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N° 2271

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à faire de la recherche médicale
une grande priorité nationale,

présentée par Mesdames et Messieurs
 

JeanPierre DOOR, Patrick HETZEL, Damien ABAD, Emmanuelle ANTHOINE, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Émilie BONNIVARD, Ian BOUCARD, Bernard BROCHAND, Valérie BOYER, Jacques CATTIN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Gérard CHERPION, Pierre CORDIER, Josiane CORNELOUP, MarieChristine DALLOZ, Daniel FASQUELLE, Claude de GANAY, JeanJacques GAULTIER, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Michel HERBILLON, Sébastien LECLERC, Geneviève LEVY, David LORION, Guillaume PELTIER, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Alain RAMADIER, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bernard REYNÈS, Vincent ROLLAND, Martial SADDIER, Éric STRAUMANN, Michèle TABAROT, Laurence TRASTOURISNART, Pierre VATIN, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France a longtemps été un des pays européens dont la part du produit intérieur brut (PIB) consacrée à la recherche, du fait de l’effort budgétaire de l’État était la plus élevée. Cet effort trouvait sa source dans une volonté politique consistant à hisser la recherche et les technologies françaises à leur plus haut niveau et à instituer un pilotage national et une coordination de celles‑ci. Sous l’impulsion du général de Gaulle et de Michel Debré la recherche scientifique et technique devient une priorité nationale. Une politique spatiale est alors lancée ; un statut de chercheur est institué. En 1958 ont également été créés les centres hospitaliers régionaux (CHU) ainsi qu’un corps de professeurs hospitaliers et universitaires plein temps (PU‑PH) devant assurer la triple fonction de soins, d’enseignement et de recherche. Il s’agissait de mobiliser les ressources disponibles en vue d’élever la part du PIB consacrée à la recherche. Celle‑ci a atteint 2,4 % dans les années 1990. Ainsi plus récemment, entre 2006 et 2016, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) a progressé de 1,6 % par an, soit à un rythme deux fois supérieur à la progression du PIB.

Mais en 2017 la DIRD n’a que légèrement progressé, + 0,6 % en volume par rapport à 2016 tandis que le PIB augmentait de 2,2 %. Avec 2,19 % du PIB consacré à la recherche intérieure en 2017, la France se place en deçà de l’objectif de 3 % assigné par l’Union européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020, ainsi que de son propre objectif fixé dans le cadre de la stratégie nationale de la recherche (SNR).

L’objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche et au développement était aussi une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Or force est de constater que la France n’est plus qu’à l’avant‑dernière place parmi les six pays de l’OCDE les plus importants en terme de volume de DIRD, derrière la Corée du Sud (4,2 %), le Japon (3,1 %), l’Allemagne, qui s’est fixé un nouvel objectif à 3,5 % (2,9 %), et les États‑Unis (2,7 %).

Alors que l’aide à la recherche se développait dans les pays étrangers concurrents, le budget de fonctionnement des laboratoires français se réduisait. L’Index 2019 publié par la revue Nature, qui passe en revue la hiérarchie mondiale de la recherche scientifique, montre que si le CNRS y reste bien classé, la France a connu un déclin marqué en 2018. Le recul de la recherche scientifique française apparaît aussi à travers la baisse de la part mondiale de ses publications scientifiques. Même si le nombre de publications des laboratoires français a augmenté, malgré la baisse de la dépense publique de recherche et la stagnation des effectifs, avec des résultats très notables en biologie, immunologie, physique et imagerie, chimie et mathématiques, la part mondiale des publications de la France a diminué pour passer de la cinquième à la septième place.

Le caractère alarmant de la situation de la recherche française s’est accentué. Il est transposable à la recherche médicale. Dans le domaine de la recherche clinique, par exemple, selon le registre européen des essais cliniques sur de nouveaux médicaments, la France est aujourd’hui dépassée par la plupart des autres grands pays européens, loin derrière l’Allemagne, le Royaume‑Uni et même la Belgique. La Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités avait déjà, l’an dernier, appelé à définir une stratégie de financement, qui permette d’allouer plus de moyens aux chercheurs pour soutenir leurs projets, grâce à un réel pilotage budgétaire stratégique fondé sur l’évaluation de la recherche effectuée.

De même, si la Cour des comptes considère dans une communication de décembre 2017 que le modèle de coopération établi entre les universités et les CHU au service de l’excellence médicale a montré sa pertinence, elle souligne cependant ses fragilités et appelle à une adaptation de son organisation actuelle pour répondre aux nouveaux enjeux de la formation médicale et de la recherche. La Cour observe qu’en matière de recherche biomédicale, l’objectif des pouvoirs publics devrait être de faire émerger cinq à dix CHU dont l’activité de recherche bénéficierait d’une visibilité internationale suffisante en confiant à ces pôles une responsabilité de tête de réseau, et en intégrant dans le modèle d’allocation de leurs moyens des objectifs de coopération et de soutien des établissements partenaires. La Cour des comptes considère également que le pilotage national de la recherche biomédicale doit être renforcé grâce à une meilleure coordination des administrations centrales chargées de la santé et de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Ce constat d’une crise de la recherche médicale française est partagé par les quatre conférences de santé en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique. Les quatre conférences de santé considèrent en effet que ce déclin est dû essentiellement à quatre causes : la complexité de l’organisation et de la gouvernance de notre recherche, un déficit et une complexité des financements publics et privés, un défaut d’attractivité des métiers de la recherche notamment pour les professions de santé, et enfin, une compétition internationale déstructurante qui met en lumière une inadaptation de l’organisation de notre recherche à la culture internationale et qui entraîne une fuite des cerveaux.

Le 1er février 2019, le Premier ministre a annoncé la préparation d’un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. L’élaboration de ce projet de loi de programmation est l’occasion de promouvoir une transformation de notre système hospitalo‑universitaire et de rappeler que la recherche scientifique, notamment la recherche médicale, doit redevenir une priorité nationale.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant le déclin du financement de la recherche en France notamment au vu de la diminution de l’effort de recherche par rapport à l’évolution du PIB ;

Considérant le recul de la France dans la hiérarchie mondiale de la recherche scientifique ;

Considérant le caractère insuffisamment opérationnel de la stratégie nationale de recherche,

Considérant la complexité de la gouvernance, du financement et de l’organisation de la recherche ;

Considérant le défaut d’attractivité des métiers de la recherche médicale ;

1. Invite la Gouvernement à faire de la recherche médicale une priorité nationale et à accentuer cet effort de recherche dans des champs disciplinaires nouveaux ;

2. Souhaite à cette fin que l’effort de recherche de la nation rattrape son retard par rapport aux autres pays de l’OCDE pour atteindre et même dépasser 3 % du PIB ;

3. Invite le Gouvernement à définir une stratégie de financement, qui permette d’allouer plus de moyens aux chercheurs pour soutenir leurs projets, grâce à un réel pilotage budgétaire ;

4. Invite le Gouvernement à présenter dans les annexes budgétaires et notamment dans le « jaune budgétaire » consacré à la recherche, une ventilation des dépenses publiques de recherche consolidées par grands domaines de recherche, faisant apparaître les crédits de la recherche médicale, que ces financements soient issus de dotations budgétaires, de ressources propres ou de financements par projet ;

5. Encourage le Gouvernement à rendre la recherche médicale plus attractive, à revaloriser l’emploi scientifique notamment par l’augmentation des traitements et salaires des chercheurs et à relancer les politiques de soutien à la culture scientifique et technique ;

6. Souhaite que soient confiées aux établissements nationaux de recherche des missions nationales et internationales coordonnées par l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) avec l’engagement de proposer une véritable stratégie nationale de recherche ;

7. Souhaite une simplification du financement public et privé de la recherche ainsi qu’un assouplissement des règles de comptabilité et de gestion des établissements publics à caractère scientifique et technologique, afin d’adapter ces établissements à la réactivité nécessaire dans un espace mondial de la recherche de plus en plus concurrentiel ;

8. Plaide pour une meilleure programmation budgétaire pluriannuelle reconnaissant la nécessité d’investissements sur le long terme en équipement et en personnels des laboratoires de recherche ;

9. Plaide pour la mise en place des réseaux de recherche visant à renforcer la recherche appliquée notamment en soins premiers dans un cadre pluridisciplinaire en associant l’ensemble des métiers de santé ;

10. Plaide pour le renforcement de la synergie entre le soin, la formation et la recherche dans le nouveau contexte hospitalo‑universitaire ;

11. Souhaite une simplification de l’organisation et de la gouvernance de la recherche médicale avec l’appui d’un Comité de recherche en matière biomédicale et de santé publique territorialisé ;

12. Invite le Gouvernement à une rénovation de la relation entre le CHU et l’Université en vue du développement de la recherche médicale de demain fondée sur les données de santé ;

13. Encourage le Gouvernement à développer la formation aux nouveaux métiers de la recherche médicale ;

14. Plaide pour l’accompagnement des chercheurs dans leur tâche de recherche et pour une meilleure vision pluriannuelle de leurs moyens ;

15. Souhaite une simplification et une accélération des procédures administratives et règlementaires de la recherche appliquée à la personne humaine pour les projets académiques et les projets à promotion industrielle ;

16. Souhaite que soient favorisés les projets public‑privé à l’instar des projets de recherche hospitalo‑universitaire en santé (RHU) et des projets Instituts hospitalo‑universitaires (IHU) ;

17. Invite le Gouvernement à améliorer la valorisation des résultats et le transfert industriel des découvertes biomédicales issues des laboratoires au moyen de partenariats industriels ;

18. Invite le Gouvernement à développer la formation à la recherche et à mettre en place une véritable politique en direction des jeunes chercheurs et dans la perspective de lutter contre la « fuite des cerveaux », ainsi qu’à trouver les moyens de nature à favoriser leur mobilité à l’intérieur même de l’Union européenne ;

19. Souhaite l’approfondissement de l’évaluation qualitative, fondement de la démarche scientifique qui pourrait davantage servir à l’allocation des moyens à l’échelon des établissements ;

20. Souhaite la mise en place de nouvelles stratégies de validation et de sécurisation de la recherche.