles libres et consenties. Une mineure de seize ans a la possibilité de recourir à l’IVG sans le consentement de ses parents. Un mineur de seize ans dispose de la possibilité de reconnaître un enfant et d’exercer la pleine autorité parentale. En matière judiciaire, un mineur de seize ans peut être entendu par la justice dans toutes les procédures le concernant et, en cas de multirécidive, se voit écarter automatiquement l’excuse de minorité. Enfin, la scolarité n’est plus obligatoire à partir de l’âge seize ans et le mineur peut travailler et, le cas échéant, payer ses impôts.

Cette réforme constituerait un signal fort envoyé à nos jeunes. À l’heure où ces derniers se détournent des urnes, mais se mobilisent activement dans la rue ou sur les réseaux sociaux, la représentation nationale aura l’occasion de leur démontrer que la société tout entière leur reconnaît la responsabilité d’assumer des choix politiques électoraux.

La seconde disposition de cette proposition de loi vise à rendre linscription sur les listes électorales automatique. Si celle‑ci est obligatoire, comme prévu à l’article 9 du code électoral, certains de nos concitoyens restent néanmoins non‑inscrits ou mal‑inscrits (soit le fait d’être inscrit sur une liste électorale qui ne correspond pas à la commune de résidence). En mars 2020, selon un sondage de l’IFOP, 76 % dès 18‑25 ans déclarent être inscrits sur les listes électorales et 4 % déclarent ne pas savoir s’ils le sont. 14 % des jeunes inscrits sur les listes affirment être inscrits sur des listes différentes de celles de leurs communes de résidence. Ces difficultés d’inscription se justifient en particulier par un recensement tardif, un déménagement après le recensement ou encore un changement de lieu de résidence à 18 ans.

La différence dinscription sur les listes est aussi lexpression dinégalités sociales. En 2018, l’INSEE notait à cet égard que « le niveau de diplôme est le facteur sociodémographique discrimine le plus les pratiques d’inscription sur les listes électorales, notamment chez les plus jeunes. De 25 ans à 44 ans, un peu plus de 90 % des personnes ayant un diplôme de niveau supérieur au baccalauréat sont inscrites sur les listes électorales. C’est 30 points de plus que les personnes sans diplôme, dont le taux d’inscription entre 25 et 44 ans n’est que de 60 % » ([8]).

À cet égard, la présente proposition de loi vise à abaisser l’âge de vote de dix‑huit à seize ans et à rendre l’inscription sur les listes électorales automatique.

L’article 1 modifie l’article L. 2 du code électoral et dispose que sont électeurs les Françaises et Français âgés de seize ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi.

L’article 2 modifie l’article L. 9 du code électoral pour permettre que l’inscription sur les listes électorales soit automatique.

 

 


proposition de loi

Titre IER

Droit de vote dès seize ans

Article 1er

À l’article L. 2 du code électoral, le mot : « dix‑huit » est remplacé par le mot : « seize ».

Titre II

Inscription automatique sur les listes électorales

Article 2

L’article L. 9 du code électoral est complété par les mots : « et automatique ».


([1])  https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0395_FR.html.

([2])  https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=18015&lang=FR.

([3])  Ibidem.

([4])  Conseil de l’Europe, Recommandation 1019 du 28 septembre 1985  https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=15053&lang=fr.

Voir aussi : Conseil de l’Europe, Recommandation 902 du 27 septembre 1980 et Conseil de l’Europe, Recommandation 758 et 590 de 1975.

([5])  La démocratie de l'abstention, Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen, Paris, Folio Gallimard, 2007.

([6]) Vincent Tiberj, Des votes et des voix. De Mitterrand à Hollande, Nimes, Champs social, 2013.

([7])  https://www.youthforum.org/sites/default/files/publication-pdfs/0367-06FR-FINAL.pdf.

([8]) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0395_FR.html.