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N° 1392 rectifié

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2018

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur la lutte
contre les groupuscules dextrême droite en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean‑Luc MÉLENCHON, Muriel RESSIGUIER, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUDHOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques mois, des groupuscules d’extrême‑droite agissent en toute impunité dans le pays. Les premières victimes sont nos jeunes, lycéen‑ne‑s et étudiant‑e‑s.

L’État français doit impérativement réagir face à ces violences et prendre la mesure des menaces de mort que ces groupes d’extrémistes profèrent.

Leurs organisations foisonnent sur tout le territoire. Dès la fin d’année 2017, « Le Bastion social » ‑ ouvertement raciste ‑ a pu sans difficulté ouvrir plusieurs bars et différents lieux de rencontre dans de nombreuses villes de notre territoire. Le 9 décembre, il inaugurait son local à Strasbourg. Puis le 13 janvier, c’était à Lyon, le 5 février à Chambéry, le 24 mars à Marseille.

Le 30 juin 2017, les locaux du réseau accueil insertion Hérault (RAIH) ‑ qui vient en aide aux mineur‑e‑s isolé‑e‑s ‑ ont été saccagés par la Ligue du Midi. Les militants fascistes se sont introduits dans le local de l’association en hurlant des slogans racistes. Les militants de la Ligue du Midi se sont filmés et ont diffusé une vidéo de propagande sur les réseaux sociaux. Ce groupe qui heurte en permanence les grands principes de l’État de droit continue d’agir et d’exister.

Le 16 mars 2018, le Lycée autogéré de Paris a été attaqué par des individus armés de barres de fer se réclamant du GUD, faisant des saluts nazis et proférant des insultes homophobes. Ils ont blessé deux élèves.

Le 22 mars 2018, au sein de la faculté de droit de Montpellier, un commando extrémiste d’une dizaine de personnes cagoulées et armées de tasers ont frappé des étudiant‑e‑s qui occupaient un amphithéâtre pour protester contre la loi orientation et réussite des étudiants. Se substituant de manière volontaire aux forces de l’ordre et à la décision du préfet de ne pas intervenir.

Quelques jours après, le 26 mars à Lille, des étudiant‑e‑s ont été frappé‑e‑s violemment en marge d’une assemblée générale par des personnes se revendiquant de Génération identitaire.

Le 29 mars dernier, un autre groupe d’individus agissant au nom du Bastion social a attaqué six étudiant‑e‑s sur le campus universitaire de Strasbourg.

Le 6 avril 2018, plusieurs personnes cagoulées, habillées de noir, casquées, armées de bâtons et de barres de fer ont tenté de s’introduire dans l’Université de Tolbiac pour passer à tabac les jeunes qui occupaient le bâtiment. La séquence filmée par leurs soins démontre leur volonté de reproduire les événements de la faculté de droit de Montpellier et de se substituer aux forces de l’ordre républicaine.

Le 22 avril, Génération identitaire organise, au mépris de l’État de droit, une action de blocage de notre frontière dans les Hautes‑Alpes, incitant à la haine et au rejet des migrant‑e‑s.

Le 10 mai 2018, un groupe d’une vingtaine de personnes agresse les étudiant‑e‑s mobilisé‑e‑s du centre de Malesherbes afin de tenter de lever le blocage, se substituant un fois de plus à la police et au pouvoir décisionnaire du préfet.

Le 8 septembre, à Clermont‑Ferrand devant le bar « l’Opiddum » ouvert par le Bastion Social, quatre passants se font violemment agresser, par des militants et sympathisants, infligeant 60 jours d’interruption temporaire de travail à l’une de leur victime.

Tous ces groupes ont en commun la violence, l’incitation à la haine raciale, homophobe et sexiste. Ils agressent des couples, des cyclistes, des passant‑e‑s, des étudiant‑e‑s pour leurs opinions, leur orientation sexuelle ou leur origine. Ils agressent, insultent, intimident, menacent de simples citoyen‑ne‑s mais aussi des élu‑e‑s de la Nation, des professeurs, des policiers ou des gendarmes qui représentent notre État de droit et notre démocratie ou encore des médecins et des militants associatifs.

De plus ces groupuscules organisent des camps d’été, où sont « enseignés » des idéologies nationalistes, racistes, sexistes et patriarcales, des moyens « d’autodéfense » permettant de s’imposer physiquement, la manipulation d’outils informatiques, comme les réseaux sociaux, sites internet ou photomontage, rendant leur propagande plus efficace.

Ainsi était organisé du 29 juin au 1er juillet à Avallon un camp d’été du Bastion Social. Le 21 août au Château d’Ailly a eu lieu une réunion d’Action Française.

Ils mettent ces enseignements en pratique dès le 5 octobre 2018 au siège de SOS Méditerranée en s’imposant physiquement, usant d’insultes et de menaces contre les médecins et militants présents afin de les intimider.

Le 14 août, la Ligue du Midi profère encore des menaces de représailles à l’encontre de Monsieur Gayssot, directeur du port de Sète suite à la communication de sa volonté d’ouvrir son établissement à l’Aquarius.

Le 14 septembre 2018, suite à un incident entre un père de famille et des clandestins albanais, Génération identitaire, se substituant au Préfet, ferme le Lycée Joffre pour la sécurité des élèves et la Ligue du Midi organise des patrouilles citoyennes cherchant à suppléer les forces de l’ordre de la République.

Nous souhaitons par cette résolution rappeler que le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie que prônent ces groupements ne sont pas des opinions. Ce sont des délits.

Nous voulons exprimer notre solidarité totale avec les victimes de ces individus violents.

Il est de la responsabilité de l’État de lutter contre ces groupuscules qui répandent partout la haine des autres, la violence, qui défient les valeurs de notre République et méprisent les règles de la démocratie.

Le code pénal donne les outils nécessaires et efficaces pour que le Gouvernement puisse agir. L’article L. 212‑1 du code de la sécurité intérieure dispose en effet que « sont dissous par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait (…) qui provoquent à des manifestations armées dans la rue, ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaire, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ; ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur nonappartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

Alors que ces groupuscules se structurent et prennent de l’ampleur, créent un réseau aux ramifications nationales, aucune réponse globale n’est apportée par les pouvoirs publics.

Plusieurs député‑e‑s de notre groupe parlementaire et d’autres groupes ont été visé‑e‑s par des menaces de mort ou de viol, d’injures racistes et sexistes, provenant de ces factions. Le Président du groupe parlementaire La France insoumise, Jean‑Luc Mélenchon, a été visé par un projet d’attentat contre sa personne. Le même groupuscule violent visait M. Christophe Castaner, aujourd’hui ministre de l’intérieur. Dans le groupe de La France insoumise, les député‑e‑s Danièle Obono, Clémentine Autain et Éric Coquerel ont reçu des menaces contre leur personne et leur famille. Le 19 avril 2018, Éric Coquerel a été agressé par des individus se réclamant du groupe « Action française ». Le 28 mars 2018, un groupuscule violent d’extrême‑droite, la « ligue de défense juive » a tenté d’expulser un groupe de députés en écharpe d’une marche silencieuse en mémoire de Mireille Knoll, assassinée par des antisémites.

Plus récemment, c’est le Président de la République qui a été visé par un projet d’attentat fomenté par six personnes de l’Ultra‑droite, qui, elles, ont été appréhendées.

Nous souhaitons éviter qu’un drame supplémentaire ne survienne. Nous ne voulons pas attendre la mort d’un‑e citoyen‑ne pour agir. Nous tenons à rappeler que, si la mort de Clément Méric a été suivie de la dissolution du groupe des jeunesses nationalistes révolutionnaires, elle aurait peut‑être pu être évitée par une dissolution antérieure de ce groupe violent. Pour rappel, les individus impliqués dans la mort de cet étudiant ont écopé de peines de 7 et 11 ans de prison ferme.

Face à cette inquiétante recrudescence d’actes de violence qui visent souvent à se substituer à l’État de droit et aux forces de l’ordre de la République mettant en péril notre démocratie, l’inaction relève de l’inconscience. Nous ne pouvons tolérer le retour de la violence émanant de groupes politiques racistes et violemment anti‑républicains.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée de faire un état des lieux sur l’ampleur du caractère délictuel et criminel des pratiques des groupuscules d’extrême droite, ainsi que d’émettre des propositions, notamment relatives à la création d’outils visant à lutter plus efficacement contre les menaces perpétrées à l’encontre de nos institutions et de leurs agents ainsi qu’à l’égard des citoyennes et des citoyens.