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N° 2275

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant  à la création d’une commission d’enquête relative
aux dysfonctionnements et manquements relatifs à la gestion
par les pouvoirs publics de l’incendie du site industriel Lubrizol à Rouen le 26 septembre 2019 ainsi que ses conséquences sanitaires et environnementales réelles,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par Mesdames et Messieurs

JeanLuc MÉLENCHON, Mathilde PANOT, Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Danièle OBONO, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, JeanHugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 26 septembre 2019 à 2 h 40 un incendie s’est déclaré à l’usine Lubrizol, à Rouen. Ce site industriel classé Seveso seuil haut, construit en 1954, emploie environ 400 personnes dans la fabrication d’additifs et lubrifiants industriels pour les huiles de moteur et carburants essence et diesel. Il appartient au groupe de chimie américain Lubrizol Corporation, lui‑même propriété du fonds d’investissement Berkshire Hathaway possédé par Warren Buffet, troisième fortune mondiale.

Plusieurs incidents et manquements aux règles relatives à la prévention des risques technologiques dans les sites Seveso sont imputables à cette entreprise. Le 21 janvier 2013, l’émission d’un nuage de gaz mercaptans est perceptible jusqu’en Angleterre. Le mardi 3 septembre 2019, un incendie s’est déclaré dans l’usine Lubrizol, à Oudalle, près du Havre (Seine‑Maritime). À la suite des procédures administratives et judiciaires engagées, Lubrizol avait été condamné en 2014 à une amende de seulement quatre mille euros pour « négligence ». En 2017, Lubrizol avait été mis en demeure par l’administration pour 17 manquements. L’incendie qui s’est déclaré le 26 septembre peut être considéré comme le plus important accident industriel en France depuis AZF à Toulouse en 2001.

Les services de secours sont intervenus dans la nuit et le plan particulier d’intervention a été déclenché. Ont notamment été décidés : le confinement de la population dans le périmètre de cinq cents mètres autour du site, l’ouverture d’un centre opérationnel départemental et la fermeture des crèches et établissements scolaires dans 13 communes. Une enquête judiciaire a été ouverte dès le jeudi 26 septembre par le parquet de Rouen pour déterminer les causes de l’accident et pour destructions involontaires. Celle‑ci a été élargie le 28 septembre au chef de mise en danger de la vie d’autrui.

Il convient de s’interroger sur les manquements et dysfonctionnements dans la prévention et la gestion de cet accident industriel majeur. Diverses recommandations ont été transmises à la population par la préfecture de Seine‑Maritime. Toutefois, celle‑ci a insisté à plusieurs reprises sur le danger limité des fumées : « il nest pas mesuré de toxicité aiguë dans lair », « malgré une odeur désagréable le risque pour la population reste faible ». Ce nest que le lendemain de lincendie, à 16 heures, soit le vendredi 27 septembre, que les services de l’État ont précisé sur la base de premières analyses des fumées et des retombées de suie quil ny avait pas de « toxicité aigüe ». Pourtant, des habitants se sont plaints d’irritations de la gorge, de maux de tête et de nausées et les locaux de France 3 Rouen ont été évacués.

Il a fallu attendre le dimanche 29 septembre à 17 heures, pour que la préfecture annonce une « qualité de lair habituelle en milieu urbain » malgré des taux de benzène élevés sur le site, de l’amiante dans les toits ayant brûlés et la présence de plomb dans les suies. Il s’agit d’annonces contradictoires avec les mesures conservatoires les accompagnant, eu égard notamment aux produits agricoles. À ce jour, la nature exacte et la liste des produits stockés à Lubrizol et ayant brûlé n’a toujours pas été rendue publique. Des retombées de suies ont été constatées jusqu’en Belgique. Les habitants et élus sont inquiets quant aux effets à court et long terme de cette pollution. Au côté des associations, ils dénoncent le manque de transparence des autorités sur les résultats des analyses des prélèvements effectués. À ce jour, aucun dispositif de suivi sanitaire de la population n’a été annoncé.

Il apparaît clair que l’action des pouvoirs publics n’est pas à la hauteur de la gravité de la situation. La communication officielle traduit un manque de transparence incompatible avec les risques potentiels pesant sur les habitants et les écosystèmes. Alors que les normes environnementales doivent être exigeantes, les contrôles des sites sensibles effectués par des agents publics et les sanctions sévères, la politique du gouvernement affaiblit les normes environnementales et les moyens humains dédiés aux contrôles.

Une commission d’enquête doit être constituée pour examiner les conditions de la gestion de cette crise et faire la lumière sur les responsabilités autant que les conséquences. Il convient d’évaluer :

– Les dispositifs d’alerte et d’information de la population dans le cas de l’incendie de Lubrizol et plus généralement en cas d’accident industriel ;

– Le manque de transparence des données des analyses sur les risques encourus ;

– La mise en œuvre de protocoles de suivi sanitaire de la population ;

– La surveillance des risques technologiques relatifs au site Lubrizol de Rouen, et des sites Seveso dans leur ensemble ;

– La faiblesse des sanctions applicables en cas de manquement des entreprises ;

– Les conséquences des politiques austéritaires et de « simplification du droit de l’environnement » sur les moyens consacrés à la prévention des risques technologiques et au contrôle des sites Seveso.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée d’enquêter sur les dysfonctionnements et manquements relatifs à la gestion par les pouvoirs publics de l’incendie du site industriel Lubrizol à Rouen le 26 septembre 2019 ainsi que ses conséquences sanitaires et environnementales réelles.