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No 1791

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2019

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

relative au socle européen des droits sociaux,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution dune commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES,

par Mmes Carole Grandjean et Marguerite Deprez-Audebert,

Rapporteures,


1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;

Vu l’article 3 du Traité sur l’Union européenne (TUE) ;

Vus les articles 19, 45, 147, 151, 153, 157 et 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ;

Vu le socle européen des droits sociaux ;

Vu l’ensemble des initiatives législatives prises par la Commission européenne depuis la publication du socle européen des droits sociaux, notamment en ce qui concerne l’adaptation du droit aux nouvelles formes d’emplois (COM(2017) 797 final), la création d’une Autorité européenne du travail (COM(2018 131 final), la fusion d’une partie des fonds européens à vocation sociale sous le nom de « Fonds social européen plus » (COM(2018) 382 final) et le renforcement du congé parental et du congé paternité (COM(2017) 253 final) ;

Considérant que l’acquis social européen est majeur, contient des droits sociaux fondamentaux dont l’origine européenne est mal connue et a produit des résultats importants, même s’il peine, notamment depuis dix ans, à assurer une véritable convergence sociale à l’échelle du continent ;

Considérant que les quatre objectifs sociaux de la stratégie « Europe 2020 » ne seront sans doute pas atteints durablement avant l’échéance de ladite stratégie ;

Considérant que la fragmentation des marchés du travail européens, les inégalités de revenu, la persistance de taux élevés de pauvreté et de chômage, les évolutions récentes du marché du travail (notamment en lien avec la numérisation) et le vieillissement continu de la population européenne justifiaient pleinement la relance de l’Europe sociale par de nouveaux moyens ;

Considérant la multiplicité des fonds structurels européens à vocation sociale ;

Considérant que la révision de juin 2018 de la directive du 19 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs a permis d’apporter des garanties fondamentales pour la bonne application du principe de détachement ;

Considérant que la publication du socle européen des droits sociaux constitue une véritable avancée vers une Europe sociale plus ambitieuse ;

Considérant que ce socle est un véritable plan d’actions européen en matière sociale, en ce qu’il définit l’acquis social européen, ses limites, et donne les lignes directrices pour les futurs progrès sociaux européens ;

Considérant néanmoins que la faible valeur juridique du socle et la généralité des formulations de la plupart des droits qu’il recouvre nécessitent de s’assurer que des traductions concrètes soient proposées pour lui assurer une véritable opérationnalité ;

Considérant que l’Union économique et monétaire ne pourra ni se renforcer ni s’approfondir sans une convergence sociale ;

Considérant que l’Union souffre moins d’une absence de législation sociale que d’un manque de clarté et de vision commune de la définition de l’action optimale de l’Union européenne en la matière ;

Considérant qu’il y a une nécessité absolue à se doter d’une « Union sociale européenne » qui traduise en actes concrets ses hauts niveaux d’ambitions en la matière ;

1. Propose de continuer à progresser sur la question du travail détaché, en introduisant les cotisations sociales payées à hauteur des pratiques du pays d’accueil sur un Fonds européen, en accroissant les contrôles liés aux fraudes au travail détaché, en renforçant la coopération entre les États membres, en faisant mieux appliquer la procédure de redressement de cotisations sociales et en attribuant à l’Autorité européenne du travail un rôle et des compétences accrues en matière d’information, de coopération et de suivi des décisions ;

2. Demande l’introduction d’une « validation des acquis de l’expérience » européenne, ainsi qu’une facilitation de l’accès au service volontaire européen et au corps européen de solidarité ;

3. Juge indispensable la mise en place, en complément du dispositif actuel « Erasmus plus », d’un Fonds européen entièrement dédié à « Erasmus apprentissage » et d’un Fonds « Erasmus d’expérience européenne » pour les jeunes sans formation ni emploi issus de milieux défavorisés ;

4. Soutient l’objectif de simplification des démarches pour accéder à « Erasmus plus », et demande à ce qu’elles soient prolongées par des mesures favorisant la mobilité, notamment par l’accès à une ouverture de compte et aux facilités de paiement, l’introduction d’une coopération européenne plus aboutie en matière de logements étudiants, associant plus étroitement les communes européennes volontaires ;

5. Demande à ce que le principe de la reconnaissance mutuelle des diplômes soit étendu à l’ensemble des formations technologiques, techniques et aux parcours d’apprentissage ;

6. S’alarme de la fracture générationnelle qui se creuse et demande un grand plan d’investissement européen dans la « silver economy » ;

7. Propose de réviser la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, dans le but d’assurer une meilleure insertion des personnes handicapées sur le marché du travail et permettant notamment de fixer des objectifs chiffrés en matière d’inclusion dans le système éducatif avec accompagnement mais aussi d’intégration dans les entreprises européennes de travailleurs en situation de handicap ;

8. Regrette l’absence de l’économie sociale et solidaire dans l’ensemble des stratégies sociales européennes ; propose l’introduction dans le droit européen du concept de « lucrativité limitée » et demande à la Commission européenne de se doter d’une véritable stratégie de promotion et de soutien aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ;

9. Propose que la nouvelle Autorité européenne du travail englobe les quatre autorités européennes existantes liées au domaine du travail ;

10. Réaffirme l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en lien avec l’accès à l’emploi, et demande un grand plan d’investissement en faveur des structures de garde d’enfants, ainsi que la proclamation, dans un texte unique, des droits sexuels et reproductifs intangibles, la création d’un médiateur de la zone euro pour les situations de séparations familiales avec enfants pour les couples binationaux et enfin de nouveaux progrès en matière de garanties de transparence des rémunérations au niveau européen ;

11. Demande expressément à ce que des évaluations précises soient fournies à la fois par les États membres et la Commission européenne, sur la base de critères transparents, afin de mesurer l’impact des fonds sociaux européens, (notamment sur la réduction de la pauvreté et du chômage, l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, le nombre d’années de vie en bonne santé et le taux de privation matérielle sévère) et d’assurer un pilotage plus efficient des fonds structurels européens à vocation sociale ;

12. Sollicite la Commission européenne afin que celle-ci donne toutes les garanties que la fusion d’une partie des fonds sociaux européens sous le nom de « Fonds social européen plus » ne se fasse pas au détriment des objectifs et des financements ;

13. Défend une réforme en profondeur du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, allant notamment dans le sens d’une flexibilité accrue dans ses conditions d’accès, afin que celui-ci devienne un véritable « filet de sécurité » pour les travailleurs ayant perdu leur emploi ;

14. Demande à la Commission européenne de définir une stratégie claire dédiée à la question des nouvelles formes de travail, et en particulier le travail intermédié via les plateformes numériques ;

15. Plaide pour que la Commission européenne revoie systématiquement ses propositions en matière sociale, formulées dans le cadre de la procédure du Semestre européen, afin qu’elle en augmente la précision et l’opérationnalité, qu’elle en réduise le nombre et qu’elle les adapte plus finement aux situations sociales de chaque État membre ;

16. Demande à ce qu’une réflexion soit engagée sur la possibilité d’introduire une véritable « conditionnalité positive » de l’ensemble des fonds structurels à la réalisation d’objectifs sociaux ;

17. Propose l’introduction d’un sommet social de la zone euro une fois par an et d’un sommet social de l’Union européenne une autre fois dans l’année ;

18. Soutient pleinement la Commission européenne dans ses objectifs de traduire le socle en actes législatifs et en droits sociaux concrets pour les citoyens de l’Union ;

19. Appelle la Commission européenne à publier une directive-cadre qui définirait les prochaines traductions législatives du socle et leurs objectifs ;

20. Propose de prolonger la méthode de l’Union européenne en matière sociale, basée sur des « méthodes ouvertes de coordination », afin d’aligner le contrôle de la réalisation des objectifs sociaux sur la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, par une révision du règlement du 16 novembre 2011.