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N° 964

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant majoritairement de financements publics,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par Mesdames et Messieurs

Fatiha KELOUA HACHI et les membres du groupes Socialistes et apparentés (1)

députés.

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(1) Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Christian Baptiste, Marie‑Noëlle Battistel, Mickaël Bouloux, Philippe Brun, Elie Califer, Alain David, Arthur Delaporte, Stéphane Delautrette, Inaki Echaniz, Olivier Faure, Guillaume Garot, Jérôme Guedj, Johnny Hajjar, Chantal Jourdan, Marietta Karamanli, Fatiha Keloua Hachi, Gérard Leseul, Philippe Naillet, Bertrand Petit, Anna Pic, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Isabelle Santiago, Hervé Saulignac, Mélanie Thomin, Cécile Untermaier, Boris Vallaud, Roger Vicot.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, l’âge de l’instruction obligatoire a été abaissé de six à trois ans.

L’article 18 de la loi précitée a néanmoins instauré une dérogation, pour les années scolaires 2019‑2020 à 2023‑2024, pour les enfants âgés de trois à six ans inscrits dans les établissements d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dits « jardins d’enfants » qui étaient ouverts à la date d’entrée en vigueur de ladite loi.

Pour rappel, l’article R. 2324‑17 du code de la santé publique énumère les différentes catégories d’établissements et services d’accueil non permanent d’enfants, dont les établissements d’accueil collectif qui reçoivent exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans non scolarisés ou scolarisés à temps partiel, dits « jardins d’enfants ».

Selon le rapport de juillet 2020 de la mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants menée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), le nombre de jardins d’enfants en France était estimé à 256 au 1er juin 2020, pour 8 200 places autorisées, répartis dans cinquante‑trois départements. L’Île‑de‑France concentre 31 % de l’offre totale de place, dont 17 % à Paris.

Une majorité des jardins d’enfants est à gestion publique : 55 % au 31 décembre 2018 selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. 41 % des structures sont gérées par des associations et 3 % par des structures privées à but lucratif.

Malgré des modalités de gestion différentes, l’IGAS et l’IGESR mettent en évidence trois traits communs qui caractérisent l’offre et le fonctionnement des jardins d’enfants et qui sont rendus possibles par un taux d’encadrement élevé :

– la qualité de la vie sociale au sein de la communauté des enfants et avec les adultes ;

– le caractère central de la relation aux parents, posée d’emblée comme essentielle, pour faire vivre la coéducation ;

– une organisation favorisant les compétences collectives.

Selon le rapport de la mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, les jardins d’enfants emploient entre 1 000 et 1 100 employés en équivalent temps plein.

À Paris, plusieurs catégories de jardins d’enfants cohabitent et sont inégalement touchées par les effets de la loi du 26 juillet 2019, du fait de différences dans l’âge des enfants accueillis.

Les vingt « jardins d’enfants pédagogiques » (JEP) sont directement concernés, car ils accueillent des enfants âgés de 2 à 6 ans. Pour reprendre les termes utilisés dans le rapport de la mission d’expertise sur l’avenir des jardins d’enfants, les JEP sont une « originalité parisienne ».

Créés durant l’entre‑deux‑guerres, au pied d’habitations à bon marché (HBM), les JEP parisiens sont gérés en régie municipale et sont répartis dans huit arrondissements. Longtemps réservés aux enfants des personnes vivant dans les HBM, les JEP sont aujourd’hui ouverts à tous les enfants parisiens. Ils représentent une capacité d’accueil total de 1 071 enfants, de 2 ans et demi à 6 ans.

Les JEP parisiens se distinguent des autres jardins d’enfants par une proportion d’élèves en situation de handicap accueillis plus importante : 13 %.

Par ailleurs, onze d’entre eux sont situés dans des quartiers de la politique de la ville et un dans un quartier de veille active. Comme le rappelle le rapport de recherche « Les jardins d’enfants de la ville de Paris » publié en 2021 par l’Observatoire sociologique du changement de SciencesPo, les JEP sont des lieux de mixité sociale « par la présence de milieux sociaux extrêmement divers parmi les familles des enfants accueillis ».

Ce rapport conclut que dans ces structures se construit « un contexte pédagogique favorable à l’atténuation de la reproduction des inégalités scolaires et sociales et à l’inclusion. À l’heure où la remise en question du système scolaire français bat son plein, l’alternative des jardins d’enfants gagnerait ainsi sans nulle doute à être connue tant elle est susceptible inspirer l’école de demain ».

La disparition programmée des jardins d’enfants à la rentrée 2024 est donc fortement problématique, se traduisant notamment par la fermeture de structures publiques parfois centenaires garantes de la mixité sociale dans des quartiers populaires.

Pour les auteurs et autrices de la présente proposition de loi, il apparaît nécessaire de sauvegarder l’existence des jardins d’enfants, en pérennisant la dérogation temporaire prévue par l’article 18 de la loi du 26 juillet 2019. C’est par la loi que les jardins d’enfants pourront être sauvés et non par des adaptations réglementaires qui dévoieraient grandement leurs missions et fonctionnement actuels.

L’objectif de la proposition de loi rejoint les propos de l’été dernier du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Le 2 août 2022, lors d’une audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, Monsieur Pap Ndiaye, a ainsi reconnu que « la loi de 2019 et l’instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans ont eu pour effet indirect de fragiliser les jardins d’enfants » et a annoncé vouloir « trouver, avec les municipalités concernées, une voie pour préserver les jardins d’enfants, dont l’histoire mérite d’être mise en valeur », reconnaissant qu’ » ils remplissent des missions de service public ».

Aussi, l’article 1er de la proposition de loi vise à pérenniser, au‑delà de l’année scolaire 2023‑2024, les dispositions de l’article 18 de la loi pour une école de la confiance pour les jardins d’enfants gérés ou financés majoritairement par une ou des collectivités publiques.

Cet article maintient les autres dispositions de l’article 18 qui imposent aux personnes responsables d’un enfant d’au moins 3 ans de déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation l’inscription de l’enfant dans un jardin d’enfants et qui disposent également que l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prescrit le contrôle des jardins d’enfants afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte

les normes minimales de connaissances requises par l’article L. 131‑1‑1 du code de l’éducation et que les élèves de ces établissements ont accès au droit à l’éducation tel que celui‑ci est défini par l’article L. 111‑1 du même code.

L’article 2 vise à fixer une entrée en vigueur du texte à partir de l’année scolaire 2024‑2025.

L’article 3 vise à gager financièrement la proposition de loi, afin de s’assurer de sa recevabilité.


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article 18 de la loi de la loi n° 2019‑791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est ainsi modifié :

1° Les mots : « , au cours des années scolaires 2019‑2020 à 2023‑2024, » sont supprimés ;

2° Après la dernière occurrence du mot : « enfants », sont insérés les mots : « géré par une collectivité publique ou bénéficiant de financements majoritairement publics et ». »

Article 2

La présente loi entre en vigueur à partir de l’année scolaire 2024‑2025.

Article 3

I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.