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N° 1308

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur lagénésie transverse des membres supérieurs et la détermination de ses causes dans lAin, en LoireAtlantique et dans le Morbihan,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Damien ABAD,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En octobre 2018, l’Agence Santé publique France a dévoilé quatre rapports ([1]) qui relatent et analysent l’existence de trois foyers, dans le Morbihan, en Loire‑Atlantique et dans l’Ain dans lesquels un nombre inhabituel d’enfants nés sans bras ou sans mains ont été signalés. Cette malformation congénitale grave, appelée agénésie transverse des membres supérieurs semble donc surreprésentée dans trois départements.

L’agénésie transverse désigne la réduction du membre supérieur quelle que soit sa localisation. Chez les cas relevés, différentes situations existent : absence complète de membre supérieur, absence conjointe d’avant‑bras et de la main, absence de main et de doigt(s) à l’exception de l’absence du pouce. Pour l’embryon, la période clé́ de développement des membres supérieurs se situe entre le 24e et le 56e jour après la conception (correspondant aux 5e et 10e semaines d’aménorrhée). Les causes de l’agénésie transverse sont regroupées en trois catégories :

– Les anomalies du développement liées à des anomalies chromosomiques. Aucune anomalie chromosomique n’a été détectée chez les parents et les enfants concernés.

– Les anomalies liées à l’exposition des facteurs extérieurs : médicaments, gestes médicaux techniques.

– Les anomalies dues aux contraintes physiques comme la maladie des brides amniotiques qui empêche les membres de se développer normalement.

L’origine du signalement remonte à l’année 2010 durant laquelle un médecin généraliste de l’Ain signale à l’Agence régionale de santé Rhône‑Alpes une suspicion d’agrégat spatio‑temporel d’agénésie transverse des membres supérieurs regroupant 3 cas de sa patientèle, nés en 2010 dans trois communes proches, autour de Druillat.

Cette première investigation n’a pas permis de conclure quant à l’existence ou non d’un cluster ([2]) car d’une part, seulement 2 cas sur 3 ont été retrouvés et interrogés et d’autre part, le calcul d’excès de cas n’avait pu être réalisé en l’absence du nombre de naissances vivantes dans l’Ain. Puis, dans un rayon de 17 km autour de Druillat, 7 cas sont nés entre 2009 et 2014. Cependant, Santé publique France n’a de nouveau pas conclu à un excès de cas, alors même que les chiffres sont 58 fois supérieurs à la normale. De nombreuses malformations surviennent également chez des animaux dans le même périmètre géographique où des veaux sont nés sans côtes et sans queues.

Une fois les causes connues éliminées, l’enquête s’est arrêtée, sans qu’aucune investigation supplémentaire ne soit envisagée. Ces enquêtes n’ont pas permis d’identifier les causes de ces malformations.

En Loire‑Atlantique trois enfants atteints d’agénésie transverse des membres supérieurs sont nés entre 2007 et 2008 et fréquentent la même école maternelle d’une commune au nord‑est de Nantes. Le village comprend des habitations individuelles sous forme de lotissements et est entouré de parcelles agricoles servant à la culture ou à l’élevage. Un parent signale également l’existence de deux usines à une dizaine de kilomètres de la commune de résidence.

Dans le Morbihan, 4 enfants sont nés avec cette malformation congénitale entre 2011 et 2013 dans la même commune de Guidel. Le seul point commun entre les familles mentionné par Santé publique France fait référence à la proximité à moins de 200 mètres de cultures céréalières.

Aux termes des recherches effectuées par Santé publique France, aucun facteur de risque commun aux cas n’a été́ mis en évidence. Or, cette situation préoccupante ne semble pas relevée du hasard. Santé publique France indique que l’absence d’hypothèse d’une éventuelle cause commune ne permet pas d’orienter des investigations complémentaires.

Il apparaît tout de même nécessaire de déterminer les causes de ces malformations, d’autant plus qu’elles se concentrent dans de mêmes espaces géographiques et temporels. L’évaluation des données environnementales, n’a pas mis en évidence d’exposition à risque dans l’environnement des mères hormis le fait qu’elles résident dans un milieu rural à dominante agricole. Le facteur environnemental, seul point commun dans les études actuelles, doit être approfondi afin de trouver une explication à ce problème. La question du rôle de l’environnement et des interactions entre les facteurs de risques doit encore être explorée.

En outre, la mise en place d’un registre national précis est dorénavant nécessaire. Enfants, agriculteurs et habitants sont directement concernés sur nos territoires et doivent être protégés. À ce titre, il paraît pertinent de croiser des facteurs environnementaux, médicamenteux, alimentaires, chimiques avec l’agénésie, et dans une plus large mesure avec d’autres maladies comme les cancers ou les maladies neurodégénératives.

Le système français de surveillance des naissances demeure incomplet, ce qui est d’autant plus préjudiciable dans le cas des malformations congénitales graves. La France compte actuellement six registres d’anomalies congénitales qui couvrent 19 % des naissances et les maternités de 19 départements. Les six registres locaux (Bretagne, Paris, Auvergne, Antilles, La Réunion, Rhône‑Alpes) ne possèdent aucune base de données communes et il n’existe à l’heure actuelle aucun registre national qui pourrait répertorier les facteurs de risques et croiser les données à l’échelle nationale.

Or, la surveillance des malformations requiert des registres précis et complets pour estimer l’incidence des anomalies congénitales, décrire leurs caractéristiques, suivre leurs évolutions au cours du temps et contribuer à la veille sanitaire. Le manque de chiffres relatifs aux naissances dans l’Ain a d’ailleurs empêché Santé publique France de conclure à l’existence d’un excès de cas dès le début de l’alerte, retardant ainsi les autres investigations.

Identifier précisément les lacunes du système de surveillance des naissances est primordial et permettra de renforcer le dispositif de contrôle des malformations, enjeu clé dans la détermination des causes de l’agénésie transverse des membres supérieurs.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de quinze membres chargée de déterminer les différentes causes de l’agénésie transverse des membres supérieurs en étudiant les facteurs environnementaux, médicamenteux, chimiques, alimentaires qu’elle pourra croiser.

En outre, la commission pourra proposer de mettre en œuvre des dispositifs sanitaires visant à renforcer l’efficacité du système de surveillance des naissances en France. La mise en place de cette commission vise également à organiser un accompagnement pour les familles concernées et à réunir un comité d’experts si la situation le requiert.


([1]) Investigation d’un agrégat spatio-temporel de malformations congénitales dans une commune de Loire-Atlantique. Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 8 p.

Investigation d’une suspicion d’agrégat spatio-temporel de malformations congénitales dans le département de l’Ain. Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 9 p.

Investigation d’un signalement d’agénésies de l’avant-bras dans une commune du Morbihan. Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 11 p.

Anomalies congénitales liées aux expositions médicamenteuses et environnementales. Proposition de réponse à la demande ministérielle de création d’un dispositif national de veille et de surveillance. Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 66 p

 

([2]) Un cluster désigne l’occurrence d’une maladie plus élevée que la normale au sein d'une population donnée, dans une aire géographique déterminée ou sur une période de temps donnée. Ce problème devient donc un enjeu de santé publique.