N° 2353

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

créant un dispositif d’accompagnateur vigilant au bénéfice des victimes de violences conjugales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Pascale BOYER, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Félicie GÉRARD, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Lysiane MÉTAYER, M. Olivier FALORNI, Mme Estelle YOUSSOUFFA, M. Didier PARAKIAN, Mme Virginie LANLO, M. Philippe FAIT, M. Vincent LEDOUX, M. Jean-Marc ZULESI, M. Richard RAMOS, M. Karl OLIVE, Mme Fanta BERETE, M. Luc LAMIRAULT, M. Raphaël GÉRARD, Mme Christine DECODTS, M. Lionel VUIBERT, M. Damien ABAD, Mme Stéphanie KOCHERT, M. Tematai LE GAYIC, M. Emmanuel PELLERIN, M. Antoine ARMAND, M. Ian BOUCARD, M. Joël GIRAUD, Mme Louise MOREL, M. Yannick HAURY, M. Christophe NAEGELEN, M. Benoît BORDAT, Mme Lise MAGNIER, M. Mounir BELHAMITI, Mme Annie VIDAL, Mme Patricia LEMOINE, M. Jean-Carles GRELIER, M. Philippe SOREZ, M. Christophe MARION, M. Nicolas METZDORF, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Fabienne COLBOC, Mme Stella DUPONT, M. Denis BERNAERT, M. Stéphane TRAVERT, M. Philippe FREI, M. Benjamin SAINT-HUILE,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Plus de 3 millions de femmes déclarent des violences sexistes et sexuelles chaque année et les forces de sécurité enregistrent annuellement plus de 200 000 plaintes. Ces chiffres suivent une tendance vertigineuse : une hausse de 83 % pour les violences conjugales entre 2018 et 2022 (244 000 plaintes en 2022).

Concernant les féminicides, le ministère de l’Intérieur continue de faire état d’une situation plus que préoccupante. En 2022, 118 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex‑conjoint. L’ensemble de ces chiffres sont alarmants et invitent le législateur à renforcer la protection de ces femmes.

Pour l’heure, les mesures en vigueur ou envisagées s’articulent autour de trois grands objectifs stratégiques. Elles consistent à assurer une protection intégrale et immédiate des femmes sur l’ensemble du territoire, à mieux traiter les violences conjugales et leurs spécificités et à sanctionner les auteurs de violences sexuelles de manière plus effective.

L’isolement géographique, l’éloignement, ou encore parfois l’engorgement des structures d’accompagnement sont autant de freins à l’accompagnement des victimes. Il est donc indispensable d’assurer un maillage territorial homogène de l’ensemble des dispositifs de prise en charge des victimes.

Rompre l’isolement, aller vers les victimes les plus vulnérables, les accompagner, à leur rythme, dans la démarche de signalement et de plainte, c’est leur offrir une meilleure protection et préserver l’avenir de la procédure.

La complexité et la spécificité des violences conjugales rendent primordiales la formation et la spécialisation des professionnels confrontés à ces procédures. L’objectif est de mieux évaluer le danger auquel sont exposées ces femmes, et ainsi de mieux les protéger.

Pour cela, il s’agit de traiter de manière adaptée, en transversalité, des dossiers qui impliquent de nombreux acteurs (associations, professionnels de santé, policiers et gendarmes, magistrats, avocats, professionnels de l’enfance…) et de favoriser la transmission d’informations amenant de meilleures décisions.

La parole des victimes de violences sexuelles se libère parfois longtemps après les faits. C’est particulièrement le cas lorsque leur agresseur exerce une emprise sur elles, et plus largement en raison des mécanismes propres à la mémoire traumatique.

Pour mettre fin à l’impunité de certains agresseurs, il est donc nécessaire de tenir compte de ces circonstances spécifiques pour lever les obstacles aux poursuites et favoriser les condamnations. Dans la même logique, la répression des viols doit être aggravée lorsque leur auteur a agressé plusieurs victimes.

Enfin, parce que les situations d’autorité ou de pouvoir favorisent la commission de violences sexuelles ou sexistes, tout doit être mis en oeuvre pour mieux détecter et donc mieux prévenir ces violences. Il est essentiel d’accompagner les victimes, sur tous les plans, dès la révélation des faits.

Au‑delà de ces mesures et compte tenu des chiffres évoqués ci‑avant, il convient d’apporter des mesures complémentaires, pragmatiques et rapidement mobilisables, permettant un bénéfice immédiat pour les victimes dans le cadre de leur protection.

Quand on subit de la violence dans sa relation avec un partenaire ou avec un ex‑partenaire on doit constamment composer avec un certain degré de risque, ce qui implique beaucoup de stress et de détresse. Malheureusement, le risque ne s’arrête pas lorsqu’on réussit à quitter le domicile familial. Chaque trajet du quotidien peut présenter des risques et devient dès lors une source d’angoisse.

C’est pourquoi le présent texte propose la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des victimes de violences conjugales initié par le procureur ou par le juge aux affaires familiales. Concrètement, la proposition de loi prévoit que les juridictions passent des conventions avec des associations d’aide aux victimes qui se porteraient volontaires pour développer, en échange d’un financement, ce nouveau service d’accompagnement des victimes.

L’accompagnement serait proposé par le procureur ou par le juge aux affaires familiales (JAF) dans le cadre d’une ordonnance de protection. Il reviendrait à la convention de fixer dans le détail les modalités de l’accompagnement et de déterminer quels déplacements pourraient être accompagnés, en fonction des moyens alloués à l’association.

Naturellement, l’accompagnement serait proposé à la victime sans lui être imposé. Certaines victimes pourraient en effet juger le dispositif excessivement contraignant.

Cette proposition de loi est déposée conjointement avec le sénateur du Nord, Dany Wattebled, après avoir été travaillée avec le maire de Bouchain dans le Nord, Monsieur Ludovic Zientek.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Après l’article 41‑3‑1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41‑3‑2 ainsi rédigé :

« Art. 4132. – Le procureur de la République peut recourir à une association d’aide aux victimes agréée par le ministre de la justice afin que les victimes de violences conjugales, au sens de l’article 132‑80 du code pénal, bénéficient d’un accompagnement lors de certains de leurs déplacements.

« Cet accompagnement peut être proposé à la victime s’il existe un danger qu’elle soit victime de violences de la part de son conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, ou de son ancien conjoint, ancien concubin ou ancien partenaire de pacte civil de solidarité.

« Il est destiné à mieux assurer sa sécurité, le cas échéant dans l’attente de l’intervention d’un représentant de l’autorité publique. Il est accordé pour une durée de six mois renouvelable.

« Il ne peut être attribué qu’en l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des violences et lorsque ce dernier a fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté.

« Une convention conclue avec l’association d’aide aux victimes mentionnée au premier alinéa du présent article détermine les modalités d’organisation de l’accompagnement, ainsi que les conditions de son financement.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 2

Après l’article 515‑11‑1 du code civil, il est inséré un article 515‑11‑2 ainsi rédigé :

« Art. 515112. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515‑11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales peut proposer à la partie demanderesse de bénéficier d’un accompagnement lors de certains de ses déplacements.

« Cet accompagnement vise à mieux assurer la sécurité de la victime de violences conjugales, le cas échéant dans l’attente de l’intervention d’un représentant de l’autorité publique.

« Le service d’accompagnement est organisé par une association d’aide aux victimes agréée par le ministre de la justice. Une convention conclue avec ladite association précise les modalités ainsi que les conditions du financement du service d’accompagnement.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.