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N° 4003 rectifié

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 mars 2021.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire et à pénaliser l’usage de l’écriture inclusive dans les administrations publiques et les organismes en charge d’un service public ou bénéficiant de subventions publiques,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guy TEISSIER, Emmanuelle ANTHOINE, Julien AUBERT, Thibault BAZIN, Valérie BEAUVAIS, Philippe BENASSAYA, Sandrine BOËLLE, Émilie BONNIVARD, JeanClaude BOUCHET, JeanLuc BOURGEAUX, Fabrice BRUN, Jacques CATTIN, Josiane CORNELOUP, MarieChristine DALLOZ, Charles de la VERPILLIÈRE, Fabien DI FILIPPO, JeanPierre DOOR, PierreHenri DUMONT, Annie GENEVARD, Yves HEMEDINGER, Michel HERBILLON, Mansour KAMARDINE, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, Emmanuel MAQUET, Gérard MENUEL, Frédérique MEUNIER, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Nathalie PORTE, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Julien RAVIER, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bernard REYNÈS, JeanMarie SERMIER, Nathalie SERRE, Robert THERRY, Laurence TRASTOURISNART, Isabelle VALENTIN, Arnaud VIALA, Michel VIALAY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« L’écriture inclusive » désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine, qui tend à se diffuser largement.

L’objectif annoncé de cette nouvelle forme d’écriture est de rétablir l’égalité homme‑femme par l’orthographe et la grammaire. L’égalité entre les femmes et les hommes est un objectif qui doit être défendu de manière forte, mais l’usage accru du féminin dans la langue française, faisant fi des règles en vigueur et créant une confusion importante, ne permettra en rien d’atteindre l’objectif voulu, bien au contraire.

Les inventeurs de ce système plaident les meilleures intentions du monde : la défense et l’illustration de la femme. Celle‑ci serait mal‑aimée et oubliée de la grammaire. Ils rappellent que par le biais de la grammaire, les hommes ont effacé les femmes, puisque le masculin l’emporte en genre et en nombre. Faute de genre neutre, c’est le masculin qui en tient lieu. De surcroit, la langue française, telle qu’elle existe, ne répond pas aux mœurs actuelles qui sexualise tout et qui croient qu’une diplomate est bafouée si on l’appelle Madame l’ambassadeur, mais ne pose pas la question quand il s’agit d’appeler un ambassadeur « Excellence ».

L’Académie française a vivement dénoncé l’écriture inclusive, considérant qu’il s’agissait d’un « péril mortel » pour l’avenir de la langue française. Elle précise que la démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques de cette écriture aboutit à une « langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité ». Elle ajoute dans son cri d’alarme « On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture ‒ visuelle ou à voix haut ‒ et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs. »

En plus des arguments avancés par l’Académie française, on peut ajouter qu’elle représente une atteinte sévère au patrimoine littéraire commun des peuples de la francophonie et qu’elle est repoussante pour tous ceux qui dans le monde, par admiration pour la France et sa culture, sont désireux d’apprendre la langue française.

La question est finalement ailleurs : qu’est‑ce qui définit la langue française et jusqu’à quel point une langue vivante peut‑elle évoluer ?

Par l’ordonnance de Villers‑Cotterêts de 1539, François 1er a fait du français la langue officielle du droit et de l’administration. L’article 2 de notre Constitution dispose, quant à lui, que « la langue de la République est le français », donnant ainsi à la langue française une valeur constitutionnelle.

Dès lors, l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public.

Ce principe a été rappelé par le Loi n° 94‑665 du 4 aout 1994 relative à l’emploi de la langue française, dit loi Toubon. Dans son article 1, il est précisé que : « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. » et qu’ « Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ».

La circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française invite également à ne pas faire usage de l’écriture inclusive et à rappeler que l’administration de l’État devait se conformer aux règles orthographiques et grammaticales en vigueur.

Cependant, quelle valeur accorder à cette circulaire dès lors que le secrétaire d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes a adressé à tous les parlementaires plusieurs courriers intégralement écrits en écriture inclusive ? Cette pratique est même directement encouragée par le ministère du travail qui a présenté un guide « de bonnes pratiques » à destination des TPE et PME recommandant de « délester la communication des stéréotypes de genre ».

En leur temps Claude Lévi‑Strauss et Georges Dumézil alertaient déjà : « des changements délibérés risquent de mettre la confusion et le désordre dans l’équilibre subtil né de l’usage ». La langue est vivante mais selon ces deux éminents savants c’est l’usage qui conduit naturellement aux changements de la langue et non la volonté de la soumettre à des évolutions sociétales, voire à une idéologie. On pourrait ajouter à cette analyse que ce mode d’écriture représente une vision élitiste imposée par la force d’une manière peu compatible avec les principes fondamentaux de la démocratie.

Il est donc d’autant plus regrettable qu’il n’existe pas aujourd’hui dans notre pays d’interdiction générale de l’utilisation de l’écriture inclusive au sein des administrations publiques et des entreprises ou associations en charge de mission de service public ou bénéficiant de subventions publiques.

Cela est encore plus dommageable lorsqu’il s’agit de l’enseignement. En effet, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture se révèle déjà laborieux. En 2020, à l’entrée en sixième, près d’un élève sur deux n’a pas le niveau de fluidité requis en lecture.

L’écriture inclusive est donc un non‑sens d’un point de vue de l’apprentissage de la langue française et représente une difficulté supplémentaire pour les enfants.

Pire encore, l’écriture inclusive exclut les enfants souffrant de dyslexie et/ou de dysphasie. Or en France, 4 à 5 % des élèves d’une classe d’âge sont dyslexiques, 3 % sont dyspraxiques, et 2 % sont dysphasiques. Ces enfants souffrent déjà beaucoup de ces handicaps « non visibles », il paraît impensable de leur rajouter des complexités dans leur apprentissage du langage pour une simple volonté politique, sous couvert « d’égalitarisme ».

L’écriture soi‑disant inclusive est en réalité profondément exclusive.

La présente proposition de loi vise donc à actualiser la loi du 4 août 1994 en y incluant l’interdiction et la pénalisation de l’usage de l’écriture inclusive dans l’exercice de leurs fonctions pour les représentants, fonctionnaires, contractuels de droit public et de droit privé des personnes morales de droit public et des personnes morales de droit privé exerçant une mission de service public ou bénéficiant de subventions publiques.

 


proposition de loi

Article unique

Après l’article 7 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, il est inséré un article 7‑1 ainsi rédigé :

« Art. 71. ‒ L’usage de l’écriture inclusive est interdit, dans l’exercice de leurs fonctions, aux représentants, fonctionnaires, contractuels de droit public et de droit privé des personnes morales de droit public et des personnes morales de droit privé en charge d’une mission de service public ou bénéficiant de subventions publiques. 

« La méconnaissance des dispositions du précédent alinéa est punie de 3 750 euros d’amende. Cette peine est portée à 5 000 euros d’amende lorsque cette méconnaissance est le fait d’une personne en charge de l’exécution du service public de l’enseignement primaire, secondaire ou supérieur.

« Pour l’application du présent article, on entend par écriture inclusive les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine. »