N° 1052
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Marie‑Christine DALLOZ, Julien DIVE, Véronique LOUWAGIE, Philippe JUVIN, Thibault BAZIN, Émilie BONNIVARD, Justine GRUET, Yannick NEUDER, Patrick HETZEL, Virginie DUBY‑MULLER, Nathalie SERRE, Jérôme NURY, Jean‑Pierre VIGIER, Jean‑Pierre TAITE, Ian BOUCARD, Nicolas RAY, Josiane CORNELOUP,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au cours de l’été 2022, plusieurs départements de France ont connu des incendies d’une ampleur inédite jusqu’alors.
Le président de la Fédération nationale des sapeurs‑pompiers de France avait déclaré : « Après une lutte de tous les instants et à tous les endroits depuis près de deux mois, les sapeurs‑pompiers et l’ensemble des forces de la sécurité civile sont au bord de la rupture ». Face à un « changement climatique [qui] va s’inscrire dans la durée et nous frapper tous de plus en plus fort », « les moyens doivent s’accroître, c’est une certitude ».
Les projections climatiques montrent en effet qu’il faut s’attendre dans les années à venir à une augmentation drastique du risque d’incendie de végétation ou de terres agricoles.
C’est le constat dressé notamment par la mission du Sénat relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque d’incendie, dans son rapport remis le 3 août 2022.
Le rapport met en évidence une intensification et une extension du risque d’incendie liées au changement climatique et à l’augmentation de la biomasse des forêts. Les projections font apparaître notamment des feux plus nombreux et plus étendus dans les zones déjà exposées, une extension des zones à risque et un allongement des périodes de risque fort d’incendie, aujourd’hui concentrées sur les deux mois d’été, qui pourraient s’étendre de juin à octobre ([1]).
Le même phénomène d’intensification est anticipé dans le reste de l’Europe : dans le scénario le plus pessimiste du GIEC ([2]), le danger d’incendie moyen pourrait y augmenter de 2 % à 4 % par décennie et ainsi induire une hausse des surfaces brûlées de 15 à 25 %.
Par conséquent, c’est toute une stratégie de lutte contre les incendies qui doit être repensée, massivement tournée vers les actions de prévention, ceci nécessitant un accroissement des moyens humains et matériels et une meilleure synergie de tous les acteurs.
Pour y parvenir, le renforcement des liens entre pratiques agricoles et prévention du risque incendie apparaît essentiel. Le monde agricole doit être intégré plus fortement dans la prévention des incendies : les activités pastorales et agricoles, créant des discontinuités de végétation, jouent le rôle de pare‑feu protégeant la forêt.
Il faut donc impérativement veiller sur l’interface forêt‑terres agricoles, ces dernières étant aussi exposées au risque.
Étendre la politique de défense des forêts contre les incendies aux surfaces de végétation, y compris urbaines et périurbaines, et aux surfaces agricoles en les incluant dans la périmètre des plans de protection des forêts contre les incendies est donc un enjeu majeur.
L’écobuage (ou brûlage pastoral) est une pratique agricole qui consiste à brûler des végétaux sur pied pour favoriser la pousse de l’herbe et fertiliser les sols. Il participe au maintien des paysages ouverts et de la biodiversité associée et joue un rôle dans la protection des forêts contre l’incendie, en limitant les zones de départ de feu et en créant des coupures de combustible.
À ce jour, les écobuages sont réalisés à unique but agricole et sont très réglementés. Il conviendrait de compléter le dispositif avec la bonne connaissance des éleveurs pastoraux français.
Dans la réglementation française, la réalisation d’un écobuage est soumise à l’autorisation du maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police. Ainsi, dans chaque département, un arrêté préfectoral définit la période d’écobuage autorisée, la procédure d’autorisation des écobuages et les conditions de déroulement des opérations.
Les communes et groupements de communes peuvent en outre décider de mettre en place une commission locale d’écobuage, afin d’organiser les conditions de sa mise en œuvre sur leur territoire. Elles peuvent alors, dans certaines limites, déroger aux dispositions figurant dans l’arrêté préfectoral.
L’écobuage est donc une pratique adaptée en fonction des besoins et des milieux naturels de chaque territoire qui mérite une meilleure coordination des acteurs au niveau local pour plus d’efficacité.
Dans ce dessein, la présente proposition de loi propose dans un article unique de doter les chambres d’agriculture d’une véritable compétence d’évaluation des besoins et de suivi des pratiques des communes en matière d’écobuage, compétence soumise à la création d’une commission spécialisée dans la prévention des incendies représentant le monde agricole et son interlocuteur privilégié avec la puissance publique locale. Cette commission désignera notamment un référent agricole par commune.
Ceci constituerait une première étape dans la mobilisation de l’ensemble des politiques publiques dans la prévention contre les incendies.
proposition de loi
L’article L. 322‑1 du code forestier est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
3° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles conduisent des actions concernant : « ;
4° À la fin du 5°, le signe « . » est remplacé par le signe « ; » ;
5° Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° L’évaluation des besoins et de suivi des pratiques des communes en matière d’écobuage confiée à une commission spécialisée en matière de prévention des incendies, qui désignera un référent agricole par commune. »
6° À la fin, il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La mise en œuvre du 6° est fixée par décret. »
([1]) Rapport d’information du Sénat n°856 sur la mission conjointe de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.
([2]) Le scénario RCP8.5 du GIEC est le scénario le plus pessimiste dans lequel les émissions de CO2 continuent d’augmenter fortement jusqu’à être deux fois supérieures aux niveaux actuels en 2050 et plus de trois fois supérieures en 2100. Il conduirait à un réchauffement de +4,4 °C.