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N° 1693

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’impact économique de la méthode de vente forcée dite « one shot »,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Madame Virginie DUBYMULLER,

députée.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vente dite one shot (ou vente en cycle court) est une méthode commerciale ayant pour but, pour un prestataire de services, d’obtenir la signature du client lors de sa seule et unique rencontre, physique ou virtuelle sur des sites internet. La vente est actée rapidement, sans que le client n’ait souvent le temps de lire en détail le contrat, et sans délai de réflexion (la durée de contrat peut être écrite en petits caractères en bas de page, ou comportant une clause de tacite reconduction, etc.).

De plus en plus de ventes ont aujourd’hui un caractère « instantané », grâce notamment au développement du numérique. Il ne s’agit nullement ici de les condamner, mais de dénoncer une catégorie bien spécifique d’entre‑elles, pernicieuse, qui joue sur l’absence de connaissances du client/victime sur le secteur concerné et sur le droit de la Consommation.

Aujourd’hui, la force de ces ventes réside avant tout dans des montages contractuels mis en œuvre par les prestataires informatiques et les sociétés de financement qui leur sont associées. Par exemple, le prestataire « vend » un site internet à un client artisan ou à une TPE/PME qui souhaite se développer, sans lui laisser le temps de réflexion, avec une argumentation agressive, et en ne donnant aucun élément décrivant ses prestations. Il fait alors signer à ce client, souvent peu familier avec l’informatique, un contrat de très longue durée (24, 48 ou même 60 mois) en faisant état d’une « offre commerciale exceptionnelle ». La plupart du temps, le prestataire ne prend même pas la peine de s’exécuter, dès lors qu’il est assuré d’être payé, grâce au mécanisme de location financière. En effet, aussitôt le contrat signé, les créances nées de ce dernier sont cédées par le prestataire informatique à un bailleur. Ainsi, le prestataire s’assure, moyennant le partage des mensualités, qu’il sera payé chaque mois, sans avoir à se soucier de la mise en œuvre ou du suivi de ses prestations. Dans certains cas, l’agence web va même jusqu’à faire signer au client le procès‑verbal de recette du site avant sa présentation afin de palier tout risque de contestation ultérieur et de refermer le piège. Le client est dès lors a priori prisonnier de son engagement contractuel pour de longs mois et pour des montants cumulés particulièrement excessifs. Mécontent des prestations, réalisant trop tard la duperie dont il a été victime, le client cherchera à rompre cet engagement : la seule porte de sortie proposée par la société est alors le paiement de toutes les mensualités prévues au contrat, soit des dizaines de milliers d’euros.

Cette technique de vente aujourd’hui détournée, massivement développée via le numérique, impacte de façon extrêmement négative de nombreuses entreprises françaises. Cette méthode a beaucoup fait parler d’elle, notamment concernant les prestataires de création, hébergement et maintenance de sites internet, lesquels proposent des sites web « clé en main ». Elle concerne aussi d’autres multiples domaines : téléphonie, site e‑commerce, produits bancaires, ventes en ligne, automobile, ventes en porte‑à‑porte, démarchage téléphonique, immobilier…

Selon le cabinet Haas Avocats([1]), « ses multiples dérives ont pris en quelques années une telle ampleur que l’on peut parler aujourd’hui d’un vrai fléau contaminant la toile et son économie. Artisans, professions libérales, PME sont concernées et se retrouvent trop souvent isolées devant les tribunaux pour tenter de faire valoir leurs droits à l’occasion de nombreuses procédures judiciaires. Leur question principale est la suivante : Comment sortir d’un contrat avec engagement de 48 mois qui s’avère totalement inadapté à mes besoins, un contrat sans rapport avec le discours du commercial venu me démarcher, un contrat prohibitif renvoyant à des prestations bien souvent inexistantes ? ».

Aujourd’hui, on note un début de prise de conscience de ces arnaques commerciales, tant de la part de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), que des juridictions civiles.

Cependant, la liste des professionnels victimes de ventes one shot ne cesse de s’allonger. Ce sont principalement des chefs de TPE / PME, des artisans.

La loi n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » avait déjà soulevé le problème, mais en y apportant des réponses seulement partielles. Il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin, vu l’ampleur du phénomène.

Aussi, ce texte propose la création d’une commission d’enquête sur l’impact économique de la méthode de vente forcée dite one shot .

Via plusieurs auditions de chefs d’entreprises victimes de ces ventes, et de spécialistes juridiques du droit de la Consommation, cette commission d’enquête pourra ainsi établir un bilan chiffré complet du nombre de sociétés mis en cause, du nombre d’entreprises victimes, et des sommes financières concernées.

Elle pourra également avancer plusieurs recommandations pour améliorer la sécurité juridique des chefs d’entreprises :

– En amont, en développant une communication gouvernementale préventive de sensibilisation sur le sujet, en rappelant la nécessité de se réserver un temps de réflexion suffisant pour vérifier le contenu du contrat de vente avant de s’engager, et de procéder de même avant de signer un bon de réception ou un reçu de livraison qui vaut reconnaissance de la prestation rendue. Ces informations pourraient par exemple être développées lors du stage de préparation à l’installation (SPI) des artisans, bien qu’aujourd’hui menacé de suppression dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

– En aval, en renforçant le code de la consommation, afin d’encadrer davantage ces pratiques commerciales agressives, et d’envisager la publication d’une liste de sociétés pratiquant régulièrement ces méthodes abusives.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’évaluer l’impact économique de la méthode de vente forcée dite one shot, et les possibilités de sécuriser la situation des professionnels/victimes de ces méthodes.


([1]) Victimes de vente one shot : que faire ? Haas Avocats : https://www.haas-avocats.com/ecommerce/victimes-de-vente-one-shot-que-faire-comprendre-les-mecanismes-dun-fleau-du-net-pour-mieux-le-combattre/