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N° 3415

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020.

PROPOSITION DE LOI

assurant le droit au logement et lexpulsion effective des squatteurs,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric DIARD, Damien ABAD, Julien DIVE, Marc LE FUR, Mansour KAMARDINE, Olivier MARLEIX, Pierre VATIN, Alain RAMADIER, Geneviève LEVY, PierreHenri DUMONT, Jacques CATTIN, Édith AUDIBERT, Laurence TRASTOURISNART, JeanFrançois PARIGI, Fabrice BRUN, JeanYves BONY, Patrick HETZEL, Sandrine BOËLLE, Brigitte KUSTER, JeanLuc BOURGEAUX, Fabien DI FILIPPO, Émilie BONNIVARD, Emmanuel MAQUET, Robert THERRY, Philippe MEYER, Véronique LOUWAGIE, Robin REDA, Nathalie SERRE, Bernard REYNÈS, Bernard PERRUT, Olivier DASSAULT, Éric PAUGET, Michel VIALAY, Vincent ROLLAND, JeanLuc REITZER, Arnaud VIALA, Maxime MINOT, Michel HERBILLON, Valérie BAZINMALGRAS, Martial SADDIER, Guillaume PELTIER, JeanJacques GAULTIER, Emmanuelle ANTHOINE, Vincent DESCOEUR,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Un petit chez soi vaut mieux qu’un grand chez les autres ». Cet adage français est d’autant plus vrai pour un couple de retraités qui a découvert, en août 2020, que sa maison de vacances de Théoule‑sur‑Mer n’était plus tout à fait la sienne, car occupée par toute une famille.

La découverte du squat de leur maison ayant été faite plus de 48 heures après l’introduction frauduleuse de la famille dans la maison, il est impossible pour les forces de l’ordre de procéder à l’évacuation des lieux sans décision de justice. Cela implique alors une procédure longue et coûteuse pour les propriétaires du logement.

La protection des propriétaires et des locataires a régulièrement été renforcée face aux menaces que représentent les squatteurs pour leur domicile. Or, c’est justement parce que la législation ne s’est intéressée qu’à la notion, juridiquement restrictive, du domicile que Henri Kaloustian et son épouse se sont retrouvés à la porte de leur propre résidence secondaire.

En effet, actuellement, la loi distingue les cas des logements squattés suivant qu’ils constituent le domicile ou non des victimes, le domicile étant défini comme étant la résidence à titre permanent d’une personne. Tous ses autres biens immobiliers sont compris comme des résidences ou, plus largement, des logements.

Cette distinction pour le cas de squatteurs n’a pas lieu d’être et, pourtant, est lourde de conséquences pour les personnes qui en sont victimes : la procédure à suivre est plus longue et complexe si l’habitation squattée n’est pas le domicile de la victime.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi prévoit tout d’abord la fin du critère domiciliaire pour déterminer quelle procédure est applicable en matière d’habitations squattées, afin d’accélérer l’évacuation des occupants sans droit ni titre. En effet, les squatteurs visent prioritairement les habitations secondaires, afin de bénéficier d’une procédure défavorable aux propriétaires souhaitant faire libérer leur logement. Il est donc proposé de mettre fin à cette incohérence juridique et de rendre plus efficaces les processus d’évacuation des squatteurs.

De plus, la proposition de loi ajoute lintroduction par ruse dans lhabitation aux critères qui constituent la définition du squat, nécessaire à la mise en place des procédures d’évacuation. Cela permet en effet d’élargir aux cas de squats réalisés après une introduction dans l’habitation, sans avoir procédé à une effraction ou à la contrainte.

Dans le cas de l’affaire de Théoule‑sur‑Mer, la famille occupant l’habitation du couple de retraités clame sa bonne foi, en expliquant qu’elle s’est vue recevoir les clefs du logement par un tiers après paiement. Ce tiers semble avoir fait changer les serrures sans disposer d’un moindre droit ni titre sur l’habitation.

Pour les cas où les personnes occupant des habitations seraient de bonne foi, il est nécessaire d’adapter la législation, sans pour autant que le préjudice ne repose sur les épaules du propriétaire du logement. Le préjudice subi par les occupants de bonne foi reposera alors sur le tiers frauduleux, contre qui pourront se retourner aussi bien les occupants de bonne foi que les propriétaires ou les locataires de l’habitation occupée.

Il est régulièrement appliqué un délai de 48 heures entre l’introduction frauduleuse au sein de l’habitation et l’observation de l’infraction, pour constater la flagrance de l’infraction. Si ce délai de flagrance de 48 heures est dépassé, alors une décision judiciaire est indispensable avant de pouvoir procéder à l’expulsion des squatteurs. Ce délai résulte simplement d’un usage.

Cette proposition de loi vise alors à énoncer que le simple constat des infractions mentionnées à l’article 226‑4 du code pénal, que sont l’introduction frauduleuse et le maintien dans une habitation sans droit ni titre, suffit à établir la flagrance des faits. Ainsi pourra s’appliquer une procédure d’évacuation du logement sans passer par la voie judiciaire.

Il est également prévu que le préfet a l’obligation de faire droit à l’évacuation des habitations squattées, si besoin avec l’usage de la force publique, pour rendre justice aux victimes le plus rapidement possible.

Enfin, il est proposé d’augmenter les peines d’emprisonnement, en les passant d’un an à trois ans, ce qui permettra plus facilement au juge de prononcer des peines d’emprisonnement ferme et effectif. Les amendes sont, elles, passées à 50 000 euros. Ces peines comme ces amendes seront encourues par les squatteurs, ainsi que par les tiers leur ayant permis d’investir les lieux, comme c’est le cas pour l’intermédiaire de Théoule‑sur‑Mer, mais aussi pour les serruriers qui auront procédé à un changement de serrure sans s’être assurés que les demandeurs disposaient bien du droit de changer les serrures de l’habitation.

L’objectif de la présente proposition est donc d’en permettre une application plus rapide, efficace et pragmatique. D’abord afin de permettre aux victimes de retrouver leur bien le plus rapidement possible, mais également de dissuader la commission de tels délits, qui représentent un dommage considérable pour toutes les personnes qui en sont les victimes et à qui notre justice et notre administration se doivent de porter soutien et assistance.


proposition de loi

Article 1er

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi rédigé :

« Art. 38.  En cas d’introduction et de maintien dans l’habitation d’autrui à l’aide de ruses, manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire de l’habitation occupée peut demander de droit au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile ou sa propriété et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

« La constatation de l’occupation de l’habitation par des personnes sans droit ni titre suffit à constater la flagrance des infractions mentionnées à l’article 226‑4 du code pénal.

« Si l’infraction mentionnée au troisième alinéa de ce même article est constatée, les personnes occupant de bonne foi l’habitation sont soumises aux mêmes obligations, mais peuvent se retourner conjointement contre le tiers ayant permis leur occupation pour demander réparation de leurs préjudices.

« Le préfet est alors dans l’obligation de procéder à la mise en demeure, qui est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt‑quatre heures, ni supérieur à huit jours. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.

« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder, par exception aux articles L. 411‑1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, à l’évacuation forcée du logement avec, si besoin, l’usage de la force publique dans la semaine qui suit l’expiration du délai fixé, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans ce même délai. »

Article 2

L’article 226‑4 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 2264.  L’introduction dans l’habitation d’autrui à l’aide de ruses, manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 50 000 euros d’amende.

« Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.

« Le fait d’introduire des tiers de bonne foi dans une habitation pour laquelle l’on ne dispose ni de droits ni de titres est puni des mêmes peines. 

« Toute personne ayant permis la commission des faits mentionnés aux alinéas précédents, par un changement de serrure sans s’être assuré que les personnes ayant demandé ce changement ne disposent ni droit ni titre sur l’habitation concernée, est punie des mêmes peines. »