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N° 1136

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête relative à limplication éventuelle de la France dans le conflit en cours au Yémen, le respect
de la légalité internationale et de la Constitution,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bastien LACHAUD, JeanLuc MÉLENCHON, Clémentine AUTAIN, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Ugo BERNALICIS, Danièle OBONO, Éric COQUEREL, Mathilde PANOT, Michel LARIVE, Muriel RESSIGUIER, Loïc PRUDHOMME, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La guerre civile qui gangrène le Yémen depuis de nombreuses années a pris un tour encore plus dramatique depuis l’intervention d’une coalition étrangère menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

La guerre qui a cours en ce moment même a fait l’objet de nombreuses condamnations. L’Organisation des Nations unies a souligné à de nombreuses reprises qu’elle est la cause de « la plus grave crise humanitaire au monde », comme l’indiquait par exemple Mark Lowcock, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, dans un entretien télévisé de mars 2018 ([1]).

De nombreuses organisations non‑gouvernementales ont révélé que les forces de la coalition ont agi en violation du droit international. En mai 2016 par exemple, l’association Amnesty international alertait à propos de l’utilisation par la coalition d’armes à sous‑munitions ([2]) ; le blocus organisé pendant plusieurs semaines en 2017 constitue sans doute un crime de guerre : en décembre 2017 Human Rights Watch appelait le Conseil de sécurité de l’ONU à prendre des sanctions contre ce qu’elle considérait comme une violation du droit humanitaire ([3]).

De nombreuses actions menées contre les populations civiles yéménites ont été relevées. Plus récemment, les tortures infligées aux prisonniers de la coalition ont été documentées par la presse ([4]).

Pourtant, la France n’a pas cessé, depuis le début des opérations militaires, de fournir armements, renseignements, formations et soutien à plusieurs membres de la coalition, dont notamment l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Selon les articles 6 et 7 du traité sur le commerce des armes dont la France est partie, la légalité de ce soutien est extrêmement problématique.

Enfin, l’opinion publique française a découvert dans l’édition du 16 juin 2018 du Figaro que la France aurait envoyé au Yémen des forces spéciales en appui des membres de la coalition ([5]).

La ministre des armées, Florence Parly, a contesté ces faits lorsqu’ils ont été mentionnés dans un communiqué par le président du groupe La France insoumise, Jean‑Luc Mélenchon ([6]) ; en revanche, elle s’est gardée d’apporter un démenti au journal lui‑même, tandis que le grand reporter Georges Malbrunot a maintenu ses propos ([7]).

Or aux termes de l’article 35 de la Constitution, « le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention ». En l’occurrence, la présence de membres des forces armées sur un théâtre de guerre étranger, depuis plus de trois jours pourrait revêtir un caractère inconstitutionnel.

Dès lors, la création d’une commission d’enquête parlementaire est nécessaire pour faire la lumière sur la légalité et la constitutionnalité de l’action de l’exécutif touchant le conflit au Yémen.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres, chargée d’examiner si l’exécutif a outrepassé le droit international ou violé la Constitution en faisant que la France prenne part à la guerre au Yémen ou apporte en quelque façon son soutien à l’un quelconque des belligérants.


([1]) (http ://www.france24.com/fr/20180321‑mark‑lowcock‑crise‑humanitaire‑ghouta‑afrin‑refugies‑onu‑assad‑cessez‑le‑feu‑poutine).

([2]) (https ://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/05/yemen‑children‑among‑civilians‑killed‑and‑maimed‑in‑cluster‑bomb‑minefields/).

([3]) (https ://www.hrw.org/fr/news/2017/12/07/yemen‑les‑civils‑sous‑la‑menace‑du‑blocus‑impose‑par‑la‑coalition).

([4]) (https ://www.hrw.org/fr/news/2017/12/07/yemen‑les‑civils‑sous‑la‑menace‑du‑blocus‑impose‑par‑la‑coalition).

([5]) (http ://www.lefigaro.fr/international/2018/06/15/01003‑20180615ARTFIG00316‑yemen‑la‑france‑prete‑a‑deminer‑le‑port‑d‑al‑hodeida.php).

([6]) (https ://twitter.com/florence_parly/status/1008455276125741058).

([7]) (https ://www.franceculture.fr/emissions/la‑question‑du‑jour/la‑france‑cache‑t‑elle‑la‑presence‑de‑forces‑speciales‑au‑yemen).