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N° 5160

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mars 2022.

PROPOSITION DE LOI

visant à organiser l’inscription automatique sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu de domicile en cas de déménagement,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Yannick FAVENNECBÉCOT, Damien ADAM, Delphine BAGARRY, Guy BRICOUT, Annie CHAPELIER, Paul CHRISTOPHE, JeanPierre CUBERTAFON, Brigitte KUSTER, Sereine MAUBORGNE, Richard RAMOS, JeanLuc REITZER, Nicole SANQUER, Agnès THILL, Frédérique TUFFNELL, Stéphane VIRY,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La progression de l’abstention, depuis les années 70 - à de rares exceptions - est une tendance lourde et préoccupante puisqu’elle signifie qu’un nombre croissant de nos concitoyens ne participent pas au fonctionnement de notre démocratie représentative. Lors de la plupart des dernières élections, l’abstention s’est située aux alentours de 50 % (51,3 % et 57,4 % aux élections législatives de 2017) et a même atteint un pic lors des élections régionales et départementales de juin 2021. Certes, la crise sanitaire a été un facteur supplémentaire, mais elle ne peut expliquer seule la progression constatée depuis une dizaine d’années.

L’élection présidentielle est également sujette à la tendance générale, avec une légère progression de l’abstention depuis 2007.

Si le faible niveau d’études et l’âge sont les principaux facteurs de l’abstention, c’est entre les différentes classes d’âge que les écarts de participation sont les plus marqués : au premier tour de la présidentielle de 2017, l’abstention est très supérieure à la moyenne chez les jeunes (31,6 % chez les 25‑29 ans), réduite entre 40 et 49 ans, et faible chez les 50‑54 ans (12,3 %) ([1]).

Si l’abstention constitue le plus souvent un choix, elle peut également être subie, car si l’inscription sur les listes électorales est obligatoire (article L. 9 du code électoral) la procédure d’inscription repose sur une démarche volontaire, en application de l’article L. 11 du code électoral qui énonce que « Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande : «, à l’exception, depuis 1998, des personnes venant d’atteindre la majorité et depuis 2019 de celles venant d’acquérir la nationalité française, qui bénéficient d’une première inscription automatique.

La procédure d’inscription sur les listes électorales est souvent méconnue, voire parait trop lourde, ce qui a pour conséquence la non‑inscription ou la « mal‑inscription » lorsque l’électeur n’est pas inscrit dans la commune dans laquelle il réside.

La « mal‑inscription » constitue un important facteur d’abstention. Une personne "mal‑inscrite" sur les listes électorales aura trois fois plus de chance de devenir abstentionniste. Selon Mme Cécile Braconnier, chercheuse en sociologie des comportements politiques et électoraux, auditionnée devant la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), la mal inscription pourrait concerner, en 2021, 7,6 millions de mal‑inscrits sur 48 millions d’inscrits au total (7 millions de mal‑inscrits en 2012 sur 43,2 millions d’inscrits), soit 15 % des inscrits sur les listes électorales. ([2])

Ce phénomène de mal‑inscription est encore plus élevé chez les trentenaires (43 % de ces électeurs étaient mal‑inscrits en 2017). Comme l’attestent ces travaux, l’abstention constante est multipliée par trois pour les personnes mal‑inscrites sur les listes électorales. Beaucoup sont des étudiants qui changent de résidence durant leur cursus ou des cadres avec enfants ayant déménagé sans avoir procédé à leur inscription sur les listes électorales de leur nouvelle commune de résidence.

En France, l’enregistrement sur les listes après un changement de domicile n’est pas automatique. En Allemagne, en Italie, en Espagne et dans la plupart des pays européens, l’inscription sur les listes électorales se fait automatiquement au moment de la « déclaration domiciliaire obligatoire », qui fait obligation à un nouvel habitant d’une commune de déclarer son domicile à la mairie. 

Nombre de Français ne pensent pas à se signaler auprès de leur nouvelle commune après un déménagement, or ils sont environ trois millions à changer de domicile chaque année. Un chiffre qui pourrait nettement augmenter cette année avec les déménagements des télétravailleurs des villes vers les campagnes et les périphéries avec la crise du Covid‑19. Selon la chercheuse Cécile Braconnier, si certains électeurs abstentionnistes lors des scrutins locaux votent lors de l’élection présidentielle, la mal‑inscription est une des causes fondamentales de l’abstention à l’élection présidentielle.

Selon les travaux de la mission d’information visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale (décembre 2021), la mal‑inscription pourrait être combattue de manière plus volontariste en élargissant ce caractère automatique à l’ensemble des électeurs, notamment par l’inscription automatique sur les listes électorales à la suite d’un déménagement. Lors d’une démarche de signalement de changement d’adresse à une administration (recouvrement de l’impôt, versement de prestation, changement de carte grise), l’électeur serait automatiquement inscrit sur la liste électorale de la commune de son nouveau domicile.

Il en serait de même pour les étudiants lors de l’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur ou encore lors d’une démarche auprès du CROUS ou des allocations familiales.

Tel est l’objet de cette proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article L. 9 du code électoral est complété par les mots : « et automatique ».

Article 2

L’article L. 11 du code électoral est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Lorsque l’électeur réalise une déclaration de changement de domicile réel auprès d’un organisme public ou du service du trésor public, il est systématiquement inscrit sur la liste électorale de la commune du nouveau domicile réel. »


([1]) Céline Braconnier, Baptiste Coulmont, Jean-Yves Dormagen, « Toujours pas de chrysanthèmes pour les variables lourdes de la participation électorale. Chute de la participation et augmentation des inégalités électorales au printemps 2017 », Revue française de science politique, 2017/6, Vol. 67, pages 1023 à 1040.

([2]) Sociologie de la mal-inscription et de ses conséquences sur la participation électorale, Céline Braconnier, Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel – Revue française de sociologie 2016/1 (vol. 57), pages 17 à 44.