1

Description : LOGO

N° 3316

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir le respect éthique du don d’organes
par nos partenaires non européens,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Frédérique DUMAS, JeanFélix ACQUAVIVA, Damien ADAM, Julien AUBERT, Delphine BAGARRY, Nathalie BASSIRE, Grégory BESSONMOREAU, Émilie BONNIVARD, MarieGeorge BUFFET, Michel CASTELLANI, Philippe CHALUMEAU, Annie CHAPELIER, PaulAndré COLOMBANI, Charles de COURSON, Josiane CORNELOUP, JeanPierre CUBERTAFON, Pierre DHARRÉVILLE, Jeanine DUBIÉ, Virginie DUBYMULLER, M’jid EL GUERRAB, Olivier FALORNI, Yannick FAVENNEC BECOT, Guillaume GAROT, Annie GENEVARD, Meyer HABIB, Brahim HAMMOUCHE, Sandrine JOSSO, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, JeanChristophe LAGARDE, JeanLuc LAGLEIZE, FrançoisMichel LAMBERT, Mohamed LAQHILA, Jean LASSALLE, Philippe LATOMBE, Constance LE GRIP, JeanPaul LECOQ, David LORION, Marjolaine MEYNIERMILLEFERT, Paul MOLAC, Matthieu ORPHELIN, Bertrand PANCHER, Maud PETIT, Christine PIRES BEAUNE, Sylvia PINEL, François PUPPONI, Didier QUENTIN, Laurianne ROSSI, Maina SAGE, JeanMarie SERMIER, Denis SOMMER, Sira SYLLA, Aurélien TACHÉ, Jennifer De TEMMERMAN, Agnès THILL, Élisabeth TOUTUTPICARD, Laurence TRASTOURISNART, Frédérique TUFFNELL, Cécile UNTERMAIER, Laurence VANCEUNEBROCK, Arnaud VIALA, Philippe VIGIER, Stéphane VIRY, JeanLuc WARSMANN, Martine WONNER, Michel ZUMKELLER, JeanMichel CLÉMENT, Sébastien NADOT, Benoit SIMIAN,

Députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La bioéthique traite des questions éthiques soulevées par les avancées médicales et scientifiques, afin de protéger l’humain et la vie. Le cadre juridique français en matière de bioéthique est structuré par trois grands principes : la dignité, la solidarité et la liberté.

La transplantation d’organes est indéniablement un progrès de la médecine et de la technologie qui a sauvé la vie de nombreux patients. Les grands principes sur la base desquels s’est développé le système français de dons et transplantations d’organes sont le respect du corps de la personne vivante et de la personne décédée, la non‑patrimonialité du corps humain, ainsi que le consentement et l’anonymat du donneur, et enfin la gratuité du don.

Lorsqu’une personne vivante souhaite en France faire don d’un de ses organes, des règles strictes sont prévues afin de recueillir le consentement du donneur et de s’assurer que le don n’aura aucun impact négatif sur le patient tant au niveau physique que psychologique. Cependant, puisque l’obtention d’organes à partir de donneurs décédés et de donneurs vivants est strictement réglementée en France et en Europe, il existe un décalage entre l’offre et la demande d’organes. En raison de cette pénurie d’organes, 15 à 30 % des patients inscrits sur les listes d’attente décèdent avant de pouvoir être greffés, car le délai pour obtenir une greffe est d’environ trois ans et augmente chaque année.

Dans ce contexte de pénurie d’organes s’est développé le prélèvement forcé, le trafic d’organes et le tourisme de transplantation. Le tourisme de transplantation est le fait pour une personne malade de se rendre dans un pays étranger, pour acheter un organe et se faire greffer. En France, le don d’un organe doit être un acte gratuit et anonyme. La violation de ces règles éthiques est sanctionnée par 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Le tourisme de transplantation est un problème qui existe depuis les années 1980. Des personnes aisées se rendent dans des pays pauvres pour acheter des organes. Cependant, le cas le plus grave de tourisme de transplantation est le cas de la Chine, car il va de pair avec les prélèvements d’organes sur les prisonniers, notamment de conscience, sans consentement « libre et éclairé » au sens du droit international et du droit français. La Chine a produit en 2007 une première loi réglementant la transplantation, et n’a officiellement interdit qu’en 2015 le prélèvement des organes des prisonniers exécutés, une mise en œuvre dont la légèreté est critiquée jusque dans la presse chinoise. Des enquêtes indépendantes ont par ailleurs soutenu que les prélèvements d’organes sur les prisonniers d’opinion se poursuivaient. Actuellement, en Chine, les « prisonniers de conscience » sont principalement des pratiquants du Falun Gong (une pratique spirituelle bouddhiste), des musulmans Ouïghours, kirghizes et kazakhes, des bouddhistes tibétains et des chrétiens des « Églises domestiques ».

Plusieurs enquêtes indépendantes ont été publiées depuis 2006, dont celle des deux canadiens David Kilgour, ancien secrétaire d’État pour l’Asie Pacifique et, David Matas, avocat international des droits de l’homme. Dans leur rapport documenté de 817 pages remis à jour en 2016 ils estiment à 90 000 par an les transplantations clandestines effectuées.

Le journaliste d’investigation et nominé au Prix Nobel 2017 M. Ethan Gutmann, qui a co‑écrit le rapport réactualisé, a également publié en 2014 « l’Abattoir », un livre qui est l’aboutissement de sept années de recherches et d’enquêtes sur les prélèvements d’organes en Chine sur les prisonniers de conscience.

Les hôpitaux chinois font publiquement de la publicité sur le web concernant les organes disponibles dont ils disposent. Les enquêtes, y compris les publicités en ligne et les communications internes ont donc permis de montrer par exemple que l’hôpital de Tianjin qui dispose de 500 à 700 lits dédiés aux transplantations avait des taux d’occupation de 100 à 131 %. Certains patients sont hébergés dans des hôtels du fait du manque d’espace. Le nombre de transplantations d’organes dans cet hôpital a été estimé à 4 000 voire 5 000 par an. En prenant en compte qu’il y a 146 hôpitaux certifiés par le ministère chinois de la santé capables d’effectuer des transplantations, les chiffres officiels à ce jour de 29 000 transplantations annuelles masquent donc une réalité bien différente. 

Par ailleurs les délais d’attente sont extrêmement courts, douze jours en moyenne. Quand on connaît les délais d’attente d’environ trois ans, en occident, liés au cadre éthique dans lequel les prélèvements doivent être réalisés, ces délais sont en soi des indices inquiétants d’une violation systémique potentielle du consentement libre et éclairé.

Le 1er juillet dernier, la Commission nationale de la santé chinoise a annoncé une réforme du cadre juridique applicable à la transplantation. S’inquiétant de la chute du nombre de donneurs, notamment en raison de l’interdiction de prélèvement d’organes sur les prisonniers exécutés, adoptée officiellement en 2015, mais aussi en raison de la prégnance d’une culture chinoise populaire très réticente à la mutilation post mortem, la Commission cherche à encourager le don d’organes. Si le texte propose l’interdiction du prélèvement sur les mineurs, il prévoit aussi la possibilité, dans son article 8, que lorsqu’un défunt n’a pas exprimé de refus du don de ses organes de son vivant, il soit possible de recourir au consentement de la famille en lieu et place du consentement de la personne décédée. Laquelle disposition interroge, notamment au regard de l’état des lieux des libertés fondamentales en Chine. Par ailleurs, à l’article 2 il est d’ores et déjà prévu que cette loi ne s’appliquera pas à la transplantation de cellules humaines, de cornée, de moelle osseuse et autres tissus humains. 

Notons à titre subsidiaire que deux associations ouïghours – le Mouvement pour le salut national du Turkistan de l’Est, et le Gouvernement en exil du Turkistan de l’Est – ont porté plainte auprès de la Cour pénale internationale en juillet dernier pour crimes contre l’Humanité contre l’État chinois. La plainte inclue notamment le prélèvement forcé d’organes sur les membres incarcérés de la minorité ouïghour.

Face à l’inaction de la communauté internationale qui aurait dû réagir depuis longtemps et réaliser à son tour des enquêtes, un tribunal indépendant s’est constitué à Londres, le China Tribunal

Le Tribunal, présidé par Sir Geoffrey Nice, ancien procureur du Tribunal pour l’ex‑Yougoslavie, a analysé toutes les preuves existantes jusqu’en juin 2019 et a déterminé dans son jugement étayé de 60 pages que les prélèvements forcés d’organes sont une pratique qui existe en Chine depuis environ vingt ans et a qualifié ces pratiques de « crimes contre l’humanité prouvés au‑delà de tout doute raisonnable ».

Les prélèvements d’organes, sans consentement libre et éclairé, sont bien des prélèvements forcés qui constituent une atteinte gravissime à la dignité humaine et au droit à la vie des personnes.

Plusieurs pays ont déjà modifié leur législation nationale (dont notamment l’Espagne, l’Italie, Israël, et Taïwan) afin de sanctionner plus sévèrement les personnes impliquées dans ces crimes et ainsi éviter que ses citoyens se rendent complices de ces atrocités.

Le Parlement européen s’est prononcé, en 2013 et 2016, contre ces pratiques criminelles. Ainsi, tel qu’il est affirmé dans le préambule de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (« Convention de Compostelle »), le trafic d’organes est une « menace mondiale » contre laquelle les pays européens doivent lutter « de manière efficace ».

La France a signé en 2019 la Convention dite de Compostelle contre les trafics d’organes humains. Elle a cependant émis des réserves qui rendent difficile voire impossible la traduction devant la justice en France des personnes impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d’organes.

De plus, aucune mesure concrète n’a été adoptée, que ce soit au niveau européen ou au niveau national pour sanctionner les gouvernements et les personnes impliquées dans les prélèvements forcés d’organes en suivant l’exemple de la loi Magnitski américaine, qui interdit, entre autres, l’entrée sur le territoire américain aux personnes soupçonnées d’avoir participé à de telles pratiques.

Face à l’absence de sanctions émanant des institutions européennes pour lutter contre ces crimes, il est nécessaire de modifier le droit interne français, afin d’éviter que les établissements de santé publics et privés français soient amenés à se rendre complices de violations des droits de l’homme en matière de transplantation d’organes.

Ce sont donc les « contrats de coopération » signés entre les établissements de santé français et chinois qui doivent être ciblés.

La France est l’un des principaux partenaires de la Chine dans le domaine médical et scientifique depuis plus de 20 ans. Ce partenariat prend principalement la forme de formation pour les professionnels de santé chinois et la collaboration étroite entre les scientifiques français et chinois.

Dans le cadre de ces partenariats dans le domaine médical, les médecins transplanteurs français se sont rendus en Chine pour former et accompagner leurs collègues chirurgiens chinois. L’objectif de départ de la médecine française était éthique : promouvoir une médecine de meilleur niveau pour tous dans le monde.

Cette coopération active se fait en l’absence de la mise en place concrète de toute méthode d’évaluation et de contrôle, malgré les engagements pris, et comme l’a révélé au monde entier le cas du laboratoire de haute sécurité biologique P4 de Wuhan, au cœur de la polémique sur l’origine de la pandémie Covid‑19.

Le laboratoire P4 de Wuhan livré par la France à la Chine a par exemple mis en lumière les liens entre l’Armée populaire de libération et les milieux scientifiques. Les experts de la Commission interministérielle des biens à double usage (Cibdu) estiment qu’ « il y a un vrai flou  sur la destination finale des équipements livrés au laboratoire de Wuhan. Par exemple le nombre de scaphandres pathogènes de classe 4 commandés était bien supérieur aux besoins réels du P4 de Wuhan ». « Il nous était impossible de savoir où ils allaient être utilisés et à quelles fins ».  En clair, les experts français redoutaient qu’ils soient utilisés à des fins militaires et non civiles. Aucunes des demandes de transparence n’ont abouti.

En 2013, lors d’un colloque à l’Assemblée nationale plusieurs médecins français, dont Francis Navarro Chef de service et médecin transplanteur à Montpellier, le professeur Yves Chapuis, l’un des pionniers de la transplantation d’organes en France,  et le professeur Didier Sicard, ancien président du Comité Consultatif National d’Ethique, ont témoigné de la probabilité des prélèvements forcés d’organes sur les prisonniers de conscience, et averti que « les médecins français peuvent être complices des prélèvements d’organes sans le savoir en formant des médecins chinois ». 

De leurs côtés, l’organisme mondial de la santé (l’OMS) et la Chine affirment que le système chinois de transplantation d’organes respecte l’éthique médicale et scientifique. Or, l’année dernière, le ministre des affaires étrangères du Royaume‑Uni a révélé aux lords anglais que l’OMS avait fait savoir qu’elle fondait son évaluation sur le système de transplantation d’organes de la Chine à partir des informations fournies par la Chine seule. Cela remet donc bien sûr en question l’indépendance de ces évaluations et donc la fiabilité de ces informations.

Or, la grande majorité des centres hospitaliers français entretiennent et développent des liens étroits avec les centres hospitaliers chinois, ceux‑ci incluant des subsides financiers versés aux centres français. De nombreux chirurgiens français continuent à être invités et rémunérés par leurs homologues. Cette coopération active se fait en l’absence de la mise en place concrète de toute méthode d’évaluation et de contrôle, malgré les engagements pris.

Dans les exemples de partenariats :

– Assistance Publique‑Hôpitaux de Paris avec Peking Union Medical Center et l’Université Jiaotong de Shanghai ;

– Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg avec les facultés de médecine de Kunming, Chongqing, Wuhan et Shanghai ;

– Le CHRU de Montpellier avec les hôpitaux de la ville de Chengdu et de la ville de Suzhou ;

– Le CHU de Nantes avec l’hôpital franco‑chinois de Yantai ;

– Le CHU de Toulouse avec l’Hôpital n°1 et l’université de médecine de Chongqing et avec les hôpitaux de la ville de Chengdu ;

– L’AP‑HM avec le Shanghai Hospital Development Center ;

– Le CHU de Bordeaux avec les hôpitaux de la ville de Wuhan ;

– Les Hospices Civils de Lyon avec l’Université de médecine Jiaotong et les hôpitaux Ruijin et Renji de Shanghai ;

– Le CHU de Grenoble avec les hôpitaux de la ville de Suzhou et ceux de la ville de Zhengjiang ;

– Le CHU de Lille avec l’Hôpital central d’Ansha.

Et bien d’autres :

Par exemple le Club des jeunes néphrologues français, en lien avec l’équipe médicale de l’hôpital de Changzhou, premier centre formateur des équipes de néphrologie en Chine (et donc de transplantation rénale), se félicite dans une interview croisée avec leur homologue chinois de l’accès à une large population des « patients » pour la recherche clinique.

L’Académie nationale de médecine passe discrètement sous silence sur son site internet la façon dont elle a reçu et honoré le Dr Zheng Shu‑Sen responsable des transplantations au Premier hôpital affilié à l’université du Zhejiang, alors qu’il a récemment vu plusieurs de ses publications scientifiques retirées parce qu’il ne pouvait pas démontrer que les organes humains utilisés pour ses recherches avaient été obtenus avec le consentement des donneurs. Ce « médecin » figure pourtant toujours sur la liste des membres étrangers, de notre Académie nationale de médecine.

De même, Mme Wendy Rogers, une bioéthicienne de la Macquarie University à Sydney, élue par Nature.com comme l’une des 10 plus importants chercheurs de l’année 2019 pour sa défense sans faille de l’éthique médicale, a publié en février 2019 dans le BMJ Open une enquête sur 445 publications (de 2000 à 2017) portant sur la transplantation émanant d’équipes scientifiques chinoises. Elle a conclu que dans la très grande majorité des cas les organes utilisés avaient probablement été obtenus sans respect des règles internationales concernant le consentement des donneurs.

Cette enquête relève ainsi que dans 92 % des cas les articles omettaient d’indiquer l’origine des organes et dans 99 % des publications il n’est pas fait mention de l’obligation d’obtention du consentement des donneurs. Forts de ces constatations, les deux chercheurs appellent au retrait d’au moins 400 études des revues où elles ont été publiées.

Le site Retraction Watch et le New Scientist viennent par ailleurs de révéler que Transplantation et Plos One ont retiré au mois d’août quinze articles publiés par des équipes chinoises, où l’utilisation d’organes prélevés chez des condamnés à mort ou des prisonniers politiques non consentants est fortement suspectée.

En droit français, l’article 511‑2 et suivants du code pénal, sanctionnent l’achat d’un organe et le prélèvement illicite d’organes sur une personne vivante majeure ou sur une personne décédée. Lorsque l’importation d’un organe humain est envisagée, l’article R. 1235‑28 du code de la santé publique fait peser sur l’importateur d’organes l’obligation de s’assurer que les principes éthiques essentiels consacrés par la législation française ont été respectés à l’occasion du prélèvement des organes dans leur pays d’origine. Ainsi, le texte précise que l’importateur d’organes assure que ceux‑ci ont été prélevés avec le consentement préalable du donneur et sans qu’aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, n’ait été alloué à ce dernier. Il doit pouvoir justifier qu’il s’en est assuré. Il s’agit donc ici de faire en sorte d’éviter un circuit d’approvisionnement incompatible avec la vision française de l’éthique biomédicale.

L’article L. 6134‑1 du code de la santé publique prévoit la possibilité pour les établissements de santé publics ou privés français de signer des conventions de coopération avec des établissements étrangers. Or la signature de ces conventions n’est soumise à aucune condition de vérification du respect de l’éthique biomédicale et scientifique par les établissements étrangers. Si tous les pays avec lesquels la France signe des contrats de partenariats dans le domaine médical et scientifique respectaient les règles d’éthique, cette absence de vérification ne poserait pas problème. Mais tel n’est pas le cas, puisque dans des pays comme la Chine, le manque de transparence du système de santé et la violation des principes essentiels d’éthique médicale et scientifique sont endémiques. Ce sont des constats résultant de l’analyse des enquêtes faites sur les prélèvements d’organes sur des prisonniers de conscience, mais aussi de la gestion par la Chine de l’épidémie du covid‑19.

Certaines voix s’élèvent contre l’absence de preuves matérielles. Mais dans le même temps tout le monde s’accorde sur le fait que la notion de « consentement libre et éclairé » en République Populaire de Chine est très éloignée de la conception française et internationale, que cette notion s’applique aux prisonniers de conscience ou aux citoyens chinois dans leur ensemble.

Tout le monde s’accorde également pour dire qu’il est sûr que l’opacité règne, que des donneurs non volontaires sont classés dans la catégorie des donneurs volontaires, que des milliers de personnes sont détenues, et que certaines et certains ne sortent pas vivant(e)s des camps ou des prisons. 

Enfin, tout le monde s’accorde sur l’augmentation très significative du nombre de transplantations.

Certaines voix s’élèvent également pour dire qu’il n’y aurait soi‑disant progressivement plus d’étrangers bénéficiant de transplantations d’organes, donc plus de tourisme de transplantation, que le système mis en place serait maintenant uniquement réservé aux citoyens chinois car la demande intérieure explose.

Si c’était le cas en quoi cela « justifierait » le recours à des prélèvements forcés, si ce n’est au nom de la « non‑ingérence », notion répétée inlassablement par les portes paroles de la République Populaire de Chine. 

Et s’il y a bien un moyen de rejeter l’accusation d’ingérence et de mettre en avant des valeurs non négociables pour nous c’est bien à travers nos accords de coopération scientifiques que nous sommes libres de conclure ou non dans le respect de nos valeurs fondamentales.

Au nom de l’universalité des valeurs humaines, en l’absence de toute volonté de transparence de la part de la Chine, au nom du « doute certain » et donc au nom du principe de précaution qui doit s’appliquer de manière absolue en matière de bioéthique, les vérifications a priori (article 1), et a posteriori (article 2), du plein respect des règles éthiques par nos partenaires non européens s’avèrent indispensables. Il est même indispensable d’interdire la signature de ces contrats en cas d’absence de garanties auditables (auditables par des tiers) du respect par les établissements de santé et les centres de recherche, non européens, des règles éthiques (article 3).

L’article 4, prévoit une condition de réciprocité. L’idée est de vérifier que le droit interne du pays non‑européen, du centre de recherche avec lequel nous souhaitons signer un contrat de partenariat, prévoit des sanctions en cas de non‑respect des règles d’éthique.

L’article 5 sécurise juridiquement les termes « vérification » et « contenus auditables » figurants aux articles 1er et 3 afin qu’une charte établie par les acteurs de santé et le Comité consultatif d’éthique définissent ces procédures. À défaut l’article 5 propose que ce soit le principe de précaution qui s’applique.

Enfin, l’article 6 gage l’ensemble de la proposition de loi.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

I. – L’article L. 6134‑1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le domaine de la transplantation d’organes, la signature des conventions mentionnées au deuxième alinéa est conditionnée à la vérification, par le Comité consultatif national d’éthique, du respect par les établissements de santé publics ou privés non européens des principes éthiques énoncés aux articles L. 1211‑2 et L. 1211‑4 ».

II. – L’article L. 222‑1 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La signature des conventions mentionnées à l’article L. 111‑3 est conditionnée à la vérification par les institutions de recherche françaises et par leurs centres de recherche, universitaires ou non, du respect par les centres de recherche non européens des principes éthiques relatifs à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques énoncés au présent article. »

Article 2

Après le 13° de l’article L. 1418‑1 du code de la santé publique, il est inséré un 14° ainsi rédigé :

« 14° D’assurer la mise en œuvre de dispositifs de surveillance du respect des règles d’éthique pour l’utilisation à des fins scientifiques d’éléments et produits du corps humain et de leurs dérivés, tels que prévus à l’article L. 222‑1 du code de la recherche, par les partenaires non européens, durant la période d’exécution des accords prévus aux articles L. 6134‑1 du présent code et L. 111‑3 du code de la recherche. »

Article 3

I. – L’article L. 6134‑1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les domaines médical et scientifique, la signature des conventions mentionnées au deuxième alinéa  n’est pas autorisée avec des établissements de recherche ou de soins non européens, qu’ils soient publics ou privés, en l’absence de garanties auditables du plein respect par lesdits établissements des principes éthiques énoncés aux articles L. 1211‑2 et L. 1211‑4. »

L’article L. 111‑3 du code de la recherche est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le domaine de la recherche en médecine et biologie humaine, la signature des conventions mentionnées au premier alinéa est conditionnée à la vérification, par le Comité consultatif national d’éthique, du respect par les centres de recherche non européens des principes éthiques relatifs à l’utilisation d’éléments et produits du corps humain à des fins scientifiques énoncés à l’article L. 222‑1. »

« La signature des conventions mentionnées au deuxième alinéa n’est pas autorisée avec des centres de recherche non européens, qu’ils soient publics ou privés, en l’absence de garanties auditables du plein respect par lesdits centres des principes éthiques énoncés aux articles L. 1211‑2 et L. 1211‑4 du code de la santé publique. »

Article 4

L’article L. 223‑3 du code de la recherche est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La signature des conventions mentionnées à l’article L. 111‑3 est conditionnée à la vérification, par les institutions de recherche françaises et par leurs centres de recherche, universitaires ou non, du respect par les centres de recherche non européens, des principes éthiques relatifs à l’obligation d’obtenir le consentement des personnes qui se prêtent à des recherches impliquant la personne humaine, et à la vérification que les manquements énoncés au premier alinéa du présent article sont punis par la législation du pays du centre de recherche non européen. »

Article 5

Pour la bonne application des articles précédents, les procédures de vérification et le contenu des garanties auditables font l’objet d’une charte modèle établie en concertation avec les établissements de santé et validée par le comité consultatif national d’éthique.

Dans la mesure où les procédures de vérification et d’audits ne sont pas menées dans le respect de la charte prévue au précédent alinéa, le principe de précaution s’applique par défaut et de plein droit.

Article 6

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.