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N° 3575

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

relative à la prise en compte des objectifs de développement durable,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jennifer DE TEMMERMAN, Martine WONNER, FrançoisMichel LAMBERT, Valérie PETIT, Annie CHAPELIER, Frédéric REISS, Sandrine JOSSO, Cathy RACONBOUZON, Nathalie SARLES, Frédérique DUMAS, JeanFélix ACQUAVIVA, Michel CASTELLANI, JeanMichel CLÉMENT, PaulAndré COLOMBANI, Olivier FALORNI, Jean LASSALLE, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Bertrand PANCHER, Sylvia PINEL,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi est issue d’une réflexion approfondie sur la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Construite autour de la notion de développement durable telle que définie dans Notre avenir à tous (Our Common Future), publication de 1987 plus connue sous le nom de rapport Brundtland. « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » Cette notion de développement durable va bien plus loin qu’un seul engagement environnemental auquel elle est trop souvent réduite, car elle comporte des aspects certes environnementaux, mais également sociaux et économiques.

Alors que la pandémie de covid‑19 est toujours présente sans que l’on sache pour combien de temps encore, la question n’est pas de savoir quand de nouvelles catastrophes se produiront, mais comment réunir toutes les conditions pour éviter au maximum des situations similaires. Le choc de la pandémie nous a montré que nous pouvons faire les choses autrement. Pendant le confinement, les émissions de CO2 et les pollutions ont chuté. La faune a repris ses droits parfois jusque dans nos villes. La reprise économique sur les mêmes bases qu’avant n’est pas un remède durable au changement climatique ni à l’effondrement de la biodiversité. Une relance aveugle pour revenir à la « normalité » rattrapera rapidement les tonnes d’émissions polluantes évitées, creusera à nouveau les inégalités et nous replongera encore dans nos travers.

Le confinement a exacerbé les inégalités entre ceux qui doivent tenir les professions essentielles à la vie et ceux qui peuvent télétravailler, entre ceux qui sont surchargés par les tâches ménagères et le suivi des enfants confinés et ceux qui peuvent vaquer à leurs occupations, entre les habitants des centres villes ou des quartiers favorisés et ceux des quartiers populaires ou les habitants ruraux, entre les salariés encore couverts par la protection sociale et les précaires laissés à l’abandon, entre ceux disposant d’outils numériques et les maîtrisant et les laissés‑pour‑compte, entre la métropole et l’outre‑mer, entre les différentes parties du monde. En même temps, dans les campagnes et les quartiers, ancrées dans les réseaux associatifs et de sociabilité, ont émergé d’innombrables initiatives de solidarité et d’entraide qui préfigurent les mondes de demain.

Cet élan de solidarité initié par nos concitoyens, nous le retrouvons dans les objectifs de développement durable. Maintenant plus que jamais, ces objectifs ont besoin d’un portage politique de haut niveau afin de donner un signal fort à nos concitoyens et de jeter les bases de la construction d’une société résiliente. À l’heure où nous nous interrogeons sur l’avenir que nous souhaitons avoir en commun, il apparaît primordial de s’appuyer sur ce plan équilibré et juste que constitue l’Agenda 2030.

Cet Agenda a été adopté en septembre 2015 par 193 pays aux Nations unies, à la suite des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Ces 17 objectifs de l’Agenda 2030, déclinés en 169 cibles, constituent une vision et une grammaire commune pour notre avenir, un avenir plus juste, équitable, pacifique, écologique et social. Un avenir où chaque être humain trouve sa place en harmonie avec la planète.

La résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, encourage les États membres à se fixer leurs propres cibles pour répondre à l’Agenda 2030 en tenant compte des spécificités nationales ; à articuler leur action autour de stratégies nationales de développement durable et à procéder à des examens réguliers des progrès accomplis en tirant partie des contributions de la société civile, du secteur privé, du parlement et des autres institutions.

C’est ainsi que, dans notre pays, une feuille de route a été présentée le 20 septembre 2019, dessinant les grandes transformations à mener. Cette feuille de route propose de faire évoluer notre société vers un modèle plus prospère, plus inclusif et plus respectueux de l’environnement, afin que la France soit au rendez‑vous des objectifs de développement durable en 2030.

La notion de développement durable est mentionnée à plusieurs reprises dans plusieurs de nos textes législatifs. Il est malheureusement souvent utilisé à tort dans sa seule acception environnementale, par exemple dans le code du commerce. Cependant, il arrive que les objectifs du développement durable soient cités dans les trois dimensions sociale, économique et environnementale comme à l’article L. 2111‑1 du code de la commande publique.

Cette réalité relève d’une mauvaise compréhension du concept de développement durable, trop souvent réduit au pilier environnemental. Il est donc essentiel de travailler à faire connaître à la fois l’Agenda 2030 mais aussi tout simplement le concept de développement durable. Cette raison explique le dépôt de la proposition de loi sur l’éducation à l’environnement et au développement durable.

Les objectifs de développement durable ne se limitent pas aux questions environnementales et même sociales. Ils prônent en plus, un modèle de développement économique plus durable, à travers notamment l’objectif 8 sur le travail décent et la croissance économique, l’objectif 9 sur l’industrie, l’innovation et les infrastructures ou encore l’objectif 12 sur la consommation et production durables. Une meilleure prise en compte de ces objectifs dans les déclarations de performance extra financière et dans les politiques RSE des entreprises est nécessaire.

L’article 1er vise à ce que la déclaration de performance extra‑financière des entreprises mette en évidence la contribution des activités des entreprises à l’atteinte des objectifs de développement durable adoptés par l’assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015. Il est à noter que certaines entreprises intègrent déjà ces paramètres dans leur déclaration, et cette bonne pratique permettra en se généralisant de mieux informer les citoyens et les partenaires de chaque entreprise des actions menées. Actuellement, ces rapports de performance ou les politiques RSE de certaines entreprises peuvent davantage s’apparenter à un affichage qu’à une politique réelle et concertée. Les objectifs de développement durable pourraient devenir une grille de référence commune pour l’ensemble des entreprises et ainsi contribuer à faire progresser les politiques RSE dans leur ensemble.

L’article 2 précise que lors de son évaluation des politiques publiques, la Cour des comptes vérifie leur compatibilité avec les objectifs de développement durable.

Les articles 3 et 4 touchent le code de l’environnement et vise à transformer la mention « l’objectif de développement durable », réducteur à une vision uniquement environnementale du développement durable, en « les objectifs de développement durable », afin de s’assurer que tous les aspects du développement durable soient bien pris en compte.

Afin d’assurer le suivi des politiques publiques, leur compatibilité avec les objectifs de développement durable et les engagements de la France dans sa feuille de route de septembre 2019, il est nécessaire de renforcer le fonctionnement des institutions et notamment le rôle du Parlement par la création d’une délégation de suivi des objectifs de développement durable. C’est l’objectif du chapitre II.

Enfin, le chapitre III tend à renforcer le rôle du Conseil national de la transition écologique en le transformant en Conseil national du développement durable.


proposition de loi

Chapitre Ier

Mesures économiques et financières

Article 1er

Le deuxième alinéa du III de l’article L. 225‑102‑1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces informations présentent l’apport des activités de la société pour l’atteinte des engagements pris par la France dans ces domaines, notamment les objectifs de développement durable tels qu’adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015. »

Article 2

L’article L. 111‑13 des code des juridictions financières est complété par les mots : « et leur compatibilité avec les objectifs de développement durable. »

Article 3

À la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement, les mots « à l’objectif de développement durable qui vise » sont remplacés par les mots : « aux objectifs de développement durable qui visent ».

Article 4

Au point Le début du premier alinéa du III de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement est ainsi rédigé : « Les objectifs de développement durable, tels qu’indiqués au II, sont recherchés, de façon concomitante… (le reste sans changement) ».

Chapitre II

Renforcer le rôle du Parlement par la création d’une délégation
de suivi des objectifs de développement durable

Article 5

Après l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 octies ainsi rédigé :

« Art. 6 octies. – I. – Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire de suivi des objectifs de développement durable. Chacune de ces délégations compte trente‑six membres.

« II. – Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle de l’ensemble des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes, sans exclusion des non‑inscrits.

« La délégation de l’Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle‑ci.

« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.

« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des délégations pour l’Union européenne, les délégations parlementaires de suivi des objectifs de développement durable ont pour mission d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les engagements de la France dans les objectifs de développement durable. En ce domaine, elles assurent le suivi de l’application des lois.

« En outre, les délégations parlementaires de suivi des objectifs de développement durable peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

« – le bureau de l’une ou l’autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d’un président de groupe ;

« – une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation ;

« – sur décision de son propre bureau, soit à son initiative, soit à la demande d’un membre de la délégation.

« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

« IV. – Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l’assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu’aux délégations pour l’Union européenne. Ces rapports sont rendus publics.

« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence. Ce rapport évalue, au regard des indicateurs définis par l’Institution national de la statistique et des études économiques, les politiques publiques de la France et leurs contributions à l’atteinte des objectifs de développement durable.

« V. – Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

« La délégation de l’Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.

« VI. – Les délégations établissent leur règlement intérieur. »

Chapitre III

Le Conseil national du développement durable

Article 6

Le chapitre III du titre III du livre Ier du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Conseil national du développement durable

« Art. L. 1331. – Le Conseil national du développement durable est présidé par le Premier ministre ou son représentant.

« Il peut décider de la création de formations spécialisées permanentes en son sein.

« Art. L. 1332. – Le Conseil national du développement durable est consulté sur :

« 1° Les projets et propositions de lois ayant un impact identifiable sur l’équilibre du développement durable ;

« 2° Les stratégies nationales relatives au développement durable, et en particulier à la biodiversité et au développement de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises.

« Il peut se saisir de toute question d’intérêt national concernant la transition écologique et le développement durable ou ayant un impact sur ceux‑ci.

« Il est informé chaque année par le Gouvernement de l’évolution des indicateurs nationaux de performance et de développement durable pertinents pour mesurer l’avancement des objectifs de développement durable.

« Art. L. 1333. – Les avis du Conseil national du développement durable sont mis à la disposition du public par voie électronique.

« Ils sont transmis par voie électronique au Parlement, au Conseil économique, social et environnemental, aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ainsi qu’aux organismes intéressés par le développement durable.

« Art. L. 1334. – La composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national du développement durable sont précisées par voie réglementaire, en prenant soin d’assurer une représentation de toutes les nuances politiques, notamment en ce qui concerne les représentants du Parlement. »