N° 1040
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),
présentée par Mesdames et Messieurs
Géraldine BANNIER, Sophie METTE, Laurent CROIZIER, Frantz GUMBS,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La question de la pénibilité de certaines professions est régulièrement évoquée et les débats sur la récente réforme des retraites ont mis à nouveau en lumière ce sujet majeur de santé publique.
Concernant la pénibilité physique, nous viennent immédiatement à l’esprit les métiers plutôt masculins du bâtiment et travaux publics (BTP) et de la manutention et ceux, plutôt féminins, du soin et de l’entretien.
Il existe pourtant d’autres professions où la pénibilité, pour être plus discrète et a priori moins sévère, n’en est pas moins réelle.
C’est notamment le cas des enseignants qui durant plusieurs décennies exercent leur métier devant des dizaines d’enfants et d’adolescents et sont à même de développer des troubles spécifiques à l’exercice de leur profession.
C’est le cas, pour les exemples les plus souvent recensés, des troubles musculo‑squelettiques et algodystrophiques du fait notamment de l’exercice en position essentiellement verticale de leur métier ou des troubles de la sphère oto‑rhino‑laryngologie (ORL) du fait de l’usage presque permanent de la voix pour assurer la transmission des savoirs et le bon déroulement des cours.
Il ne faudrait pourtant pas négliger d’autres troubles physiques et psychiques qui peuvent aller en s’aggravant au fil des ans.
Une grande enquête effectuée par la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) en 1999‑2000 - il y a bientôt 25 ans - avait déjà mis en évidence les principales pathologies dont souffraient les enseignants : rhino‑pharyngites et laryngites, anxiété, fatigue et sentiment d’impuissance…
Dans cette enquête était déjà souligné le fait que : « Sur l’ensemble de leur vie, 22,6 % des enseignants déclarent une dépression pour 21,4 % des non‑enseignants ». « Le stress débouche (..) sur de fréquentes maladies psychosomatiques : allergies, insomnies, ulcères et migraines sont plus fréquents que chez les non‑enseignants et touchent particulièrement les femmes. Il est aussi des établissements scolaires plus éreintants que d’autres. Les antalgiques sont consommés plusieurs fois par semaine par 38 % des enseignantes des classes spécialisées contre 15 % de celles du supérieur ».
Déjà, il y a bientôt un quart de siècle, cette enquête concluait que « Les gens restent en difficulté dans leur établissement, parfois plusieurs années : on récupère, souvent trop tard, des personnes abîmées. »
Or, depuis, la situation, non seulement ne s’est pas améliorée, mais encore elle s’est détériorée. Se sont ainsi aggravés les troubles anxieux et l’appréhension est plus grande face, à des menaces verbales ou physiques voire à des passages à l’acte de la part d’élèves ou de parents d’élèves.
Le rôle souvent délétère des réseaux sociaux n’est, au passage, plus à démontrer quand il s’agit de « lyncher » un enseignant.
Les enseignants remplissent ainsi leur mission dans une situation de stress quasi‑permanent avec des responsabilités de plus en plus lourdes, ce qui a pour conséquence une augmentation avérée des cas de burn‑out.
De surcroît, comme cela est désormais connu, il n’existe plus de visite médicale d’entrée de carrière des fonctionnaires de l’éducation nationale depuis sa suppression par l’ordonnance n° 2020‑1447 du 25 novembre 2020.
Il en résulte que les fonctionnaires de l’éducation nationale ne bénéficient pas tous les cinq ans d’une visite médicale d’information et de prévention, comme le prévoit pourtant le décret n° 82‑453, actualisé en 2011.
Or ce personnel doit être en capacité de dispenser un cours ou d’exercer des fonctions de responsabilité dans de bonnes conditions, rassurantes pour les parents d’élèves. Comment cela peut‑il être possible avec seulement 84 médecins de prévention référencés en 2014 pour un million de personnes et pas moins de six académies sans aucun médecin de prévention ?
Par ailleurs, la bonne santé de nos enseignants est une nécessité impérieuse surtout au regard de la responsabilité que la société leur confie envers nos enfants.
Avec l’allongement des carrières exercés plus péniblement, nous pensons du devoir de l’État que soit prévue, presque à mi‑carrière, une visite médicale similaire à la visite médicale de mi‑carrière prévue à l’article L. 4624‑2‑2 du code du Travail.
Celle‑ci aurait lieu dans l’année où les enseignants exerceraient leur vingtième année de carrière et viserait à ce que l’Éducation nationale se conforme mieux au décret n° 82‑453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique qui contient, en son titre III, les dispositions spécifiques à la médecine de prévention qui « a pour rôle de prévenir, toute altération de la santé des agents du fait de leur travail ».
Cette proposition de loi vise donc, a minima, à ce que les enseignants du primaire et secondaire soient soumis à une visite médicale obligatoire au terme de vingt ans d’exercice de leur profession, afin de leur assurer la reconnaissance qu’ils méritent.
L’alinéa 1 de l’article unique modifie donc le code de l’éducation en ajoutant aux actions de prévention destinées aux enseignants et figurant à l’article L541 de ce même code, un article supplémentaire demandant une visite médicale obligatoire pour les enseignants au bout de vingt années d’exercice de leur profession.
L’alinéa 2 de l’article unique prenant en compte le manque de médecins du travail aptes à effectuer cette visite, autorise un professionnel de santé (médecins généralistes ou spécialistes), choisi par l’enseignant, à effectuer cette visite.
Le II de l’article unique est un alinéa gageant cette possible charge pour l’État.
proposition de loi
Après l’article L. 541‑1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 541‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 541‑1‑1. – Tous les personnels enseignants des établissements d’enseignement et d’éducation, publics ou privés, sont obligatoirement soumis, dans la vingtième année de l’exercice de leur profession, à une visite médicale sur le modèle du dispositif prévu à l’article L. 4624‑2‑2 du code du travail. »
« Cette visite est effectuée par un professionnel de santé, médecin généraliste ou médecin spécialiste, selon le choix de l’enseignant. »
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.