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N° 3669

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2020.

PROPOSITION DE LOI

rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Justine BENIN et les membres du groupe Mouvement démocrate (1)
et Démocrates apparentés (2)

députés.

 

 

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(1) Mesdames et Messieurs :  Erwan Balanant, Géraldine Bannier, Jean‑Noël Barrot, Stéphane Baudu, Philippe Berta, Christophe Blanchet, Philippe Bolo, Jean‑Louis Bourlanges, David Corceiro, Michèle Crouzet, Jean‑Pierre Cubertafon, Marguerite Deprez‑Audebert, Bruno Duvergé, Nadia Essayan, Michel Fanget, Yannick Favennec Becot, Isabelle Florennes, Bruno Fuchs, Luc Geismar, Brahim Hammouche, Cyrille Isaac‑Sibille, Élodie Jacquier‑Laforge, Christophe Jerretie, Bruno Joncour, Sandrine Josso, Jean‑Luc Lagleize, Fabien Lainé, Mohamed Laqhila, Florence Lasserre‑David, Philippe Latombe, Patrick Loiseau, Aude Luquet, Jean‑Paul Mattei, Sophie Mette, Philippe Michel‑Kleisbauer, Patrick Mignola, Bruno Millienne, Jimmy Pahun, Frédéric Petit, Maud Petit, Josy Poueyto, Richard Ramos, Marielle de Sarnez, Sabine Thillaye, Nicolas Turquois, Michèle de Vaucouleurs, Laurence Vichnievsky, Philippe Vigier, Sylvain Waserman.

(2) Mesdames et Messieurs : Justine Benin, Blandine Brocard, Vincent Bru, Pascale Fontenel‑Personne, Laurent Garcia, Perrine Goulet, Max Mathiasin, Frédérique Tuffnell.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En Guadeloupe, le service public de l’eau potable et de l’assainissement présente des carences graves et structurelles qui affectent son fonctionnement, avec des coupures d’eau fréquentes, d’ampleurs et d’origines diverses. À ce jour, les difficultés de distribution d’eau sont exacerbées par la crise du covid‑19. Le calendrier des tours d’eau, censés pallier les coupures récurrentes, n’est plus respecté. Et des secteurs entiers n’ont plus d’eau au robinet pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines consécutives.

Cette crise de l’eau est aujourd’hui la conséquence d’une accumulation de difficultés. Tout d’abord, un réseau de distribution vétuste et mal entretenu, avec des pertes d’eau pouvant atteindre jusqu’à 60 % des fuites. L’état réel du réseau de distribution est par ailleurs mal connu, ce qui nuit dès lors à la planification d’actions efficaces en termes de réparation. Les budgets des services d’eau et d’assainissement des collectivités locales et des opérateurs sont exsangues car ils doivent supporter des charges élevées (notamment salariales) et ne disposent pas toujours de recettes suffisantes à cause de fragilités dans le comptage et la facturation et d’un taux d’impayés élevé.

À titre d’exemple, l’une des principales autorités organisatrices du service, le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), présente une situation financière fortement dégradée, comme l’a rappelé récemment la chambre régionale des comptes. À ce jour, il n’est plus en mesure d’exercer ses compétences dans des conditions garantissant la continuité du service public, la santé et l’ordre public, ni de réaliser les investissements indispensables pour l’amélioration de la distribution de l’eau.

Enfin, des défaillances importantes dans la gouvernance de l’eau freinent depuis plusieurs années tout redressement de la situation. Si la Guadeloupe est un territoire riche en eau, bénéficiant d’une pluviométrie élevée et de nombreuses sources et rivières, la crise de l’eau est paradoxalement devenue systémique en Guadeloupe, et les tentatives de restructuration antérieures des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement, en l’absence notamment de consensus local chez les élus, ont successivement échoué ces dernières années.

Il est donc aujourd’hui indispensable qu’une solution soit rapidement mise en place pour améliorer la gouvernance de l’alimentation et de la distribution de l’eau, préalable indispensable pour moderniser les réseaux et répondre à l’urgence de la situation. Les populations de Guadeloupe attendent qu’une action forte et déterminée soit menée pour résoudre les difficultés subies au quotidien ; difficultés encore plus prégnantes en cette période de crise sanitaire. Dans un sondage publié en novembre 2020, la distribution et la gestion de l’eau apparaissent comme étant la première préoccupation des populations de Guadeloupe, à 45 % ; après le chômage, la santé, la pollution au chlordécone ou encore la sécurité (« Baromètre politique en Guadeloupe »  – Qualistat Études et Conseil).

Ainsi, la présente proposition de loi vise à créer un service unique de l’eau potable et de l’assainissement en Guadeloupe continentale. La création de cette structure relève, d’abord, de l’ordre public et en particulier de la salubrité et de la santé publiques au sens des missions particulières que la loi confie aux services publics de l’eau et de l’assainissement, au sens respectivement des articles L. 2224‑7 et L. 2224‑8 du code général des collectivités territoriales.

Elle est imposée par la loi, ensuite, d’une part en raison d’une situation très dégradée ne permettant pas un retour dans les meilleurs délais à un fonctionnement normalisé et pérenne de l’exercice de ces compétences, et d’autre part en raison des échecs antérieurs pour trouver des solutions locales selon les procédures de droit commun.

Elle s’impose, enfin, dans l’objectif de regrouper au sein d’une même structure région, département et les EPCI à fiscalité propre disposant des compétences qui sont dévolues à titre obligatoire par la loi en matière d’eau, d’assainissement des eaux usées et de gestion des eaux urbaines aux communautés d’agglomération depuis le 1er janvier 2020. Ce regroupement permettra une gestion unifiée des compétences, seule à même de garantir que les investissements nécessaires à la remise à niveau et à la modernisation des réseaux actuellement en déshérence puisse conforter, sur le territoire guadeloupéen, la pérennité des infrastructures et qu’un exercice effectif tant des missions des services d’eau potable que celles relatives à l’assainissement collectif et non collectif auxquelles sont attachés des impératifs de préservation de la santé publique et de lutte contre la pollution de l’environnement soit assuré au profit des habitants.

Afin de garantir un service public de qualité en matière d’eau et d’assainissement dans le département de la Guadeloupe, la proposition de loi prévoit donc la création d’un syndicat mixte ouvert dénommé « Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe » dont les cinq communautés d’agglomération de Guadeloupe « continentale » seront membres aux côtés du département et de la région. Cette création interviendra à la date à laquelle le préfet, en concertation avec les EPCI, le département et la région, arrêtera les statuts du syndicat et devra intervenir au plus tard au 1er septembre 2021. Il fixe aussi une répartition des sièges entre les membres du syndicat au sein de son organe délibérant.

Ce syndicat mixte ne recouvrira pas le périmètre de la communauté de communes de Marie‑Galante, puisque ce territoire dispose d’un service public d’eau autonome ne connaissant pas de difficulté majeure.

Concernant les dispositions financières, le syndicat mixte appliquera les dispositions communales en matière de recettes et de dépenses notamment de dépenses obligatoires. La présente proposition de loi n’implique donc aucune charge au sens de l’article 40 de la Constitution.

Les modalités de contributions des membres au profit du syndicat sont fixées selon des principes simples : le département et la région de Guadeloupe contribuent chacun à hauteur de 25 %, les EPCI en fonction du nombre d’abonnés estimé selon le périmètre de chacun des deux services publics. En l’absence de dispositions spécifiques aux syndicats mixtes dans le droit commun, la loi prévoit que les contributions des membres ont le caractère de dépenses obligatoires.

En matière de biens, il est décidé d’opérer un transfert en pleine propriété similaire à la procédure prévue à l’article L. 5215‑28 du code général des collectivités territoriales. Au 1er septembre 2021, les biens, droits et obligations seront transmis au syndicat mixte et, dans un délai d’un an, les biens seront transférés en pleine propriété entre le syndicat mixte et ses membres. À défaut de transfert effectif dans un délai d’un an, un décret pris en Conseil d’État règlera les conditions du transfert.

Enfin, l’article 2 propose d’adosser au syndicat mixte une commission consultative, sur le même modèle que ce qui est prévu par le code général des collectivités territoriales à l’article L. 1413‑1. Cela permettra ainsi d’inscrire la consultation des associations d’usagers et d’assurer leur avis sur l’exercice des compétences en matière d’eau par le syndicat. Leurs représentants pourront également bénéficier d’une lisibilité et d’une transparence sur les investissements réalisés pour améliorer la distribution et la qualité de l’eau sur le territoire de Guadeloupe.

proposition de loi

Article 1er

I. – Il est créé, au 1er septembre 2021, un établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé « Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe ».

Sous réserve des dispositions de la présente loi, l’établissement est un syndicat mixte soumis au titre II du livre VII de la partie V du code général des collectivités territoriales.

Après consultation et avis des organes délibérants des membres du syndicat mixte mentionnés au II, les statuts du syndicat mixte sont arrêtés par le représentant de l’État dans le département de la Guadeloupe. À défaut de réponse dans un délai d’un mois à compter de la notification du projet de statuts, l’avis est réputé favorable.

L’établissement est constitué pour une durée illimitée.

II. – Sont membres du syndicat mixte la communauté d’agglomération CAP Excellence, la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbe, la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre, la communauté d’agglomération de La Riviera du Levant, la communauté d’agglomération du Nord Basse‑ Terre, la région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe.

En cas de modification du périmètre, par fusion ou partage, d’une communauté d’agglomération citée au premier alinéa, le ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en résultent deviennent automatiquement membres du syndicat mixte.

III. – L’établissement détient l’ensemble des prérogatives attachées aux missions dévolues aux services publics de l’eau et de l’assainissement telles qu’elles sont déterminées par la loi.

Il garantit leur exercice en vue de la satisfaction des besoins communs de ses membres. Il veille à la continuité du service public dans un objectif de qualité du service rendu et de préservation de la ressource. Il assure la gestion technique, patrimoniale et financière de ces services et réalise tous les investissements nécessaires pour le bon fonctionnement et la modernisation des réseaux dans un objectif de pérennité des infrastructures. Il exerce, à ce titre, de plein droit, en lieu et place des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres, les compétences suivantes :

1° eau, assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues aux articles L. 2224‑7 à L. 2224‑8 du code général des collectivités territoriales ;

2° service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225‑2 du même code.

IV. – Il exerce par ailleurs, en lieu et place du département de la Guadeloupe et de la Région Guadeloupe, la compétence en matière d’étude, d’exécution et d’exploitation de tous les travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence visant les missions prévues au I de l’article L. 211‑7 du code de l’environnement hors celles mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 8° relevant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.

V. – L’établissement est administré par un comité syndical qui comprend des délégués des membres.

Chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du syndicat dispose de quatre sièges au sein du comité syndical. La région et le département disposent respectivement de quatre sièges

Le Président du syndicat mixte ouvert est élu par les membres du comité syndical.   

L’effectif du bureau représente au maximum 25 % des membres du comité syndical. Chaque établissement public à coopération intercommunale, la Région de Guadeloupe et le département de la Guadeloupe désignent parmi les membres du comité syndical leur représentant qui siège au bureau.

VI. – Dispositions organisant le transfert en pleine propriété de certains biens.

Les immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes appartenant aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres sont mis à disposition de plein droit de l’établissement public mentionné au I, dès son institution, dans la mesure où ils sont nécessaires à l’exercice des compétences de celui‑ci.

Dans un délai d’un an à compter de la mise à disposition des biens, sont transférés les droits et obligations qui s’y rattachent. Un procès‑verbal établi contradictoirement précise la consistance et la situation juridique de ces biens.

À défaut d’accord amiable au terme de ce délai, ce transfert est prononcé par décret en Conseil d’État, pris après avis d’une commission dont la composition est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre des outre‑mer et qui comprend notamment des représentants des communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Les transferts de biens, droits et obligations prévus aux alinéas précédents sont réalisés à titre gratuit et ne donnent pas lieu à indemnité, droit, taxe, contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts ou honoraires.

VII. – Les activités industrielles et commerciales exercées par le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe sont financées dans les conditions prévues aux articles L. 2224‑12‑1 à L.2224‑12‑5 du code général des collectivités territoriales.

Dans les conditions prévues par l’article L. 2224‑2 du code général des collectivités territoriales, les membres du Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe peuvent prendre en charge des dépenses au titre du service public de l’eau, par décision motivée du conseil syndical. Dans ce cas, les contributions des membres de l’établissement sont ainsi réparties entre eux :

1° La région et le département contribuent chacun à hauteur de 25 % ;

2° Les 50 % des contributions restantes sont réparties entre les communautés d’agglomération membres au prorata du nombre d’abonnés situés dans leurs périmètres géographiques respectifs, en distinguant celles dues au titre du service public d’eau potable d’une part et celles dues au titre du service public d’assainissement d’autre part.

Ces contributions ont un caractère obligatoire.

VIII. – L’adhésion des membres mentionnées au II vaut retrait des syndicats auxquels ces membres appartiennent pour les compétences mentionnées au III.

IX. – Toute modification des statuts est prononcée par arrêté du représentant de l’État en Guadeloupe, dans les conditions fixées par les statuts de l’établissement ou, à défaut, dans les conditions fixées à l’article L. 5721‑2‑1 du code général des collectivités territoriales. La modification des statuts ne peut pas porter sur les dispositions fixées par la présente loi, à l’exception de la modification de la dénomination du syndicat.

Article 2

I. – En application de l’article L. 1413‑1 du code général des collectivités territoriales, une commission consultative est placée auprès du syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe nouvellement créé.

Cette commission, présidée par le président du comité syndical ou son représentant, comprend des membres du syndicat désignés selon les règles fixées dans ses statuts ou, à défaut, dans le respect du principe de la représentation proportionnelle, et des représentants d’associations locales nommés par le comité syndical.

La commission peut également, sur proposition de son président, inviter à participer à ses travaux, avec voix consultative, toute personne dont l’audition lui paraît utile.

La majorité des membres de la commission peut demander l’inscription à l’ordre du jour de toute proposition relative à l’amélioration des missions exercées par l’établissement.

II. – La commission examine chaque année sur le rapport de son président :

1° Les rapports sur le prix et la qualité du service public d’eau potable, sur les services d’assainissement visés à l’article L. 2224‑5 du code général des collectivités territoriales ;

2  Le rapport sur le service public de défense extérieure contre l’incendie, au sens de l’article L. 2225‑2 du même code ;

3° Le rapport sur la ressource en eau ;

4° Le rapport sur la satisfaction des usagers du service public de l’eau.

III. – Elle est consultée pour avis par le comité syndical de l’établissement sur l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous les travaux, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence visant les missions prévues au I de l’article L. 211‑7 du code de l’environnement hors celles mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 8° relevant de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.

Article 3

« La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »