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N° 961

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à valoriser les circuitscourts par l’expérimentation d’une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits alimentaires locaux commercialisés en zone rurale,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Mathilde PARIS, Frédéric FALCON, Nathalie Da CONCEICAO CARVALHO, Sandrine DOGORSUCH, Frédéric CABROLIER, Julien ODOUL, Alexis JOLLY, Jorys BOVET, Marine HAMELET, Antoine VILLEDIEU, Sébastien CHENU, Hélène LAPORTE, Bruno BILDE, Stéphane RAMBAUD, MarieFrance LORHO, Philippe BALLARD, Jordan GUITTON, Laure LAVALETTE, Thibaut FRANÇOIS, Thomas MÉNAGÉ, Annick COUSIN, Hervé de LÉPINAU, Philippe LOTTIAUX, Christophe BARTHÈS, Emeric SALMON, Frédéric BOCCALETTI, Florence GOULET GIRARD, Emmanuel BLAIRY, Matthieu MARCHIO, Kévin PFEFFER, Pascale BORDES, Edwige DIAZ, Géraldine GRANGIER, Nicolas MEIZONNET, Alexandre LOUBET, Christine LOIR, Laurence ROBERTDEHAULT, Katiana LEVAVASSEUR, Sophie BLANC, Julien RANCOULE, Victor CATTEAU, Angélique RANC, José GONZALEZ, Daniel GRENON, Michèle MARTINEZ, Aurélien LOPEZLIGUORI, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Michel GUINIOT, Jérôme BUISSON, Michaël TAVERNE, JeanPhilippe TANGUY, Pierrick BERTELOOT, Bryan MASSON, Bénédicte AUZANOT, Jocelyn DESSIGNY, Thierry FRAPPÉ,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Réunissant 88 % des communes françaises et 33 % de la population en 2017 (Insee, 2021), les territoires ruraux disposent de nombreux atouts pour répondre à la croissance des besoins en alimentation.

Pourtant, le développement du libre‑échange et des circuits de grande distribution se révèle constitutif d’un frein à l’essor des circuits‑courts.

Que ce soit pour des considérations économiques ou pratiques, de nombreux habitants de la ruralité font leurs courses alimentaires dans une grande surface. Cela participe malheureusement au renforcement de l’enclavement des territoires ruraux et à la dévitalisation des centres‑bourgs dont les commerces de proximité tendent à disparaitre.

Le développement d’une consommation de proximité par l’intermédiaire des circuits‑courts en est, par conséquent, freiné.

Dans le prolongement de la loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (dite loi « EGalim »), il est urgent de réaffirmer la souveraineté alimentaire de la France en définissant un cadre incitatif visant à renforcer la consommation de produits locaux.

Selon le « Baromètre 2022 des circuitscourts » réalisé pour le site pourdebon.com, le prix constitue le premier facteur de désaffection des circuits‑courts.

À ce titre, le levier de la fiscalité indirecte doit être mobilisé afin de créer un climat attractif favorable à l’achat de produits alimentaires locaux et à la revitalisation des zones rurales.

C’est l’objet de cette proposition de loi visant à valoriser les circuits‑courts par l’expérimentation d’une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits alimentaires commercialisés en zone rurale qui s’insèrent dans un tel circuit.

Pour ce faire, cette proposition de loi définit tout d’abord la notion de « produit alimentaire local », indépendamment des normes communautaires, en la reliant aux critères traditionnels utilisés par le ministère de l’agriculture pour définir les circuits‑courts. Il s’agit d’une part des denrées alimentaires commercialisées directement du producteur aux consommateurs et, d’autre part, des denrées alimentaires produites à une distance raisonnable du lieu de commercialisation, sans intermédiaire, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État.

Afin d’encourager la consommation de ces produits alimentaires locaux, il est proposé d’expérimenter la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur est applicable dès lors que ces produits sont commercialisés dans des points de vente situés dans les territoires ruraux.

Le choix de recourir à l’expérimentation apparait pertinent pour permettre d’ajuster la mise en œuvre de ce dispositif avant son éventuelle généralisation.

Concrètement, l’expérimentation est ouverte aux départements volontaires pour une durée de 3 ans.

Elle concernera les territoires ruraux en excluant les points de vente ou unités locales réalisant un chiffre d’affaires supérieur au seuil déterminé par décret en Conseil d’État, afin d’exclure le bénéfice du dispositif aux grandes‑surfaces implantées en zone rurale.

Un rapport sera remis au Parlement à l’issue de l’expérimentation afin d’évaluer la mise en œuvre du dispositif. Ce rapport présentera les conditions de la généralisation de l’expérimentation dans les territoires ultramarins.

La présente proposition de loi fait entrer cette expérimentation dans le champ des exonérations de TVA. En conséquence, aucun acteur de ce circuit‑court, de la production à la commercialisation, n’y sera assujetti.

Cette expérimentation constitue un levier majeur pour développer les circuits‑courts et ses implications positives sur l’environnement et le soutien aux producteurs locaux, tout en assurant la promotion d’une alimentation durable et de qualité.

Elle permettra également de renforcer le dynamisme des territoires ruraux en encourageant le développement d’une offre alimentaire de proximité à même de garantir une consommation locale, génératrice de lien social et source d’attractivité économique.

Contrairement à ce qui est souvent indiqué, la mise en œuvre de cette expérimentation est totalement compatible avec les dispositions du droit de l’Union européenne et, notamment, avec la directive 2006/112/CE.

En effet, le taux réduit applicable aux produits alimentaires locaux ne s’appliquera que de manière temporaire (le temps de l’expérimentation). Or la mise en œuvre du « bouclier antiinflation » polonais en décembre 2021 démontre qu’il est tout à fait possible de recourir à une baisse de taux de la TVA sur une durée limitée.

En ce sens, cette proposition de loi permet l’existence de micro‑zones de libre‑échange exemptes de TVA. participant dès lors à la redynamisation des territoires ruraux et de leur économie par une augmentation de la consommation dans ces circuits‑courts.

Le délai de mise en œuvre de l’expérimentation permettra au Gouvernement d’aller négocier avec la Commission européenne l’obtention pérenne de cette exception d’intérêt général en prévision de la généralisation du dispositif, comme cela existe pour d’autres pays comme l’Irlande.

Les article 1er et 2 modifient le code rural et de la pêche maritime et le code de la consommation pour y définir la notion de « produit alimentaire local » tout en encadrant son utilisation.

L’article 3 prévoit les modalités de l’expérimentation d’une TVA à 0 % sur ces produits et fixe les conditions de sa mise en œuvre.

L’article 4 prévoit la compensation du manque à gagner pour l’État.

 

 


proposition de loi

TITRE I

DÉFINITION DE L’APPELLATION
« PRODUIT ALIMENTAIRE LOCAL »

Article 1er

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 111‑2‑2, après les mots : « relevant de », sont insérés les mots : « des produits alimentaires locaux définis à l’article L. 641‑13‑1 » ;

2° Après le 1° bis de l’article L. 230‑5‑1, il est inséré un 1° ter ainsi rédigé : « 1° ter Produits alimentaires locaux définis à l’article L. 641‑13‑1 » ;

3° La section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime est complétée par une sous‑section 6 ainsi rédigée :

« Sous‑section 6

« Appellation de produit alimentaire local

« Art. L. 641131.  Sans préjudice de l’application de l’article L. 641‑11 et des réglementations communautaires ou nationales en vigueur, peuvent bénéficier de l’appellation « produit alimentaire local » :

« 1° Les denrées alimentaires et produits agricoles dès lors qu’ils sont commercialisés directement du producteur au consommateur ;

« 2° Les denrées alimentaires et produits agricoles dès lors qu’une ou plusieurs étapes de leur production ont lieu à une distance raisonnable du lieu de leur commercialisation et qu’il n’existe pas d’intermédiaire entre le producteur et le commerçant.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre IV du code de la consommation, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Appellation de produit alimentaire local

« Art. L. 43221.  Les dispositions applicables à l’appellation « produit alimentaire local » sont prévues à l’article L. 641‑13‑1 du code rural et de la pêche maritime.

« Art. L. 43222. – Il est interdit :

« 1° D’utiliser ou de tenter d’utiliser frauduleusement l’appellation de produit alimentaire local sans satisfaire aux conditions prévues à l’article L. 641‑13‑1 du code rural et de la pêche maritime ;

« 2° D’utiliser un mode de présentation faisant croire ou de nature à faire croire qu’un produit bénéficie de l’appellation de produit alimentaire local. »

TITRE II

EXPÉRIMENTATION D’UNE FISCALITÉ RÉDUITE SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES LOCAUX

Article 3

Après l’article 262 ter du code général des impôts, il est inséré un article 262 quater ainsi rédigé :

« Art. 262 quater. – I. – La taxe sur la valeur ajoutée peut être perçue, à titre expérimental, au taux de 0 % en ce qui concerne les produits alimentaires locaux mentionnés à l’article L. 641‑13‑1 du code rural et de la pêche maritime et commercialisés dans les communes :

« a) Bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale prévue à l’article L. 2334‑21 du code général des collectivités territoriales ;

« b) Exonérant de cotisation foncière des entreprises les établissements exerçant une activité commerciale dans une zone de revitalisation des commerces en milieu rural dans les conditions prévues à l’article 1464 G du présent code ;

« c) Signataires d’une convention d’opération de revitalisation de territoire prévue à l’article 157 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

« Ce taux de 0 % ne s’applique pas aux produits commercialisés dans des points de vente ou unités locales réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à une somme prévue par décret en Conseil d’État.

« La mise en œuvre de cette expérimentation est effectuée par les départements volontaires, dans les conditions définies au présent article, pour une durée de trois ans à compter de la date de publication de l’arrêté prévu au II.

« II. – Jusqu’au 31 mars 2023, les départements peuvent, par une délibération motivée, présenter leur candidature à l’expérimentation prévue au I de cet article. Ils joignent à cette délibération un dossier décrivant les expérimentations envisagées, les objectifs poursuivis, les résultats attendus, les dispositions législatives et réglementaires auxquelles ils entendent déroger ainsi qu’un protocole d’évaluation.

« La liste de ces départements est arrêtée par le ministre chargé de l’économie.

« III. – Avant toute généralisation du dispositif, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation du dispositif. Ce rapport présente les modalités d’une mise en œuvre du dispositif dans les territoires ultramarins. »

Article 4

La perte de recette pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.