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N° 1953
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mai 2019.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
présentée par Mesdames et Messieurs
Philippe GOSSELIN, Damien ABAD, Louis ALIOT, Jean‑Philippe ARDOUIN, Nathalie BASSIRE, Thibault BAZIN, Valérie BAZIN‑MALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Thierry BENOIT, Marine BRENIER, Émilie BONNIVARD, Jean‑Yves BONY, Ian BOUCARD, Jean‑Claude BOUCHET, Jean‑Louis BOURLANGES, Pascale BOYER, Valérie BOYER, Guy BRICOUT, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Paul‑André COLOMBANI, Pierre CORDIER, Charles de COURSON, Claude de GANAY, Laure de LA RAUDIÈRE, Charles de la VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Vincent DESCOEUR, Nicole DUBRÉ‑CHIRAT, Virginie DUBY‑MULLER, Frédérique DUMAS, Laurence DUMONT, Pierre‑Henri DUMONT, Nicolas DUPONT‑AIGNAN, Sarah EL HAÏRY, Daniel FASQUELLE, Jean‑Jacques FERRARA, Agnès FIRMIN LE BODO, Patricia GALLERNEAU, Claude GOASGUEN, Jean‑Carles GRELIER, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mansour KAMARDINE, Brigitte KUSTER, Valérie LACROUTE, Jean‑Luc LAGLEIZE, Marc LE FUR, Sébastien LECLERC, Geneviève LEVY, David LORION, Marie‑France LORHO, Véronique LOUWAGIE, Gilles LURTON, Lise MAGNIER, Jean‑Louis MASSON, Emmanuelle MÉNARD, Paul MOLAC, Jérôme NURY, Bertrand PANCHER, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Christine PIRES BEAUNE, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Nadia RAMASSAMY, Frédéric REISS, Jean‑Luc REITZER, Vincent ROLLAND, Maina SAGE, Raphaël SCHELLENBERGER, Jean‑Marie SERMIER, Bertrand SORRE, Éric STRAUMANN, Jean‑Charles TAUGOURDEAU, Alain TOURRET, Cécile UNTERMAIER, Pierre VATIN, Patrice VERCHÈRE, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, Jean‑Pierre VIGIER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Considérant que le 6 juin 2019 marque le soixante‑quinzième anniversaire du débarquement de Normandie, assaut lancé en Normandie par les troupes expéditionnaires alliées, notamment américaines, britanniques, canadiennes et françaises, connu sous le nom de « Opération Neptune », première étape de l’« Opération Overlord » ;
Considérant que le D‑Day, cette « bataille suprême d’une croisade pour la démocratie », disait Eisenhower, a bouleversé le cours de la seconde guerre mondiale en faisant naître l’espoir de la libération de l’Europe de l’Ouest asservie au régime nazi et théâtre, pour la première fois de son Histoire, de crimes contre l’humanité formulés lors des procès de Nuremberg ;
Considérant que la journée du 6 juin 1944 symbolise l’honneur retrouvé et la renaissance de ces nations ;
Considérant qu’en rassemblant plus de 150 000 militaires des forces alliées, 5 000 navires et 11 000 avions, le Jour‑J ou D‑Day fut l’opération de débarquement militaire la plus spectaculaire et la plus importante de l’Histoire, minutieusement anticipée et préparée en Grande‑Bretagne sous la direction de l’état‑major allié et mise en action la veille depuis les côtes anglaises ;
Considérant que les soldats de trois divisions américaines, deux divisions britanniques et une division canadienne, portés par une gigantesque flotte, se sont lancés héroïquement à l’assaut de cinq plages de Normandie portant les noms de code « Utah », « Omaha », « Gold », « Juno » et « Sword », et ce dans des conditions météorologiques défavorables ;
Considérant qu’au sein de ces divisions ont combattu des soldats de nombreuses nationalités et notamment : belges, danois, néo‑zélandais, australiens, slovaques, polonais, tchèques, danois, norvégiens, luxembourgeois, grecs ;
Considérant qu’à ces divisions anglo‑saxonnes s’étaient joints les 177 bérets verts du premier Bataillon de fusiliers marins du commandant Philippe Kieffer. Que ces soldats français, qui avaient rejoint le Général de Gaulle dès 1940, furent les premiers, en ce 6 juin, à fouler le sable des plages normandes. Que les hommes du commando Kieffer, intégrés dans les troupes d’élite de Lord Lovat, ont atteint rapidement leurs objectifs, notamment la prise, dès le 6 juin au matin, du casino de Ouistreham, transformé en bunker par les allemands ;
Considérant qu’en prélude de la flotte de débarquement, un assaut aéroporté de grande ampleur permit la couverture constante des navires et des plages, ainsi que le déploiement d’un tapis de quatre mille tonnes de bombes sur les principaux sites de débarquement. L’aviation permit également un parachutage massif de troupes, destiné à sécuriser les abords d’une large zone située entre l’Orne et le Cotentin et à prévenir la controffensive des blindés allemands ;
Considérant que la conquête par les soldats des quelques centaines de mètres de sable sous un déluge de balles ennemies fut une épreuve terrible. Nombre de soldats furent tués dès leur descente des bateaux ;
Considérant qu’au soir de ce premier jour, le bilan était très lourd. Les forces alliées dénombrèrent quatre mille morts et plus de six mille blessés. Elles déplorèrent également de lourdes pertes matérielles. À Omaha, le bombardement naval ayant manqué sa cible, les obus se perdirent à l’intérieur des terres. Les chars amphibies, mis à l’eau trop tôt dans une mer encore très agitée par la tempête de la veille, coulèrent pour la plupart. Les premières vagues d’assaut, contraintes d’affronter la défense allemandes avec des armes trop légères, furent l’objet d’un effroyable massacre. Steven Spielberg dans « Il faut sauver le soldat Ryan » décrit avec minuties et réalisme ces assauts ;
Considérant que ces soldats, venus de très loin pour défendre une patrie qui n’était pas la leur, donnant ainsi leur vie pour notre liberté, étaient de très jeunes hommes. Certains avaient moins de 20 ans. Leur sang est à jamais mêlé à notre terre normande, au sens littéral du terme, car c’est ce sang versé qui l’a enrichie, et de cette terre qu’ont germé la liberté et la démocratie retrouvées ;
Considérant que des milliers de ces hommes tués au combat reposent en terre normande. Les cimetières de Saint‑Laurent, de Bayeux, de Benouville, de Saint‑James et de tant d’autres communes, émouvants lieux de mémoire et de recueillement, imposent au visiteur l’ampleur et la force du sacrifice ;
Considérant qu’au lendemain de l’établissement d’une tête de pont sur les côtes normandes, les forces alliées déployèrent une logistique jamais vue dans l’histoire, symbolisée par les deux ports artificiels d’Arromanches et Saint‑Laurent dans un premier temps puis par la Red Ball Express, dans un second temps, permettant, entre autres, l’approvisionnement du carburant par un pipe‑line établi entre le Royaume‑Uni et le port de Cherbourg.
Considérant que, malgré la violence des combats et les nombreuses pertes humaines, l’Opération Neptune signa une première victoire. Pour les alliés, soutenus par les actions de renseignement et de sabotage de la Résistance française, ce jour marqua le point de départ de la Bataille de Normandie, qui permettrait d’ouvrir un nouveau front en Europe de l’Ouest, face aux troupes du Troisième Reich ;
Considérant que dès le début de cette bataille, les Alliés furent témoins et victimes d’actes d’atrocités qu’ils n’imaginaient pas lors du débarquement. Fusillades, pièges et mines destinés à tuer ou à mutiler, explosifs cachés dans des habitations par les Allemands seront nombreux ;
Considérant que les bombardements incessants, détruisant en tout ou partie des centaines de villages, communes et villes et l’avancement rendu difficile par les haies du bocage normand, également propices aux embuscades et à une guerre de position meurtrière, entrainèrent un fort sentiment de détresse et de vulnérabilité chez les soldats ;
Considérant que près de 20 000 normands, victimes civiles innocentes, ont été tués, que des familles entières furent décimées, payant ainsi un lourd tribut à la libération de la Normandie, que des milliers de réfugiés furent jetés sur les routes de Normandie par la violence des combats.
Considérant que faute d’effectifs pour assurer convenablement la relève, un grand nombre des soldats débarqués le 6 juin durent combattre sans trêve jusqu’au mois d’août. On décela chez ces soldats héroïques de fréquents cas d’épuisement et de traumatismes psychiques, parfois irréversibles ;
Considérant que la Bataille de Normandie, qui fut l’une des plus dures et les plus violentes de la guerre à l’Ouest de l’Europe avec 30 000 morts chez les Alliés et autant chez les Allemands, conduisit heureusement à la Libération de Paris en août 1944 pour s’achever le 12 septembre 1944 avec la Libération du Havre. Mais il fallut de longs mois et de si nombreux morts, pour que la libération de la France et de l’Europe soit complète ;
Considérant le grand âge des derniers vétérans du D‑Day encore en vie – nous souhaitons rendre ici un hommage particulier à Léon Gautier, Hubert Faure et Jean Morel, derniers survivants du commando Kieffer dont 153 des 177 membres furent tués ou blessés pendant la Bataille de Normandie ‑ ainsi que le nombre désormais réduit des Résistants français ;
Considérant, plus généralement, que la quasi‑disparition de toute mémoire vivante de la Seconde Guerre mondiale rend plus que jamais nécessaire la transmission des enjeux et de l’intensité de cette période historique aux jeunes générations ;
Considérant que les plages Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword, auxquelles s’ajoutent de nombreux sites de la côte normande comme la Pointe du Hoc ou Cherbourg constituent un témoignage unique de notre Histoire ; que la demande de classement des plages du Débarquement au patrimoine mondial de l’Unesco reste plus que jamais d’actualité et doit être réaffirmée avec force ;
Considérant que sur ces sites furent retrouvées de nombreuses traces matérielles, épaves de bateaux et d’avions, obus, équipements militaires… qui témoignent de l’envergure exceptionnelle de l’opération de débarquement menée par les Alliés ;
Considérant que par‑delà ces objets militaires, il subsiste dans notre pays de très nombreuses traces écrites, photographiques ou cinématographiques de cette période. Courriers militaires ou privés, images d’archives filmées par des soldats ou des officiers, cette autre forme de mémoire, parfois quasi vivante, témoigne elle aussi de cet instant historique ;
Considérant qu’à travers une action rigoureuse de conservation, plusieurs musées normands de grande renommée entretiennent, eux aussi, de précieux souvenirs de ces événements ;
Considérant que la gratitude du peuple français pour le sacrifice et l’héroïsme des jeunes soldats ayant débarqué le 6 juin 1944 en Normandie dépasse la simple notion de souvenir et que leur action historique restera à jamais gravée dans notre mémoire nationale ;
Considérant, en cette veille d’élections européennes, que cet événement majeur est à la source d’une réconciliation entre les peuples, posant ainsi les fondations d’une Europe unie et en paix ;
Considérant que cette résolution s’inscrit dans une démarche d’unité et de fraternité, à la portée universelle, nous devons tous, Européens de toutes nations, reconnaissance et gratitude envers ceux qui se sont unis pour libérer notre continent afin qu’il retrouve une paix durable.
proposition de RÉSOLUTION
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
1. Demande que soit reconnu et célébré le soixante‑quinzième anniversaire du Débarquement allié qui s’est déroulé le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie ;
2. Souhaite que la représentation nationale exprime sa gratitude envers l’héroïsme des vétérans américains, britanniques et canadiens, et plus largement envers l’héroïsme des soldats de toutes les nations alliées et qu’elle rende un hommage particulier aux derniers vétérans du Commando Kieffer et aux Résistants français ;
3. Souhaite que la commémoration du Jour‑J, si elle renvoie au conflit le plus terrible de notre Histoire, constitue avant tout un message de paix et de courage, à vocation universelle, à l’heure où le monde est confronté à la lâcheté du terrorisme, nouvelle forme de guerre ;
4. Rappelle que ce Jour‑J, comme tout ce qui s’inscrit dans l’Histoire mondiale, relève d’un héritage dont nous, citoyens français, sommes les comptables et dépositaires, véritables passeurs de mémoire entre les générations et les peuples ;
5. Remercie à ce titre les jeunes de Normandie et ceux de tous les pays qui perpétueront à leur tour ce devoir de mémoire par leur présence active lors des cérémonies commémoratives du soixante‑quinzième anniversaire du Débarquement de Normandie.